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Conte télématique et macrostructure du récit

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Juin 2011
POUR UNE COMMUNICATION AUTHENTIQUE
 
Apprendre une langue ne signifie pas seulement en acquérir les structures, mais développer dans la société qui l'emploie une compétence de communications.
Seulement, pour que des communications authentiques naissent dans la classe, et non des bavardages scolastiques, il faut mettre en place des situations exigeant la communication.
 
Pour ce faire, j'ai toujours privilégié l'organisation d’un milieu-classe offrant à mes élèves des outils et des techniques favorisant la mise en place de circuits de communication et d'échanges au sein de la classe et avec l'extérieur (journal correspondance, enquête, réunion de coopérative, socialisation des productions ... ). Le langage écrit et oral est alors utilisé pour questionner, argumenter. expliquer, inventer, décider, dans des situations fonctionnelles de communications mettant en jeu des interlocuteurs réels tant là l'intérieur qu'à l"extérieur de la classe.
Dans un tel milieu, les apprentissages se font pour une part d'une manière "incidente", c'est à dire que l'attention de l'enfant est mobilisée par une tâche concrète et spécifique à accomplir et, en même temps, incidemment, il apprend des stratégies, des savoir-faire qui pourront être réinvestis dans des situations similaires. D'autre part, d'une manière plus organisée, pendant les séances d'éveil linguistique, sont analysées les situations problèmes rencontrées dans les productions des enfants.
 
LA TÉLÉMATIQUE : UNE TECHNOLOGIE NOUVELLE AU SERVICE DE LA COMMUNICATION AUTHENTIQUE
 
POSTULAT
La télématique permettant la communication dans la multiplication de ses fonctions (recherche d'informations, expression, partage, transmission, relation socialisation) doit trouver sa place dans les outils offerts aux enfants pour créer une appétence à la communication et un support à celle-ci.
 
GENÈSE D"UNE EXPÉRIENCE
Aussi, quand j'ai appris que le CRDP de l'Yonne possédait un serveur, j’ai immédiatement pris contact avec ses animateurs.
Une première réunion a eu lieu, réunissant une dizaine d'instituteurs désireux de participer à une expérience télématique.
Des boîtes aux lettres ont donc été ouvertes afin d’organiser un premier réseau de communications basées sur la rapidité des échanges et la circulation des informations.
 
LA MESSAGERIE
Chaque classe dispose d’une boîte à lettres dans laquelle d’autres peuvent lui transmettre des messages.
Ces messages peuvent être sauvegardés (chacun peut se constituer un fichier des messages reçus) ou effacés après avoir été lus. En retour, chaque utilisateur peut adresser un message dans la boîte de la classe qu’il désire (transmission immédiate) ou un envoi collectif (on peut adresser simultanément le même courrier à plusieurs classes dont on a établi auparavant la liste)
 
DÉROULEMENT ET BILAN
            Mise en route
C’est un texte à suivre de Peggy, choisi par la classe, qui va servir à la mise en route du conte télématique.
 
À cette époque de l’année (Février), les textes se sont allongés. La quantité de textes socialisés dans la classe et à l’extérieur a permis un fonctionnement performant du tâtonnement expérimental par lequel les enfants intègrent, s’approprient des savoirs et des savoir-faire en écriture, en affinant leur maîtrise des différentes «formes textuelles»
 
Il y a accumulation qualitative d’expériences, et lorsque cette accumulation est suffisante (cela dépend de chacun), il se produit un bond qualitatif dans la maîtrise des savoirs.
Le texte de Peggy, récit de fiction, en est une illustration et une étape. Il représente, en effet, un phénomène qui se généralise chez les enfants dont la longueur des textes atteint une page: le texte à suivre. C’est un compromis entre les capacités d’attention, de concentration et de maîtrise physique de l’acte d’écrire (souplesse du poignet, maîtrise et décontraction des muscles des doigts …) et l’expérience accumulée sur ce que doit être une histoire pour être intéressante.
 
Ce genre de texte doit être perçu par l’enseignant comme une étape très importante dans la mise en place des savoir-écrire.
Le minitel m’a offert, je m’en rends compte maintenant, un outil des plus utiles pour prendre en compte cette étape. Avant l’utilisation du minitel, les textes à suivre étaient très souvent abandonnés par leur auteur ou s’enlisaient. Ce n’est plus le cas, en fin d’année, après l’expérience télématique.
 
