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En Chantier n°17. Khadidja, jeune fille de Somalie

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Envoyé par Philippe Geneste, Collège André Lahaye, 33510 Andernos-les Bains – Niveau  classes de quatrième.
 
 
Le document ci-dessous est l’aboutissement de l’itinéraire de découverte mis en place au collège
André Lahaye (33) par Dominique Brochet, professeur d’Arts Plastiques – Hélène Duquerroy et Cécile Crochet,
professeurs documentalistes, Philippe Geneste, professeur de français.
Il s’inscrit à la suite de l’article « IDD Couleur femmes » également publié dans ce numéro de En Chantier.

 

 

Sommaire :
I - Situation initiale
II - La fuite 
III - Flashback
IV - L’installation dans le camp
V - Anecdotes
VI - Le camp des réfugiés
 
I - Situation initiale
     
  
     Hargeisa est un village africain, situé au cœur de la Somalie, un village maintenant bombardé par des missiles meurtriers. Khadija a peur, elle a 16 ans, mais elle ne doit en rien succomber à la frayeur, elle doit réconforter sa sœur.
     Au-dehors de la petite hutte en terre séchée, la guerre civile est là. Des bombardements répétés inlassablement la hantent jour et nuit. Yasmina se met à pleurer dans ses bras, et au même moment, sa mère arrive. Elle prend la cadette des mains de Khadija, et lui voile les yeux avec les pans de sa jupe. Puis elle chuchote à l’aînée :
- « Il y a une accalmie, va vite au marché ! Il faut que tu retrouves Mahmoud ! »
      Elle se lève et sort de la cabane. Son grand frère s’est enrôlé dans l’armée, et il doit patrouiller dans les environs : elle décide de prendre la direction du marché.
      Il y a des morts partout, recouvrant le sol de taches noires. De la poussière les recouvre, leur donne un aspect décomposé… Khadija détourne les yeux, même si l’habitude de voir des cadavres à tous les coins de rues ne lui provoque plus aucune nausée.
    

Tout d’un coup, elle aperçoit son frère un peu plus loin. Parmi les étals du marché disposés précairement, de pauvres marchands déambulent en criant. Ils lancent à grands cris leurs prix défiant leurs voisins. Des épices fortement colorées sont disposées dans des boîtes en bois. C’est un petit  marché, mais rien n’est organisé et le bruit alentour couvrit la fébrile voix de Khadija quand elle appelle son frère.

     Celle-ci portait de magnifiques cheveux noirs et fins, d’où tombait un grand voile épais. Sa peau foncée faisait ressortir sur son visage ses dents blanches et parfaitement alignées.
     Mahmoud avait un an de plus que sa sœur. Engagé dans l’ONU, il prenait à cœur sa mission de défendre son village. Il portait de courts cheveux noirs – couleur familiale – et bouclés. Ses habits verts et son casque bleu définissaient son métier.
 Khadija avança parmi les habitants d’Hargeisa, et s’approcha de son aîné. Quand il la vit enfin, un sourire éclaira son visage, mais à cet instant des bruits de tirs retentirent et semèrent la panique. Les deux jeunes gens furent séparés par le chaos soudain. Des avions survolaient les cahutes et lançaient des bombes qui enflammaient la paille sèche.
 Khadija était bousculée de tous côtés, elle n’y voyait plus rien. Par miracle, elle eut la vision de sa mère et de sa sœur cadette courir plus loin. Leur peau caramel brillait au soleil, et leur hoosgunti traînait dans la poussière.
 Rassemblées, les trois femmes s’étreignirent un instant, mais le temps pressait ardemment. Les pensées de la jeune fille s’embrouillaient, et tout ce qu’elle vit fut son frère fusant vers elles. Elle voyait ses lèvres bouger au rythme de ses paroles dont elle ne comprenait aucun mot. Cependant, une seule phrase pénétra assez profondément son esprit pour la réveiller de ce cauchemar :
- « Il faut fuir ! »
 Tous acquiescèrent.
 
