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logo ressource btn Les Jeux Olympiques modernes : être ville olympique

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Dans :  Histoire-Géo › 
Mai 2011

 Que signifie pour une ville le fait d'être (ou d'avoir été) ville olympique ? Chaque olympiade suscite aujourd'hui de nombreuses candidatures. Pourquoi ? Cet article présente quelques-uns des enjeux, espoirs et conséquences sur le plan politique, économique, sportif, humain.

 

Les colombes s'envolent : c'est le début de la fête, mais aussi la fin d'une déjà longue histoire, la fin de plusieurs années d'efforts et de rêves : sept ans depuis la désignation officielle par le CIO.

 

RÈGLES ET QUELQUES CONSÉQUENCES
Pour une ville, être sélectionnée cela implique :
1) obéir à des critères fondamentaux 
Quand, en 1981, le CIO choisit Séoul (Corée du Sud), une seule autre ville est candidate: Nagoya (Japon).
A cette date, les Jeux sont réputés coûter plus qu'ils ne rapportent, d'où une crise des candidatures qui n'empêche pas le CIO d'appliquer les règles fondamentales :
- choix d'une ville (et non d'un pays)1;
- pas de considération politique ;
- pas de JO répétés dans un même pays.

Nagoya ne sera pas choisie puisque Tokyo a organisé récemment les Jeux. Cependant, Nagano (1998)représente bien l'alternance, les Jeux d'hiver ne s'étant pas tenus en Asie depuis 1972 (Sapporo).

En noir, les villes ayant organisé les Jeux d'été, en rouge pour les Jeux d'hiver

 

Jeux Olympiques d’été
Jeux Olympiques d’hiver
I
1896
Athènes
Grèce
 
 
 
II
1900
Paris
France
 
 
 
III
1904
Saint-Louis
Etats-Unis
 
 
 
intercalés
1906
Athènes
Grèce
 
 
 
IV
1908
Londres
Royaume-Uni
 
 
 
V
1912
Stockholm
Suède
 
 
 
VI
1916
Berlin (annulés)
Allemagne (annulés)
 
 
 
VII
1920
Anvers
Belgique
 
 
 
VIII
1924
Paris
France
1
Chamonix
France
IX
1928
Amsterdam
Pays-Bas
2
Saint-Moritz
Suisse
X
1932
Los Angeles
Etats-Unis
3
Lake Placid
Etats-Unis
XI
1936
Berlin
Allemagne
4
Garmisch-Partenkirchen
Allemagne
XII
1940
Tokyo (annulés)
Japon (annulés)
(5)
Sapporo (annulés)
Japon (annulés)
XII
1940
Helsinki (annulés)
Finlande (annulés)
(5)
Garmisch-Partenkirchen (annulés)
Allemagne (annulés)
XIII
1944
Londres (annulés)
Royaume-Uni (annulés)
(5)
Cortina d’Ampezzo (annulés)
Italie (annulés)
XIV
1948
Londres
Royaume-Uni
5
Saint-Moritz
Suisse
XV
1952
Helsinki
Finlande
6
Oslo
Norvège
XVI
1956
Melbourne
Australie
7
Cortina d’Ampezzo
Italie
XVII
1960
Rome
Italie
8
Squaw Valley
Etats-Unis
XVIII
1964
Tokyo
Japon
9
Innsbruck
Autriche
XIX
1968
Mexico
Mexique
10
Grenoble
France
XX
1972
Munich
Allemagne
11
Sapporo
Japon
XXI
1976
Montréal
Canada
12
Innsbruck
Autriche
XXII
1980
Moscou
Union Soviétique
13
Lake Placid
Etats-Unis
XXIII
1984
Los Angeles
Etats-Unis
14
Sarajevo
RFS deYougoslavie
XXIV
1988
Séoul
Corée du Sud
15
Calgary
Canada
XXV
1992
Barcelone
Espagne
16
Albertville
France
 
1994
 
 
17
Lillehammer
Norvège
XXVI
1996
Atlanta
Etats-Unis
 
 
 
 
1998
 
 
18
Nagano
Japon
XXVII
2000
Sydney
Australie
 
 
 
 
2002
 
 
19
Salt Lake City
Etats-Unis
XVIII
2004
Athènes
Grèce
 
 
 
 
2006
 
 
20
Turin
Italie
XXIX
2008
Pékin
Chine
 
 
 
 
2010
 
 
21
Vancouver
Canada
XXX
2012
Londres
Royaume-Uni
 
 
 
 
2014
 
 
22
Sotchi
Russie
XXXI
2016
Rio de Janeiro
Brésil
 
 
 
 
2018
 
 
24
 
 

En fait, au travers des dossiers de candidature, se dessinent (et elles pèsent lors du vote) d'autres exigences :
-qui touchent aux possibilités sportives, économiques, politiques du pays :
  • expérience d'organisation de grandes compétitions internationales ;
  • financement des installations2 ;
  • garanties de liberté d'entrée aux sportifs, représentants des comités olympiques, journalistes, touristes,
  etc ;
  • absence de limitation d'ordre moral, politique, religieux au déroulement des épreuves ;
-
qui prennent en compte le dynamisme des régions ;
-
qui intègrent des données diverses : par exemple, pour Lillehammer (Norvège), le resserrement géographique des compétitions.

