Raccourci vers le contenu principal de la page

Les balbutiements de l'appropriation de la langue écrite

Dans :  Français › Principes pédagogiques › 
Mai 2011

 L'appropriation de l'écrit dans une classe de CP

Lire l'article en .pdf

 

Premier jour au CP
 
Ça y est, nous sommes des grands et nous avons peur (on attend !). Nous savons déjà beaucoup de choses mais personne ne nous dit que nous sommes là pour tout apprendre. C'est le cp. Oh ! Pardon, le CP.
Bonjour... On parle. Je (la maîtresse) suis observée des pieds. Je distribue les cahiers... Ils ne sont pas prêts (contrairement qui avait préparé toutes ses premières pages fin juin !).
-Vous savez écrire votre nom. (et non pas : savez-vous...?)
-Oui. (sans aucun doute)
-Alors, on va l'écrire sur nos cahiers.
Des regards expriment une certaine inquiétude.
J'écris au tableau et je lis :
"je m'appelle Nicole"
Chacun écrit : je m'appelle Céline, Anne, Nicolas...Je suis si persuasive qu'ils se lancent tous. C'est parti.
Avec plus ou moins de bonheur.
J'aide, je complimente, chacun s'applique. Et on l'écrit sur quelques cahiers. Ce n'est pas toujours très joli, mais c'est leur cahier, ils en prennent réellement possession.
 
en raconte tant sur ce qui nous le sait, même pas nous, puisque
à la tête et de la tête aux pieds. à ceux de la maîtresse du CE1
 
Les jours suivants
 
On dessine et... comme à la maternelle, j'écris ce qu'ils me racontent. Ils recopient après moi. S'ils le veulent, ce qu'ils font presque tous.
Ce sont parfois des mots sans liaison entre eux. Parfois des phrases sans tête ni queue. Parfois des histoires folles à rallonge et sans fin. Je ne censure que la longueur de ces dernières, sinon pour certains enfants on écrirait un cahier !
 
Deux semaines après la rentrée
 
On a installé les ateliers avec leurs lois... l'atelier "expression écrite" comporte 6 places On y va avec son cahier spécifique, du matériel pour dessiner et un stylo. C'est un cahier de travaux pratiques : sur la page blanche on dessine, sur la page quadrillée on écrit.
Certains dessinent d'abord (le plus grand nombre), d'autres veulent écrire. Je suis au service de l'écriture.
Petit à petit, les enfants font la différence entre le langage oral et le langage écrit. Je leur dis : "Tu me racontes ce que tu veux écrire". J'ajoute ensuite : "Dis-moi ce que je dois écrire". J'exige qu'ils aillent doucement, au rythme de mon écriture, je reviens en arrière, je montre en relisant. "C'est tout ?"
J'écris en respectant les groupes de souffle et de sens pour respecter la liaison lecture-écriture, écriture-lecture. Ce qui rendra plus tard les repères possibles grâce au rapport sens-forme. Respect de l'empan visuel également : environ 19 signes. Tout est lié.
 
* Un jour...
 
où l'entretien est très riche, où un très grand nombre d'enfants a parlé, je donne pour consigne que chacun écrive ce qu'il a raconté, parce que nous ne pourrons pas tout écrire au tableau. Ce jour là, tous écrivent une histoire qui a eu pour point de départ de l'oral et non du dessin. Communication écrite de communication orale. Chacun réinvestit plus ou moins des attitudes, des habitudes (déjà !) de travail adoptées au niveau des séquences de mise au point du texte-support à la lecture quotidienne.
En effet : après l'entretien du lundi et du jeudi matin, on choisit une des histoires racontées. J'écris au tableau les noms des enfants et les titres lancés par le groupe. Celui dont l'histoire est choisie doit me dicter ce qu'il veut que j'écrive. II faut un style écrit et les enfants font vite la différence entre le code écrit et le code oral. Ils imitent cette situation en face de leur cahier. Ils illustreront ensuite.
 
*Jour après jour
 
Petit à petit je demande à chacun s'il ne connaît pas "tout seul" tel ou tel mot (je pressens en fonction du vécu collectif ou individuel). J'insiste, je persuade, j'aide à trouver ailleurs le dit mot et je laisse un trait au crayon à sa place (de longueur approximative).
Les premiers mots sont souvent : papa, maman, des"petits mots" outils. On se réfère aux affiches murales, au cahier de lecture, aux textes précédents, à tous les écrits dont on dispose.
Bientôt ce sont les enfants qui me disent : "Ce mot, je le connais, tu laisses la place". Et ils m'en indiquent la longueur.
J'en demande toujours un peu plus.
Les textes sont pour la plupart des enfants, répétitifs (comme les dessins du bloc à dessins fibres). Ils réitèrent les textes précédents avec quelques variantes, ce qui leur permet de réutiliser des mots connus et de réussir de plus en plus seuls.
À mon avis, ils sont déjà en pleine appropriation de l'écrit.
 
En résumé
 
Au début des textes sont écrits en entier par moi. Puis l'enfant écrit quelques mots, puis de plus en plus... Jusqu'au jour où c'est lui qui me laisse des espaces pour les mots qu'il ne se sent pas apte à écrire par photoreproduction.
Et enfin, il écrit tout, même les mots qu'il n'a jamais vus, mais qu'il est alors capable de créer de lui-même par relation phonème-graphème (ce qui vient d'arriver ce matin 18 novembre lors d'un compte-rendu de visite chez le boucher).
 
O.V.A. (outils venus d'ailleurs)',
 
J'introduis le "mes mots" (premier "dictionnaire") au retour des vacances de Toussaint, quand les enfants commencent à se sentir à l'aise avec la lecture-écriture et quand ils ont déjà un acquis sérieux.
Nous avons reçu une lettre de correspondants éventuels, ils ne savaient pas ce que c'était, j'ai expliqué, ils sont contents.
Ils ont écrit avec un nouveau plaisir.
Le désir d'écrire prend corps dans des directions et des formes bien différentes. C'est la conquête d'une technique (je savais dessiner et maintenant j'écris, je savais parler et maintenant j'écris). C'est aussi un moyen de communication de notre vécu (compte-rendu d'éveil, correspondance).
 
Nous avons aussi abordé l'écrit dans sa création poétique. La "poésie de la semaine" découverte nous avait amené à la création de la "poésie d'un jour" sur la suggestion d'un enfant. Nous avons donc fait une recherche de mots de consonances précises. Nous jouons avec les mots : oral, écrit. C'est comme... c'est comme...
On crée ici en situation pensée, voulue, choisie. On conquiert déjà un peu la liberté de l'écrit.
 
*Conclusion
 
Trop souvent au CP on apprend à "dessiner" l'écriture. Ensuite et jusqu'à...? on apprend à écrire joliment et correctement. L'appropriation de l'écrit doit être celle d'un outil au service de la pensée et de la communication, et non pas une fin en soi (où la forme primerait au détriment du contenu).
Nicole Bizieau