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Bibliothèque de l'Ecole Moderne n° 15 - Les plans de travail

Dans :  Techniques pédagogiques › organisation de la classe › 
Avril 1962

BIBLIOTHÈQUE DE L'ECOLE MODERNE 

LES PLANS

DE TRAVAIL 

par 

C. FREINET

ÉDITIONS DE L'ÉCOLE MODERNE FRANCAISE – CANNES

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TABLE DES MATIÈRES 

L'ORGANISATION DU TRAVAIL

UN ORDRE NOUVEAU BASÉ SUR LE PLAN DE TRAVAIL

LES OUTILS ET LES TECHNIQUES DU TRAVAIL NOUVEAU

LES PLANS DE TRAVAIL

QUAND NOUS TRAVAILLONS AU PLAN

CORRECTION DES PLANS DE TRAVAIL

 

L'ORGANISATION DU TRAVAIL

 

L'organisation du travail est plus que jamais à l'ordre du jour.

 

Elle l'était beaucoup moins naguère, au temps pas si lointain de l'artisanat encore généralisé. Et surtout elle ne s'y présentait pas sous cet aspect apparemment scientifique, objectif et froid, dont les IBM sont aujourd'hui comme un dangereux symbole.

 

Car de tous temps, une entreprise tant soit peu ordonnée a toujours eu une sorte de plan de travail non formulé, non matérialisé dans des tableaux et des plannings, mais qui n'en était pas moins inscrit dans la vie même des individus.

 

Le paysan n'avait pas de plan de travail type, mais il savait bien, quand la lune venait de tourner et que la pluie venait d'arroser la terre, qu'il fallait aller sans retard semer dans ce quartier froid avant de s'attaquer aux zones chaudes de l'Adret. Et quand le moment de moissonner arrivait, il n’entreprenait pas ses chantiers au hasard, car une négligence de un ou deux jours pouvait être catastrophique si l'orage secouait à terre les blés trop mûrs.

 

Le berger lui-même avait dans la tête son plan de travail qui conduisait alternativement le troupeau dans les divers coins à pâturer.

 

Les plans de travail étaient d'ailleurs jalonnés par les coutumes (on greffait chez nous durant la semaine sainte et on tondait les brebis à la St Jean pour les faire partir à la montagne aussitôt) ou par les proverbes qui étaient le fruit d'une longue et sage expérience.

 

En avril ne te découvre pas d'un fil.

En mai ôte ce qu'il te plait.

Haricots des Rogations donnent à foison. Sème-les à la St Didier; pour sûr tu en auras un millier.

Méfie-toi des saints de glace.

 

L'avantage de ces proverbes, c'est que contrairement à ce qu'on pourrait croire parfois, ils n'étaient qu'accidentellement établis et dictés du dehors, par une autorité extérieure, qu'elle soit civile, militaire ou religieuse. Ils étaient surtout l'expression d'une patiente et intelligente observation, de ce que nous appelons aujourd'hui le tâtonnement expérimental, et qui est sagesse parce que l'ordre ainsi établi dans le travail était intimement lié aux fluctuations et aux exigences de la vie.

 

Ces plans de travail, formulés ou non, étaient d'autant plus nécessaires dans les entreprises que l'activité y était plus complexe. La monoculture et la spécialisation sont d'invention toute récente. Tant que les villages, les provinces ou les contrées vivaient plus ou moins en autarcie, la complexité était une nécessité : il fallait faire de tout pour vivre.

 

Notre école, si la société n'en avait prématurément organisé la spécialisation, aurait pu vivre longtemps en bénéfique artisanat, avec un plan de travail excessivement souple, fonction des exigences de la vie, du rythme des saisons, des coutumes et des travaux.

 

C'est ce que nous faisons encore dans nos classes maternelles et enfantines, depuis que nous pratiquons les méthodes naturelles, parce que nous n'y sommes pas encore bousculés par les spécialisations précoces qui sont la lecture, l'écriture et le calcul. A ce degré, nous pouvons encore - suivant notre méthode - vivre et travailler selon le plan de travail expression des enfants dans leur milieu. Nous y sommes exclusivement orientés par les centres d'intérêt nés de la vie, à l'Ecole, et hors de l'Ecole, dans le cadre d'une affectivité qui n'est pas encore dominée par les données autoritaires, les dressages et les interdits.

 

Et pourtant même à ce degré, un plan de travail précis établi avec les enfants, à leur niveau, pour un jour ou deux jours, deviendra vite une nécessité, à condition que nous perdions définitivement l'habitude, ancrée hélas ! dans le comportement des éducateurs, d'imposer des horaires et des ordres extérieurs qui troublent la vie des enfants, de « conditionner » sous le prétexte de faire prendre des habitudes indispensables que peut fort bien faire naître, dans l'harmonie, une vie scolaire bien comprise.

 

CETTE QUESTION D'INTÉGRATION DU PLAN DE TRAVAIL A LA VIE EST UNE CHOSE ESSENTIELLE, ET TROP SOUVENT ET TROP VITE OUBLIÉE.

 

Les parents, dans l'entreprise artisanale d'autrefois, faisaient donc leur plan de travail, Même s'il n'était pas formulé objectivement. Dans la plupart des cas ce plan ne naissait pas d'une autorité non reconnue par les intéressés. Nous nous y serions pliés avec une naturelle rancoeur si le père, entre deux semonces, avait brutalement ordonné : Toi, demain, tu vas charrier du fumier dans le champ ; toi tu iras garder les brebis, et toi tu surveilleras le petit frère !

 

Les parents inscrivaient instinctivement l'ordre et l'urgence des travaux dans le complexe vivant et affectif : A la fin du mois, je dois semer ce champ... il faut que le fumier soit en place... hâte-toi de le sortir ! Les agneaux ont faim ; il faudrait les mener dans tel quartier où ils seront à l'aise !

 

L'ordre était toujours au moins atténué par les exigences de la vie.

 

Les enfants, même à l'Ecole Maternelle, aiment bien savoir à l'avance ce qu'ils doivent et pourront faire, surtout s'ils en ont décidé eux-mêmes. Et cela est très important.

 

Dans tout notre comportement avec les enfants comme avec les adultes d'ailleurs - il faudrait, dès l'abord, nous pénétrer de cette réalité. Nul n'aime être actionné d'autorité, les gens pas plus que les bêtes. Le chien qu'on oblige à aller là où il n'a pas envie d'aller obéit peut-être, en baissant la tête, ou en regardant à droite ou à gauche s'il ne pourrait pas se soustraire à un ordre qui l'obsède. Il avance, mais à contre-coeur, inquiet et troublé, assommé moralement, toutes conditions évidemment peu favorables à un rendement actif et intelligent. Que vous parveniez à le faire aller de son gré là où justement il veut aller, il donnera alors à 100 %, et sans limite, ses forces, son initiative et son intelligence.

 

La tendance de l'individu qui se sent brutalement poussé en avant est de réagir par l'effort contraire.

 

Il y a là un fait psychologique qui a rarement été mis en lumière, tellement est courante l'habitude de pourvoir d'autorité à tous les actes des enfants.

 

Vous êtes au bord d'un bassin. On vous pousse brusquement pour vous faire tomber à l'eau. Vous étiez prêt à vous y jeter vous-même, mais il fallait pour cela expérimentalement mesurer vos forces et vos gestes, calculer le moment favorable, physiologiquement et psychiquement, pour vous jeter à l'eau avec un minimum de risques.

 

Nous nous étonnons parfois de ce que les psychologues appellent le stade d'opposition des enfants. A tout ce que vous ordonnez, ils disent non. Et pourtant ces mêmes enfants ne manifestent aucune opposition quand ils sont dans le groupe vivant des autres enfants, où ils s'astreignent à des actes pas toujours très agréables mais exigés par un ordre et une motivation acceptés et voulus.

 

IL N'Y A PAS DE PLAN DE TRAVAIL VÉRITABLE S'IL N'Y A PARTICIPATION, FORMULÉE OU NON, MOTIVÉE PAR LA VIE, NE SERAIT-CE QU'AFFECTIVEMENT, SIL N'Y A CHOIX ET ACCEPTATION DES INTÉRESSÉS.

 

Hors de là, il y a peut-être emploi du temps, apparemment bénéfique, réglementation, voire rationalisation. Il n'y a pas plan de travail.

 

C'est la portée de ces deux formules qu'il nous faut préciser au départ si nous voulons éviter la détérioration, par la scolastique, d'une innovation dont nous mesurons déjà les bénéfiques effets.

 

Car même s'il n'a pas ce nom explicite, il existe depuis toujours un emploi du temps dans toutes les écoles. Il est prévu par les lois et règlements ; il précise les heures d'entrée et de sortie, le programme et le déroulement des travaux, la place des leçons, des devoirs et des récréations, tout cela d'ailleurs dûment codifié dans les répartitions journalières et mensuelles.

 

Et comme si cet ordre venu d'en haut était encore trop lointain et donc susceptible d'être transgressé, les manuels scolaires ont répercuté ordres et règlements au niveau des classes et des élèves eux-mêmes. Le petit enfant du CP vous dira qu'il est aujourd'hui à la page 52 de son livret, et qu'il étudie aujourd'hui le nombre 39, avant le 40 et après le 38. Et pour les grands les manuels fixent dans le moindre détail ce que l'élève doit faire, ce qu'il doit observer, ce qu'il doit penser, ce qu'il doit répondre si on l'interroge.

 

Pas plus que n'est vraiment plan de travail le planning de l'usine, à la préparation duquel l'ouvrier n'a point de part et qui n'est qu'une réglementation, une coordination horaire de l'élément technique et de l'élément humain. Dans l'usine automatisée, ce « programme » sera tout simplement inscrit sur bande magnétique.

 

Or, cette servitude mécanique aux ordres venus de l'extérieur, venus parfois de machines irresponsables, n'a absolument rien d'éducatif. C'est un moyen économique de « conditionnement » et c'est tout.

 

On peut, par ce moyen, dresser des individus à des gestes et à des actes inscrits dans « le programme » ; on peut les instruire. On n'exerce absolument aucune de leurs vertus caractéristiques, celles qui en font la puissance et la grandeur : la faculté de penser par eux-mêmes et d'exprimer leur pensée, le pouvoir d'expérimentation et de création, l'action décisive sur le monde qui les entoure et qui nécessite une intelligence vive, dans un contexte social aidant.

 

Dès le début de nos expériences, nous nous sommes trouvés naturellement en rébellion contre cette forme scolaire du dressage et de la servitude et deux de nos premiers mots d'ordre ont été : Plus de manuels scolaires et Détruisez la chaire magistrale.

