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Univers miniatures, paroles, gestes et matériaux tissés

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Novembre 2004

 

CréAtions, n° 114- ArTissages
novembre/décembre 2004 (Editions PEMF)
Ecole maternelle Pasteur, Draguignan (Var) - Classe : MS/GS - Enseignantes : Maud Febvay et Corinne Marlot - Plasticienne, Stéphanie Ferrat

 


Univers miniatures
paroles, gestes et matériaux tissés

Tisser ensemble nos univers pour penser le monde autrement

 

Genèse du projet
L’enseignante, n’avait, à ce jour, jamais enseigné en classe maternelle… Quand elle a dû imaginer un projet possible pour une classe à PAC, en Arts Plastiques, elle est partie de ce qui pourrait être au carrefour de la rencontre entre l’école et de très jeunes enfants : le jeu qu’on laisse et qu’on reprend et les histoires ; celles qu’on se raconte et celles qu’on nous raconte.
Les jeunes enfants, naturellement, au cours de leurs jeux solitaires ou collectifs, utilisent divers objets, divers matériaux, apportés par le hasard ou délibérément choisis et précieusement collectés, classés, rangés.
Ces «trésors» font souvent l’objet de constructions éphémères qui sont alors autant d’univers et de mini scénarii. Ils sont d’autant plus précieux qu’ils demeurent secrets.
L’idée avait germé : il s’agira, en prenant le temps, tout le temps nécessaire, de faire exister dans la classe ces situations de construction d’univers miniatures en valorisant la parole qui les accompagne et de les mettre en scène en tant qu’installation, dans un lieu public.
   
La démarche
L’enseignante a fait appel à une plasticienne, Stéphanie Ferrat dont elle connaissait bien le travail et son orientation particulière pour "les petits univers étranges" et les choix de matériaux, souvent inattendus.
La création des univers eux-mêmes ne pouvait se produire qu’au terme d’une longue "quête" qui allait durer toute l’année. Comme s’il s’agissait de composer sa palette, celle des formes, des matières, des matériaux, mais aussi celle des images, des histoires et des ressentis.
La réalisation finale, tissée de gestes, de paroles et de matériaux allait être avant tout la trame de tout ce qui se tisse dans une classe bien vivante: l’engagement, le partage, et la coopération pour apprendre tous ensemble sur le monde.

La recherche
Dans un premier temps, de septembre à mars, il fallait mettre en place avec les élèves le milieu qui allait permettre les constructions.
D’abord, il y a eu des simulations: avec des objets de la classe, hétéroclites ou proches, selon leur choix, les enfants ont commencé à réunir des éléments dans une mise en scène sommaire et éphémère qui faisait, ou pas, l’objet d’une présentation au groupe. Les enfants travaillaient seuls ou à plusieurs.
Dans le même temps a commencé la quête d’autres types de matériaux: des éléments naturels récoltés dans la nature, lors de sorties et des matériaux de récupération de toute sorte, glanés ici et là avec la complicité des familles.
Tous ces matériaux ont été triés, classés, rangés, étiquetés pour être "prêts à être utilisés" quand viendrait "le moment".
Afin de nourrir la classe, beaucoup d’histoires ont été lues ou racontées aux enfants, la BCD a été largement et souvent visitée: la notion de lieu et des possibles qui lui étaient liés, la notion d’espace et ses transformations, la notion d’habitat et d’habitants étaient des thèmes récurrents dans les lectures.
En parallèle, les enfants sont sortis de l’école pour aller voir, dans leur environnement proche, différents types de "maisons", de "bâtiments": la tour de l’horloge, le portail de l’église, le fronton du théâtre municipal, le volume de l’office du tourisme et puis, l’agencement des bâtiments entre eux sur la place du marché.

