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Les Dossiers Pédagogiques de l'Educateur n° 38 - La Méthode naturelle en histoire, géographie et sciences d'observation

Octobre 1968

Les dossiers pédagogiques de l’Educateur n°38

Supplément au numéro 1 du 1er octobre 1968

 

LA MÉTHODE NATURELLE

en histoire, géographie

et sciences d'observation

par Fernand DELÉAM

   

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Sommaire

- Vers une pédagogie moderne
- Ne pas aller à contre-courant
- L'enfant et son environnement
- Partons à la découverte
- Pour en savoir toujours plus
- Le besoin de communiquer
- Vers une vraie culture
- En guise de conclusion


LA MÉTHODE NATURELLE

en Histoire, Géographie et Sciences d'Observation

par Fernand Deléam

Vers une pédagogie moderne

1920 : Célestin Freinet rentre, blessé de la guerre. “Faire des leçons à des enfants qui n'écoutent pas et ne comprennent pas, s'interrompre à tout instant pour rappeler à l'ordre les rêveurs et les indisciplinés... C'était là, peine perdue... Il fallait donc que je cherche hors de la scolastique, dont s'accommodait tant bien que mal la masse de mes collègues, une solution nouvelle, une technique de travail qui soit à la mesure de mes possibilités.”( Les techniques Freinet de l'École Moderne, C. Freinet (Colin-Bourrelier) page 15)

1923 : Les Instructions Ministérielles commencent à condamner le cours magistral et le manuel scolaire : “Dans toutes les écoles et à tous les cours, la méthode employée doit être une méthode fondée sur l'observation et l'expérience. C'est à dessein qu'on a effacé du programme aux CP, CE, CM, le titre : Sciences physiques et naturelles, pour les remplacer par cette expression : leçons de choses, en classe et en promenade. Elle signifie que le livre ne doit jouer dans cet enseignement, qu'un rôle secondaire. Elle signifie que le maître n'a pas à faire de cours :: il doit, en classe et en promenade, faire observer et faire expérimenter.” (Dossier pédagogique n°2 : Références aux Instructions Ministérielles, page 5.)

1926 : La correspondance interscolaire est amorcée entre l'école de Bar-sur-Loup où exerce Freinet et celle de Saint-Philibert-de-Trégunc (Finistère) : “Je sentais pourtant malgré les premiers succès de l'Imprimerie à l'École... la boucle n'était pas encore totalement bouclée... À cet effet, je commençai la correspondance interscolaire... Nous vivions désormais la vie de nos petits camarades de trégunc. Nous les suivions en pensée jusqu'à nous et nous tremblions avec eux les jours de tempête... Nus leur racontions, nous, la cueillette de la fleur d'oranger et des olives, les fêtes de Carnaval, la fabrication des parfums... Une vie nouvelle pénétrait dans nos classes... Nous avions là la puissante motivation qu'allait aiguillonner l'expression libre chez nos élèves... Par le rétablissement des circuits de vie, par la motivation permanente du travail, nous dépassions désormais la scolastique pour parvenir à une autre forme, idéale, d'activité qui enrichit et rééquilibre, et prépare ainsi à la vraie culture.” (Les techniques Freinet de l'École Moderne – C. Freinet (Colin-Bourrelier) page 23)

1937 : Après dix années d'expérimentation, Freinet peut lancer son mot d'ordre : “Plus de manuels scolaires ! Plus de leçons !”. “La grande erreur scolastique est, à mon avis, la leçon et tous les devoirs qui en découlent. C'ests toute la technique de l'école traditionnelle que nous essayons de jeter bas, nous le savons. C'est tout un passé d'illusions parfois généreuses que nous ne craignons pas de dénoncer. Nous n'avons qu'à nous souvenir combien peu nous avons profité des leçons que nous avons subies et des devoirs sur lesquels nous avons pâli pendant toute notre jeunesse. Nous pensons qu'il n'est pas difficile de faire aussi bien. Mais nous voulons faire mieux. Pour cela, il ne suffit pas de supprimer une technique : il faut la remplacer par une autre technique qui lui soit supérieure. Nous croyons y être parvenus.” (Dossier pédagogique n°7 : Plus de manuels scolaires ! Plus de leçons ! Page 1.)

1945 : Les Instructions Ministérielles reconnaissent la nécessité de remplacer les livres par d'autres moyens : “Il ne s'agit pas d'une étude livresque, mais d'un mode de connaissance qui intéresse l'homme tout entier. On prend, comme point de départ, les besoins, les activités de l'enfant et de son entourage. Non pas les besoins généraux, mais bien les besoins particuliers, les activités spéciales de l'entourage de l'enfant... Comme on utilisera la classe promenade pour l'enseignement de la géographie régionale, de même on pratiquera l'étude de la carte sur le terrain d'abord...” (Dossier pédagogique n°2 : Références aux Instructions Ministérielles, page 19.)

1957 : Les Instructions Ministérielles s'élèvent contre une forme trop savante de l'enseignement : “Depuis 1887, l'enseignement de l'histoire a pris peu à peu une forme savante, abstraite, de plus en plus il s'est encombré de termes techniques, dont les élèves ne comprennent pas le sens. Aussi donne-t-il souvent de maigres résultats. Il a semblé qu'il y aurait avantage à le rendre moins ambitieux, et à le rattacher autant que possible, à l'histoire locale, si riche et si variée en France ; car ainsi l'enfant pourrait prendre contact avec la réalité historique... On devra saisir toutes les occasions de ménager une large part d'observation : observation d'images ayant une valeur documentaire certaine, observation de portraits, de monuments... On a voulu attirer l'attention... sur le travail humain, sur l'évolution de ses conditions et, dans la mesure où il est possible, sur l'origine des formes sociales au milieu desquelles nous vivons... Il n'y aura plus d'enseignement suivi de l'Histoire.” (Dossier pédagogique n°2 : références aux Instructions Ministérielles, page 17.)

photo I.P.N. Jean Suquet

 

1963 : Les Instructions Officielles pour les classes de transition introduisent le terme “disciplines d'éveil” pour l'histoire, la géographie, les sciences et l'étude du milieu, et disent notamment : “qu'elles ne devront pas faire... l'objet d'un enseignement purement magistral ni d'une mémorisation systématique et imposée : elles seront une source d'intérêt, une réserve de thèmes dans laquelle on puisera pour motiver des activités dirigées, des recherches individuelles ou collectives qui permettront de mettre en oeuvre d'une façon plus naturelle la lecture, le calcul, la rédaction, le dessin. L'enfant apprendra en même temps à regarder, à soutenir son attention, à se former par lui-même une représentation mentale des choses.” (Dossier pédagogique n°9 : L'exploitation pédagogique des Complexes d'intérêts, page 1.)