 

C'était effectivement le geste anarchique de citoyens qui ne reconnaissent pas l'autorité extérieure à la préparation de laquelle ils n'ont point participé. Mais pour les enfants comme pour les adultes il ne suffit pas de dénoncer les règlements et de détruire ce qui est. Il appartient à la communauté de s'orienter vers un ordre nouveau que nous avons mis au point, pour ce qui concerne le 1er degré et qui vise à une reconsidération totale et radicale de notre travail et de notre vie dans le cadre des exigences des lois et règlements.

 

Ce sont nos plans de travail qui vont faire la synthèse du nouvel ordre que nous sommes en train d'établir et qui substituera peu à peu, à l'autorité scolastique, la coopération dans le travail.

 

 

 

UN ORDRE NOUVEAU BASÉ SUR LE PLAN DE TRAVAIL

 

L'établissement de ces plans a une importance capitale pour la réalisation harmonieuse de notre pédagogie moderne.

 

En un temps en effet où l'on se plaint avec raison du manque de sens moral et social, et de sens civique chez les enfants, alors que, faute de mieux, on aurait tendance à « serrer la vis » et à multiplier les interdits, on comprendrait mal que nous relâchions inconsidérément les rênes en disant à nos élèves - Faites ce qui vous plait !

 

Nous sommes tous tellement habitués à commander les enfants et à exiger d'eux la passive obéissance qu'on ne pense pas qu'il puisse y avoir une autre solution à l'éducation que la formule autoritaire. C'est, selon la masse des éducateurs et des parents aussi, ou l'autorité, ou le désordre et l'anarchie. Les parents inquiets pour l'avenir de leurs enfants viennent nous dire : « C'est bien beau de leur laisser faire tout ce qui leur plait, de leur supprimer devoirs et leçons et de ne les astreindre à rien... La vie a ses exigences. »

 

Et Monsieur APERI, professeur de mathématiques à l'Université de Caen, qui a suivi tout notre Congrès de Caen, venait confesser à la séance de clôture. « Quand on nous parle de Techniques FREINET au second degré, nous pensons aux enfants qui montent sur les tables ; alors nous réagissons ».

 

Nous n'aurions pas continué nos techniques si elles n'avaient servi qu'à instaurer le désordre qu'on nous reproche, car nous savons par expérience que nous en serions les premières victimes. L'instituteur a absolument besoin d'ordre dans sa classe, comme une communauté sociale a besoin aussi de règles et d'harmonie. Reste à savoir l’ordre qu'on choisit ; il y a l'ordre formel, établi par l’autorité d'un individu, d'un groupe ou d'une administration, que le sujet n'a pas à discuter, auquel il doit seulement obéir, même si des aménagements plus ou moins démagogiques interviennent pour en amenuiser les obligations.

 

L'Ecole traditionnelle en est à ce stade, en retard sur le milieu qui, par les élections, par la presse, par l'action syndicale, par les manifestations diverses, agit sur le pouvoir, même s'il n'en est pas totalement maître. L'enfant, lui, n'a absolument aucune possibilité d'expression et d'action dans une société qui est pour lui l'équivalent de la seigneurie ou de la royauté. Il atténue certes les rigueurs de l'autorité par son action clandestine, par son habileté à affronter ou à esquiver les défenses et les punitions, comme le braconnier se riait des prétentions des maîtres à lui interdire les satisfactions auxquelles son travail lui donnait normalement droit, car l'enfant, pas plus que l'homme, ne saurait vivre sans un coin au moins de ciel bleu.

 

Et il y a un autre ordre, celui que nous tâchons de réaliser, qui se fait non par autorité, niais par la prise de conscience progressive, expérimentale, des nécessités de la communauté, dont le maître fait lui-même partie ; qui donne à l'enfant voix au chapitre, tant pour l'organisation de la classe, que pour l'organisation du travail.

 

Il faut se rendre à l'évidence que, dans un tel contexte social, tout reste à reconsidérer. C'est un climat nouveau qu'il faut créer, une révolution de 1789 de l'éducation, qui attend ses instituteurs et ses règles, ses artisans et ses héros, et qui a ses exigences.

 

D'aucuns ont essayé de faire naître ces institutions, de susciter ce climat, par l'organisation pour ainsi dire administrative, qu'elle soit coopérative ou par équipe, ou par groupes. Nous savons la vanité d'une telle entreprise, qui ne modifie que le cadre, sans atteindre aux éléments mêmes de la vie.

 

Comme dans la société actuelle, c'est le travail qu'il faut organiser sur de nouvelles bases.

 

Le Plan de Travail, le vrai Plan de Travail, devient une nécessité.

 

Voici les conseils que donne aux jeunes un de nos maîtres chevronnés : Monsieur Nadeau à Azur (Landes).

 

COMMENT J'ORGANISE LE TRAVAIL DANS MA CLASSE :

 

Le maître qui débute dans les Techniques FREINET est souvent dépassé, emporté par le torrent de vie qu'il libère et sa classe sombre parfois dans l'anarchie. C'est la cause de nombreux échecs, d'expériences ratées. On a rompu avec les pratiques sclérosantes de l'école traditionnelle où tout est pesé, prévu longtemps à l'avance, on se passionne avec ses élèves pour la belle aventure de la vie retrouvée et l'on s'aperçoit brusquement que l'on a perdu pied. On a simplement oublié que la liberté idéale n'existe pas, que, pour « libérer » sa classe, il ne s'agit pas uniquement de laisser l'enfant se livrer à n'importe quel travail suivant son caprice du moment, mais qu'il est nécessaire, pour la réalisation des tâches indispensables, de s'imposer des règles communes, règles créées, comprises et admises par tous. Il faut en effet tenir compte de tout ce qu'apporte notre vie nouvelle, l'exploitation des textes libres, les enquêtes, les correspondants, etc,... mais aussi du milieu, des programmes et des examens et, hélas ! du manque d'outils de travail, dont nous souffrons encore. De tout cela il faut pourtant que nous fassions un ensemble harmonieux afin de faire naître dans nos classes cette discipline de travail, cet ordre profond dont nous rêvons.

 

L'enfant comprend d'ailleurs la nécessité d'une telle organisation. Je n'en veux pour preuve que l'anecdote suivante. Lorsque, au cours de notre voyage-échange avec l'école de Saint-Hilaire de Brens, dans l'Isère, nous sommes allés visiter une usine de tissage, le Directeur nous a longuement commenté son « planning ». Grâce à un immense tableau il savait exactement à chaque instant où en était le travail dans son usine : chacun des 400 métiers était pointé avec l'état d'avancement de la pièce qu'il tissait, la date à laquelle elle serait terminée, la pièce qu'il aurait ensuite à entreprendre. C'était vraiment une merveille d'organisation dont, à juste titre, il était très fier. Aussi fut-il un peu décontenancé par la désinvolture avec laquelle une de mes fillettes lui fit remarquer :

 

- « Mais, Monsieur, à l'école, nous travaillons comme ça ! »

 

Il n y avait là, pour elle rien que de très normal, elle n'en voyait pas le mérite, elle n'y trouvait qu'une seule différence avec notre façon de faire ; nous, nous appelions cela, plus simplement, un Plan de Travail.

 

Ce problème de l'organisation du travail est d'une extrême importance et il suffit d'avoir assisté aux controverses passionnées que déclencha à Boulouris l'exposé sur la question pour en être profondément convaincu.

 

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LES OUTILS ET LES TECHNIQUES DU TRAVAIL NOUVEAU

 

Une telle organisation suppose évidemment une autre conception de la Technique de Travail elle-même.

 

Vous pouvez avoir dans une usine un planning perfectionné pour justifier et imposer un travail à la chaîne qui apparaît comme le plus techniquement rentable mais que les travailleurs maudissent ou refusent parce qu'il ne tient pas compte d'un élément pourtant décisif de l'organisation : la vie, l'affectivité, les tendances et les besoins des individus.

 

Vous pourriez certes établir le lundi matin des plans autoritaires de travail qui ne seraient en définitive que la transcription sur le papier du contenu des manuels. Vous n'apporterez qu'un perfectionnement technique à l'éducation autoritaire de toujours. Vos plans ne susciteront nul enthousiasme et vous serez obligés de faire intervenir récompenses et punitions, ces piliers traditionnels de l'autorité. Il y aura pourtant à cette évolution technique si timide soit-elle, un avantage non négligeable : le fait que l'enfant sera déjà quelque peu dégagé de l'autorité du maître puisqu'il aura désormais à choisir l'ordre des travaux et le moment qui convient le mieux à chacun d'eux. Mais cet avantage lui-même suppose aussi que vous aurez au préalable, modifié votre technique de travail scolaire et que vous admettez que vos enfants puissent ne pas faire tous, au même moment, le même travail. Cette seule révolution suffirait d'ailleurs à bouleverser votre classe si vous ne trouviez des fondements nouveaux pour une nouvelle conception de l'ordre et de la vie.

 

Ces fondements nouveaux, nous les avons exposés dans notre livre L'Education du Travail (L'Education du Travail - DELACHAUX et NIESTLÉ.). Ils sont le fruit de notre longue expérience, et ce sont eux qu'il nous faudra faire sentir et comprendre aux parents et aux éducateurs :

 

- Le travail est naturel à l'homme, et non le jeu.

- Il ne faut évidemment pas considérer comme travail les tâches imposées par les adultes et par le milieu, mais seulement les activités qui répondent aux besoins des enfants et satisfont leur souci de curiosité, de croissance et de conquête.

- Le désordre dans quelque groupe que ce soit vient toujours du fait qu'on contrevient à ces tendances naturelles et à ces besoins ; qu'on contrarie des processus inéluctables et que l'individu troublé dans ses aspirations profondes réagit, où qu'il se trouve, selon des normes qu'il serait facile d'analyser : opposition ou du moins non collaboration - sentiments d'hostilité et non de fraternité - sabotage conscient ou inconscient des tâches imposées - opposition contre les éducateurs, contre les camarades, contre le milieu lui-même - qui se défend à son tour par les sanctions - punitions et récompenses - et qui essaient de canaliser certaines tendances par les notes et les classements.

- La réalisation d'une éducation du travail est au contraire génératrice d'ordre et d'harmonie, donc d'équilibre et de progrès.

 

Toute la pédagogie traditionnelle est aujourd'hui dans une dramatique impasse, du fait qu'elle prétend justement actionner les enfants de l'extérieur, en leur imposant un travail qu'elle essaie en vain de rendre intéressant, mais qui ne sera le vrai travail, avec toutes ses vertus, que le jour où il sera intégré à tout le devenir de l'être.

