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logo ressource btn Les Jeux Olympiques modernes : enjeux économiques

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Avril 2011

Les  Jeux Olympiques modernes couvrent de nombreux domaines. Cet article aborde essentiellement l'aspect économique.

Une des règles fondamentales du CIO implique la candidature d'une ville (et non d'un pays). Mais le gigantisme des Jeux actuels et  l'extrême médiatisation font que le sport ne peut se passer de l'État sur le plan financier et logistique. Accueillir les J.O devient pour une grande ville, une région, un pays à la fois une "vitrine technologique", une occasion de se placer sur le plan international, de se doter rapidement d'infrastructures importantes. L'État se pose donc en partenaire privilégié des préparatifs. Ces gigantesques travaux ne présentent pourtant pas que des avantages pour la population.

 

LES INFRASTRUCTURES

1) Les voies de communication

Dans des zones souvent encombrées, l'afflux de milliers de personnes implique un réaménagement des accès.

Viaduc en Savoie
Autoroutes, ouvrages d'art, renforcement des réseaux ferrés, représentent des travaux importants, source d'emplois (pendant une certaine période), d'ouverture future au tourisme, ou de renforcement des échanges. Mais les résidents supporteront des mois (ou années) de difficultés dues aux travaux, et l'impact sur l'environnement n'est pas négligeable.
Ainsi, pour les J.O d'Albertville (1992), un des enjeux était
l'amélioration du réseau routier de la Tarentaise (en Savoie), déjà abordée en 1983 pour des raisons touristiques : autoroute, déviations, viaduc, élargissement. Tous ces investissements importants sont pris en charge par le département mais aussi par l'État.
 Dans des zones souvent encombrées, l'afflux de milliers de personnes implique un réaménagement des accès.

Autoroutes, ouvrages d'art, renforcement des réseaux ferrés, représentent des travaux importants, source d'emplois (pendant une certaine période), d'ouverture future au tourisme, ou renforcement des échanges. Mais les résidents supporteront des mois (ou années) de difficultés dues aux travaux, et l'impact sur l'environnement n'est pas négligeable.
Ainsi, pour les J.O d'Albertville (1992), un des enjeux était
l'amélioration du réseau routier de la Tarentaise (en Savoie), déjà abordée en 1983 pour des raisons touristiques : autoroute, déviations, viaduc, élargissement. Tous ces investissements importants sont pris en charge par le département mais aussi par l'État.

 
 
 
 
 
               Viaduc autoroutier en Savoie
 
2) Les lieux d’accueil
Tout d'abord, vient à l'esprit l'accueil des athlètes et de ceux qui les entourent, autrement dit le « village » olympique. En fait, le terme recouvrirait plutôt une opération immobilière à longue échéance car, étrenné par les participants aux JO, le village olympique s'inscrit dans une perspective d'urbanisation et est conçu pour une utilisation future, et ne répond pas forcément aux besoins spécifiques des athlètes.
Ainsi l'édification du village olympique de Barcelone représente pour la ville l'occasion de rénover le quartier du Poblenou : à la place des usines et des entrepôts plus ou moins abandonnés, 2 500 appartements sont édifiés. Ceci est l'amorce d'un nouveau quartier de plus de 6000 logements.
 
Le village olympique de Rio a causé de nombreux problèmes pour une partie de la population.
 

 

 3) les installations sportives

L'audience planétaire, le nombre et la qualité des athlètes entrainent la ville (le pays) dans une concurrence toujours accrue pour le nombre, la taille des lieux de compétition. Mais ces immenses stades seront-ils vraiment utilisés ? Profiteront-ils à la population qui les a payés ?

La piste de bobsleigh de La Plagne (Jeux d'Albertville, 1992) a été, depuis le début des travaux, au centre d'une polémique : elle s'inscrit dans un site instable et 45 tonnes d'ammoniac toxique produisent le froid nécessaire au conditionnement des pistes. Mais, contrairement à celle de Grenoble (1968) et malgré des frais d'exploitation énormes (estimés à environ 3,5 millions de francs pour un village de 1500 habitants) elle est toujours exploitée, et entre dans le cadre des installations inscrites dans le dossier de candidature d'Annecy pour les Jeux de 2016.

