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Priorité à l'écrilire

Dans :  Français › Principes pédagogiques › 
Juin 2011
L'immobilisme et le conservatisme en matière pédagogique sont-ils inéluctables ?
Beaucoup de velléités de réformes, qu'elles soient sur les contenus (math modernes, orthographe, éveil) sur les supports (audio-visuel, informatique) sur les méthodes (travail de groupe et méthodes actives) ont en grande partie échoué.
 
On ne mesure pas à sa juste force le poids du "milieu" avec ses habitudes, son pouvoir d'usure et de lamination des désirs, de "reproduction" des pratiques.
Pas plus que les autres tentatives, la réforme des cycles et la loi d'orientation, qui sont des réformes structurelles et politiques, n'ont de chance de réussir si rien n'est entrepris pour aider les enseignants à modifier leur comportement quotidien et à surmonter leur angoisse devant les difficultés d'un métier en pleine évolution.
On pourrait supposer que l'institution scolaire, consciente de l'impossibilité d'imposer administrativement des réformes, a opté pour une déstabilisation du système scolaire, (projet d'école, travail en équipe, cahier d'évaluation... ) pensant que les "conflits" entre enseignants qui en résulteraient immanquablement feraient, à l'image du conflit socio-cognitif, évoluer le système dans son ensemble.
Volonté délibérée où similitude inéluctable ?
 
Allons nous une fois de plus rater une opportunité de rendre plus efficace et plus démocratique le système éducatif ?
 
En tout cas, les divergences ne manquent pas et la non-directivité ambiante n'a pas que des conséquences bénéfiques, car à tous les échelons de l'Éducation Nationale on voit apparaître des "définitions et des orientations personnelles" quelquefois peu respectueuses des décisions institutionnelles.
Allons nous être confrontés à la création de multiples pouvoirs dans et hors institution, persuadés du bon droit de décider et de diriger École ?
Allons nous assister à une régression simultanée des modes de fonctionnement et des pratiques avec le retour des bonnes vieilles méthodes?
 
Allons-nous une fois de plus rater une opportunité de rendre plus efficace et plus démocratique le système éducatif ?
 
Allons-nous assister à la pertinence des structures et des habitudes antérieures habillées d'un discours officiel progressiste ?
Car, mis à part de rares us, le travail en équipes est loin d'être une réalité et la notion de cycle encore moins.
Pour notre part, nous pensons qu'il est indispensable de marquer une rupture avec les pratiques antérieures pour aider les enseignants à s'approprier cette idée de cycle.
On ne sera pas étonné si encore une fois notre attention se porte sur le problème de la lecture-écriture et donc par conséquent sur le cycle des apprentissages fondamentaux.
Il n'est plus besoin de justifier que l'apprentissage de l'Écrit est un enjeu crucial.
L'ICEM vient de rééditer avec les autres mouvements pédagogiques, une plate-forme commune sur l'Ecrilire.
Agir dans l'intérêt de tous.
 