 

Il résulte de la persistance de cette erreur, que les enfants désaffectionnent le travail scolaire qui n'a plus en eux aucune résonance, que cette désaffection se répercute sur le travail en général, et qu'on ne parvient plus à combler ce vide sinon par des erzatz désorganisateurs : jeux, sports, compétitions, avec profits plus ou moins spectaculaires, cinéma, télévision, etc...

 

LES PLANS DE TRAVAIL

 

Nous semblons, par ce long préambule, nous éloigner de notre propos qui est la nécessité de Plans de travail. Il était nécessaire pour bien situer le problème :

 

-Un ordre et une discipline sont indispensables à l'Ecole comme hors de l'Ecole Nous sommes tous d’accord sur cette nécessité préliminaire.

 

- Mais l'ordre actuel ne nous donne pas satisfaction, L'Education du Travail nous vaut une solution considérablement plus valable.

 

- Mais L’Education du Travail par les Plans de Travail suppose la possibilité pour l’Ecole de rendre possible, techniquement parlant, cette Education du Travail.

 

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C'est la recherche de ces possibilités qui fait l'objet des pages qui suivent.

 

Par la reconsidération des techniques de travail, nou changeons les rapports entre élèves, entre élèves et éducateurs, entre école et milieu. Nous changeons le climat de l'école. Nous jetons les bases vivantes d'une nouvelle pédagogie.

 

***

 

Il y a vingt-cinq ans que nous parlons de Plans de Travail.

 

En 1948 nous écrivions une brochure qui donnait les grandes lignes de la technique et qui a orienté les recherches et les expériences. Le cadre était créé. La présentation matérielle elle-même de nos Plans de Travail n'a pas beaucoup varié.

 

Mais nous n'avions pas encore la possibilité pratique de garnir ce cadre ; nous nétions pas encore en mesure de permettre aux enfants des activités fonctionnelles intéressantes. Nous disposions bien de nos fichiers auto-correctifs pour remplir les cases calcul et grammaire. Mais nous étions embarrassés pour offrir des travaux à leur mesure en histoire, en géographie, en sciences. L'élève avait bien marqué sur son plan à la rubrique histoire : La Révolution française en province. Mais quand il s'agissait de passer à la réalisation, il ne trouvait pas d'autres éléments que les pages trop abstraites et souvent fausses d'ailleurs, des manuels, qu'il en était réduit à étudier sans les comprendre - ce qui apparaissait comme un échec de la méthode.

 

Il inscrivait en géographie : Le Cours du Rhône, mais le même problème se présentait. Où chercher la documentation et les directives nécessaires sinon dans des manuels de géographie dont nous avons dit si souvent les tares, ou dans des livres et revues écrits par les adultes, avec des notions et des explications hors de la compréhension enfantine.

 

Ils inscrivaient la pression atmosphérique. Si nous ne voulions pas nous contenter du verbiage qui est à l'opposé de notre pédagogie, il aurait fallu faire des expériences, mais quelles expériences, avec quel matériel, selon quel ordre ? Nous nous reportions, en désespoir de cause aux manuels scolaires qui décrivent ces expériences pour éviter justement de les réaliser.

 

Nous nous trouvions dans la même situation qu'un fabricant de casseroles qui voudrait passer du stade artisanal à la production en série. Il prévoit bien le cadre de la transformation, mais les machines et les techniques lui font défaut. Il ne pourra évidemment démarrer que lorsqu'il aura réalisé cette deuxième condition indispensable.

 

Conscients de cette nécessité, nous nous sommes attaqués à la production coopérative du matériel indispensable et à sa technique d'emploi.

 

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Les enfants inscrivent dans les cases préparées à cet effet, les numéros des fiches qu'ils se proposent de faire en cours de semaine (évidemment, au début du moins, le maître doit intervenir pour la fixation du nombre et du niveau des fiches.) Contrairement à ce qu'on pourrait croire, les enfants sont généreux dans la prévision de leurs projets. Cette générosité est un trait commun d'ailleurs à toutes les natures humaines.

 

Quand nous partons en vacances, nous emportons un stock impressionnant de livres que nous nous promettons bien de lire et les mamans préparent leur stock de chaussettes à raccommoder.

 

Et puis les vacances s'écoulent. Les matinées passent trop vite et le soir on est fatigué. Ce n'est qu'à la dernière semaine de vacances qu'on pensera avec quelque nostalgie au plan de travail qu'on s'était tracé. Trop tard. les livres et les chaussettes reviendront comme ils étaient partis.

 

Vous pourrez donc très facilement fixer avec les intéressés, la liste des fiches à faire en cours de semaine. C'est au stade de l'exécution qu'il faudra rester vigilant. Si on ne surveille pas tous les jours, si on n'encourage pas les retardataires en leur rappelant les promesses faites et en les aidant au besoin, le dernier jour arrivera et le plan de travail ne sera pas terminé.

 

Nous rappelons toujours, à l'occasion de nos fichiers et de nos livrets auto-correctifs, qu'ils ne constituent nullement dans notre esprit l'essentiel de la formation arithmétique. Ils ne remplacent pas l'indispensable calcul vivant pour lequel nous sommes en train de roder la méthode, mais qu'il nous est difficile d'inscrire pour l'instant dans notre Plan de Travail.

 

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Nous ferons exactement les mêmes observations pour ces deux rubriques, en indiquant bien que ces fiches ne sont qu'un complément plus ou moins utiles à nos textes libres et à leur exploitation et ne sauraient en aucun cas constituer par elles-mêmes un cours de français. Nous ne recommandons pas beaucoup d'ailleurs la pratique automatique, dans l'ordre numérique de ces fiches. Nous préférons selon les faiblesses grammaticales ou syntaxiques apparues dans les dictées et les Textes libres, inscrire pour le plan de la semaine suivante les fiches correctives désirables.

 

3° - HISTOIRE

 

C'est une des techniques pour lesquelles on ne peut pas faire grand chose d'intelligent, et donc d'utile selon les anciennes méthodes et avec les livres en usage. Prenez un manuel quel qu'il soit, vous trouverez de beaux échantillons de phrases telles que celles-ci :

 

Pendant la guerre de Cent Ans, les Français sont battus par les Anglais à Crécy, en 1346, à Calais et à Poitiers, en 1356. La misère est immense dans le pays. Mais le roi Charles V, aidé de Du Guesclin redevient le maître du royaume. Les Anglais ne possèdent plus que : Calais, Cherbourg, Brest, Bordeaux et Bayonne.

 

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Louvois a été le ministre de la Guerre de Louis XIV. Le grand ingénieur Vauban a construit des centaines de forteresses. Turenne a été le meilleur général de son temps. Louis XIV a conquis une partie de la Flandre en 1668. Il a ensuite combattu les Hollandais. Le traité de Nimègue,en 1678, a donné la Franche-Comté à la France.

 

Je défie, non pas un enfant, mais un adulte même cultivé de comprendre ce qui est exprimé dans de telles pages, et ils sont bien prétentieux les auteurs qui peuvent nommer histoire des listes d'événements dont on n'est sûr ni de la véracité ni de la position exacte dans le temps.

 

De telles méthodes préparent-elles à la connaissance du passé pour une meilleure compréhension du présent et de l'avenir ? Evidemment non. Il nous faut une autre forme d'histoire, basée sur la connaissance du milieu, sur l'étude des éléments du passé, immédiat et lointain, sur les causes vraies et profondes des événements, sur ce qu'on appelle d'ordinaire la civilisation, mot un peu prétentieux, que nous conserverons cependant, ne serait-ce que pour l'opposer à l'inutile et dangereuse histoire de mots trop unanimement pratiquée jusqu'à ce jour.

 

Mais encore fallait-il forger les outils et les moyens de cette histoire de la civilisation. Nous y avons aujourd'hui pourvu avec :

 

- De nombreux numéros de notre riche collection BIBLIOTHÈQUE DE TRAVAIL, qui compte à ce jour 530 numéros. Nous en avons 200 qui se rapportent à l'histoire, parmi lesquels une série particulièrement précieuse de l’Histoire de... : Histoire du pain, Histoire du Livre, de l'Habitation, de l'Eclairage, du Chauffage, du Papier, de l'Ecriture, de l'Ecole de la Route, de la Bicyclette, de la Navigation, d la conquête du sol, de la charrue, des maisons d'autrefois, des maisons modernes, des battages, de boulangers, de la pêche, du costume, des cordonniers, des mineurs, de la métallurgie, de l'urbanisme, des fortifications, des châteaux-forts, des armes blanches, des armes à jet, de l'attelage, des chariots et carrosses, de la navigation sous-marine, des temples et églises, des anciennes mesures, des maîtres d'école, des postes, du timbre-poste, de l'astronomie, du temps, des armoiries-emblèmes-médailles, histoire des ponts, du théâtre, des coutumes funéraires, des jeux d'enfants, des jeux olympiques modernes, des jeux olympiques, des monuments de Paris, de Bordeaux, de Marseille, (SBT), de la Suisse.

 

Toutes ces brochures serviront de base aux travaux et enquêtes que les enfants amorceront selon la technique même des historiens et des chercheurs.

 

- Des documents divers recueillis par la correspondarce interscolaire, l'examen des archives, l'étude du milieu, les fouilles archéologiques, les enquêtes diverses, la radio et la télévision.

 

- Notre Fichier Documentaire, dans lequel nous plaçons, après les avoir répertoriés selon notre Classification Décimale, tous les documents qui peuvent éventuellement nous servir : livraisons spéciales du commerce, documents extraits des revues spécialisées ou des publications à fort tirage. Cette documentation, plus spécialement iconographique nous sera très utile, surtout pour les exposés de conférence.

 

Le Fichier de l'Ecole FREINET comporte des milliers de documents d'histoire de la civilisation.

 

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Des films fixes en noir et en couleurs, des disques complètent cette documentation qui conseil titue un outil d'une richesse extraordinaire et qui, a l'avantage d'être modernisée en permanence par l'apport presque journalier de documents par les maîtres, et aussi par les élèves ainsi intéressés directement à leur propre culture historique.

 

- Des Suppléments Bibliothèque de Travail, comportant un certain nombre de dessins pour découpages, ombres chinoises, maquettes et dioramas, qui permettent des reconstitutions qui ont une portée démonstrative et instructive bien supérieure au contenu verbal des leçons et des manuels : l'Égypte, la Grèce, le Haut Moyen-Age, la Révolution, Histoire du Costume de la Gaule au Moyen-Age, du Moyen-Age à la Renaissance, de la Révolution à nos jours.