Juillet 1968 : Lors d'un débat à l'Assemblée Nationale, le ministre de l'Éducation nationale – faisant écho à certaines aspirations de la Jeunesse et des Enseignants, exprimées durant les événements de mai et de juin derniers – condamne sévèrement le cours magistral et propose une réforme des méthodes pédagogiques. Mais des paroles aux actes, il y a souvent très loin. Et sous couvert d'une façade réformiste, beaucoup restent fidèles à la tradition pour ne pas bouleverser leurs habitudes ou troubler leur quiétude. Pourtant, l'école traditionnelle a fait faillite. Les enfants qui en sortent croient tout connaître et ils ignorent les choses les plus élémentaires qu'ils côtoient chaque jour. Sous un vernis de connaissances livresques, ils sont très loin d'une vraie culture en profondeur qui leur permettrait de suivre le rythme de la vie moderne et d'être utiles à la société. Puisque tout le monde semble d'accord pour que cela change, n'hésitez plus, essayez vous aussi de faire mieux. Et les prochaines conférences pédagogiques vous en donnent l'occasion : “L'histoire, la géographie et les sciences d'observation considérées comme discipline d'éveil.”

Pour vous aider à trouver vous-mêmes une voie nouvelle, dans un climat nouveau, une pédagogie adaptée à notre époque, profitez des essais, des échecs, des tâtonnements, des découvertes des milliers de travailleurs de l'École Moderne qui, à la suite de Célestin Freinet et des grands pédagogues qui l'ont précédé, ne sont pas restés sourds aux désirs et aux besoins de leurs élèves, qui ont voulu utiliser toutes les ressources du progrès pour un meilleur rendement et qui ont mis en commun les fruits de leurs efforts.

Ne pas aller à contre-courant

Quand vous faites une leçon de français, que ce soit en grammaire, en vocabulaire, en conjugaison ou en construction de phrases, vous partez bien d'un texte, texte d'écrivain, ou mieux d'un texte d'enfant, qui aidera vos élèves à mieux rédiger, à mieux s'exprimer, à mieux se faire comprendre et, de là, à partir de nouvelles conquêtes.

En calcul, vous faites agir vos élèves, vous les faites manipuler, compter, mesurer, tracer, ou mieux encore vous partez d'un problème que pose la vie (les commissions chez l'épicier, l'envoi d'un paquet à la poste, les semis dans le jardin, le trajet pour venir en classe, etc.) Et vous en tirez des façons de raisonner, des mécanismes qui donneront à vos élèves une maîtrise pour calculer rapidement et un esprit mathématique pour raisonner logiquement.

En sciences physiques, vous savez que c'est en observant lui-même que l'enfant apprend à observer et que c'est en expérimentant personnellement qu'il forme sa culture scientifique ; vous le faites agir et constater, avant de formuler les grands principes qui régissent la nature et la vie.

Et si vous êtes persuadés de ces vérités universelles : que c'est en parlant qu'on apprend à parler, que c'est en écrivant qu'on apprend à écrire, que c'est en comptant et en raisonnant qu'on apprend la mathématique, et que c'est en expérimentant qu'on arrive à acquérir une culture scientifique, pourquoi ne pas l'admettre dans tous les autres domaines ?

Vous devez donc considérer que l'histoire, la géographie et les sciences d'observation, réunies dans l'Étude du Milieu sont une discipline d'éveil. En partant de là vous chercherez avec nous les moyens d'en faire une méthode naturelle, c'est-à-dire une méthode qui part des besoins de l'enfant, qui suit le processus du tâtonnement expérimental et qui aboutit à une véritable culture en profondeur.

Ainsi vous n'irez plus à contre-courant ; vous partirez de faits pour en chercher les causes ; votre démarche sera inductive, et votre enseignement deviendra intuitif et pratique.

photo Roulier

 

L'enfant et son environnement

Dès son plus jeune âge, l'enfant se trouve baigné dans un monde où il a tout à découvrir. C'est d'abord le sourire de sa maman, les rubans de son berceau, puis les boules de son parc, le chat qui ronronne sur la chaise, et encore l'auto qui file dans la rue, l'avion qui passe dans le ciel... Et ainsi son milieu vital s'agrandit chaque jour, créant de nouveaux besoins, le désir de savoir, une curiosité naturelle. Tant qu'il n'a pas été déformé par l'école, il reste curieux. Vous avez tous entendu ces “pourquoi ?”, ces “comment ?” du jeune garçon émerveillé devant l'éclat d'une fleur ou les ébats d'un poisson rouge. Si vous êtes un bon papa, soucieux de ne pas détruire cet enthousiasme, vous avez répondu du mieux possible, à ce désir de savoir, malgré votre embarras.

“L'enfant non déformé par l'école ou à qui nous avons redonné un peu de son bon sens, est foncièrement curieux : curieux en histoire, curieux en géographie, prodigieusement curieux dans toutes les branche de la science. Le jour où nous aurons trouvé des pratiques de travail qui, au lieu d'émousser cette curiosité tendront à la satisfaire, le problème sera définitivement résolu : nous n'aurons jamais à forcer l'enfant pour ces acquisitions. Ce sont ces pratiques donc qu'il nous faut chercher.” (Dossier pédagogique n°7 : Plus de manuels scolaires ! Plus de leçons ! Page 2)

Et de quoi est-il curieux ?

