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Octobre 2001

 


CréAtions 98 - L'autre, image de soi - publié en septembre-octobre 2001

Edito

 

Edito

L’histoire montre que le thème du « portrait » met en jeu toutes les ressources de la relation symbolique.

Car pour les artistes, il n’a jamais été question d’arriver en premier lieu à obtenir la concordance avec la réalité visuelle, sauf peut-être dans certains portraits du « genre », des commandes le plus souvent, qui se situent plus du côté des arts mécaniques que des arts libéraux. Et lorsque la mimésis est présente, elle n’est pas centrale : ce qui importe dans le portait de La Joconde, c’est tout à tour son sourire qualifié « d’indéfinissable », le soi-disant travestissement de Léonard caché sous les traits de la belle Mona Lisa, ou l’énigme engendrée par la présence du paysages placé derrière elle.

Recentrer le sujet sur la relation entre le motif et son environnement, c’est aussi une des problématiques des portraits de « Gilbert and George », au-delà du spectaculaire de la transparence photographique.

Picasso a étudié, dans la série « Le peintre et son modèle », les différentes conjugaisons possibles des trois composantes du portait, le peintre, le modèle et le médium, mesurant leurs influences réciproques soumises à l’idée du désir.

Témoins encore les « otages » de Fautrier, figuration devenue presque informelle, limitée au rapport signe/valeur/matière, éléments constituants plastiques : parce qu’ici le portrait est le véhicule de l’absence, de l’oubli ou de la torture. L’otage de Fautrier est un « hiéroglyphe de la douleur » dit Malraux.


Avec ce titre « l’autre, image de soi », l’équipe de Créations a voulu montrer que les enfants sont attentifs à la relation symbolique, et qu’il ne faut pas entrainer l’enfant à penser que, par son acte, il peut affirmer une virtuosité.

Car le portrait est un bon moyen de socialisation de l’enfant. Les témoignages proposés dans ce numéro abondent dans ce sens, en insistant sur les idées de « recherche », de « tâtonnement » ou dans l’esprit de Freinet, de « méthode naturelle ».

Ce qui est important dans l’action de faire un portrait, c’est plus le « passage », le parcours de soi à soi, de soi à l’autre, que le plaisir d’avoir bien réussi une ressemblance.

L’incertitude à rendre compte de l’image que l’on perçoit de l’autre est équivalente à celle qui existe au cours de la rencontre de l’autre. Et la difficulté à connaître est à comparer aux moyens de la mise en forme, jusqu’au gommage interprété comme une révision de jugement, un affinement du jugement.

L’enfant qui réalise un portrait forge les signes qu’il perçoit des autres jusqu’à la déformation intentionnelle ou non, qui n’est qu’insistance supplémentaire, mise en évidence jusqu’au hiéroglyphe, jusqu’au symbole.

Et la recherche du réalisme, de la transparence rationnelle, est une manière de se mettre en retrait derrière un système bien rassurant, ce qui se passe lorsque, de 8 à 10 ans, l’enfant doute et qu’on laisse malheureusement son imagerie personnelle être remplacée par le stéréotype et le « bien dessiné ».
C’est le désir de mieux connaitre l’autre qui doit guider la main qui agit.

  

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