 

- Des fiches-guides, établies par F. DELEAM et réunies en Suppléments BT sous le titre général :

 

Pour connaître le passé :

 

-De la Gaule au Moyen-Age.

-De la Guerre de Cent Ans à 1789

-De 1789 à 1870

-De 1870 à nos jours.

 

Voici par exemple : les fiches-guides se rapportant à l'Histoire des Transports et des Communiations de 1870, à nos jours (p.16 I° Chemin de fer ; 2° Navigation) et au thème : La vie familiale change (p.26).

 

IV. - DANS LES TRANSPORTS ET LES COMMUNICATIONS.

 

I° LES CHEMINS DE FER.

 

Montre comment la voie ferrée concurrence puis détrône la route, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. BT 7

 

Qu'advient-il maintenant des lignes secondaires de ta région ? Pourquoi ?

Qu'est-ce qui remplace la traction à vapeur sur de nombreuses lignes?

Le chemin de fer qui passe près de chez toi est-il électrifié ? Depuis quand ? BT 276 p. 24

 

Suis les records de vitesse battus par les locomotives et fais un graphique. BT 276 p. 24 et BT : S.N.C.F.

 

Fais la maquette du viaduc de Garabit. BT 306, p. 14 ; BT 149, p. 19

 

Raconte comment fut construit le métro de Paris. BT 115

 

 

2° LA NAVIGATION :

 

Fais la maquette d'un trois-mâts. BT 379; S. BT 18

 

Raconte les derniers voyages en voiliers. S. BT 19

 

Fais la maquette d'un paquebot. BT 424; BT 430; BT 27, p. 28

 

Calcule le temps mis par un transatlantique pour aller de France en Amérique ; BT 155, p. 18

 

Dessine une carte montrant les grandes lignes maritimes avec la durée des voyages. Atlas

 

Colle sur ton album historique des images de cargos spécialisés cargos à portiques, pétroliers, bananiers. BT 27, p. 29, BT 155, p. 14 et 15, BT 15, p. 12 et 13

 

Visite un port et fais un compte rendu à tes camarades. BT 346, p. 21 BT 250 BT 155, BT 364, p. 14 à 20

 

Cherche des documents sur le nouveau paquebot : "France". BT Actualités - BT 518

 

Comment rend-on un fleuve navigable ? BT 429, p. 17 ; BT 140 p. 21

 

Etudie le trafic d'un canal ? BT 132 ; BT 409 BT 174, p. 18

 

Il. - LA VIE FAMILIALE CHANGE.

 

1° LE BONHEUR DES ENFANTS

 

a) Demande aux vieillards s'ils avaient beaucoup de jouets quand ils étaient jeunes. Compare avec toi. BT 78 et BT 127

 

Compare les distractions offertes aux enfants avant 1900 et maintenant. BT 78 et BT 127

 

b) Dans ta commune ou la ville voisine, y a-t-il une crèche, un jardin d'enfants, un parc aménagé, un patronage, un terrain de jeux, etc... Depuis quand ? BT 127

 

c) Relève sur les registres d'état-civil des années voisines de 1900 les décès de jeunes enfants. Compare avec ces dernières années. Archives locales

 

Cherche les raisons de ce changement BT : La démographie BT Actualités

 

d) Mais est-ce que tous les enfants peuvent bénéficier des améliorations économiques et sociales ? Pourquoi ? (Pense aux difficultés de la vie : salaires insuffisants, vie chère, chômage... ).BT 526 p. 30 - 31 -32

 

2° L'AUTORITÉ DES PARENTS

 

Demande aux vieillards comment ils étaient traités par leurs parents quand ils étaient jeunes. Compare avec la façon dont tu es traité. BT 78

 

 

A partir de quel âge les enfants faisaient-ils des travaux pénibles avant 1900 ? Ten fait-on faire maintenant ? BT 122, p. 26

 

 

Mais est-ce que tous les parents se conduisent bien envers leurs enfants ? Pourquoi ? (Pense aux difficultés de la vie.) BT Actualités

 

Vous remarquerez qu'il n'y a dans le corps de ces fiches aucune connaissance dogmatique à étudier d'une façon formelle ou à apprendre par coeur. On y indique seulement, les observations et les recherches à faire, sources où puiser, les enquêtes à mener, les documents à consulter. Ce n'est qu'après que nous tâcherons d'en tirer des conclusions. La fiche ci-dessus sur la vie familial se termine par exemple par ces mots qui constituent une amorce de synthèse :

 

« Les enfants paraissent plus heureux maintenant qu'il y a cent ans. Pourtant les journaux nous apprennent souvent des drames de lenfance. Recherchez-en les causes ».

 

Vous verrez aussi que, à l'inverse des manuels qui ne constituent que des abrégés ou des résumés, ces fiches comportent chacune des thèmes nombreux et des listes de travaux qui vous paraîtront excéder et de beaucoup, le cadre de vos leçons.

 

C'est que là intervient justement un élément important de notre technique de travail, calquée exactement sur la technique de travail des adultes.

 

Si des chercheurs adultes avaient à creuser la connaissance d'un thème comme « les chemins de fer » il ne leur viendraient pas à l’idée d’entrprendre chacun l'étude complète, ce qui amènerait nos 5 à 6 travailleurs à faire séparément les mêmes travaux et à produire 5 à 6 mémoires exactement semblables. Travail inutile, irrationnel, qui n'a cours qu'à l'Ecole, pour des acquisitions verbales et livresques.

 

Nos chercheurs n'auraient jamais l'idée d'opérer ainsi comme ils n'auraient jamais l'idée, en face d'un champ à bêcher, de bêcher chacun en entier, le même champ. Ils se partageraient le champ, chacun bêchant sa part, quitte à égaliser ensuite le champ de quelques coups de bêche généreux.

 

Nos chercheurs se partageraient donc eux aussi le travail, ce qui permettrait à chacun d'eux d'approfondir au maximum l'étude entreprise.

 

Il suffirait ensuite qu'ils prennent tous connaissance des travaux de chacun pour réunir ensuite le tout en une synthèse bénéfique.

 

C'est ce que nous réalisons dans nos classes.

 

Nous avons établi un plan de travail annuel dans lequel les sujets d'étude garnissent les cases, d'un tableau, selon les exigences du programme. Nous ne nous astreignons pas à suivre strictement l'ordre du Plan. Nous ferons notre travail selon notre ordre à nous, assez proche d'ailleurs en l'occurrence de celui des programmes. Nous cochons au fur et à mesure les thèmes étudiés. Il nous suffira en fin d'année, de boucher au besoin par des procédés scolastiques en vue des inspections et des examens, les trous constatés. Et tout sera sauf.

 

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Le lundi matin, par exemple, selon notre programme, c'est l'étude des chemins de fer de 1789 à nos jours, qui sera entreprise.

 

Nous situons d'abord dans le temps et dans le processus historique le thème d'étude qui sera ainsi inclus d'emblé dans un ensemble dont nous tirerons motivation et efficience.

 

Nous inscrivons au tableau non pas des têtes de chapitres abstraits, mais des travaux à effectuer et seulement les travaux qui sont susceptibles d'être effectivement réalisés. Sinon, dès que le plan serait établi les enfants viendraient vous demander : Où puis-je avoir des documents pour faire la maquette du pont de Garabit ? Donnez-moi des renseignements sur le métro de Paris.

 

Et comme aucun de nous n'est universel, nous risquons, fort de ne rien trouver, ce qui est, évidemment, la faillite de notre système.

 

Nous nous référons donc aux fiches DELEAM qui comportent à dessein de très nombreux travaux. Cela ne veut pas dire que vous devez tout faire, mais que vous avez le choix, selon votre milieu, selon la richesse de votre Bibliothèque de Travail, selon vos aptitudes et vos préférences qui entrent évidemment en ligne de compte d'une façon parfois décisive.

 

Pour ce qui nous concerne, nous inscrivons les travaux suivants :

 

I - Quelles sont les lignes secondaires de la région qui ont été supprimées ? Pourquoi ? Quand avaient-elles été construites ? Enquête carte.

 

2 - Noter les records de vitesse battus par les locomotives depuis cent ans. Fais un graphique (voir BT 276, p. 24).

 

3 - Maquette du viaduc de: Garabit (BT 306 et BT 149)

 

4 - Comment fut construit le métro de Paris (BT 115).

 

Un élève ou un groupe d'élèves se chargera de chacun de ces titres.

 

Il nous faut là faire deux observations.

 

Travail de groupe. Nous en sommes évidemment partisans pourvu qu'on n'en systématise pas la pratique.

 

Certains instituteurs partagent leurs classes en équipes permanentes, instituées pour des mois et même pour toute l'année. Cela a des avantages incontestables, pour le travail et la discipline. Mais de tels groupes risquent de fonctionner d'une façon autoritaire sous la surveillance et la responsabilité d'un leader plus ou moins démocratique. La solidité de l'équipe dépend d'ailleurs de la qualité du travail qu'on pourra lui procurer.

 

Alors nous préférons mettre cette idée de travail au premier rang. Nous constituons l'équipe selon le travail à effectuer.

 

Il y a en effet des enfants qui travaillent bien en groupe, mais il en est d'autres qui ne rendent au contraire, surtout pour certains travaux, qu'individuellement. La technique la meilleure est celle que nous pratiquons nous-mêmes dans notre mouvement coopératif. Un individu réalise personnellement une oeuvre ou une portion d'oeuvre qu'il verse selon notre expression dans le creuset coopératif pour élargissement et amélioration.

 

Il faut noter aussi que s'il est des travaux qui se prêtent fort bien à la technique coopérative, il en est d'autres au contraire qui ne se mûrissent qu'individuellement.

 

Nous laissons donc nos enfants se constituer en groupes lorsqu'ils le désirent, la vie du groupe ne durant d'ordinaire que le temps du travail.

 

Deuxième observation : ne procédez jamais autori tairernent pour cette répartition du travail.

 

Vous aurez tendance à vous dire : ils ne savent pas choisir puisqu'ils ne connaissent que fort peu le sujet à aborder. Ils se décideront au hasard et, en définitive, sans grand succès. Tout comme l'enfant à qui on donne, à choisir entre deux plats qu'il ne connaît pas. Ce n'est pas rationnel, pensez-vous. Il vaut bien mieux lui préciser celui qui conviendra le mieux à sa nature et à ses goûts.

