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Danser l'espace

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Avril 2001

 

 

Créer des moments de « devenir »

 « A travers l’exploration du mouvement, des gestes, de l’espace, chacun peut s’initier à regarder, à écouter, à se relaxer, à être disponible, à être attentif… »

Ces moments sont scandés par un rituel que Babette décline ainsi :

- Premier moment : écoute collective de musiques enregistrées proposées par le groupe : l’espace est ouvert à tous

- Deuxième moment : écoute de 4 musiques proposées par Babette. Chacun repère la musique sur laquelle il choisira d’évoluer personnellement. C’est donc un temps d’appropriation individuelle de l’espace, mais à laquelle peuvent s’associer, selon leur désir, un ou plusieurs étudiants.

- Troisième moment : écoute collective de musiques enregistrées, espace ouvert à tous.

- Quatrième moment : un temps de parole.

 

 

Comment en parler ?



Ce qu’en disent les étudiants...

La musique : « La musique aide, donne accès à l’oubli du corps, à une liberté des gestes, ouvre des portes à l’imaginaire. Les rythmes, les mouvements musicaux n’enferment pas mais libèrent les émotions, l’échange avec les autres »

L’autre, les autres : « Il faut passer outre, dépasser le »ridicule », le regard, le jugement des autres…
Danser, c’est se mettre à nu… C’est fragilisant mais en même temps jouissif, valorisant, libérateur ».

Attente, postures, silence
« On essaie de trouver des échappatoires : café, cigarette, toilettes, papotages.
Associer des objets aux gestes : chaise, châle, masque… aide, rassure ».
Les repères, « les béquilles » habituelles manquent : tables repoussées, seules les chaises, autour de la salle, servent de refuge ou d’objet avec lequel « jouer sa danse ».

 

Un vendredi matin, des murs invisibles

 

Richard écrit : « Une bonne partie de la classe est réunie ce matin, volontaire pour une expérience dont tout compte fait nous ne savons pas grand chose. La matinée, son déroulement nous est expliqué, et voilà la musique qui commence. Tout doucement elle nous emporte. Les conditions sont tout à fait bizarres, danser en cercle fermé dans notre salle de cours ! Pourtant la musique prend le dessus, nous dansons.

Cette première phase coule, tranquille, même si tout du long je pense déjà avec un sentiment mêlé d’inquiétude et d’excitation à la suivante : l’appropriation individuelle de la musique et de l’espace. Avec cette deuxième phase commence un long moment de silence pesant. Au début, je n’exclus pas du tout le fait de me lever et de participer, ce qui n’est toutefois pas obligatoire. Du début à la fin s’opposent en moi deux sentiments : tout d’abord le silence pesant, une appréhension instinctive, le regard et les attentes des autres surtout. Le poids des normes, des barrières intériorisées que représentent le jugement et les opinions des autres, joue pleinement, domine même, chaque seconde qui passe en rajoutant.. Ensuite, j’ai bien évidemment envie d’y aller, moins pour participer que pour faire exploser ces murs imaginaires que je méprise sincèrement et que la situation amplifie à les rendre presque visibles…

Et Brice : « Il faudrait beaucoup de séances comme celle-là.. ; car l’institution inscrit ses chaines à même la peau !… »

 

Ce qui n’a pas été dit, parole d’observateur

Ce que la mise en jeu proposée et conduite par Babette avec intelligence a permis, parce que ménageant des recours, écartant les réflexes de jugement, ce sont, fugitifs mais évidents,

- des moments d’émotion : Greg et Sylvian « dansant » le fauteuil roulant, Olivier, le conteur, et son masque blanc, tâtonnant sa rencontre avec l’autre …

- des moments d’humour : Célina métamorphosant en animal docile la chaise dont elle s’est emparée.

Moments de silence partagé et plein : Mathieu s’enroule et se love au sol dans la musique…

Toujours opèrent la force d’attraction, de contamination des gestes, l’énergie du mouvement, même pour ceux qui ne sont pas entrés dans la danse.

Mais ce ne sont pas beaucoup de séances de ce genre qui peuvent changer l’embrigadement des corps, donc de la pensée, de l’imaginaire, mais sans doute un autre espace, un autre temps, à penser et à donner à vivre dans le rapport au savoir, comme dans la vie quotidienne.

 

    sommaire n° 96 

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