 

 2) les motivations de la ville candidate et les retombées qu'elle espère
 
On peut envisager que, au vu de l'importance de l'impact des media, certaines motivations sont de type politique et/ou économique.

Barcelone, déjà candidate pour 1924, 1936, 1972, a certainement suivi plusieurs objectifs :
- affirmer une tradition d'indépendance de la Catalogne, longtemps  étouffée, et qui s'exprime à nouveau depuis la fin du franquisme.
- prendre place dans une Europe des villes qui peut supplanter l’Europe des États ;
- changer sa physionomie (en reprenant une tactique déjà exploitée lors de l’Exposition universelle de 1929) et marquer sa volonté de se tourner à nouveau vers la mer.

 Séoul, les JO apparaissaient comme l'occasion de cimenter une nation (la Corée du Sud) née dans des conditions difficiles et lancée dans une confrontation économique et financière avec le monde occidental.

3) L’environnement et le respect des minorités
 
Des efforts ...  
 
A Lillehammer en 1994, des solutions ont été trouvées pour préserver le site :
  - construction des sites avec du matériel en grande partie d’origine locale,
  - pistes de ski redessinées pour préserver les forêts,
  - récupération d’une ½ tonne de cartouches tirées pendant les épreuves de biathlon pour éviter la
    contamination par le plomb,
  - utilisation d’assiettes et de couverts en carton recyclable.
  
A Vancouver, en 2010,la préparation s’est faite avec le souci de générer des avantages durables :

  - réduire l’empreinte écologique en replantant après la compétition, les végétaux déracinés sur le site de ski acrobatique,
  - réutiliser la chaleur résiduelle du site de curling et du village olympique,
 - associer toutes les parties de la population (métis et inuits) aux diverses décisions (construction, approvisionnement, licences,…)

... mais aussi des risques d'impact négatif
 
Lors des Jeux de Pékin, athlètes, journalistes et visiteurs ont admiré le canal figurant la queue d'un dragon. Pourtant la ville, située en zone semi-aride, connaît de graves difficultés d'approvisionnement en eau. Puiser de plus en plus profondément dans les nappes phréatiques porte atteinte aux besoins  fondamentaux de la population.
Les ONG s’alarment des conséquences des Jeux olympiques d’hiver de Sotchi.
Le choix, pour les Jeux de 2014, de la station balnéaire russe suscite bien des remarques de la part de diverses ONG. En effet,
- 4000 personnes environ sont actuellement chassées de leurs terres,
- il n’existe qu’une petite route vers les montagnes,
- les infrastructures indispensables (voies de communication, nouvel aéroport, nouvelles centrales électriques, …) rendent le coût énorme (15 millions d’Euros). 
En comparaison, le budget de Vancouver (2010) avait été estimé à 2,5 millions.

Greenpace s’élève déjà contre la construction du village olympique à l’intérieur d'un parc naturel.
Olympic Genocide condamne l’organisation
dans une zone où les habitants sont étroitement surveillés, avec interdiction de se déplacer d’un district à un autre sans justification officielle.
(D’après Le Monde international, 04/04/2008)
 

 Le village olympique de Rio de Janeiro, en 2016 a été source de difficultés pour la population.

LA POPULATION ET LES JEUX
 
1) le coût de la candidature :
 

Malgré les recommandations du CIO qui limitent invitations et cadeaux, une candidature coûte cher : Albertville a dépensé 33,4 MF couverts par l'impôt (à 40 %), de grandes entreprises agissant comme sponsors, et des PMI2 savoyardes.
Une des concurrentes malheureuses, Berchtesgaden, candidate pour les Jeux de 1992, se retrouve avec un déficit de dix millions.

Des villes, pour les jeux de 2024 renoncent devant ces frais.