 

Oui, mais nous sommes tous ainsi faits si on veut nous donner d'autorité le plat de droite, nous demanderons le plat de gauche.

 

Alors, laissons choisir les enfants.

 

- Vous avez devant vous 4 questions. Prenez individuellement ou par groupe celle qui vous convient.

 

En général le choix est vite fait. Le dernier, ma foi, prendra le sujet qui lui reste. Il arrive qu'un sujet n'a pas preneur. Nous préférons ne pas insister et choisir un autre thème.

 

Vous pouvez certes intervenir en disant aux hésitants fais la maquette du viaduc. J'ai justement un numéro de La Vie du Rail qui te donnera des indications. Et je t'y aiderai. Mais donnez le plus possible aux enfants le sentiment qu'ils peuvent s'autodéterminer dans le cadre des programmes.

 

Vous vous étonnerez que nous ayons ainsi recours à une illusion, qui est une tromperie. Si nous étions libres, si nous n'étions pas dominés par les règlements, les programmes, les inspecteurs et les parents nous pourrions nous en tenir à l'exploitation intégrale des thèmes vivants qui s'offrent à notre curiosité. A défaut, nous pallions ainsi les ennuis du programme. L'intérêt du travail, si nous parvenons à le susciter et à le maintenir, atténuera la rigueur de nos limitations.

 

Mais cette étude dispersée sera-t-elle valable ? Les enfants qui ont ainsi traité les thèmes particuliers d'un ensemble auront-ils une idée suffisante de cet ensemble ? Ce rendement, en définitive, sera-t-il satisfaisant ?

 

Notre réponse est facile, du moins pour ce qui concerne cette discipline. Le rendement des méthodes traditionnelles est si déficient en l'occurrence que toute pratique un tant soit peu intelligente risque fort de lui être supérieure.

 

Mais c'est aussi que nous ne nous contentons pas « d'étudier » un thème pour faire un devoir à la seule intention du maître-contrôleur. Notre travail a un but supérieur d'information collective. Chacun des élèves ou groupe d'élèves fera sur son cahier un compte rendu avec références aux documents recueillis. Et à une heure prévue à l'horaire en cours de semaine, l'exposé en sera peut-être fait à la classe réunie avec si nécessaire, exposition de documents ou projections.

 

Ce que seront ces comptes rendus ?

 

Ils seront évidemment à la mesure des possibilités des élèves eux-mêmes, de leur entraînement à cette forme nouvelle de travail et de la valeur démonstrative des documents utilisés. Notre expérience nous permet du moins d'affirmer que ces comptes rendus, même rudimentaires, sont toujours écoutés avec plus d'attention que les leçons du maître ; que les jeunes conférenciers ont une façon à eux d'expliquer les choses et quils sont plus facilement compris que lorsque nous apportons nous-mêmes nos démonstrations toujours trop adultes. Voyez comment les enfants ont le secret de faire comprendre à d'autres enfants la technique difficile des opérations !

 

Les enfants expliquent. Mais les auditeurs réagissent parce que celui qui parle est à leur niveau. Ils accepteraient passivement ce que dirait le maître mais ils harcèlent leur camarade de critiques et d'objections.

 

Il faut ensuite réunir ces diverses études pour en opérer la synthèse. Ce sera là l'oeuvre du maître, qui en profitera d'ailleurs pour compléter l'étude et en boucher les trous. C'est ce que nous appelons la « leçon a posteriori ». Nous sommes radicalement contre toutes leçons magistrales qui tombent toujours de trop haut sur des invididus sans appétit. Ce qui ne veut pas dire que l'éducateur doive toujours se taire, à son tour passif, ou qu'il ne doive compter que sur les documents qu'il a mis à la disposition des enfants, ni considérer comme définitif leur apport. L'éducateur fait partie de la communauté et il doit apporter, comme les élèves, le résultat de sa science et de son expérience.

 

L'instituteur donnera donc sa part, et généreuse. Seulement, il la donnera, non pas magistralement, mais naturellement, comme on la donne dans la vie, où on ne fait pas asseoir, bras croisés, les auditeurs. Les enfants sont accrochés par les études préalables qu'ils ont menées eux-mêmes et qu'ils sentent d'ailleurs incomplètes ou fragiles. Des questions se posent à eux. Ils ont soif. A ce moment-là, tout ce que nous leur offrirons sera autrement profitable.

 

On verra, à propos des autres disciplines comment nous généralisons, dans tous les domaines, ce principe des leçons a posteriori.

 

Il arrivera que certains thèmes particulièrement riches donnent droit à un compte rendu différent qui prend alors le nom d'une Conférence.

 

Sur la base d'une BT par exemple, d'une enquête menée dans le milieu, ou d'une documentation personnelle récoltée dans la famille ou par correspondance, l'enfant rédige une Conférence abondamment illustrée. Ce travail, excellemment motivé, suscite un grand intérêt pour celui qui l'écrit, d'où application dans l'écriture, l'illustration, la présentation et le goût, toutes choses essentielles à la vraie culture que nous préparons.

 

Au jour dit, l'enfant fait sa conférence. Nous en dirons plus longuement le processus et la portée dans un chapitre spécial de la présente brochure.

 

4° - GÉOGRAPHIE.

 

Le Plan de Travail porte ensuite la rubrique : GÉOGRAPHIE.

 

Le plan est plus facile à étudier pour cette discipline bien que nous guettent les mêmes dangers scolastiques.

 

Il ne sera guère possible d'inscrire parmi les thèmes d'étude la carte d'une région par exemple, parce que c'est là un travail de simple copie, comme le serait l'étude d'un fleuve ou d'une montagne par les manuels et les résumés.

 

Nous nous méfierons dans ce domaine aussi de la connaissance livresque et des mots qui ne sont que des mots. Il nous a fallu chercher d'autres formes de connaissances pour lesquelles nous avons préparé aussi nos Outils

 

- Le texte libre, le journal scolaire et surtout la correspondance interscolaire qui motivent toutes nos observations et nos recherches géographiques, de notre milieu d'abord, du milieu de nos correspondants ensuite.

 

- Des fiches-guides spéciales donnent aux enfants tous conseils et directives pour cette étude.

 

- Le fichier documentaire sera particulièrement riche en documents géographiques de toutes sortes : vues diverses de publications spécialisées, ou extraites des revues illustrées, vues fixes, BT Sonores, etc...

 

Grâce à ce fichier, presque toutes les notions géographiques seront étudiées sur la base des documents dont nous n'aurons ensuite qu'à faire la synthèse : aspect caractéristique des montagnes et des côtés, cours d'eau, cultures, industries. On peut désormais étudier la géographie d'une façon aussi vivante que si on visitait les divers pays ou contrées.

 

La télévision éducative aide d'ailleurs aussi à cette connaissance.

 

Les fiches-guides aident encore à cette étude.

 

- Ce sont surtout les BT qui nous sont précieuses, et elles sont nombreuses à traiter des questions de géographie. Elles constituent des bases pratiques qui seront élargies et complétées par les documents du fichier, et ordonnées par les fiches-guides qui accompagnent chaque BT.

 

- Réalisation de maquettes et dioramas : en pleine terre ou en modèle réduit avec plâtre, carton ou contreplaqué. Des maquettes de côtes, de ports, de torrents, de lacs et de barrages, des pics et de cols, d'affluents, de confluents ; des cartes en relief, des cartes électriques apporteront les éléments géographiques essentiels, sur lesquels il sera facile d'asseoir les connaissances indispensables.

 

Pour la préparation du travail nous procédons exactement comme pour l'Histoire

 

Pour l'étude d'un cours d'eau, nous écrirons au tableau thèmes suivants de travail :

 

- Faire en pleine terre la maquette du cours d'un forte pente, rives, alluvions, etc.

 

- Maquette en plâtre le confluent de la Saône et du Rhône.

 

- Chercher dans le fichier les documents se rapportant aux fleuves de plaine. Faire la comparaison.

 

- Calculer le débit d'une source ou d'un cours d'eau.

 

Comme pour l'Histoire, les enfants choisiront individuellement ou par Groupes, le thème à leur convenance. Ils en feront compte rendu et le maître complètera la Synthèse dans une leçon a posteriori.

 

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5° - LES SCIENCES.

 

C’est peut-être la discipline pour laquelle, quoi qu'il y paraisse, nous trouvons le plus difficilement les éléments actifs du plan de travail.

 

En effet, si les manuels scolaires sont riches en expériences décrites, dans la pratique, il nous est très difficile de trouver, pour nos divers plans de travail, les indications techniques indispensables pour les expériences élémentaires.

 

Nous ne sommes pas toujours suffisamment riches en BT. Nous-mêmes avons été mal préparés et ne sommes pas toujours en mesure d'aider les élèves comme il le faudrait.

 

Nous éditons des séries spéciales de fiches-guides et de suppléments BT qui aideront à ces travaux.

 

a) Pour les sciences naturelles.

 

- Observation et détermination des insectes.

- Terrarium et vivarium pour élevages.

- Dissections et naturalisations.

- Recherche et détermination des plantes et des fleurs.

- Photographies scientifiques.

- Enregistrements sonores.

 

b) Pour les sciences physiques.

 

Nous avons réalisé plusieurs Boîtes de travail et notamment notre Boîte électrique N°1 pour travail sur courants 6 - 12 -18 et 24 volts, avec un solide transformateur pour montages électriques, cartes électriques, et surtout fonctionnement du filicoupeur qui est l'outil N° I de nos classes.

 

Nous éditerons d'autres Boîtes de travail qui n'ont pas d'équivalent sur le marché, la production actuelle étant conçue en fonction d'une pédagogie scolaire et non scientifique.

 

Pour les petits (CP et CE) nous allons réaliser des Boîtes de tâtonnement, premier échelon des Sciences.

 

c) Pour la chimie, c'est plus délicat, un certain nombre de produits et d'opérations risquant d'être dangereux pour les enfants.

 

Nous prévoyons donc, pour ce Lundi, dans le cadre des programmes :

 

- Capture et étude d'un insecte.

- Les articulations (maquette),

- La tête, maquette découpée (voir SBT).

- Transmission de l'énergie. Découpage et montage d'un engrenage (SBT).

 

Comme pour les autres disciplines, les élèves choisissent. Nous distribuons les fiches-guides ou les SBT correspondants. Les expériences seront refaites devant les élèves (ce qui remplace les comptes rendus). Les réalisations essentielles seront exposées le samedi soir pour la réunion de la coopérative scolaire.

 

6° - LES CONFÉRENCES.

 

Qu'est-ce que les Conférences ?