De tout ce qu'il découvre, de ce qui est nouveau pour ses sens : sa vue qui lui révèle la couleur, la lumière et l'ombre, le mouvement, le lieu, l'éloignement, les grandeurs, le volume, le nombre ; son ouïe qui lui permet de distinguer l'origine, l'intensité, la distance, la direction, le nombre, le déplacement ; son toucher qui lui permet de percevoir la forme, la dureté, la souplesse, l'élasticité, les dimensions, le poids, la température ; son odorat qui lui permet de connaître les saveurs acides, sucrées, salées, amères, piquantes... Et surtout, son attention est retenue par tout ce qui vit, tout ce qui bouge, tout ce qui se déplace...

Il est encore curieux du cadre de ses observations multiples : la maison où il vit, les maisons voisines, le village, les champs, les près, les bois, le ruisseau, le vallon... Le temps qu'il fait, la pluie, le soleil. Ses parents, ses camarades, les autres gens, le boulanger qui vend les gâteaux, l'épicier qui distribue des bonbons, le charron qui fait la roue... le facteur, le pompier, le gendarme, le docteur, le maire... tout ce qui l'environne : son milieu naturel, son milieu vivant et son milieu social.

photo ROULIER

Et enfin il s'intéresse aux vestiges du passé : les métiers qui disparaissent, les outils, les objets insolites, les monuments, les vieilles pierres, les maisons anciennes, les façons de vivre, le folklore, les récits des vieux, les monnaies qui n'ont plus cours, les archives, les noms de lieux, les légendes...

Cette soif de connaître devra être exploitée et cultivée à fond pour la voir s'épanouir. Surtout il faudra veiller à ne pas la détruire pour conserver vivaces ses racines innées. Pour cela il suffira d'activer ce besoin naturel. Mais vous devrez vous méfier car dans notre monde moderne, les sources de connaissances nous envahissent de toute part : journaux, cinéma, radio, télévision... Mon petit garçon qui n'a que cinq ans sait reconnaître bien mieux que moi toutes les marques de voitures ; il me parle de soucoupes volantes et de greffe du coeur. Cette apparence d'acquis est terriblement trompeuse ; ce n'est qu'un vernis, une vision globale et superficielle des choses et des événements, vite effacée par de nouvelles images, et qui risque d'étouffer la curiosité naturelle. Il faut trouver le moyen d'approfondir ce “déjà su” car l'enfant n'en connaît ni le contenu, ni le pourquoi, ni les risques...

Partons à la découverte

Telle est donc la part du maître : ne pas détruire ce désir de connaître qui rend l'enfant attentif, mais au contraire l'exciter par l'éclat, le mouvement, la nouveauté, la variété, le rapprochement, la comparaison... Ainsi sa curiosité se tiendra en éveil.

1°) La recherche libre :

a) La glane : En dehors de la classe, durant ses jeux, en allant faire les commissions, l'enfant fait des découvertes. S'il n'a pas été rebuté ou si, avec beaucoup de patience, vous lui avez rendu le goût d'observer, il vous étonnera par ses trouvailles. Vous pouvez réserver quelques minutes chaque jour pour les examiner : un bouton de tenue militaire allemande de 14-18, une chenille de grand paon de nuit, une photo de famille de 1912, un calendrier des postes de 1890, un ver luisant, une plume de paon, un épi de maïs, une carte postale de la montagne, une rose des sables rapportée par le grand frère qui rentre d'Afrique du Nord, etc. Vous entamerez alors une petite discussion sur les circonstances des découvertes, les origines, les conséquences... Quels fructueux entretiens et en passant quel bel exercice d'élocution ! (Vous ne vous plaindrez plus que vos élèves ne parlent pas). La vie entre ainsi dans la classe.

Exemple :

            Vendredi 26 avril 1968, dans ma classe :

            Michel apporte deux escargots, Jean-Pierre un escargot qui a la coquille cassée et ressoudée, Jacky, du Cours Préparatoire, qui n'a pas voulu être en reste, a ramassé dans la cour de l'école deux petits escargots jaunes.

            Colette : « Hier matin, j'en ai ramassé trois cents avec mes parents.

            Arlette - Nous en avons déjà quinze kilos à vendre.

            Robert - Combien allez-vous les vendre ?

            Arlette - Je ne sais pas, je te le dirai à midi.

            Jean-Pierre - Comment le mien a-t-il fait pour ressouder sa coquille tout seul ?

            Robert - Il faudrait peut-être savoir d'abord en quoi elle est faite sa coquille.

            Michel - Près d'un champ de blé, j'en ai trouvé cinq qui était morts.

            Colette - Ce n'est pas étonnant :: mon père avait « traité » son blé avant-hier.

            Arlette - Alors les cultivateurs vont les empoisonner tous...

            Jacky - Mes petits escargots deviendront-ils gros ?

            Robert - Ce n'est pas la même « race » que les gros. On va les comparer.

            Jean-Pierre - Comme les poules ?...

            J'interviens :

            « Eh ! Bien, les enfants, je vois que vous êtes intéressés. Nous allons préciser tout cela. Nous chercherons ensemble la réponse à toutes ces questions. »

b) La promenade-découverte : Mais à l'inverse vous pourrez aller au-devant de la vie. D'ailleurs certaines choses ne peuvent pas être transportées en classe. De temps en temps vous pouvez faire une sortie dans un bois, le long d'un ruisseau, dans un jardin public, au musée, ou simplement dans la rue. Munis d'un carnet et d'un crayon, vos élèves prendront des notes sur le temps, le vol des oiseaux, les ouvriers au travail...