 

 

 
À Athènes, les installations édifiées à grands frais pour les Jeux de 2004 sont quatre ans plus tard abandonnées à 70%. Ainsi la ville s’est lourdement endettée pour voir plusieurs de ses quartiers défigurés par des édifices fermés et qui tombent en ruines. Le propriétaire d’un des rares stades reconvertis (en salle de spectacles) regrette la lourdeur administrative qui entrave d’autres reprises.À Athènes, les installations édifiées à grands frais pour les Jeux de 2004 sont, quatre ans plus tard


 

 

Le stade olympique d'Athènes 

 

 

 

 LA TÉLÉVISION

1) Les moyens techniques 

 

 Les milliers de journalistes, les milliards de lecteurs et téléspectateurs, la part énorme du budget de recettes méritent que le centre de presse soit l'objet de bien des soins et de bien des enjeux :

« La Corée a édifié deux centres de presse géants : l'un de 24 000 m2 entre le village de presse et le village olympique, l'autre -11 étages, 74 000 m2 - hébergera les diffuseurs.
Les responsables de la télévision coréenne (KBS) ont annoncé qu'ils utiliseraient 229 caméras, 72 magnétoscopes pour les ralentis et plus de 1200 postes de commentateurs pour la couverture médiatique la plus complète de l'histoire des Jeux.
Les moyens au sol seront complétés par des hélicoptères équipés de caméras et d'une « caméra volante »
(sky cam) télécommandée, d'une autonomie de quatre heures et pouvant s'élever à plus de 200 mètres du sol.
Chaque jour, un signal international de télévision sera produit. Il comprendra des informations de base comme les résultats, les ralentis, le chronométrage et le son d'ambiance mais sans le commentaire."
 

 L'Équipe du 1/09/1988  (D'après l'AFP 

 

 

 2) l’audience

Ces efforts, les prix énormes payés par les chaînes, les pressions exercées sur l'organisation des épreuves pour les faire coïncider avec les heures de grande écoute se révèlent-ils rentables ?
Quelques mois avant les Jeux de Séoul, une enquête (organisée par le chantier BT2) auprès des lycéens a permis de définir les sports qu'ils souhaitaient pouvoir suivre. En voici les résultats :
 - loin en tête, la natation (en comptant la natation synchronisée et le plongeon) ;
- puis – à égalité - l'athlétisme et la gymnastique ;
- le tennis ;
- l'équitation, le football et le judo.
Les autres sports sont à peine cités.
La télévision répond-elle donc à ces attentes ?
En 1988 la grève des chaînes publiques françaises ayant bouleversé les programmes prévus, l’analyse précise est pratiquement impossible. Les moments importants des trois sports principalement cités ont certes donné lieu à des retransmissions assez détaillées, mais on a aussi vu de larges extraits de matches de boxe. L' équitation fut, elle, la grande oubliée.
La  télévision coréenne restait le maître d'oeuvre des prises de vue, ce qui expliquent peut-être certains écarts importants avec les attentes européennes. Car le pays comptait beaucoup sur ses boxeurs pour bien se classer au « hit-parade des médailles ».
Les analyses montrent par ailleurs que les Jeux de Moscou en 1980 n'ont recueilli en France que 3,7 % d'audience l'après-midi (contre 70 % pour la demi-finale du Mondial de football de 1982, et 17 à 20 % pour un match de rugby du tournoi des Cinq Nations).
Ces chiffres et ces attitudes contradictoires montrent que, dans leur recherche d'audience, les chaînes louvoient entre des catégories de téléspectateurs ayant des aspirations tranchées et très différentes. Mais elles continuent à investir beaucoup dans les JO par :
- besoin de prestige (les Jeux sont le premier événement médiatique du monde) ;
- intérêt direct (3,7 % d'une population représentent tout de même un beau public et elles «fidélisent» les amateurs de sport, deux arguments pour les annonceurs) ;
- intérêt indirect (à la veille de ces grands rendez-vous, la vente des téléviseurs et magnétoscopes monte en flèche et les fabricants en profitent pour lancer les nouvelles technologies).

 Surtout, et cela explique le nombre toujours important de candidatures malgré les risques financiers, la télévision est un formidable moyen de se faire connaître, de faire passer dans le monde entier une certaine image du pays. 