 

Pour savoir comment vous devez les concevoir, efforcez-vous de débarrasser votre cerveau des concepts et des exigences scolastiques pour penser comme tout le monde, agir et travailler normalement, selon les mêmes normes que les adultes.

 

Quand il s'agit d'organiser une Conférence Publique, on s'adresse aux personnes qui, soit par leur spécialité, soit par leurs voyages ou leur vie, peuvent avoir des choses intéressantes à dire ou à montrer aux auditeurs. Le conférencier choisit son texte ou décline l'offre si la conférence demandée n'est pas de son goût. On n'impose jamais une conférence, car on sait que ce serait un fiasco.

 

On s'entend pour le jour et l’heure, fixés assez longtemps à l'avance pour que l'auteur ait le temps de préparer sa conférence.

 

Le Conférencier rédige alors son texte, qui sera soigneusement tapé à la machine, même s'il ne doit pas le lire intégralement ; il l'aura bien préparé et, comme le speaker de la télévision, il s'y réfère de temps en temps d'un coup d'œil.

 

Que mettra-t-il dans ce texte ?

 

Tout ce qu'il juge susceptible d'intéresser ses auditeurs, car c'est à eux, à l'accueil qu'ils vont lui faire, que pense sans cesse l'auteur. Il ne s'agit pas de tout dire. D'ailleurs, on lui a fixé un temps plus ou moins réduit qu'il devra respecter. Pour être sûr de ne pas trop déborder sur ce temps, il relit le texte d'avance, à haute voix, au rythme de la Conférence pour vérifier qu'il ne dépassera pas le temps qui lui est imparti.

 

- Le Conférencier ne tire pas forcément tout de luimême. Il y a des choses qu'on n'invente pas. Et cela dépend du sujet et du Conférencier.

 

Dans certains cas, la conférence sera absolument originale, s'il s'agit par exemple d'un voyage ou d'une expérience vécue.

 

Mais très souvent l'auteur aura recours à l'expérience de ceux qui ont étudié avant lui le même sujet. A cet effet, il consulte longuement livres et revues, il va dans les Bibliothèques, il enquête auprès des personnes qui peuvent le renseigner et l'aider. Il fera peut-être au cours de sa conférence des citations plus ou moins longues de textes d'auteurs consultés.

 

L'essentiel est que ce qu'il dit intéresse et instruise ceux qui sont venus l'entendre.

 

Certains sujets, même intéressants, risquent parfois d'être un peu monotones. Alors le conférencier donnera des explications, préparées d'avance, avec croquis au tableau. Il projettera peut-être quelques diapositives ou donnera des séquences de films. Pas trop cependant pour ne pas distraire exagérément du sujet même de la Conférence. Il pourra passer un ou plusieurs disques. Tout cela prévu d'avance et actionné le moment venu par un aide qui a travaillé avec l'auteur à la préparation de la Conférence.

 

Quand la conférence est terminée, la discussion cornmence. Le Conférencier répond aux questions posées. Et l'on tire la conclusion du tout. C'est parfois le président de séance qui s'en charge.

 

Voilà le processus exact des conférences d'élèves que nous recommandons.

 

L'élève choisit son sujet, avec parfois les conseils ou les suggestions du maître.

 

Certains sujets se prêteront mal parfois à une totale rédaction préalable, surtout des enfants qui n'ont pas toujours totalement dominé les techniques d'écriture. Ils écriront bien une page mais ne pourront guère aller au-delà et la conférence serait trop étriquée. Dans ce cas-là, nous opérerons comme le font certains orateurs. Nous établirons seulement le plan, avec peut-être quelques lignes par ci par là et l'enfant fera une conférence orale.

 

Cette pratique réussit très bien avec des enfants à partir du CP qui peuvent fort bien raconter un voyage, une aventure, une lecture entendue, ou une émission de télévision. Il est parmi les grands élèves de bons parleurs qui enchantent leur auditoire par un véritable talent oratoire qui n'est certes pas à négliger. Nous avons ainsi un élève de 11 ans qui a étonné des normaliennes en leur parlant pendant plus d'une heure de la civilisation égyptienne, qu'il connaissait parfaitement.

 

Il faisait, un autre jour, une conférence fort intéressante sur l'énergie atomique et le voyage de Glenn.

 

Et pourtant nous mettons nos lecteurs en garde contre la pratique trop fréquente de ces conférences exclusivement orales qui risquent de trop favoriser la facilité des beaux parleurs aux dépens de ceux qui auront fait un travail sérieux d'information, de culture et même de présentation, toutes choses éminemment favorables au progrès scolaire.

 

C'est pourquoi, hors ces cas exceptionnels il vaut mieux demander une préparation par écrit des conférences : cette préparation devient d'ailleurs nécessaires lorsque le sujet traité nécessite davantage recours aux documents et surtout aux BT.

 

Pour un des multiples sujets traités dans nos 530 BT, l'enfant devra lire page à page, ou du moins certaines pages indiquées dans la fiche-guide ; choisir les passages qu'il faudra copier pour les lire ensuite, illustrer son texte pour lui donner une présentation artistique agréable. On nous a dit parfois : Mais ces enfants se contentent en somme de faire de la copie !

 

Mais une bonne proportion des conférenciers procèdent ainsi. Le travail de recherche des documents valables, leur lecture, le choix à faire, la copie et les illustrations, constituent une activité très motivée et qui, même s'il y a copie, n'en constitue pas moins une activité précieuse au point de vue scolaire, une activité dont le rendement est à 90% bien supérieur à celui des exercices scolaires traditionnels.

 

Et si même au moment de la conférence, l'enfant ne sait pas très bien lire ce qu'il a écrit, ou ce qu'il a coché dans la BT, nous l'y aiderons ou un élève plus lettré l'y aidera. Nous avons vu des enfants prendre ainsi la responsabilité d'une conférence pour laquelle il a cherché des documents qu'il a affichés, fait des dessins et des cartes au tableau, projeté des diapositives. Et il se fait aider par un camarade qui lit les textes. Partage tout à fait régulier des charges en vue d'un maximum de réussite.

 

Un de nos élèves, habitant de Saint-Etienne, excessivement difficile, ne s'intéressait à aucun travail scolaire, et ne voulait, à 11 ans, ni lire, ni écrire. La scolastique habituelle mène assez souvent les enfants dans ces impasses.

 

A la suite d'un texte où l'on parlait de la houille, notre élève se met à parler de ses souvenirs de la mine, des terrils, des machines, des mineurs qui vont le matin prendre leur travail.

 

Nous lui suggérons de faire une conférence : ce qui l'emballe sur le coup. Mais il s'agit de passer de ces velléités à l'acte.

 

Certes, avec ses seuls souvenirs il sera vite à bout de souffle pour faire sa conférence.

 

Mais nous cherchons dans notre Répertoire le mot mine et nous trouvons BT 122 - 150 - 204 - HiSTOIRE DES MINEURS - DANS LA MINE - MINES DE FER EN LORRAINE. C'est beaucoup trop pour lui qui lit difficilement.

 

Mais dans la fiche-guide que nous préparons à son intention nous indiquons les pages à lire et les passages à copier. Nous cherchons à notre Dictionnaire-Index et à Pour tout Classer. Au n° 351 nous aurons les documents sur la mine que nous trouvons au fichier. Nous avons là des terrils, des chevalements, des coups de mines, des lampes de mineurs, etc... De quoi faire démarrer l'entreprise.

 

Gilles propose bien mieux : d'écrire à son père et à ses anciens camarades de Saint-Etienne pour demander des prospectus et leur poser quelques questions. Il s'adressera de même à un correspondant du Nord. Un camarade l'aidera à écrire ces lettres.

 

Ne vous attendez pas à ce que tout marche à merveille et vite. Cela dépend naturellement des possibilités intellectuelles et scolaires des enfants, de leur aptitude à lire, à écrire et à s'exprimer.

 

Dans le cas qui nous occupe, l'enfant lisait difficilement et était totalement saturé par les exercices scolaires. Mais nous avions remué une fibre nouvelle, encore vivante, que nous allions activer. C'était même la première fois depuis son arrivée que l'enfant s'intéressait à l’Ecole à un travail valable et sérieux. Mais il s'y intéressait justement parce que ce travail était dépouillé de la péjorative marque scolaire, qu'il s'inscrivait dans sa ligne affective, et qu'il avait un but auquel il tenait : faire lui aussi une conférence.

 

De tels enfants ont besoin évidemment d'être particulièrement soutenus, mais n'est-ce pas le cas dans toutes les disciplines et avec n'importe quelle méthode. Nous lui préparerons de jolies pages soigneusement réglés nous écrirons les titres nous laisserons la place pour les illustrations à coller.

 

A cet effet, nous cherchons dans nos dossiers fourre-tout, dont les enfants eux-mêmes ont la réplique, les photos diverses découpées dans les revues et se rapportant aux mines. Nous prévoyons une illustration par page comme dans les BT, avec si possibile, quelques hors textes.

 

Avec quelques textes courts, qui n'exèdent pas la possibilité de nos enfants, en ménageant une grande marge, en collant les textes libres imprimés se rapportant à la mine, nous obtenons très vite un album de 6 - 8 ou 10 pages que nous pourrons agrafer sous couverture.

 

Certains élèves préfèrent avoir un cahier à anneaux où ils préparent ainsi, d'une façon plus spectaculaire, toutes leurs conférences.

 

Quand nous avons la possibilité, nous tapons, ou les enfants tapent eux-mêmes leurs conférences à la machine à écrire, avec toujours grandes marges et copieuses illustrations. Nous tapons alors à 4 exemplaires - l'un restera à l'Ecole, l'autre à l'élève, le 3e sera remis aux parents et le 4e expédié aux correspondants.

 

Avec de grands élèves, la préparation de ces Conférences sera l'oeuvre exclusive des enfants, avec toujours l'aide et les conseils de l'Educateur.

 

***

 

Quand la conférence est prête, nous l'inscrivons le lundi sur la liste des conférences de la semaine (nous en avons deux chaque soir les mardi, mercredi et vendredi).

 

La préparation d'une telle conférence est toujours un travail d'une longue haleine, de deux semaines environ, parfois plus si, comme cela arrive souvent, l'auteur doit écrire des lettres ou mener certaines enquêtes. Cela fait partie des activités libres, qui demanderont aux éducateurs une grande sollicitude aidante et encourageante, d'où sont exclues toutes considérations de notes ou de récompenses.

 

Au jour dit, prévu à la liste de la semaine, le conférencier se prépare, aidé par son jeune collaborateur, et conseillé par le maître, si nécessaire.

