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Un mouvement… Ou des expériences !

Juin 1946

Je sais bien : on dira encore que nous sommes mauvais joueurs, que nous ne savons pas encaisser, nous vous rouspétons sans cesse, que nous avons mauvais caractère.

Voyez, dira-t-on : le Groupe Français d'Education Nouvelle accueille toutes les initiatives et rend compte des expériences départementales d'éducation nouvelle. La revue Méthodes Actives expose les expériences menées par les adhérents de l'imprimerie à l'école… Si le Bulletin Officiel De L'éducation Nationale ne parle pas de vous, c'est sans doute qu'on ne vous connaît pas dans la maison.
Nous ne cultivons pas notre publicité parce que nous savons pouvoir compter sur une publicité qui ne trahit jamais : celle que nous valent les oeuvres réalisées, le matériel mis au point, et les techniques qui pénètrent peu à peu dans toutes les écoles de France. Et nous n'avons pas besoin que Paris parle de nous pour que notre mouvement soit connu et apprécié jusque dans les plus petits villages de province.
Nous mettons notre travail à la disposition des instituteurs qui n'auront pas à payer des droits pour fabriquer ou employer les outils dont nous avons réalisé les prototypes. Pour des fins désintéressées, on peut nous payer, sans nous citer. L'essentiel c'est que le blé lève. Mais nous devons nous garder et mettre les éducateurs en garde contre tous ceux qui voudraient bien exploiter nos réalisations à l'écart de notre mouvement, et qui s'y prennent de 100 façons.
Il y a ceux qui pensent que nous, pauvres instituteurs provinciaux, sommes bons pour travailler, pour créer, pour innover, mais que nous ne savons pas exploiter nos réalisations sur le marché parisien. Ils ne s'offrent pas pour faire cette exploitation à notre compte. Ils s'ingénient à nous démarquer pour mieux travailler sur notre dos. C'est là un procédé qui tend à se généraliser et que nous devons dénoncer pour éviter à nos camarades de tomber dans le panneau.
Ce qui gêne ces messieurs  parisiens, c'est que nous soyons un mouvement pédagogique homogène, qui sait où il va, qui est dirigé par des camarades éprouvés qui ont l'oreille d'une masse imposante d'adhérents et qu'on ne manoeuvre pas comme on veut vers des fins qui sont étrangères à nos aspirations.
Alors on essaye le coup classique : le Mouvement De L'imprimerie A L'école, la Coopérative De L'enseignement Laïc ? Connais pas ! Mais il y a, à travers la France, des expériences intéressantes d'imprimerie à l'école ! Pratiqué par M. X ou Mme Y. Voilà ce qui est intéressant.
Quand il s'agit de grandes commissions nationales, ou même du congrès européen, on ne connaît pas un mouvement qui groupe de 10 000 éducateurs actifs ; lorsqu'il s'agit d'éditer la revue pour l'Ere Nouvelle, on pense que ces 10 000 éducateurs n’ont pas  leur mot à dire. Lorsque, autrefois, avec Mlle Flayol, nous essayions de faire vivre les Groupes Départementaux D'éducation Nouvelle, nous avions fait éditer le bulletin du GFEN par notre imprimerie. Mais aujourd'hui le G.F.E. N. se livre sans hésitation à un éditeur qui vous offre des abonnements combinés à Méthodes Actives et à Pour l'Ere Nouvelle. Et on montera en épingle certains groupe départementaux exclusivement animés par nos adhérents et qui les ont affirmé être totalement d'accord avec nous dans nos mises au point.
Lorsque l'an dernier l'éditeur Bourrelier avait voulu préparer le lancement de sa revue Méthode Active, M. Mory avait adressé des circulaires individuelles à ceux de nos adhérents qui étaient le plus susceptible de lui apporter une excellente collaboration. On négligeait le mouvement, mais on voulait des expériences. Et en avait ainsi l'avantage de de l'éclectisme.
Quelques-uns des nôtres ont ainsi eu leur bonne foi surprise. Mais ils ont bien vite compris et se sont ravisés en nous en informant.
Même manoeuvre ou Bulletin Officiel De L'éducation Nationale. Si vous adressez un article traitant de votre expérience-ne disons même pas d'imprimerie à l'école-mais de rédaction d'un journal scolaire, peut-être la grande revue officielle insérera-t-elle votre propose, quoique les pros les quoique les pauvres instituteurs n'est pas souvent l'honneur de ces colonnes. Mais L'imprimerie à l'Ecole, une réalisation unique au monde et qui honore notre pays ! ! Connais pas…