  Qui paie ? Outre la ville et l'État, des partenaires privés interviennent.

 

LES SPONSORS

1) Les entreprises :

 

Qui sont les partenaires privés ?
Représentant une forte proportion des recettes, la commercialisation du logo olympique d'Albertville a fait l'objet d'un programme très particulier. Il existe trois degrés de partenariat.

 

Le Club Coubertin
Il s'agit d'un groupe de douze entreprises, nombre volontairement limité afin de maximiser les retombées de notoriété et de partager les privilèges d'être présents dans les meilleures conditions durant les Jeux.
En contrepartie des sommes versées (50 MF -environ 7,5 millions d'Euros-),
le COJO1 a mis à leur disposition un ensemble complet de droits et prestations exclusifs.
Le Club Coubertin s'est intéressé à la préparation des athlètes français de la Fédération Française de Ski et de celle des sports de glace par une aide de 7 MF (bourses d'entraînement, prestations de services, financement de stage, achat de matériel).
 
Le programme TOP
Il réunit des grands groupes industriels internationaux qui sont partenaires du CIO pour les Jeux d'Albertville et Barcelone. Les sommes recueillies par le CIO sont ensuite réparties notamment entre le COJO (Comité d’organisation des Jeux olympiquesd’Albertville), le COOB (Comité d'Organisation de Barcelone) et le Comité National Olympique américain.
Les Fournisseurs Officiels
Ces entreprises, au nombre de 20, sont appelées à couvrir les besoins du COJO qui n'ont pas été pris en charge par les membres du Club Coubertin notamment dans des secteurs techniques requis pour l'organisation des Jeux.
Une exclusivité totale leur est accordée pour la catégorie de produits ou services qu'ils représentent.

Le Club Coubertin

Il s'agit d'un groupe de douze entreprises, nombre volontairement limité afin de maximiser les retombées de notoriété et de partager les privilèges d'être présents dans les meilleures conditions durant les Jeux.
En contrepartie des sommes versées (50 MF -environ 7,5 millions d'Euros-),
le COJO (Comité d'organisation des Jeux Olympiques d'Albertville) a mis à leur disposition un ensemble complet de droits et prestations exclusifs.
Le Club Coubertin s'est intéressé à la préparation des athlètes français de la Fédération Française de Ski et de celle des sports de glace par une aide de 7 MF (bourses d'entraînement, prestations de services, financement de stage, achat de matériel).
 
Le programme TOP
Il réunit des grands groupes industriels internationaux qui sont partenaires du CIO pour les Jeux d'Albertville et Barcelone. Les sommes recueillies par le CIO sont ensuite réparties notamment entre le COJO , le COOB (Comité d'Organisation de Barcelone) et le Comité National Olympique américain.
Les Fournisseurs Officiels
Ces entreprises, au nombre de 20, sont appelées à couvrir les besoins du COJO qui n'ont pas été pris en charge par les membres du Club Coubertin notamment dans des secteurs techniques requis pour l'organisation des Jeux.
Une exclusivité totale leur est accordée pour la catégorie de produits ou services qu'ils représentent.
 

2) Quels sont leurs espoirs ?

 

« L'avenir s'annonce même des plus roses. Un institut de recherches économiques de Séoul prévoit que le taux de croissance annuel de ce secteur sera de 15 % dans la prochaine décade.
Une hypothèse optimiste qui repose sur un pari : comme toutes les entreprises du pays, les fabricants d'articles de sport doivent surmonter le fort handicap de compétitivité qui résulte de la hausse rapide des salaires et de la montée du won vis à vis du dollar.
La première parade, qui a la faveur des autorités coréennes, c'est de diminuer la part de la sous-traitance effectuée pour le compte des entreprises japonaises et occidentales (95% de la production totale de l'industrie du sport coréenne !) au profit du lancement de marques locales. Objectif : combattre l'érosion de la compétitivité en ramenant de la valeur ajoutée en Corée. Une poignée d'audacieux ont osé : ce sont les rares grandes entreprises du secteur en Corée comme H.S. Corporation (marque de chaussures Le Caf), Kukje-ICC (marque Pro Specs), Kolorl (marque de vêtements de sport Activ) ou Nassau (balles et raquettes du même nom). Pour eux les Jeux Olympiques constituent la rampe de lancement idéale. « En 1936 les Jeux de Berlin ont lancé Adidas et Puma, en 1964 les Jeux de Tokyo ont propulsé Asics Tiger et Mizuno, à nous d'en faire autant avec Le Caf et Pro Specs ", rêve déjà Kim Nack-kyeong. Ces entreprises ont cassé leurs tirelires pour décrocher les titres recherchés de fournisseurs officiels des Jeux dans un maximum de disciplines, bénéficiant, il est vrai, au passage de la bienveillance chauvine des organisateurs.
De source locale, on estime que 70 % des articles de sport (à l'exclusion des chaussures et des tenues pour lesquels chaque délégation a ses propres contrats avec des fournisseurs) utilisés pendant les Jeux seront fabriqués en Corée.
"