 
II – La fuite
 
 La famille de Khadija marcha longtemps sous un soleil éclatant qui asséchait leur gorge et leur peau. Yasmina, enveloppée dans un grand linge que sa mère portait en travers de son dos, ne pouvait plus marcher sous cette chaleur écrasante et s’était finalement endormie.
 Des plaines sablonneuses défilaient inlassablement devant eux. De l’herbe rase et jaune, des arbres maigres et sveltes les entouraient de milles manières, et leur donnaient un air morose. Chacun attendait le soir avec impatience.
 Et l’astre finit par se coucher.
 Elles assistèrent au coucher du soleil et s’émerveillèrent devant la beauté du ciel, puis elles s’installèrent à même le sol, montèrent une tente rudimentaire, et allumèrent un feu à la vieille méthode.
 Toute la journée, elles avaient transporté un peu de nourriture séchée qu’elles mangèrent ce soir-là. Les portions n’étaient pas savoureuses mais au moins, elles dormiraient toutes le ventre plein. Elles alimentèrent le feu de façon à pouvoir avoir une douce chaleur toute la nuit, et ainsi elles dormiraient l’esprit tranquille, les bêtes ayant peur de la lumière.
 A l’aube, elles repartirent. Traînant les pieds, les deux enfants avaient l’air maussade, mais ils aidèrent leur mère à tout ranger
- « Avec un peu de chance, nous arriverons au camp ce soir », dit Nuria pour les réconforter.
 Et elle dit vrai.
 Un attroupement de tente se dessina à l’horizon et tous poussèrent un soupir de soulagement. 
 
III – Flash back
 
Après la fuite vers le camp de réfugiés, Khadija était très fatiguée, à cause de la longue marche qui l’avait éreintée. Arrivés au camp, Khadija s’endormit dans une tente qu’elle venait d’installer avec sa mère et sa petite sœur.
Dans son rêve, le bruit des véhicules circulant dans le camp, le bavardage des réfugiés installés près d’elle s’éloigna petit à petit, et finalement elle se retrouva tout d’un coup au marché en train d’acheter des légumes pour préparer le repas, revenue dans son ancienne case d’Hargeisa.
Il y avait un peu de monde au marché, et une fois les légumes choisis et achetés, elle se dirigea vers le puits. Elle regarda longtemps les étals des marchands, huma le parfum de l’air qui régnait ici. Cette vie antérieure lui manquait tant…
 Toute cette activité la fascinait, mais elle était apeurée à la pensée que des soldats envahissent sa ville natale, cette ville qu’elle chérissait tant. Passant à côté d’un marchand qui vendait de belles bananes bien mûres, Khadija se plaça au bout de la file qui menait au puits.
 Elle reconnut alors un garçon. Un ami qui l’avait beaucoup aidée il y a longtemps. Son nom lui revint immédiatement en tête… Ali, un frisson lui parcourut le dos : elle savait qu’elle ne l’avait pas revu depuis l’attaque. Le souvenir de son visage était pourtant bien inscrit en elle.
 Elle s’approcha, l’apostropha assez fort pour qu’il ne puisse pas l’entendre, et aussitôt il se tourna vers elle, le visage complètement perdu : il ne la reconnut pas tout de suite, mais quelques secondes suffirent à ranimer sa mémoire.
 Ils commencèrent à discuter, et la discussion porta peu à peu sur les actuelles et futures attaques.
 