Objectif Annecy 2018
Trois villes françaises ont manifesté leur intention d’être candidates pour organiser les J.O. d’hiver 2018. Le gouvernement a décidé de soutenir Annecy. La ville fait partie des 3 finalistes parmi la dizaine de pré-candidatures, et elle n’est pas favorite.
Le budget de candidature de 24 millions d’Euros en est (relativement) modeste puisque 5 fois inférieur à celui de ses concurrentes.
Le dossier présente :
- deux pôles principaux, Annecy et Chamonix, disposant chacun d’un village olympique, et organisant chacun des compétitions de neige et de glace,
- la garantie de l’enneigement,
- l’accueil à travers les possibilités hôtelières et les accès aériens, ferroviaires et autoroutiers,
 
 
Ce panneau, sur un bâtiment de la société AREA (Société des Autoroutes Rhônes-Alpes) érigé au bord de l'autoroute à proximité du lac d'Aiguebelle, marque l'implication des partenaires économiques. L'investissement énorme en infrastructures que les J.O. nécessitent peut dynamiser une région (Grenoble) ou l'endetter gravement (Grèce).
 
 
 Le 6 juillet 2011, l'Assemblée générale du CIO, réunie à Durban (Afrique du Sud) a choisi dès le 1er tour PeyongChang (Corée du Sud). La ville était grande favorite selon le principe d'alternance entre les continents. La défaite d'Annecy (7 voix sur 95 votants) est sévère (Munich a obtenu 25 voix). Parmi les raisons de cet échec, on peut évoquer : le gouvernement a hésité à soutenir Nice ou Annecy, le projet n' a donc véritablement commencé qu'en 2009 ; des problèmes de gouvernance avec la multiplicité des présidences ; une mise en valeur tardive des champions à l'international.
 
2) Ce qu’elle peut penser
Bien sûr, la candidature peut ne pas recevoir l’appui unanime de la population.
Ainsi, en 1986, Amsterdam, ville candidate, a connu des manifestations anti-organisation des JO, le CIO choisira Barcelone quelques jours plus tard.
-C'est la joie de la victoire, comme à Lillehammer, dont les 20 000 habitants se retrouvent dans la rue pour fêter l'événement. J.O. d'hiver 94.
- C'est aussi l'acceptation plus ou moins facile de la défaite: après le choix d'Atlanta (en 1996), Athènes, Toronto et Melbourne marquent leur déception.

Atlanta3, aurait-elle su à la fois concilier idéalisme et argent, et aurait-elle bénéficié de la distance qui la sépare de Los Angeles ?

 
LE CASINO OLYMPIQUE
« Le Coca-Cola l'a emporté momentanément sur le Parthénon mais personne ne peut vaincre à long terme la Grèce éternelle. » Mardi, à Tokyo, Mélina Mercouri n'avait pas le coeur à jouer la comédie. Les propos aigres-doux de la flamboyante actrice résumaient bien le sentiment général. L'élection d'Atlanta, aux dépens surtout d'Athènes (51 voix contre 35 au dernier tour de scrutin) a été partout accueillie comme la victoire du pouvoir des dollars sur l'universalité du mouvement olympique. « Si cela avait été la Grèce, on aurait pu comprendre, estimait-on à Melbourne. C'est l'argent américain qui a tout fait et c'est dommage. »
Extrait de La Croix du 20/09/1990

 - L'annonce de l'élue ne tient pas forcément (sur le plan mondial) la place médiatique espérée à travers les efforts consentis pour la candidature.

 

  3) La sécurité
Plus ou moins agressive selon les lieux, la surveillance ne date pas du drame de Munich4. Georges de Caunes, présent à Tokyo en 1964, notait déjà l'impression d'étouffement ressentie par les participants étroitement surveillés. Les mesures de sécurité ont battu des records à Séoul : 120000 militaires et policiers (pour 13000 athlètes et accompagnateurs)

Sécurité
 
La hantise de l'attentat amenait les services de sécurité coréens à prendre des mesures étonnantes. Passe que les bus, les salles de presse, les lieux publics soient inspectés par des policiers et leurs chiens dressés pour déceler les bombes, mais les haies du cross-country lors de l'épreuve de fond du concours complet ?!

Extrait de L'Éperon, septembre 1988.

 

 4) La vie quotidienne


Un tel nombre de participants pose le problème des conditions d’accueil et d’entraînement. Les villes organisatrices ont d’autant plus de difficultés à le résoudre que l’évolution des sports multiplie les accompagnateurs : entraîneurs, médecins, kinésithérapeutes, diététiciens, spécialistes de la préparation mentale …

Année
Ville organisatrice (pays)
Nbre de pays participants
Nbre d’atlhlètes participants

 

JEUX D’HIVER

1924
Chamonix (France)
16
258
1964
Innsbruck (Autriche)
34
1091
1988
Calgary (Canada)
57
1423
2006
Turin (Italie)
80
2508

JEUX d’ÉTÉ

1896
Athènes (Grèce)
13
245
1924
Paris (France)
44
2972
1988
Séoul (Corée)
157
8473
2008
Pékin (Chine)
204
10624

Les grands travaux, l'afflux de visiteurs, la médiatisation ont aussi un impact non négligeable sur la vie quotidienne des habitants.
Ainsi à Séoul (1988) comme à Pékin (2008), usines et travaux furent-ils suspendus, condamnant les ouvriers à un chômage non dédommagé. À Pékin encore, les " migrants " (paysans venus en ville pour échapper à la misère et employés pour la construction des stades et autres aménagements) ont été forcés de quitter la ville.