Dans des boîtes, ils placeront leurs trouvailles : roches, fossiles, animaux, feuilles, fleurs, etc. Rentrés en classe, ils étaleront leurs récoltes sur la table, ils reliront leurs observations, on discutera, on retiendra ce qui est le plus intéressant pour des recherches dirigées ultérieures.

2°) La recherche dirigée :

a) La classe-exploration : La sortie peut avoir un but précis correspondant à un intérêt accidentel provoqué par une découverte antérieure ou pour approfondir ses connaissances sur un sujet évoqué précédemment. Le choix en a été fait coopérativement d'une façon judicieuse. L'itinéraire a été étudié sur le plan cadastral ou sur un plan de la ville. Le matériel a été préparé et les tâches réparties. Un jour, ce sera l'écluse ou la coopérative de stockage, la cathédrale ou un chantier de fouilles, les arbres du parc ou les bêtes de la mare. Un autre jour, le travail de la faucheuse-batteuse ou le magasin self-service, la mairie du village ou le palais de justice, les vendanges ou les éléphants du zoo... Les uns mesurent, les autres dessinent, les autres photographient, d'autres encore cueillent ou ramassent ou interrogent. Au retour, tout sera regroupé, rangé, classé...

Exemple :

Lundi 6 mai 1968, dans ma classe :

Samedi dernier le texte libre de Colette avait pour titre :  « Promenade dans les bois ». Aussi avons-nous décidé d'organiser une promenade scolaire dans le bois de la Gentillerie, pour préciser certaines évocations du texte choisi.

La classe est divisée en quatre équipes accidentelles :

1ère équipe : qui étudiera le sol et le sous-sol

René recueillera les échantillons du sol et Gérard les échantillons du sous-sol. Jean-Pierre cherchera s'il y a de l'eau. Et Bernard fera une coupe Nord-Sud du terrain.

But : Expliquer le pourquoi du bois à cet endroit et d'essences particulières.

2ème équipe qui étudiera la flore :

Colette, munie d'un déplantoir, cueillera les plantes fleuries (jonquilles, muguet, anémones des bois...) Arlette cherchera les plantes sans fleurs (champignons, mousses, lichens, fougères...). Robert fera une collection de feuilles d'arbres. Janine dessinera la silhouette des grands arbres.

But : Comparer le bois et le sous-bois des monts de la Gentillerie à ceux des marais de La retourne déjà étudiés.

3ème équipe qui étudiera la faune :

Joëlle cherchera les oiseaux et les nids et fera des croquis. Bernard notera les mammifères (renards, lièvres, chevreuils...). Michèle ramassera des insectes dans un flacon spécial. Et Jacky, muni d'un filet à papillons, attrapera les paillons.

But : Étudier les hôtes de la forêt et les comparer à ceux des marais.

4ème équipe qui étudiera le travail des hommes :

C'est l'équipe des jeunes techniciens. Jacques porte le magnétophone, Ginette l'appareil photographique « Polaroïd ». Simone et Denise poseront les questions au garde-chasse, au chef de chantier de défrichement, ou au simple promeneur chercheur de champignons et de muguet.

La sortie dure l'après-midi entière et dépasse même largement le temps de la classe.

Tout le monde est si enthousiasmé à chaque nouvelle découverte, qu'on oublie la fatigue et la faim.

Mais quelles richesses à exploiter au retour pour collectionner un album !

photo GUERIN

b) L'enquête dans le milieu : Elle ne diffère guère de la classe-exploration, sauf qu'elle sera préparée encore mieux dans le détail et qu'elle aura un but beaucoup plus précis, d'après un centre d'intérêt fonctionnel, en vue d'une monographie ou d'une réponse aux correspondants. Coopérativement, les élèves établissent le plan de leur visite : chantiers, usines, musées, artisan au travail, commerce, établissement public, événement local, fête, etc. Ils se groupent en équipes et se répartissent les tâches suivant leurs aptitudes : le dessinateurs, le photographe, l'interviewer, le reporter, le cameraman. Sur place, chacun se met au travail, décrit, écoute, fait un croquis, filme, enregistre. On discute même sur les points de détails oubliés ou sur les compléments à apporter au plan prévu. Qu'on est loin de la leçon traditionnelle où le maître se fatigue pour rien car la moitié de la classe n'écoute pas et l'autre moitié suit passivement ou difficilement ! Ici, au contraire, tout le monde participe activement de collaborer, en aidant à utiliser le matériel, à vérifier une mesure, à rectifier un croquis, à compléter une observation, à provoquer une nouvelle recherche... La moisson est féconde. Il faudra ensuite trier, classer, rassembler, conserver... en vue du but choisi. Mais encore de nouvelles pistes vont s'ouvrir et orienter les recherches vers d'autres sujets qui n'avaient pas été entrevus avant.

Pour en savoir toujours plus

Vos élèves ne se contenteront pas de ces premiers résultats, pourtant déjà excellents. Au cours des discussions ils vont se poser beaucoup de questions. Ils voudront élargir leur milieu : « Et ailleurs ? Et autrefois ? » et approfondir leurs connaissances dans l'espace et dans le temps. Cherchons d'autres détails, d'autres précisions... Mais où ?

1°) La correspondance :

D'abord ils écriront à leurs correspondants et les interrogeront en leur posant des questions très précises. Ceux-ci feront les mêmes enquêtes et on comparera les résultats. On saura ce qui se passe ailleurs sous forme de lettres, de comptes-rendus, de photographies, de plans, de bandes magnétiques...

Ainsi nous avons écrit à nos correspondants des Pyrénées-Orientales pour savoir s'ils ramassaient des escargots. Et nous avons appris qu'ils en ramassaient « à une autre saison, des gris, dits escargots de muraille, dans la montagne », qu'ils gardaient en conserve et qu'ils mangeaient d'une autre façon que nous : ils faisaient « la cargollade ».

Quand ce sera nécessaire, vos élèves questionneront les directeurs de services, les conservateurs de musées, les administrateurs de firmes. Surprises d'abord, très fières ensuite de voir qu'on fait appel à leur savoir, ces personnes répondront toujours avec plaisir.