 Dans les mots d’Ali, de la peur se sentait, mais également une fière assurance : Ali redoutait les attaques et la guerre, mais il était bel et bien décidé à rester dans cette ville, même bombardée, car sa famille ne se trouvait plus à ses côtés à ce moment. Khadija, elle, comprenait très bien la décision de son ami, et elle se sentait elle aussi capable de rester, mais seulement si elle s’était trouvée seule…Car savoir sa mère et sa petite sœur adorée en danger tout autant qu’elle était insupportable, et elle ne voulait pas les voir mourir bêtement alors qu’elles auraient pu fuir et éviter que le massacre ne les touche. Elle ne comptait donc pas abandonner sa précieuse famille. Peut importait de passer pour une lâche, elle aurait d’autres occasions de prouver sa valeur.
 Les deux amis se séparèrent enfin, mais avec un goût amer dans la bouche. La conversation avait été courte, pourtant ils se doutaient que ce serait la dernière entre eux deux. Khadija était profondément émue d’avoir revu un ami d’enfance, qui, elle le savait, n’apparaissait plus que dans ses songes. Il fallait rentrer maintenant, et Khadija avait promis à sa mère de ne pas tarder pour préparer le jemeld, un récipient rempli d’eau posé par terre et le repas convivial. Lentement, Khadija rentra dans sa case par le chemin qu’elle avait emprunté à l’aller.
 En rentrant dans sa petite maison familiale, la jeune fille crut s’évanouir tout bonnement. Cette scène qui lui était pourtant quotidienne auparavant, lui sembla si lointaine mais pourtant ancrée précisément dans sa mémoire.
 
Nuria était en train de faire un début de cuisine et chacun de ses gestes était habituel. Quand elle s’approcha de sa mère, elle lui tendit les légumes encore frais même par cette chaleur étouffante qui était tombée aujourd’hui et le seau contenant de l’eau qu’elle venait de puiser. Elle aida minutieusement sa mère à préparer le jemeld, puis, d’une façon stricte et sévère, Nuria lui demanda âprement de s’occuper de Yasmina. Khadija n’hésita pas une seconde et obéit. Elle sortit afin de lui faire prendre l’air dans les cours des environs, car les alentours étaient surveillés par des gardes et donc sûrs.

 Peu de temps après, Khadija entendit Nuria l’appeler pour le repas, et elles se réunirent autour du jemeld.

 A peine installées, elles entendirent brusquement une énorme explosion qui en disait long sur les attaques prochaines. La jeune fille, apeurée, lança un regard empli d’angoisse et d’appréhension à l’extérieur. Elle redoutait énormément ce moment. Elle prit sa petite sœur dans ses bras et essaya tant bien que mal de la rassurer du mieux qu’elle le put.
 Khadija sut alors que les attaques n’étaient plus si loin que ce qu’il semblait pourtant il y avait peu de temps. Elle ne put s’empêcher de frémir.
 Les trois femmes prirent réellement peur lorsqu’une deuxième et beaucoup plus puissante explosion retentit, d’autant plus qu’elle semblait déjà plus proche que la précédente. Ses yeux ne pouvant plus supporter une telle terreur, elle se réveilla dans un grand sursaut et recouverte de sueur, elle s’aperçut qu’elle était en train de crier.
 Khadija se leva, sortir à l’air libre car celui dans la case lui semblait lourd et étouffant. C’était la nuit.
 Elle leva les yeux vers les étoiles, elle était dans le camp, à l’abri des attaques.
 Elle se prit la tête dans les mains et soupira. Cette vie dans laquelle elle venait de retourner, elle le savait, c’était son ancienne vie à Hargeisa, avant que tout bascule…avant que ses ennemis la pourchassent inlassablement.
 