 

Dès l'après-midi, il dispose sur un panneau d'affichage, à la vue de tout le monde, les documents photographiques sortis du fichier documentaire ou reçus des agences. Il dessine au tableau les chevalements - qu'il a d'autre part réalisés en maquette - l'habillement et l'équipement des mineurs, le croquis de la lampe.

 

Il prépare projections et disques.

 

La conférence a lieu chez nous au cours de la dernière demi-heure de la classe du soir.

 

L'enfant lit son texte de son mieux s'il traîne trop au gré de ses auditeurs, nous l'aiderons un tout petit peu, ou un grand lira le texte. Tout cela sans offenser le moins du monde le conférencier qui doit trouver naturelle l'aide qu'on lui apporte, pour une totale réussite. Tout est affaire de climat. Eloignez-vous toujours le plus possible de la scolastique, retrouvez les normes de la vie ; tous les processus pédagogiques en seront simplifiés et revalorisés.

 

Quand l'enfant a terminé sa conférence, les auditeurs l'interrogent et ils y montrent plus d'originalité et de courage que la plupart des adultes. L'enfant répond. Le maître participe très activement à la discussion.

 

C'est fini. On demande à la classe d'apprécier la conférence Très bien, bien ou passable. Et cela se fait toujours avec une très grande impartialité. L'enfant marquera le point correspondant à la colonne du graphique.

 

***

 

Les conférences ainsi réalisées constituent une des meilleures pièces de notre édifice pédagogique.

 

- Elles sont puissamment motivées, ce qui donne une particulière efficience aux travaux qu'elles nécessitent.

 

- Elles exercent à la recherche des documents, au lieu de se contenter passivement de pages ou de résumés préparés, délimités et imposés d'avance. C'est là une qualité plus particulièrement prisée par le second degré et qui est essentielle pour la poursuite des études.

 

- Elles entraînent les enfants à lire et à écrire intelligement.

 

- Elles apprenent à parler en public et à discuter au lieu d'admettre comme parole d'évangile tout ce qui leur est enseigné.

 

- Elles instruisent les enfants et leur préparent une culture. Tout savoir qui passe exclusivement par la mémoire est, on le sait, fragile et fugitif. Seul s'inscrit vraiment dans notre connaissance et dans notre vie ce que nous avons recréé, remâché, expérimenté : jusqu'à nous l'approprier. Par les conférences nous donnons à nos enfants un savoir solide et définitif.

 

On se rend compte de la réalité de tous ces avantages quand on peut sentir le pouls d'une classe moderne au travail. Dans aucun domaine, pour aucune discipline, nous ne sommes en présence d'écoliers qui répètent et ânonnent. Partout nous avons affaire à des hommes, mûris par leur propre expérience, qui ont déjà, qui auront demain une culture dont nous pouvons être fiers.

 

Tous les lundis donc, chaque enfant inscrit sur son plan de travail le sujet de sa conférence.

 

Comment choisir ce texte le Lundi ?

 

Le Plan de Travail se prépare au cours des semaines qui précèdent.

 

Nous avons dans notre classe un agenda avec une page par jour, ou, à défaut, un simple cahier où nous inscrivons au fur et à mesure les jours. En cours de semaines les enfants y inscrivent librement les questions pour lesquelles ils voudraient une réponse, les recherches qui les intéresseraient, les sujets à étudier. Chaque fois qu'au cours de nos textes libres ou de nos travaux nous découvrons une piste possible, nous l'inscrivons sur l'agenda. Et il est commun d'entendre un de nos enfants dire – « La semaine prochaine, je vais faire une conférence sur tel sujet. »

 

Si ce travail préalable a été bien mené, le choix de sujets de conférence est vite fait. Il reste cependant toujours quelques enfants plus lents ou plus neutres qui ne savent au dernier moment quelle conférence choisir. Il nous suffira heureusement de prendre la liste des BT dans laquelle tout retardataire trouvera toujours un thème valable.

 

7° - LES TEXTES LIBRES.

 

Faut-il les inscrire sur le Plan de Travail ? La question est un peu délicate. Il est normal que chaque enfant apporte en classe un minimum de textes libres : deux au moins par semaine. C'est un stimulant qui peut parfois secouer certains négligents.

 

Mais il faudra en tous cas ne pas être trop strict, et ne pas faire de ce nombre une obligation, sinon il n ' y aurait plus texte libre.

 

Il y a aussi à cette mention un danger. Certains enfants écriront en toute hâte ces textes libres courts et bâclés. L'ensemble ne vaudrait pas même un bon texte libre, mais on le partage en deux et le devoir est accompli.

 

Il serait surtout utile en fait de textes libres de vivre intensément dans la classe, de pratiquer une correspondance qui stimule le besoin d'expression. Alors il y aura abondance de textes libres qu'ils soient ou non portés sur le plan de travail.

 

8°) - TRAVAUX MANUELS.

 

Nous avons indiqué cette rubrique sur notre Plan de Travail. Elle fait souvent double emploi avec les travaux prévus pour Histoire, Géographie et Sciences.

 

En effet, nous ne faisons que très accidentellement des travaux manuels indépendants de nos grands centres d'intérêt, du genre de : Tresser du raphia ou menuiser une queue d'aronde. Nous nous efforçons de motiver tous nos travaux manuels : culture du jardin, poteries, découpages en relation avec le plan d'histoire et de géographie, cartes électriques d'histoire ou de géographie, etc...

 

La préparation du plan de travail est terminée.

 

Il nous a demandé une bonne heure que nous prévoyons régulièrement à notre horaire du lundi, ce qui n'est pas du temps perdu. D'abord le temps consacré à une bonne organisation de travail se retrouve toujours. Et puis, nous ne nous contentons pas d'indiquer au tableau, strictement, les thèmes d'étude. Nous les relions toujours aux travaux précédents et à l'ensemble de la discipline. Nous donnons un sens aux travaux prévus pour qu'ils ne soient jamais des exercices formels, mais toujours des activités motivées et liées à la vie.

 

Nous vous avons présenté un modèle de Plan de Travail, éprouvé par près de vingt ans d'usage dans des milliers d'écoles. Certains camarades en ont modifié et en modifient la présentation. Ils les tirent au limographe, et nous ne saurions désapprouver cet essai d'adaptation aux normes de la classe, surtout dans les classes homogènes des villes.

 

Nous l'avons dit : un plan de travail aura son utilité, même dans une classe traditionnelle, car il laisse désormais un certain secteur libre aux élèves, une initiative appréciable qui suscitera d'autres progrès vers la pratique de l’Ecole Moderne.

 

Ces plans de travail, aménagés peut-être, rendront aussi de grands services dans les classes homogènes des villes où, liés à la coopéra tion ils contribueront à créer un nouveau climat qui est l'amorce de la modernisation souhaitée.

 

Nous donnons cependant un conseil, toujours le même : Scolastisez le moins possible la pratique de ces Plans de Travail. Evitez le plus possible de marquer en histoire un chapitre à étudier, un résumé à mémoriser ou un devoir à faire. Tâchez de vous orienter vers des activités vivantes qui dépassent la pratique courante de la classe traditionnelle à laquelle vous pouvez en être réduits dans certains secteurs par les réalités défavorables de votre métier : manque de place, de matériel, classes trop chargées, etc...

 

Il faut que le Plan de Travail ne soit pas seulement un moellon de plus ajouté à votre édifice traditionnel mais qu'il constitue une ouverture et un engagement vers la vie que vous introduirez peu à peu dans votre classe.

 

Un responsable ramasse les Plans de Travail et les affiche sur un panneau courbe où ils sont maintenus par des fils de nylon légèrement élastiques. Nous allons voir pourquoi.

 

***

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QUAND NOUS TRAVAILLONS AU PLAN

 

L'établissement du plan suppose que les enfants y travaillent aux moments favorables, dans l'ordre et au rythme qui leur conviennent. C'est là un des grands avantages du plan : les uns l'attaqueront en, faisant le premier jour toutes leurs fiches ; d'autres se mettent d'abord aux travaux d'histoire ou de sciences ou bien préparent leurs conférences.

 

C'est cette forme individuelle du Plan de Travail qui est essentiellement bénéfique.

 

Quand les enfants y travaillent-ils ?

 

Il faudra naturellement prévoir pour ce travail au plan un temps libre. Dans notre Ecole à Vence, les deux dernières heures de la journée y sont consacrées : la première heure pour le travail lui-même. A ce momentlà la classe devient vraiment comme une ruche vivante dont l'éducateur reste l'animateur : il va de l'un à l'autre, aide à la mise au point d'un texte ou d'un poème, tire les traits des pages qui recevront la conférence, aide pour les recherches au fichier, corrige les fautes avant copie, surveille que le travail aux fichiers autocorrectifs soit fait correctement, avec application et une auto-correction régulière - ce qui est une chose absolument essentielle au bon rendement de ces fichiers.

 

On travaille en somme comme travaillent des adultes dans une Bibliothèque Publique où doivent régner l'ordre et le silence. Il y faudra certes un solide entraînement, du moins en début d'année. Vos enfants sont habitués à faire des devoirs ordonnés par l'autorité supérieure. Ils ne savent plus prendre d'initiative et ils en sont comme paralysés. Ne vous découragez pas aux premières difficultés et dites-vous que vous vous attaquez là à l'aspect essentiel - mais aussi le plus délicat de notre pédagogie : former des enfants susceptibles de prendre en mains leur culture et leur destinée. Mais vous aurez la grande satisfaction d'obtenir dans ce domaine des résultats qui vous surprendront. Vous n'aurez plus des écoliers : vous formerez des hommes.

 

La deuxième dernière heure chez nous est consacrée : moitié aux comptes rendus avec leçons a posteriori ; moitié ensuite aux conférences.

 

Remarquez que la classe idéale pourrait fort bien être assise sur la seule pratique des plans de travail qui engloberaient toute l'activité prévue aux programmes. En réalité nous avons réalisé une sorte de double secteur qui nous donne satisfaction.

 

- Le matin, texte libre, exploitation en chasse aux mots (vocabulaire) et grammaire, amorce d'exploitation, quand le texte s'y prête en histoire, géographie, ou sciences - composition à l'imprimerie et tirage correspondance interscolaire.

 

Ensuite travaux de calcul avec problèmes li bres exercices techniques méthodiques.