2°) Par la documentation scolaire :

Chaque classe doit posséder son fichier documentaire qui fournira une mine de renseignements sur les sujets les plus divers : articles de journaux, pages de revues, photos, dépliants... collectés par les élèves eux-mêmes et qu'ils voudront toujours compléter. Ces fiches, faciles à manipuler, rangées soigneusement suivant notre brochure : « Pour tout chasser » (1), seront facilement retrouvées et utilisées, le moment venu, pour apporter des compléments à notre milieu local.

À propos des escargots, nous avons appris, par une fiche découpée dans une revue du Finistère, que certains hommes préhistoriques, les Kjökkenmöddinger, mangeaient énormément de mollusques marins ; on avait retrouvé dans la baie d'Audierne des dépôts de coquillages : patelles, huîtres, solens, peignes, coquilles de Saint-Jacques et palourdes, mêlés à des outils de silex, des armes en corne de cerf, des tessons de poteries mal cuites, près de foyers encadrés de pierre, garnis de cendres et de charbons. Pour vous dire jusqu'où peuvent nous conduire nos recherches...

Et nos collections de B.T. (Bibliothèque de Travail) riche maintenant de près de 700 numéros, de S.B.T. (Supplément B.T.) avec Textes d'auteurs, travaux divers et guides, de B.T.J. (B.T. Junior) utilisables par les plus jeunes, de B.T.2 (B.T. Second Degré), sources de discussion pour les adolescents, de B.T.S. (B.T. Sonore) avec disques et diapositives, constituent une encyclopédie unique, directement utilisable, basée sur les intérêts majeurs des enfants dans leur milieu.

Après notre promenade scolaire dans les bois, voici la liste des brochures que nous avons utilisées pour étudier tout ce que nous avons trouvé :

SOL ET SOUS-SOL :

            BT n° 334 : Géologie de la France.
            SBT n° 89 : La France (carte en relief)
            BT n° 157 : En champagne.

FLORE ::

            BT n° 104 : Arbres et arbustes de chez nous.
            BT n° 218, 263 et 314 : Belle plante, qui es-tu ?
            BT n° 252 : Les plantes sans fleurs.
            BT n° 280 : Quel est ce fruit sauvage ?
            BT n° 290, 351 et 355 : Atlas de plantes.
            BT n° 336 : Jolies fleurs de chez nous.
            SBT n° 87 : Quelques fleurs.
            BT n° 169 : Les champignons.
            BT n° 199 : Quelques champignons.
            BT n° 206 : Beau champignon, qui es-tu ?
            BT n° 224 – 255 – 272 : Vignettes de champignons.
            SBT n° 139 – 140 : Les champignons.

FAUNE :

            BT n° 129 : Bel oiseau, qui es-tu ?
            BT n° 181 et 216 : Vignettes d'oiseaux.
            BT n° 229 – 230 : Protégeons les oiseaux.
            SBT n° 102 : Quelques oiseaux de chez nous.
            BT n° 249 : Les papillons.
            BT n° 264 : Guide pour l'étude des insectes.
            BT n° 274 : Collectionne les insectes.
            BT n° 316 : Quelques insectes.
            BT n° 343 : La chasse aux insectes.
            SBT n° 80 : Chenilles et papillons.

TRAVAIL DES HOMMES :

            BT n° 10 : La forêt.
            BT n° 168 : La scierie.
            BT n° 261 : Le peuplier.
            BT n° 475 : Pépinières forestières.
            SBT n° 93 : La chasse.

(1) Pour tout classer par Roger Lallemand (Éditions de l'École Moderne Française).

Le besoin de communiquer

Toutes les possibilités de travaux que nous venons d'évoquer répondent au besoin de savoir des enfants et satisfont leur curiosité. Mais tout cela serait vain s'ils n'en conservaient aucune trace. Ils poursuivront leurs efforts s'ils voient que leur travail servira à quelque chose. Dans nos classes, ils savent toujours qu'ils cherchent, qu'ils étudient, qu'ils rédigent, qu'ils oeuvrent, pour eux sans doute, mais aussi pour leurs parents, pour leurs camarades et pour leurs correspondants. Ce besoin de communiquer s'exprimera par les journaux scolaires, les lettres et les colis, les albums, les conférences et les expositions.

1°) Le journal scolaire :

Il suffit de feuilleter quelques bons journaux scolaires pour juger de leur richesse. Dans ses textes libres, l'enfant raconte les péripéties de sa vie dans son milieu, ses petits travaux, ses jeux, le travail des grandes personnes, la vie des animaux, les coutumes, les fêtes, les veillées, les événements du village (mariage, élection, accidents), le temps qu'il fait, les plantes suivant les saisons. Mais on y trouve encore des comptes-rendus d'enquêtes que l'élève responsable a rédigés avec l'aide de ses camarades : la visite au moulin, la promenade dans les bois, l'étude d'un monument, le travail du menuisier, l'interview du garde-chasse... Le journal scolaire pénétrera dans les familles, il sera lu par les parents qui seront fiers de leurs fils et de leurs filles. Il ira très loin chez les correspondants français des Alpes, de Bretagne et d'Alsace, même à l'étranger, en Belgique, en Algérie, en Pologne. On voudra renseigner les lecteurs sur tout ce qu'on fait chez soi, sur la façon de vivre, sur le passé de son village. En contrepartie, on recevra les journaux des autres, ce qui poussera à de nouvelles études plus passionnées du milieu local.

Exemple : Une page du journal scolaire :

 

24 MAI 1967              BONHEUR ET JOIE

                                               L'essaim

Avec papa, je suis allé cueillir un essaim qui se reposait au soleil, dans le jardin de Madame Mathieu. Une grosse grappe bourdonnante pendait à un arbuste.