 

      

 

 

  

 

Le temps de l’atelier
L’idée était, après toutes ces récoltes, de transformer la classe en atelier sur un temps court : 3 semaines au mois de mai, où les après-midi étaient réservées à ce travail, la plasticienne était présente le plus souvent. Sa sensibilité d’artiste l’entraînait plus vers la parole « intrinsèque » des objets et des matières, que vers le sens narratif des constructions. Elle a permis à la dimension secrète, intime de la matière, de pouvoir exister parfois, avant l’idée d’une maison, d’un parc, d’une école ou d’un moulin ! Techniquement, elle assurait des collages autant périlleux qu’hypothétiques quant aux lois de la gravité !
C’est à ce moment que la parole des enfants a été recueillie, pendant qu’ils étaient tout à leurs inventions et qu’un enregistrement sonore a pu être fait.
Il était étonnant de voir à quel point le geste libérait la parole, celle de la narration mais aussi celle liée à l’échange entre les enfants : des demandes d’aide, en passant par les essais de formulation de positions spatiales, jusqu’à l’élaboration de petites histoires à plusieurs regroupant plusieurs univers, la palette était large !
C’est à ce moment là qu’une visite à la fondation Maeght, à Vence, a pu se faire. Le contact des enfants avec les sculptures très brutes du jardin a relancé le travail sur la forme, les formes et les histoires qui s’en dégagent (ou pas).
« J’ai fait des petites clochettes et puis là aussi des petites fenêtres et puis là j’ai fait une petite montagne et je peux en refaire encore une. Y’a des animaux, plein de petits animaux : des pt’its chiens, des mouches, des escargots, des petits chats, plein d’animaux qui sont petits. Des toutes petites girafes, et puis des petits éléphants. Ils mangent, ils jouent à cache-cache. Les petits animaux, y restent là et ils se sauvent pas. Et comme ça les mamans quand elles viennent…parce que c’est une école de plein d’animaux et puis leur maman elle vient les chercher. Leur maîtresse, c’est une girafe, elle leur apprend à écrire: Plein de p’tits travail, à dessiner, elle leur apprend à faire tout. Et puis là, j’ai fait une petite noisette, ça représente une montagne de cailloux. Là, j’ai fait plein de neige et les mamans et les papas, ils ont du mal à arriver car il fait très froid pour eux. Aussi y’a une caméra pour voir si les petits animaux ils volent des trucs, qui volent des feutres, qui volent des dessins, qui volent des micros qui volent des p’tits tableaux. » Anissa

« J’ai fait une échelle pour les oiseaux. Avant y’avait une mère et la mère elle avait la mère des oiseaux elle était morte et maintenant on la voit plus. Voilà c’est fini »
Anaïs

« J’ai fait un petit terrier pour les lapins et y’a un fantôme derrière et ils veulent pas sortir parce que il est derrière ici et quand il sera parti le fantôme y’a les p’tits lapins qui feront une fête et qui danseront »
Margot

« Dans ma maison je vais faire une route jusqu’à chez Léa Lebat après je vais faire une route et après une route pour aller jusqu’à chez Talia. Et moi je vais faire une route jusqu’à chez Jérémy »
- Et moi jusqu’à chez Léa Larminac
-Jusqu’à chez toi
-Non Léa Larminac elle est en bas
-Jusqu’à Margot »


L’installation
Au mois de juin, d’abord dans la cour de l’école, puis dans une librairie de la ville, les «univers miniature» ont été réunis par les enfants : ils ont choisi l’idée de la route qui menait d’un lieu à un autre, parfois à plusieurs. Quand le visiteur s’approchait, il pouvait entendre l’enregistrement sonore fait en classe et toutes les petites voix qui disaient…


Et puis
Et puis chacun s’en est allé avec sa boîte à trésors. Nous ne saurons jamais vraiment ce que Anissa, Jérémy, Léa, Talia, Margot, Zineddine et les autres en ont tiré, quel écho en eux de cette aventure, mais l’idée des chemins qui réunissent tous ces univers personnels en dit long sur une autre idée du monde, qui a peut-être pris forme en eux…

 

SOMMAIRE CREATIONS N° 114