                                          
IV - L’installation dans le camp de réfugiés
 
 Le lendemain de leur installation dans le camp de réfugiés, Nuria donna à sa fille aînée une jarre et lui demanda d’aller chercher de l’eau au puits. Khadija, obéissante, chercha et visita les plus petits recoins du camp pour le trouver, mais ses recherches restèrent vaines. Désespérée, et voyant juste devant elle une personne appartenant à l’ONU – de par ses habits reconnaissables facilement – elle s’approcha de lui, légèrement craintive, et lui demanda :
- « Excusez-moi… Je cherche le puits, pouvez-vous m’indiquer où il se trouve s’il vous plaît ? »
- « Bien sûr » ! répondit-il. « Vous voyez l’embranchement vers nos quartiers, ici… tournez ensuite à droite jusqu’à un grand bâtiment blanc, le puits se trouve juste derrière, légèrement à l’ombre. »
 Gravant ces informations dans sa mémoire, Khadija remercia le jeune homme chaleureusement. Mais avant qu’elle ne s’en aille, il tendit un bras vers elle pour la retenir.
- « Demoiselle, n’est-il pas dur de vivre en nomade ? Ne voulez-vous pas rentrer chez vous ?
- Si, bien sûr que je voudrais rentrer chez moi, quelle question ! Mais c’est impossible pour l’instant.
- Nous ferons tout pour que vous puissiez y rentrer saine et sauve, et reprendre votre vie d’avant. »
 Et ainsi, tournant les talons, il s’en alla.
 Sur son chemin, Khadija médita et se remit à espérer. Un jour elle reverrait Hargeisa, elle s’en faisait un serment intime.
 Et quand elle rentra chez elle, la poterie pleine sur l’épaule, elle avait un sourire sur les lèvres.
 

V – Les anecdotes du camp des réfugiés  
 
 La mère de Khadija fut prise d’une forte insolation ; une forte fièvre la bloqua au lit. Khadija prit alors le rôle de sa mère envers Yasmina.
 Pendant le rétablissement de sa mère, Khadija devait s’occuper de toutes les tâches ménagères. Elle se rendit au puits, où une personne l’interpella. Tout d’abord éblouie par le soleil, elle ne reconnut pas la personne qui s’approchait d’elle, mais quand elle fut plus près, elle reconnut Emna son ancienne voisine à Hargeisa.
 
 Les deux jeunes filles discutèrent avec joie de leur périple respectif jusqu’au camp. Mais dans la file d’attente ensoleillée, Emna fut prise d’un fort mal de tête. Khadija insista pour l’accompagner à l’infirmerie, son amie se résigna à laisser tomber son bidon d’eau et se laissa conduire jusqu’à l’infirmerie. Arrivé là-bas, après plusieurs minutes de marche, elles furent très bien accueillies par plusieurs médecins majoritairement français. Le local était très propre, et une fois informée de l’état d’Emna, ils promirent de la soigner. Khadija partit l’esprit serein reprendre sa place dans la longue file d’attente au puits en laissant son amie aux mains des médecins.     
 

VI – Le camp des réfugiés 
 
 Voilà déjà plusieurs mois que Khadija, sa mère et sa jeune sœur, sont installées dans le camp de réfugiés.
 La jeune fille aînée demanda soudain à sa mère :
- « Maman, allons-nous bientôt rentrer chez nous, à Hargeisa ? »
 Elle réfléchit un moment, puis gravement déclara :
- « Je vois que tu t’ennuies parfois, ma fille, mais ici au moins nous mangeons à notre faim, nous sommes soignées et en sécurité ! Sois patiente.
- Oui, mais je préférais lorsque c’était toi qui nous faisais la cuisine, maman.
- Oui, je sais Khadija ! S’exclama-t-elle. Mais dis-toi bien que nous sommes chanceux ! Regarde, nous avons un fleuve près du camp : de l’eau en abondance ! Beaucoup n’en n’ont pas.
- J’ai envie de revoir nos voisins, nos amis…et Mahmoud surtout. Il me manque. »
 Nuria s’agenouilla pour regarder droit dans les yeux sa fille assise sur une chaise tressée de nombreux fétus de paille.
- « Moi aussi, ma chérie. Mais fais-toi de nouveaux amis dans cette ville et le temps passera plus vite ainsi.
- Oui, mais je ne retrouverai jamais une amie comme Loula. Elle était si gentille…Je ne sais même pas ce qu’elle est devenue », dit-elle avec tristesse.
 Sa mère posa une main sur sa joue :
- « Un jour, tout rentrera dans l’ordre, et nous retrouverons notre vie d’avant ».
 

 

 


 

 

 

 

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