Papa a mis son masque et ses gants pour se protéger des piqûres d'abeilles. Il a pris un grand panier en forme de cloche qu'il a tenu contre l'essaim. De l'autre main, il tenait un bâton pour frapper sur la branche et décoller les abeilles. Ensuite, il a enfumé la branche.

Les abeilles sont restées une journée dans le panier. Déjà elles y avaient fait un pain de cire.

Nous les avons installées dans une ruche dans un coin du jardin. Elles travailleront bien pendant les jours ensoleillés. Elles iront butiner les fleurs des champs.

L'année prochaine, nous mangerons du miel.

                                                                                                          Francis CURMAN - 10.04

2°) Les lettres et les colis :

Par les échanges réguliers de lettres et de colis avec une école située à l'autre bout de la France ou même hors frontière, l'étude de deux milieux différents se fera d'une façon vivante et permanente. Les recherches seront poursuivies en profondeur pour renseigner complètement les correspondants, pour répondre à leurs questions sur la situation, le climat, la vie, les travaux, les cultures, les jeux, l'histoire du lieu où l'on habite.

Doublée par des liens affectifs, la correspondance devient la plus belle des motivations pour le travail scolaire en le lançant vers de nouvelles pistes. De plus, une vie nouvelle entre dans la classe qui permet de comparer, d'échanger des idées, de préparer à une véritable culture. Cette technique pourra être complétée avec grand succès – si vous en avez les moyens – par l'échange de bandes magnétiques et même l'échange d'élèves en fin d'année scolaire.

Voici la confection d'un colis dans une école bretonne :

Très vite, on fait le plan du colis réponse.

Il faut remplir la grande boîte. On a en caisse les 5 F de cotisations pour l'expédition.

Dans le colis on mettra :
des friandises, bien sûr ;
des coquillages de la côte : palourdes, berniques, huîtres, bigorneaux, régados ;
des coquillages jaunes pour colliers ;
des coquilles Saint-Jacques ;
des grandes moules des côtes d'Irlande ;
du vieux filet ;
des lièges ;
du goémon ;
des petites fleurs de jardin, nos dernières ;
des camélias ;
le mimosa sera peut-être fleuri ;
quelques-unes de nos grandes peintures réussies en novembre par les grands, et puis tout le travail de l'après-midi. C'est-à-dire :
1.À la peinture : les grands décident de se mettre ensemble pour parler de Saint Cado. Prennent forme : la chapelle, les petites maisons, les pots de fleurs, les bateaux, la mer.
2. L'album des coquilles Saint-Jacques par Marie-José. Elle racontera simplement par le dessin l'histoire de son papa qui les a pêchées au chalut sur les côtes d'Irlande. Caty veut bien les aider. Toutes deux veulent faire des monotypes. Elles installent seules leur matériel : chacune sa plaque de verre, une rouge et une bleue ; chacune sa plaque à encrer, son rouleau (en bleu et rouge avec très peu d'encre).
Je leur laisse de belles feuilles blanches. Elles raconteront ensuite.
3.L'album des étoiles de mer dansant sur la mer d'Angleterre, par Robert. Celui-ci ne s'arrête plus de danser, avec sou sans musique, dans tous les coins, à tous les moments, depuis que nous montons le jeu dramatique de Noël. Il va poursuivre son idée, et tout raconter aux correspondants, sur plusieurs feuilles, des grandes vertes, des grandes roses, à l'encre de Chine, au pinceau ou au morceau de bois taillé.
4.Le quai de Saint-Cado, par trois autres qui veulent dessiner aux crayons de couleur : six belles feuilles blanches, les crayons les meilleurs, bien taillés. Ils feront très vite, très bien.
Ceux qui restent me demandent des papiers de couleur pour leurs bateaux, toujours leurs bateaux, sous tous les temps, sur toutes les mers. On pourra tout réunir, ceux d'aujourd'hui et de demain, ceux d'avant, avec tous leurs jolis noms et un peu de leur histoire à chacun. (Les techniques Freinet de l'École Moderne, par C. Freinet (Colin-Bourrelier), page 76)

3°) L'album :

Les enquêtes qui vaudront la peine, donneront naissance à des albums : pêche dans la... , l'élevage des oies à ... , les derniers artisans de... , la construction du barrage de ... , l'église de ... .

Les notes prises bien recopiées, les dessins, les cartes postales, les photos,  les légendes appropriées aux graphiques, des fleurs étalées, des feuilles séchées seront collées sur du papier fort ou mieux du carton de même format. Les feuilles de l'album seront attachées l'une sur l'autre avec un cordonnet ou collées dans le même sens pour pouvoir être dépliées et exposées. Aussitôt réalisé, l'album est envoyé à une école qui, en échange, vous enverra ses réalisations...

Exemple d'album :

Notre rivière :La Retourne

1e page : Son cours (texte)
2e page : Croquis du cours d'après la carte d'État-Major ;
3e page : Croquis du cours sur la commune d'après le plan cadastral ;
4e page : Son lit (texte avec coupe) ;
5e page : Son profil (graphique) ;
6e page : Un affluent avec photo du confluent ;
7e page : Les bois qui bordent la Retourne (texte et croquis)
8e page : Feuilles séchées des arbres de la retourne ;
9e page : Un oiseau des bords de la Retourne : la poule d'eau (texte et peinture) ;
10e page : Les poissons de la Retourne (Une planche de croquis) ;
11e et 12e pages : La pêche (3 textes libres :           la pêche aux vairons
                                                                                la pêche aux gardons
                                                                                  la pêche à la truite) ;

13e page : la pêche aux écrevisses ;
14e page : Étude scientifique de l'écrevisse par un croquis ;
15e page : L'utilité de la Retourne (texte et photo de la passerelle) ;
16e page : La Retourne déborde (texte libre).

Les sujets plus importants : résentation de mon village ; l'histoire de mon village ; la forêt de ... , la vie de telle plante, la vie de tel animal, le commerce des ... ; la vigne ; le blé ; etc ... aboutiront à des monographies du plus grand intérêt où voisineront textes vivants, croquis et cartes, images et photos, tableaux et graphiques. Ces brochures pourront être éditées au profit de la coopérative scolaire.