Aussi le CIO met-il en place de nouvelles mesures pour préserver l'universalité des jeux et assurer l'entrée de nouveaux sports, sans augmenter le nombre de participants.
* durcir les critères de sélection,

* limiter le nombre de participants par sport (à Pékin, 1 bateau par nation au lieu de 2 en canoë-kayak)
* éventuellement, supprimer des sports dont l'audience internationale diminue.

 

  5) l'avenir
 
Avant même l'ouverture des Jeux, les enjeux financiers apparaissent bien complexes puisque prévoir l'avenir fait partie des règles même de la candidature.
L'exploitation future peut commencer dès l'époque des préparatifs : ainsi les fondeurs désirant skier dans la station des Saisies ont dû acquitter, dès l'hiver 88-89, un droit supérieur au prix fixé dans les autres stations savoyardes.
Différents et incontournables sont les problèmes du surdimensionnement ou du surcoût de l'architecture de prestige.
Personne ne peut nier qu'une ville telle que Montréal a l'emploi d'un grand stade. Celui édifié pour les JO (1976) n'en reste pas moins, douze ans plus tard, au centre d'un débat.

Le stade de Montréal s'enfonce-t-il toujours dans le sol à cause d'un mât trop lourd ou ce dernier est-il savamment calculé pour maintenir le toit rétractable ? Et combien de temps faut-il pour installer ce toit : vingt-cinq minutes comme prévu, six heures comme le disent les guides, ou quarante-cinq minutes selon l'architecte en regrettant que les ordinateurs n'aient jamais été réglés (le stade n'est jamais vide assez longtemps) ?

D'ailleurs à qui serviront réellement ces installations ? Outre que les riverains n'apprécient pas forcément la multiplication des manifestations (bruit et vandalisme), les petits pratiquants ont rarement accès aux pistes et pelouses prestigieuses, sans se voir offrir pour autant d'autres solutions : une commune ne  va pas multiplier ses stades.  
Notons encore que, pour la zone olympique savoyarde, l'opération a connu quelques tiraillements. Certes l'emploi en est grandement favorisé, mais tous les salariés, en particulier ceux des entreprises du bâtiment et des travaux publics, ont-ils gardé du travail après la fin des travaux ?
Autour d'Albertville, entre 1985 et fin 1989, le secteur du bâtiment et des travaux publics a créé 2500 postes de travail, le quart étant constitué d'intérimaires, souvent venus de très loin. Pour éviter un surplus de main-d'oeuvre inemployée après les Jeux, il fallait compter sur le sens des responsabilités des entreprises et sur les futurs grands travaux comme le chantier de l'autoroute de Maurienne. Les autres secteurs d'activité, comme le tourisme, n'ont profité de l'effet olympique qu'après les Jeux et  
Albertville a vraiment changé : nombreuses infrastructures modernes, et une vie qui se maintient (en particulier dans le domaine culturel) dans cette petite ville où des signes de la mémoire des JO restent visibles.

En 2016, la ville de Rio se pose la question de l'avenir.

 
 

 
 L'aire où s'est déroulée l'inauguration en 1992 avec le mât central. La piste en dur où Découflé montra des merveilles, est aujourd'hui réduite ; les gradins ont disparu, mais l'accès est très ouvert et fait le bonheur des promeneurs et des équipes (ici, match  pour les jeunes).
 
 
 


 

1. Dans le contrat passé avec la ville-hôte, le CIO demande des garanties financières (collectivités régionales, état ou tiers privés)
2. PMI: Petites et moyennes entreprises
3. Cette élection a été d'autant plus controversée que la ville d'Athènes était aussi candidate pour cet anniversaire du centenaire
4. un groupe de Palestiniens prend en otages des sportifs israléiens. La police allemande finit par donner l'assaut. Bilan, 11 morts.

 
 
Source : 
BT2 n°242, Les Jeux Olympiques Modernes, une spirale sans fin. Décembre 1991
Crédit iconographique : 
fond de carte Académie d'Aix-Marseille, photos A.Dhénin
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