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Un roman en sixième

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Juin 2011

Exemple de travail sur une oeuvre complète : la Guerre des boutons

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LE BUT
 
II s'agit :
 
1) De faire lire un roman, assez long, en entier, à des enfants dont certains ont des difficultés de lecture (pour une partie d'entre eux, la lecture silencieuse et est mal acquise).
2} De faire comprendre comment ce roman est construit et écrit, quelles sont les "ficelles" du métier de romancier, de façon à ce que, éventuellement, l' enfant puisse réutiliser ces éléments dans ses écrits.
3) Enfin et surtout, de faire aimer ce livre ("écrit dans la joie" dixit Pergaud), de montrer que la lecture peut être :
- un moyen de connaissance.
- un point de départ pour des discussions et des réflexions.
- un plaisir, purement et simplement.
 
COMMENT PARVENIR A CE TRIPLE BUT ?
 
1) LES PROBLÈMES.
 
Ces objectifs ne sont pas du tout évidents à atteindre pour un enfant de sixième, surtout qu'ici nous nous heurtions à des difficultés particulières :
            289 pages ;
            un vocabulaire et une écriture élaborés et complexes malgré l'aspect familier (et même choquant pour certains élèves) perçu au premier abord ;
            la distance due à l'époque, ce qui augmente la difficulté de compréhension.
Pourtant, nous avions aussi des atouts :
- la bonne volonté d'élèves pas encore dégoûtés du système scolaire.
 - l'attrait d'un roman sur l'enfance.
- la verdeur et le naturel du langage enfantin, car "Louis Pergaud montre bien comment nous parlons vraiment".
 
2) LES SOLUTIONS ENVISAGEABLES.
 
Lâcher les enfants seuls avec le livre et la consigne:
"Tu lis tant de pages pour telle date" ; c'est ce que font presque tous les professeurs, c'est ce qu'il m'arrive de faire moi aussi; mais cela signifie qu'on en laissera automatiquement un certains nombre de côté. L'enfant mauvais lecteur préfère subir un échec plutôt que de s'obliger à lire : l'effort demandé est trop grand.
 
Lire à haute voix en classe :
Les enfants sont très demandeurs, et cela permet d'expliquer au fur et à mesure mots et situations difficiles. Mais c'est long et nous nous heurtons aux difficultés de la lecture à voix haute, aux ânonnements; de plus, les rythmes individuels ne sont pas respectés.
 
3) LES SOLUTIONS RETENUES.
Pour ce livre, des solutions très simples ont été trouvées :
a- En classe, les cassettes :
En vue d'aider les enfants qui éprouvent des difficultés de lecture, la coopérative du collège a acquis des cassettes-livres, déposées au CDI. J'ai utilisé celles de la Guerre des boutons pour l'écoute en classe. Le texte est très bien lu : écouter l'acteur-lecteur équivaut à comprendre et à aimer même les passages les plus difficiles.
Cependant pour faire tenir un roman entier sur deux ou trois cassettes, les auteurs de la collection opèrent fréquemment des coupures : souvent, quelques lignes, un paragraphe, voire une ou deux pages, se trouvent supprimées. Or, certains enfants désirent lire en même temps qu'ils écoutent. Donc, j'ai dû écouter avant, le livre à la main, pour repérer les pages supprimées, et les annoncer au fur et à mesure.
b- A la maison aide pour le vocabulaire :
Le vocabulaire de la Guerre de boutons est très complexe. On y trouve des emprunts à l'ancien français ("tel panurge faisant quinaud l'anglois"), des expressions dialectales et techniques ("deux stères de quartelage"), des mots familiers ("falzar"), enfantins ("viendre") ("à l'inanimité"), mais aussi :
-des néologismes ("en vibrance")
-des mots d'un vocabulaire très soutenu ("les velléités anarchiques")
-des mots rares ("matricule")
-des images et des métaphores recherchées ("comme un ciboire sacré dans un tabernacle de roc").
 Les enfants risquaient à chaque instant de buter sur une incompréhension et de se bloquer. j'ai dû, par conséquent, pour tous les passages lus à la maison, donner la liste des mots difficiles et leur définition. II fallait ensuite que, au fur et à mesure, l'élève classe les mots par ordre alphabétique.
COMMENT AVONS-NOUS PROCÉDÉ?
 
II ne suffisait plus, dès lors, que de partager la lecture en deux parties : maison et classe. Le tout était entrecoupé de contrôles de la compréhension, et contrôles que le travail était réellement fait :
- Au début, à l'aide d'un tableau montrant comment se mélangent les différents "ingrédients" qui font un roman : chapitre par chapitre, les lieux, le déroulement chronologique, les personnages principaux et ce qui leur arrive.
- Ensuite, pour simplifier le travail et aller plus vite, des questions sur les différents chapitres.
De nombreuses activités peuvent découler de cette étude :
-discussions en classe
-maquettes (deux ont été exposées au CDI; elles montraient l'école)
-comparaison livre-film
-thème des combats dans la littérature: nous avons étudié Le grand combat d'Henri Michaux et les enfants ont écrit eux-mêmes des combats inventés, avec des mots étrangers
-autres thèmes, que nous n'avons pas eu le temps d'approfondir.
BILAN
Tout le monde a-t-il lu ce livre ?
Intégralement, non : deux élèves ont encore reculé devant l'effort de la lecture à la maison. Mais, en temps ordinaire, ils sont bien plus nombreux à "décrocher", surtout que presqu'une dizaine d'enfants de cette classe éprouvaient des difficultés de lecture. Ceux qui n'ont pas tout lu n'étaient d'ailleurs pas de mauvais lecteurs, mais des enfants perturbés qui n'arrivent pas à se concentrer sur le travail scolaire.
 
Tout le monde a-t-il compris ?
Nous avons dû élaguer des difficultés de compréhension. Longtemps, un groupe d'élèves a cru dur comme fer que la "Murie" était le nom de la vache morte, alors que c'est celui de la maladie qui l'a tuée.
Le film n'a pas aidé à la compréhension, puisqu'il est transposé à une époque plus récente et que de nombreux épisodes y sont transformés.
 
Tout le monde a-t-il aimé ?
Intégralement, non; un ou deux ont préféré d'autres romans lus dans l'année. Mais la grosse majorité, oui (même ceux qui n'ont pas tout lu) Le plaisir est venu surtout de l'écoute des cassettes, qui faisaient réellement vivre l'histoire.
Emportés par l'élan, les élèves continuaient à lire et à aimer chez eux.
 
Le bilan est positif.
La lecture est (re)devenue, le temps d'un roman, un plaisir, et les élèves ne se sont pas ennuyés. C'est déjà beaucoup, par rapport à ce que nous obtenons, trop souvent au collège...
Annie Holin
                        Collège de Genlis 21100
 
 
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