Exemple de monographie :

Notre village :Saint-Rémy-le-Petit

Plan

1)Croquis : Notre village dans la région (situation) ;
2)La carte de la commune (d'après le plan cadastral) ;
3)Le relief : Coupe Nord-Sud et coupe Est-Ouest ;
4)Le climat : Relevés (moyennes annuelles et mensuelles) pour les températures, les vents et les précipitations, les vents et les précipitations des 5 dernières années – Graphiques ;
5)Les eaux : La rivière et les étangs (utilisation) ;
6)Les terres : Graphiques de répartition Graphique de récoltes des 5 dernières années ;
7)L'élevage : Tableau récapitulatif ;
8)Les bois : répartitions – comparaisons – utilisation ;
9)Le commerce : les commerçants (liste)
10)La population : graphique – répartition – mouvement ;
11)La vie
       professionnelle (agriculture)
            sociale (services divers)
            administrative (commune)
            intellectuelle (école) ;
12)Les loisirs : (Textes).

4°) La conférence :

Je laisse parler Freinet :

« Tout comme l'adulte, qui se passionne pour un travail spécial et aime à communiquer les résultats de son travail, soit dans un rapport ou dans un livre, soit dans un exposé, nos enfants font des conférences. Comme pour les adultes, ces conférences supposent d'abord enquêtes dans le milieu, chez les correspondants, par lettres à diverses personnalités, par la documentation ensuite dans le Fichier scolaire Coopératif et la Bibliothèque de Travail. Elles s'accompagnent d'exposition préalable de documents et se terminent par une séance de critique. »

BENP n° 24 Le milieu local, p. 9.

« Dès qu'ils savent lire et écrire, nos enfants font des conférences. Ils ne parlent pas toujours longtemps, ils lisent le texte qu'ils ont rédigé avec amour et application, ce qui est un des travaux les plus efficients à tous points de vue. Ils montrent ensuite la documentation recueillie ou puisée dans le fichier. Et cette documentation a toujours du succès, qu'on ne sépare point du succès de la conférence elle-même, ce qui donne assurance et fierté aux auteurs et intérêts aux spectateurs futurs auteurs. »

BENP n° 3 Plus de leçons, p. 19.

Avec l'habitude, les grands se passent de leur texte. Ils ont rapidement le souci de se documenter en profondeur pour répondre aux questions pertinentes de leurs camarades ; ils n'ont plus peur d'affronter le public.

Essayer cette nouvelle technique et vous apprécierez rapidement les avantages pédagogiques, sociaux et humains qu'elle comporte.

Voici d'ailleurs le témoignage d'un jeune :

« Nous recevons enfin notre premier matériel de la C.E.L. Une vingtaine de « Bibliothèque de Travail ». Chacune est un sujet valable de conférence, et nous décidons, en assemblée générale de la Coopérative, d'élargir notre expérience d'école moderne aux conférences d'élèves. J'encarte dans les B.T. Toute la documentation complémentaire qu'il m'est possible de trouver sur les sujets qu'elles traitent. Au début pourtant il y a peu de volontaires et je dois avouer que la part du maître dans la préparation des conférences est d'environ 90% ! Mais cela ne va pas durer, c'est si simple. Deux mois plus tard, tout le monde veut faire sa conférence et beaucoup me préparent, presque seuls, d'excellentes conférences qui durent de vingt à trente minutes ! Chaque conférence est suivie d'un débat toujours intéressant. Elle est recopiée et illustrée par son auteur sur un album et servira de documentation aux générations futures d'écoliers... » (Les techniques Freinet de l'École Moderne, par C. Freinet (Colin-Bourrelier), page 114)

5°) L'exposition :

Les documents recueillis et les travaux manuels réalisés seront triés, classés, regroupés. Vous susciterez des synthèses intéressantes, des comparaisons avec le déjà su, des graphiques, des tableaux nets et précis. Le tout sera exposé dans la classe ou dans le couloir durant quelques jours.

Sous un titre attirant, les éléments retenus seront affichés avec des légendes vivantes et courtes. Et le jour venu, l'auteur (ou les auteurs) présente son oeuvre à ses camarades de classe, aux autres classes, aux parents même. J'ai eu, dans ma classe, des expositions dignes d'adultes sur : le paquebot France ; le premier homme dans l'espace ; la greffe du coeur ; le cirque Pinder ; les vendanges ...

J'ouvrirai là un petit paragraphe sur la philatélie. Chaque année mes élèves veulent participer à l'exposition départementale de la Journée du Timbre. Voici les sujets que nous avons déjà exposés :

1968 : Connaissance de la Pologne.
1967 : Le philatéliste au service de l'ornithologue.
1966 : Les Ardennes, terre d'invasion.
1965 : Petite histoire de la littérature.
1964 : Où irons-nous en vacances.
1963 : Les grandes cathédrales.
1962 : Le trajet d'une lettre.

La préparation de ces expositions a toujours été l'occasion d'un renouveau dans ma classe, d'une animation de ruche au travail. Le choix du sujet, la recherche des timbres-poste et d'autres documents, la classification, le plan, la présentation sont motifs à un labeur intense et à une application extraordinaire. Chacun essaie de se surpasser pour apporter sa quote-part à l'oeuvre collective. Quelle joie lorsque la classe a les honneurs du communiqué et de la photo dans le journal local ! De ces pratiques naissent souvent de nouvelles pistes de recherche.

6°) La bande programmée :

Pour faciliter votre tâche, améliorer le rendement et aider l'enfant à franchir pas à pas les escaliers de la connaissance tout en lui donnant des habitudes de travail, d'ordre et de goût, nous mettons au point des bandes enseignantes pour l'étude du milieu. Elles indiquent les détails des observations à faire pour étudier un animal ou une plante, les diverses manipulations à effectuer pour faciliter la recherche, les points à approfondir pour préparer un exposé ... tout en laissant une grande part au choix, à l'initiative et la possibilité, à tout instant, de changer de direction.