Épisode 1 : le hérisson qui perdait ses piquants
 Il était une fois, dans un pays lointain, un hérisson qui était très malheureux, car dès qu’il avançait d’un petit pas il perdait un piquant. Aussi il avait … très mal. Mais un jour qu’il se promenait dans les bois, il rencontra un cerf et il eut très peur! le hérisson dit au cerf: «Ne me fais pas de mal et surtout ne me coupe pas les piquants sur mon dos car je les perds quand j’avance d’un petit pas.
-N’aie pas peur, dit le cerf, je voudrais être ton ami.»
Après cette scène, ils sont devenus amis pour toujours.
 
À suivre
Peggy, 8 ans, CE2
 
            Organisation
 
Très vite, la classe va s’organiser pour interroger le minitel comme un outil de travail, comme l’imprimerie ou comme l’imprimante de l’ordinateur. On y travaillera par équipes de deux, le texte à communiquer ayant été préalablement lu à la classe et choisi par celle-ci.
Dans les conditions de cette première expérience, le minitel devient un outil de communication collectif, c’est-à-dire que c’est la classe en tant que groupe qui échange. Ceci va favoriser la socialisation et la discussion pour fabriquer, choisir les épisodes du conte.
 
            Intérêt pédagogique d’un tel travail
Un travail collectif et pédagogique autour de l’écriture. Cette activité qui permet de focaliser une attention collective sur l’écriture, justifie un travail de réflexion autour d’un texte, permettant un éclairage des différentes composantes de la structure narrative d’un épisode. On ne doit pas finir l’histoire.
Aussi le premier schéma de récit élaboré avec les enfants doit être modifié.
 
Schéma 1 : une histoire
 
TITRE
 
Présentation
 
Événements
 
Réactions du ou des personnages
 
SOLUTION FIN
 
Schéma2 : récit à épisodes,
TITRE
 
Présentation
 
Événements
 
Réactions des personnages
 
On se mettra finalement d'accord sur un schéma unique de fonctionnement:
TITRE
 
Présentation
 
Evénements
 
Réaction du ou des personnages
 
SOLUTION FIN
 
Un travail qui associe donc la lecture fine et l'écriture. On lit l'écriture des autres et on écrit la lecture des autres. Ce va et vient favorise la mise en place d'une lecture fonctionnelle avec analyse de l'information contenue dans le texte reçu, avec appréciation de l'intérêt à porter aux détails de ce texte ainsi qu'à sa structure pour pouvoir le continuer, en respectant sa cohérence macrostructurelle (logique globale de l'histoire); riche travail sur l'enchaînement des phrases, l'enchaînement des épisodes, conditions de la cohérence de l'histoire.
Ce travail d'enchaînement permet de mieux cerner les stratégies de lecture de chaque enfant, les résultats étant directement observables de par sa production, et permet des discussions riches entre les enfants.
 
            Bilan
Ce travail a motivé la plupart des enfants, déjà impliqués dans des travaux d'écriture personnelle (textes libres, lettres) Un épisode fourni par une classe peut se voir proposer plusieurs suites. On aboutit à une histoire multiple genre "conte à votre façon" de Queneau.
Il me semble aussi que si, au départ, une classe s'empare d'un outil de communication (ici le minitel) pour faire connaître ses productions, très rapidement son utilisation devient le moteur d'une expression plus spécifique à l'outil de communication utilisé.
La diversification des outils de communication, qui reste un des points nodaux de notre pédagogie matérialiste, va permettre, pourvu que l'enseignant en soit conscient, une diversification fonctionnelle de l'écriture qui favorise un accès, contextualisé et vivant, au fonctionnement des différents types de discours (récits, écrits poétiques, dialogues, argumentation ...)
Ce premier travail a, de plus,-permis à tous les enfants (CE1 - CE2) de maîtriser l'outil minitel.
Les enfants commencent à proposer d'autres utilisations. En fin d'année un nouveau travail se met en route...
Denis ROYCOURT
École primaire de Perrigny 1987