Article extrait de L’Équipe du 21/09/1988

Les partenaires paient fort cher le droit de participer à un défi. Cette participation a pour objectif :
- des retombées publicitaires (directes ou indirectes, proches ou à longue échéance) ;
- un esprit d'entreprise, par exemple à travers la mise en place du trophée Coubertin, qui réunit tous les membres du club autour d'une compétition sportive ayant lieu sur les sites mêmes des Jeux ;
- un moyen de gagner quelques places dans le concert international.
Pour participer aux installations, les entreprises doivent démarcher très tôt (dès les dépôts de candidatures) avec des projets élaborés. Les entreprises françaises profitèrent peu des dernières olympiades, mais restent présentes, comme à Rio (2016)

 

3) La commercialisation des symboles
 

Elle passe déjà par la mascotte: image du pays destinée à orner tous les objets fabriqués et vendus pendant des années, elle représente un enjeu non négligeable (près de 287 millions de dollars pour Los Angeles).

La commercialisation des symboles inclut aussi les anneaux, propriété du CIO, symbole majeur et donc d'emploi strict et par là même source de bien des enjeux et luttes. Ils ne peuvent être utilisés que par les sponsors, les fournisseurs officiels et les sites olympiques.
S’y ajoute le nouveau programme de commercialisation des monnaies destiné à célébrer le centenaire. De 1992 à 1996, cinq pays émettront des monnaies originales pour rappeler les grandes étapes de l' olympisme moderne. Le CIO comme le COJO verront ainsi s'accroître, et surtout se diversifier, leurs revenus.
La gestion de ces énormes intérêts passe par des professionnels: «agents» ou «intermédiaires». Le CIO a un contrat avec ISL, filiale d' Adidas. Or Albertville et Barcelone ont choisi d'autres agences, ce qui peut être gage d'indépendance mais rend l'exclusivité difficile à établir pour les firmes qui demandent des garanties avant de s'engager dans les énormes frais du parrainage.

À Séoul, il y eut un seul Français fournisseur officiel pour les revêtements synthétiques des sols des terrains de volley, hand et badminton. En fait, les appels d'offres couronnent à 90 % des entreprises déjà présentes lors d'olympiades précédentes. 

 

LES RETOMBÉES ATTENDUES PAR LA VILLE ORGANISATRICE 1

 

D’après le « Courrier de Paris » de Nov/Déc 2004, les responsables du comité de candidature de Paris pour les Jeux de 2012, espéraient, avant l’ouverture des Jeux, une injection de 6 milliards d’Euros dans l’économie et la création de 57 à 63000 emplois entre 2005 et 2012.
Puis 35 milliards de retombées entre 2012 et 2019.
Obtenir l’organisation des Jeux aurait permis
-         de développer la «visibilité» et d’attirer tourisme, organisation de congrès et de salons
-         de doper les carnets de commandes des architectes, du BTP, des concepteurs de matériel sportif, …
-         d’améliorer les infrastructures.
Mais il s'agit d'analyses et de projections, et la réalité après les Jeux n'est pas toujours à la hauteur des attentes.

 

1.Voir aussi l'article: J.O: être ville olympique

 

Source : 
BT2 n° 242, Les Jeux Olympiques modernes, une spirale sans fin, Décembre 1991
Crédit iconographique : 
Photos P. Carpentier, A.Troncy
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