Le corps et ses langages
Le mot "corps" est un piège
Le corps n’est pas que le corps, ses langages sont tributaires d’une culture, pris dans l’univers imaginaire et symbolique qu’elle distille. Le mot corps est un piège, il renvoie à un dualisme inégalitaire, ne se présentant jamais, au moins dans notre culture qui rabat le corps à sa matérialité, sans son double valorisé, esprit ou âme, comme composante de l’identité humaine, de la personne.
Pour en interroger la complexité, quatre départements de l’IUT de Bordeaux 1 ont exploré les facettes de la réalité corporelle, de son histoire, de son expérience vécue.
Nouvelles, contes, récits, poèmes et reportages ont accompagné un travail photographique et abordé des thèmes aussi divers que le corps dans les images publicitaires, la sexualité des adolescents, la peau, le corps tatoué, l’image du corps dans l’art…
Une conférence de Véronique Nahoum Grappe, anthropologue, a permis un débat sur les images contemporaines du corps. Ont été interrogés les effets en retour de la représentation marchande de la beauté d’un corps toujours jeune, sexué, androgyne. Les possibilités de reproduire et démultiplier les images du corps sont maintenant innombrables. Les images de corps jeunes et beaux qui s’affichent sur les murs deviennent modèles dominants, modèles qui génèrent la peur de ne pas être conforme, même dans l’anticonformisme. Ces affiches sont appel, promotion, injonction à la sexualité, corps à consommer comme les marchandises qu’ils accompagnent et comme gage de liberté et de bonne santé.
Photographies et textes présentés ici sont extraits de l’exposition qui a conclu le travail des étudiants.
Simone Cixous
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Quel est ton vrai visage ?
Mes yeux sont un miroir
dans ce miroir tu te regardes
et tu y cherches ton image.
L’homme que tu y vois
ne te ressemble pas.
L’homme que tu crois être
n’est pas celui que tu vois.
Quel est cet inconnu qui te regarde ?
C’est au regard de l’autre
Que se mesure l’existence de chacun.
Cécile
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Variations
Corps : idée complexe
A corps perdu ou à corps défendant
Corps immobile ou en mouvement
Corps à corps ou corps distant
Mais corps et âme infiniment
Et si paradoxal finalement
Charnel, sensuel, voluptueux
Ondulant, se balançant, dansant
Refait, opéré, transformé
Pudique, timide, caché
Souffrant, douloureux, mourant.
Carole
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Vivre Vite
Voltige, vertige
L’air grisant des altitudes
Plénitude
Vitesse, stress
Les secondes s’égrainent
Feux de détresse
Profondeurs ténébreuses
Souffle contrôlé
Frayeurs apprivoisées
Coups, chocs sourds
Ecchymoses
Nez cassé
Vincent

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La main sur le corps
On aurait pu dire
que je parcourais ton corps de ma main
pourtant, sans trahir,
nous savons, toi et moi,
que c’est ta peau qui, de son satin,
me caressait les doigts.
Cécile

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Le corps rond, carré
Le corps rond, carré
Ses sens
Pudeur maladive
Douillette enveloppe primitive.
Du tabou au porno chic
Objet de désir
Et point de mire
Perfection, révélation…
Peau rouge et dos mouillé
Sacré, dénudé, ou occulté
Imparfait…
Entretenu ou négligé
Le corps rond, carré
Enveloppe de chair
Outil du prolétaire
Parfois abusé
Corps érosion
En mutation
Avec l’âme en corrélation
Du voile à l’exhibition
Corvéable à merci
Corps en vente, en vitrine
Écorce en sursis
Piercings et idées libertines.
Florence, Margot, Julie
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Métamorphose d’une femme
Impuissante, Murielle assiste à la modification de son corps.
Elle rentre dans la salle de bain, allume les petites lampes ornant la glace située au dessus du lavabo. Elle voit son visage se refléter dans ce miroir et prend conscience qu’elle a changé. Elle se rapproche du miroir, le nez presque collé à ce dernier, et s’examine de plus près. Elle constate des rides au coin de ses yeux. Ils sont fatigués avec l’âge : elle doit porter des lunettes à double foyer qui accentuent ses cernes, et la profondeur de son regard exprimant des souvenirs lointains. Sa peau a vieilli elle aussi, un teint blafard tombe sur les traits de son visage, auréolé par la blancheur de ses cheveux. Cette image d’elle lui fait peur. Elle se rend compte qu’il n’y a pas que son visage qui a changé… Elle est stupéfaite devant l’image que lui renvoie le miroir : les courbes de sa sil-houette se sont en effet élargies. Elle n’y croit pas et se dit que c’est le miroir qui la déforme. Elle tente même de prononcer la formule magique, comme dans les contes pour enfants mais…
Le temps l’a changée, irrémédiablement.
Brice
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sommaire CréAtions 120 Le corps et ses langages 
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écriture, photographie, contes, nouvelles, poèmes, reportages
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