Ah ! Une petite expérience réalisée autrefois en Angleterre, en Amérique et au Canada, ça oui ! Quand on est de bon Français, on préfère mettre en valeur les expériences étrangères que les expériences françaises menées avec cohésion et continuité par un mouvement suspect… Suspect de quoi ? Suspect, sans doute, de vouloir enfin s'exprimer lui-même et dénoncer ce qui voudrait continuer à profiter du travail des aliborons.
Vous pouvez feuilleter le grand Bulletin : vous n'y verrez même pas citer notre revue l'Educateur, qui se fait pourtant, parmi toutes les raisons revues pédagogiques, une place d'honneur. Et quand notre ami fort, répondant à une observation fort pertinente sur cette note déplorable de s'obstiner à les chercher à l'étranger les exemples à limiter, rappelle qu'il existe en France une expérience qui se poursuit depuis 20 ans, on mette son article panier.
Mais voilà que, par la bande, ce même bulletin, ou un organisme qui ne doit pas lui être étranger, le centre de recherches et d'études pédagogiques, tente une manoeuvre identique à celle de M. Mory : notre mouvement ne les intéresse pas les expériences d'école de notre mouvement, ça, oui, ce seraient bons à prendre. Et voici la lettre circulaire reçue par certains de nos adhérents :
« je suis chargé, par le Centre de Recherche et d'études Pédagogiques, d'une enquête sur l'apprentissage de la lecture globale.
Je vous serais reconnaissant de vouloir bien indiquer si vous employez votre matériel d'imprimerie à la pratique de la lecture globale et dans ce cas, me préciser sur quelle expérience vous êtes appuyés et de quelle manière vous procédez. »
Les camarades, inquiets, nous en demander conseil.
C'est publiquement que nous leur apportons la présente mise en garde.
Alors, dira-t-on peut-être, un éducateur n'a plus le droit d'exposer ce qu'il a fait sans en référer à la C.E. L. ?
Il est un principe, qui est notre force, et auquel nous tenons tout particulièrement : c'est la coopération que nous avons suscitée et que nous développons sans cesse dans le personnel enseignant, qui touche aujourd'hui près de 10 000 instituteurs, et a produit les oeuvres qu'on connaît. Car la perfection de notre matériel et de nos éditions, la mise au point de la technique sont dues à cette coopération permanente, à l'échelle nationale des meilleurs parmi les instituteurs. Cette œuvre est la propriété collective et nul n'a le droit de s'approprier individuellement. Lorsque un instituteur expose comment il travaille selon nos techniques, avec notre matériel, il commet une indélicatesse s'il présente la chose comme une expérience personnelle, dont il voudrait s'attirer éventuellement renommée et profit. Il commet une maladresse aussi, par ce que, si nous laissions les firmes commerciales cultiver ainsi à nouveau ces  tendances individuelles de nos adhérents, nous en arriverions à décourager pour autant les efforts anonymes de nos bons coopérateurs et nous saperions  en définitive les principes et l'avenir de notre coopérative. Nous avons le droit et le devoir d'y veiller, et nous y veillerons.
Tous nos camarades restent libres au sein de notre C.E.L ., mais il va sans dire qu'ils doivent s'abstenir de tout ce qui peut nuire à leur coopérative, ils doivent nous aider à voir clair dans les procédés individualistes puisque commerciaux de ceux qui voudraient bien exploiter les filons que nous avons découverts dans une manoeuvre moins habile qu'on ne croit d’administrateurs qui auront bien, un jour, des comptes à rendre sur la façon dont ils conçoivent l'aide à la pédagogie française.
S'il est des  coopérateurs qui jugent que nous vous exagérons, que nous défendons avec trop d'âpreté et de rigidité les droits collectifs que nous sommes acquis par notre travail, qu'ils ne se contentent pas de nous critiquer, qu’ils nous conseillent,  qu’ils nous disent ce qu'ils feraient à notre place, s'ils étaient déterminés comme nous à « refuser de parvenir », s'ils voulaient seulement coller à la masse des enseignants dont nous défendons exclusivement les aspirations vers un travail plus humainement efficient.
 

 

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