Comprendre et exprimer la pensée par l'écrit sont un enjeu fondamental d'une éducation démocratique.
On connaît très bien les difficultés que rencontrent les maîtresses et les maîtres de CP pour aider les enfants. On connaît aussi les limites du soutien et autres formes de remédiations à ce sujet. L'apprentissage de l'Écrit pour tous les enfants se heurte à des disparités multiples et considérables.
Pour les résoudre efficacement, les discours généreux et les replâtrages superficiels qui donnent bonne conscience ne suffisent pas.
Pour cela, il est nécessaire de réunir plusieurs conditions qui nous paraissent fondamentales.
1 Des moyens.
Limiter les effectifs des classes du cycle des apprentissages fondamentaux à 20 enfants par classe.
Si les conditions matérielles et numériques sont des éléments nécessaires qui permettent de travailler autrement, elles ne sont pas suffisantes. (1)
2 Du temps.
Il faut donc des moyens mais il faut aussi du temps.
De nombreuses études (2) ont montré qu'il y avait des différences considérables entre les enfants entrant au CP par rapport à l'apprentissage de l'écrit.
(Motricité, discrimination visuelle, sens de l'écrit, "projet" de l'enfant par rapport à cet écrit... )
Ces différences traduites en terme de temps représentent quelquefois 3 ou 4 ans d'écart entre certains enfants.
La création du cycle des apprentissages fondamentaux est un élément de réponse ; elle permet d'allonger la durée de l'apprentissage de la lecture, longtemps la plus concentrée d'Europe et réduite au seul Cours Préparatoire.
Nous avons donc 3 années pour aider les enfants à comprendre et à utiliser l'écrit. Ce n'est pas une découverte ; déjà les précédentes I.O allaient dans ce sens.
Pourquoi ces orientations ne se concrétisent-elles pas dans les faits ?
Pourquoi la compétition sociale implique-t-elle inexorablement de faire de plus en plus tôt et de plus en plus vite cet apprentissage de l'écrit ?
A qui profitent les exigences de précocité et de précipitation dans les pratiques didactiques de l'écrilire sinon aux enfants socioculturellement compétitifs ?
Déjà, dans certaines écoles, le CP, c'est FAC moins douze !!
 
3 Une approche qualitative de l'Ecrilire.
Avoir du temps pour apprendre l'Écrit est nécessaire, mais ce n'est pas suffisant.
Il est indispensable que ce facteur temps ne soit pas un élément pénalisant au coeur même de l'apprentissage de l'Ecrilire.
Bien sûr nous souhaitons l'abandon du manuel de lecture, outil artificiel et rigide, au profit d'activités de lecture-écriture basée sur la vie de la classe et sur des démarches qui tiennent compte des avancées des sciences de l'éduca­tion.
Bien sûr, nous souhaitons promouvoir progressivement la Méthode Naturelle.
 
Mais ce n'est pas facile de lâcher le livre.
Mais c'est difficile de ne pas succomber à la pression du milieu (parents, collègues ...) parce que "avant, ils savaient lire à Pâques", et de surmonter sa propre angoisse en suivant un chemin qui ne semble plus balisé
Pour surmonter ces obstacles, il faut d'abord du temps (et en avoir conscience), il faut aussi conduire et observer l'apprentissage de l'Écrit en terme de qualitatif (évolution de la capacité à saisir et réinvestir des données) plutôt qu'en terme de quantitatif. (capitalisation de "sons - graphies")
4 Du temps et du sens.
Donc, il est indispensable que l'activité de l'Ecrilire soit une activité prioritaire et authentique au cours de ce cycle 2.
Tout doit être fait pour donner du sens et du temps à cet apprentissage et surtout pour les enfants des milieux populaires et socio-culturellement défavorisés.
La réussite des apprentissages initiaux du Lire/ Écrire est essentielle.
Les acquisitions, les compétences et les attitudes mises en place à cette occasion vont marquer durablement la scolarité des enfants et leur rapport au savoir.
Nous pensons que ces analyses sont aujourd'hui partagées par de nombreux enseignants.
Mais comment, mettre en accord les intentions avec la pratique quotidienne.
Différentes enquêtes, hélas parcellaires, révèlent qu'au CE1 la majeure partie du temps des activités de Français est consacré à la grammaire-conjugaison et aux exercices d'application.
Les activités authentiques de lecture et de production d'écrits occupent en moyenne moins de 25% du temps.
 
Nous faisons une proposition !
Elle est simple, facile à mettre en oeuvre et ne coûtera pas cher à l'administration !
 