Exemple de bande programmée : p; 19.

 

L'emploi de la programmation transformera vos classes car vos élèves seront enthousiasmés et les résultats surprenants.

 

Vers une vraie culture

Instruction et éducation optimales des enfants restent nos buts. Nous voulons que notre enseignement donne à l'enfant une « culture indélébile », capable de le marquer pour la vie, et non un mince vernis qui s'altèrera au contact d'éléments néfastes. Nous souhaitons former des hommes aptes à s'adapter aux différentes circonstances et à réagir pour le bien commun, disponibles à tout moment pour de nouvelles acquisitions... Nous pensons y arriver par la méthode naturelle.

1°) Une technique de vie :

Nous avons montré que l'enfant est naturellement curieux, mais que cet instinct est plus impérieux durant l'enfance qu'à un âge plus avancé à cause des déformations dues à la vie en société. Notre tâche est d'abord de maintenir en éveil ce besoin de découvrir et d'observer. L'influence du milieu est prépondérante. Nous sommes sensibles à la chaleur du soleil, au gazouillement des oiseaux dans un bosquet, aux couleurs d'un paysage, à la belle présentation d'un texte écrit. En vérité, notre attention n'est retenue que par les choses qui nous touchent directement, qui contribuent à la satisfaction de nos besoins, qui nous flattent... Nous en tirons des connaissances qui sont superficielles ou inexactes. Mais un principe de vie nous pousse à en savoir plus. Nous cherchons au-delà, nous observons plus méthodiquement, nous essayons toutes les possibilités d'expérimentation... Nous obtenons une connaissance plus parfaite de l'objet ou de la technique. Et nous l'assimilons entièrement.

Ce processus est l'expérience tâtonnée.

Le jeune enfant a découvert un coquelicot. Ce qui a le frappe d'abord, c'est la teinte rouge éclatante de la fleur et peut-être le bouton à enveloppe verte qu'il faut ouvrir. Ensuite, il pourra compter les parties de la corolle, les parties du calice et noter la couleur des étamines. Puis il coupera le pistil longitudinalement et l'observera. Il pourra encore comparer la racine du coquelicot à celle du bleuet, la tige du coquelicot à celle de la nielle des blés. En cours d'année, il notera ce que devient le calice quand la fleur s'évanouit, ce que devient le pistil quand la fleur fane. Il cherchera où il rencontre les coquelicots, leurs cultures préférées, les terrains propices, les plantes semblables, etc...

Quelle sera la part du maître ? Elle sera uniquement aidante pour perfectionner et accélérer ce processus. Dans le cas du coquelicot, elle pourra consister : à indiquer une méthode d'observation pour qu'elle se fasse dans un certain ordre et pour qu'elle soit aussi complète que possible, ceci étalé dans le temps, à susciter une observation prolongée au cours d'une période assez longue, pour noter les diverses transformations, à habituer à faire de très nombreux croquis... Il est à noter que suivants les sujets, cette méthode et ces habitudes s'acquerront plus ou moins vite par le besoin, ou l'imitation, tout naturellement. Mais elles ne devront jamais être brusquées.

photo ROTTNER

 

2°) Un minimum de connaissances :

L'observation et l'étude du milieu sont à la base de la « science ». C'est en partant de là que des progrès merveilleux ont été réalisés dans tous les domaines.

L'exemple du coquelicot se répétera en partant d'autres plantes. Par la répétition des paroles, les mots recouvriront exactement les choses correspondantes. Calice, corolle, étamine, pistil, ovaire, auront véritablement un sens. L'enfant apprendra qu'il existe des parties essentielles et d'autres accessoires. Dans le coquelicot, les étamines et le pistil sont des organes fondamentaux. La couleur rouge est accessoire. Par de multiples observations, il trouvera les relations des parties entre elles : la calice et la corolle protègent les organes reproducteurs. L'accumulation des faits apportera des idées générales. Lorsque les faits rassemblés seront suffisamment nombreux, ils seront ordonnés et condensés autour d'une idée qui se dégagera. L'étude de plusieurs fleurs se transformant en fruits amènera la loi de la fécondation. Observation, comparaison, généralisation forment un esprit scientifique.

Ces notions concrètes sont un enrichissement pour la pensée : elles rectifieront des idées fausses, des imaginations désordonnées. Elles donneront la connaissance du milieu et le pouvoir de l'influencer conformément à nos intérêts.

En guise de conclusion

Nous savons tous que dans l'état actuel des choses, le problème pédagogique est tributaire des problèmes politiques et économiques.

Pour obtenir de meilleurs résultats, il faudrait des locaux appropriés, un maximum de vingt-cinq élèves par classe, du matériel moderne et en quantité suffisante, des programmes indicatifs et non obligatoires, des horaires aménagés, une formation permanente des maîtres... Mais puisque les prochaines conférences pédagogiques nous permettent, par leur objet et par la façon dont elles doivent se dérouler, de participer à la recherche d'une pédagogie nouvelle, n'hésitons pas à apporter le meilleur de nous-mêmes pour que soit reconnue la supériorité des méthodes naturelles sur les processus traditionnels.

En fait, ceci n'est qu'une étape. Nous pensons qu'il y a possibilité d'aller toujours plus loin, de faire toujours mieux en matière d'éducation. Pour nous, la recherche est permanente. Grossissez le nombre des travailleurs de notre mouvement.

« Et peu à peu, par l'expérience collective, nous mettrons au point, tous ensemble, les véritables techniques de travail de l'École Moderne ».

Dossier pédagogique de l'École Moderne n°9

L'exploitation pédagogiques des complexes d'intérêt par C. Freinet.

Il faut que la révolution pédagogique soit l'oeuvre des pédagogues eux-mêmes pour que notre enseignement soit conforme à notre siècle de progrès et qu'il prépare des hommes libres.