 

- Le soir, activités libres, découpages, modelages, maquettes. Ensuite travail au plan - comptes rendus, leçons et conférences. Les Plans de Travail permettent aussi aux enfants d'aller vite dans leurs travaux. Il est contre nature d'obliger un enfant particulièrement rapide et qui a mené son travail en 30 minutes, à attendre ses camarades attardés. Dès qu'un enfant a terminé son exercice il va travailler à son plan. Ils y travailleront à la maison si nécessaire ou pendant les récréations et les interclasses. Si vous parvenez à ce que chaque élève ait en tous temps un travail à faire conformément à la prise de conscience de ses responsabilités, le problème de la discipline sera résolu. L'organisation de la discipline deviendra l'organisation du travail.

 

Quand un travail est terminé, en histoire, en sciences, en géographie ou en calcul, l'enfant va au tableau des plans et ombre au crayon de couleurs ce qui a été fait, exactement comme dans les plannings industriels, de telle sorte qu'un simple coup d'oeil, du maître ou des élèves, suffit à savoir où en est l'avancement des travaux.

 

Car, il ne faut pas penser que lorsque les plans sont établis le lundi matin, vous pouvez vous en désintéresser et attendre seulement le samedi pour le contrôle.

 

Le contrôle des plans doit se faire en permanence, à même le travail de chacun. Il ne s'agit pas en effet de vous contenter de souligner des fautes à l'encre rouge ou de mettre une note - toutes choses absolument inutiles. Ce sont des oeuvres qu'il faut promouvoir. Il vous faut aider techniquement tous les élèves en général et chacun d'eux en particulier, pour qu'ils réussissent au mieux, l'oeuvre choisie. Et ils l'ont choisie le lundi avec enthousiasme; seulement s'ils rencontrent trop de difficultés, ils se découragent bien vite et se contenteront de faire un mauvais devoir traditionnel.

 

C'est là que doit jouer surtout la façon nouvelle de considérer la part du maître. Pas de stylobille rouge. Ce n'est pas la sanction qui doit jouer, mais l'aide technique. Ne soulignez pas les fautes, mais montrez du doigt à l'élève qui corrige lui-même avec le minimum de dommage, ou bien, de votre stylo appliqué, corrigez les dégâts. Ecrivez vous-même, si nécessaire, une partie des titres et du texte, aidez à faire un problème, fignolez un poème que vous taperez si possible à la machine à écrire.

 

Alors les enfants garderont l'indispensable confiance en eux ; ils seront fiers de leur oeuvre, ce qui est l'essentiel pour que subsiste l'allant et l'enthousiasme sans lesquels vous ne ferez rien de bien.

 

Et vous verrez alors comment - sans sanction, vos élèves donneront leur maximum. Et celui qui fait ce qu'il peut fait ce qu'il doit, dit le proverbe. Mais veillez surtout à ce que l'enfant soit content de lui et de son oeuvre. Et vous y parviendrez assez facilement.

 

Vous n'obtiendrez rien si vous attaquez vos plans avec un esprit traditionnellement dépassé. Cessez d'être le magister pour devenir le collaborateur attentif et dévoué.

 

Certains instituteurs de notre mouvement préfèrent préparer les plans de travail le samedi soir, ce qui permet à la classe d'attaquer le travail immédiatement le lundi matin, et à l'éducateur de préparer les documents durant la journée du dimanche.

 

Nous ne voyons pas d'inconvénient majeur à cette pratique qui a d'autre part un certain nombre d'avantages. La seule réserve que nous ferons c'est que le samedi soir on est fatigué de la semaine et moins en train pour faire des projets généreux. Le lundi est certainement de ce point de vue dans une certaine mesure psychique plus favorable. C'est toujours le matin qu'on part avec enthousiasme et nous devons cultiver cet enthousiasme. Au soir, c'est la sagesse qui domine. Il en faut aussi mais il ne faut jamais limiter l'élan. La vie ne se chargera que trop d'y pourvoir.

 

Il en est d'ailleurs des plans de travail comme de toutes nos techniques. Les éducateurs ont le loisir, et même le devoir d'en aménager l'emploi en fonction de leurs considérations personnelles. Nous veillons seulement à ce que cet aménagement aille toujours dans le sens de nos techniques. Le succès définitif est à ce prix.

 

CORRECTION DES PLANS DE TRAVAIL

 

Nous avons déjà dû mettre nos lecteurs en garde contre la tendance qu'ils auraient de laisser les enfants se débrouiller tout seuls en cours de semaine pour venir sanctionner le samedi le travail exécuté; exactement comme on corrige une rédaction ou un problème dans les classes traditionnelles.

 

D'autant plus que ces mêmes instituteurs objecteraient alors volontiers que cette correction est longue et fastidieuse et que c'est peut-être même là un des empêchements à se lancer dans cette pratique.

 

Les plans de travail ne rendront au maximum, comme toutes les techniques d'ailleurs, que si l'éducateur sait être en permanence près de l'enfant pour le soutenir, l'orienter et l'aider.

 

C'est au fur et à mesure que les travaux se terminent que nous mettrons sur le graphique personnel des points au crayon correspondants. Et la plupart du temps ce n'est pas nous-mêmes qui mettons la note, mais l'enfant qui apprend ainsi à se juger - et qui se juge d'ordinaire sévèrement. Ou bien nous consultons les camarades qui apprécient en général fort bien, et plus objectivement qu'on ne croit. Pour mieux préciser les détails de cette technique, passons rapidement en revue les titres des diverses colonnes :

 

1 - Lecture - Diction : Tous les matins, dès l'arrivée en classe, pendant que les enfants dessinent librement sur une feuille qui vient de leur être distribuée, 2 ou 3 élèves viennent lire à leurs camarades un texte qu'ils ont bien préparé. On consulte alors les auditeurs pour leur demander leur avis. Si on décide : Assez bien, l'enfant place un point au crayon à Assez bien. Au crayon, disons-nous, ce qui veut dire que cette appréciation n'est pas définitive et peut être modifiée encore selon les réussites de la semaine.

 

2 - Dictée : Tous les lundis, après la mise au point des plans, nous faisons une dictée de contrôle. Selon le nombre de fautes nous inscrirons la mention de la même façon.

 

3 - Lorsque les enfants viennent lire leur texte libre, nous mettrons de même une mention provisoire.

 

4 - Calcul général : Il s'agit là des diverses formes de calcul vivant. Pourra être annoté de même en cours de semaine.

 

5 - Calcul mécanique : par les fichiers autocorrectifs. Pourra être noté selon la qualité du travail en cours de semaine, ou seulement en fin de semaine, à achèvement du plan.

 

6 - 7 – 8 : l'Histoire, La Géographie, et Les Sciences seront notées au moment des comptes rendus et Conférences.

 

9 - Dessin : selon les résultats et les chefs-d’oeuvre réalisés.

 

10 - Travail manuel.

 

11 - 12 - 13 - 14 – 15 : A noter après avis des camarades, surtout selon l'opinion émise en réunion de la Coopérative le samedi.

 

16 et 17 : A noter également selon les résultats.

 

Une bonne partie du travail de contrôle serait donc fait en cours de semaine.

 

Le samedi soir, nous allons terminer ce contrôle.

 

Les enfants disposent tous les travaux réalisés sur leur pupitre, à côté de leur plan de travail. On les examine encore une fois et on termine d'indiquer les notes. Et ensuite, tous ensemble, nous établissons le graphique, avec la collaboration des enfants eux-mêmes.

 

Dans toute cette mise au point définitive, nous faisons toujours une grande confiance aux enfants. Comme il n'y a pas de vraie note, ni de moyenne, ni de classement, il n'y a pas non plus de compétition, les choses se passent beaucoup plus naturellement et humainement.

 

Nous réunissons les points par un trait et nous avons le graphique hebdomadaire dont nous allons voir les vertus.

 

La note porte en elle quelque chose de définitif un zéro en français, cela nécessite une sanction contre laquelle l'enfant réagit diversement, et pas toujours d'une façon bénéfique. La moyenne et le classement indiquent les degrés de comparaison, mais ne donnent pas d'indication exacte sur le comportement scolaire des enfants.

 

Le graphique a une toute autre fonction. Il exprime l'ensemble des efforts des enfants et est de ce point de vue démonstratif de leur personnalité.

 

Nous avons le graphique bas, désespérément bas et monotone, de l'élève qui n'a que très peu de possibilité et qu'il faudra encourager au mieux pour lui réserver, la semaine prochaine quelques semblants d'envolée.

 

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Puis le graphique 2, de l'élève sans possibilité, mais qui a commencé, cette semaine, à se passionner pour un travail ou par quelque aspect bénéfique de sa vie, et qui marque quelques heureuses échappées vers l'idéal.

 

Réservez et accentuez autant que possible quelquesunes de ces échappées qui encouragent les plus retardés et sont parfois à l'origine de départs imprévus.

 

Vous dites à ceux-là – « Tu commences à te faire remarquer et à monter plus haut pour certaines matières. C'est bien ! Maintenant il faut monter aussi pour les autres matières. »

 

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Vous aurez par contre au Graphique 3 les élèves qui, eux, ont des possibilités, qui leur valent des réussites relativement faciles, mais chez qui le graphique met en relief les faiblesses anormales.

 

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- « Regarde comme tu pourrais bien faire ! Mais il te faut éviter de dégringoler ! La semaine prochaine tu feras attention, là, là et là, et tu auras, toi aussi, un beau graphique. »

 

Et puis vous aurez les bons graphiques, presque en ligne droite sur les sommets qui indiquent le travail régulier et le comportement sans faille des bons élèves

 

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Toutes ces choses, les parents les sentiront d'abord, les comprendront ensuite, à même le travail des enfants. Ils se déshabitueront peu à peu du véritable envoûtement des notes et des classements pour encourager le fond que nous faisons et la confiance que nous témoignons à ce besoin culturel des enfants et à leur souci de toujours mieux faire, élargir et agrandir leur personnalité, pour être des hommes capables d'affronter leur destin.

 

Au terme de cette étude, nous dirons encore à quel point le plan de travail est régénérateur pour le comportement scolaire et extra-scolaire des enfants.

 

« Terminer mon plan » devient une des préoccupations majeures de nos élèves. Ils y parviennent sans que nous ayons à faire intervenir punitions ou récompenses. C'est un élément nouveau qui est né dans la pratique de notre école ; il sera désormais au centre de notre travail, organisateur et ordonnateur de nos activités. Il prépare l'enfant à affronter le monde nouveau où les plans et les plannings ont pris une si grande importance tant au point de vue national ou international, qu'industriel et administratif.

 

Les Plans de Travail de l'Ecole Moderne ouvrent, au point de vue scolaire, les voies de l’Avenir.