PAS DE LEÇON D'ORTHOGRAPHE GRAMMAIRE - CONJUGAISON AU CYCLE II .'
Et tant pis pour les hurlements de prétendus défenseurs de la langue française.
Nous n'avons rien contre l'orthographe, la grammaire, la conjugaison.
Mais il faut faire des choix.
Comment la maîtrise de la lecture, la capacité de conduire à son terme un raisonnement rigoureux, ou la compétence narrative qui supposent pour s'exercer que soient instaurées des pratiques et des dispositions accordées à ces fins, pourraient-elles s'acquérir dans de telles conditions de rationnement pour les enfants non-favorisés.
Combien d'heures sont trop souvent dilapidées au CE1 pour les leçons de grammaire. conjugaison ... dont l'efficacité pour améliorer les compétences en langue orale et écrite des enfants est très incertaine comme le concluent des recherches récentes. (3)
Ces mêmes recherches montrent que pour l'apprentissage de la langue, la structuration de la présentation d'une connaissance n'a pas de pouvoir structurant chez l'apprenant.
A quoi sert la grammaire, sinon à faire des exercices de grammaire, lorsqu'elle est abordée comme une discipline en soi ?
Enfin, toute cette terminologie, toutes ces activités métalinguistiques, ont-elles un sens et une utilité pour les pour les enfants de 7 ans ?
 
On va encore nous reprocher de faire baisser le niveau.
La réponse est facile ; il suffit de questionner les professeurs de français et de langues du collège.
Sincèrement, que reste-t-il de quatre années de grammaire à l'école primaire chez les enfants du collège ?
 
Nous proposons donc d'inverser les priorités.
Pas de leçon de métalangage dans le cycle des apprentissages fondamentaux, parce que le métalangage ce n'est pas fondamental.
Et puis, il restera encore les trois années du cycle des approfondissements pour aborder les quelques notions fondamentales qui nous paraissent indispensables.
Qui peut sérieusement affirmer que trois années ne sont pas suffisantes ?
Nous avons dit pas de leçon de grammaire ... au Cycle II, mais nous n'avons pas dit : pas d'étude de la langue ; nuance ...
Car faire, au cours d'activités d'écriture et de lecture, des remarques sur la langue orale et écrite, se poser des questions sur son fonctionnement, observer des analogies. constituer des séries, découvrir des lois, compiler ces remarques dans un cahier personnel ou sur des feuilles murales, rechercher dans cette mémoire écrite quand c'est nécessaire... c'est faire de la grammaire, de la conjugaison, ...c'est étudier la langue.
Cette observation expérimentale de la langue, par laquelle le groupe s'interroge, cherche, est une grammaire du sens et pour le sens, vivante, non-pénalisante, parce qu'elle n'exige pas une restitution docile, parce qu'elle ne sert plus de support à l'évaluation des enfants, une grammaire "naturelle" en quelque sorte.
Comment les enfants s'y prennent-ils pour découvrir les lois sur la langue ?
Comment nous y prenons nous avec eux autrement qu'en donnant des réponses à des questions qui n'existent pas ?
I1 ne s'agit pas de dire, "pas de grammaire ou moins de conjugaison", mais de faire une autre approche de la grammaire.
Le temps ainsi libéré pourra être consacré à des activités authentiques de lecture, de production d'écrits et d'observation de la langue dans des situations fonctionnelles.
L'apprentissage premier de la langue écrite ne peut être qu'une pratique de langue en situation de communication.
Les activités porteuses de sens ne manquent pas, (correspondance, découverte d'écrits sociaux, texte libre, atelier de lecture, d'écriture, créations collectives...) il suffit de leur accorder la place prépondérante qu'elles méritent.
 
Cette proposition donne matériellement la priorité que les I.0 accordent à l'apprentissage de l'écrit; elle symbolise en plus la rupture avec la conception d'organisation en classe d'âge.
 
CP et de CE1 doivent disparaître dans les mots comme dans les faits.
 
La Grande Section Maternelle doit rester une année de sensibilisation à l'écrit, conservant ainsi son caractère "école maternelle" (elle éviterait de devenir un petit CP (4) pour bons élèves de bons milieux) et doit être suivie le de deux années d'apprentissage de l'Ecrilire.