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Et POURQUOI PAS du THEATRE en ANGLAIS en 6e

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Mars 1981
et POURQUOI PAS du THEATRE en ANGLAIS en 6e
OU : LE TATONNEMENT EXPERIMENTAL DES PROFS...
 
Depuis la création du C.E.S. (9 ans). nous avons un animateur culturel. Et depuis l'arrivée il y a six ans d'un comédien professionnel comme animateur culturel, nous avons essayé, dès le début de l'année de 6e avec lui, puis avec le nouvel (et actuel) animateur culturel de mettre les élèves en situation de “parler” anglais, et non pas de réciter par cœur des petits sketches appris, et d'accorder autant d'importance au jeu, à l'imagination qu'à l'anglais.
 
Nous travaillons pour qu'ils vivent l'apprentissage d'une langue nouvelle comme un plaisir, qu'ils aient par le jeu, un sentiment de gratification. Nous voulons aussi leur permettre de mieux trouver les autres, par un désir de communication pas seulement oral. On n'existe, dans cette heure-là, qu'avec les autres pris comme interlocuteurs (et pas rivaux, têtes de turcs, etc.). Il va de soi que les élèves ne sont pas pénalisés, notés, et que le but du travail est aussi qu'ils ne relâchent pas leur intérêt, par l'évaluation par tous des réalisations jouées par exemple. Même les “mauvais à l'écrit !” ne décrochent pas...
 
Nous travaillons dans un lieu différent de la salle de cours habituelle : peu de tables, peu de chaises, quelques tapis et des meubles (?) de récupération. Et surtout pas de voisins immédiats, ce qui nous permet de faire tout le bruit qu'on veut! Et nous consacrons à cette heure pas comme les autres, une heure par semaine, dans l'emploi du temps normal. Dernier point, mais d'importance, nous sommes deux adultes dans la classe, nous sommes d'accord sur ce que nous voulons faire. Et depuis trois ans que nous travaillons ensemble nous consacrons peu de temps défini à la préparation de ces heures, mais nous en parlons assez souvent d'une manière informelle.
 
Il s'agit cette année d'une 6e indifférenciée de 19 élèves, 7 filles et 12 garçons. J'ai commencé comme les autres années par des dialogues de présentation, repris d'une bande des correspondants. Dès le début, les élèves ont beaucoup aimé le fait de jouer. J'ai profité de ces premiers petits sketches pour faire des remarques sur la voix, sur le placement sur la “scène”, leur expliquant que bientôt - l'animateur culturel est toujours nommé tard - quelqu'un nous aiderait dans ces difficultés-là.
Cela leur adonné grande envie de connaître cet “aide”, et dès que Robert a été nommé, nous sommes “descendus” travailler avec lui, et c'est à partir de ce moment que j'ai pris des notes.
 
6.10 : Présentation en anglais de chacun des élèves avec leurs noms anglais, et français, pour que Robert fasse leur connaissance. Ils doivent prendre un interlocuteur dans le groupe, et le regarder dans les yeux, sans rire.
 
Ils jouent ensuite les mini-sketches fabriqués par groupe en classe, et dont ils sont fiers. Robert en profite pour faire des remarques générales sur le jeu (pour soi, mais aussi pour et avec les autres), sur la nécessité de parler distinctement, et de prendre son temps entre les paroles. Seul un groupe n'a pas eu le temps de faire son sketch.
 
Nous sommes agréablement surpris : les gosses ne sont pas gênés, ne ricanent pas, mais s'appliquent et s'intéressent à ce que font les autres.
 
13.10 : Robert est en retard, nous allons quand même dans sa salle (je sais qu'il va venir, sinon il m'aurait prévenue !), et je demande de travailler sur les phrases un peu bêtes qu'on a vues dans le livre (What's this ? It's a door !), et de les présenter de différentes manières, selon qu'on est sourd, en colère etc. Les élèves ont des problèmes avec le texte (mélange de sons), avec le jeu (ils n'ont pas tous compris ce que je demandais). Robert arrive, revient au dernier sketch de présentation - que les gosses ne voulaient pas présenter s'il n'était pas là, et on apprend en classe entière à s'interpeller de loin. Hello ! Hi! Phase qui dure assez longtemps parce que les élèves ont oublié leurs noms anglais. Ils restent bloqués dans leur coin, et n'osent pas parler fort. Petite “parlote” sur le théâtre et l'importance de jouer pour les autres, pour être entendu.
 
“ What's this ? ”. On reprend les petites phrases. Mais, est-ce parce que c'est moi qui ai proposé ce travail, il n'y a aucun jeu “vrai”, juste des essais pour ne pas oublier les mots. Robert leur dit qu'ils sont des robots, et qu'il leur faut donc jouer comme des robots, en détachant bien les syllabes. Difficultés: ils ne parlent pas assez fort, et n'articulent pas. Les robots doivent alors s'interpeller d'un bout à l'autre de la pièce, en se regardant d'abord, puis sans se regarder. Cela met en relief les problèmes phonétiques, et ensuite on remarque qu'il n'y a pas de liaison, pas de rythme entre les élèves qui travaillent tour à tour par deux. Très vite, Robert met en place un exercice collectif pour travailler le rythme.
 
20.10 : Nous démarrons tout de suite sur le jeu par deux avec des nouveaux mots (surtout noms d'animaux) vus dans la semaine. Parallèlement au travail fait avec Robert et la collègue de français, nous leur demandons d'imaginer dans leur tête une situation, et de faire que nous la comprenions. Robert a lancé quelques situations possibles: promenades au zoo, dans les bois etc. Les élèves sont à l'aise, certains groupes entraînent les autres, si bien que les situations imaginées se compliquent. Nos interventions se limitent aux problèmes de prononciation, et à des remarques techniques de jeu (ne pas vouloir aller trop vite, parler fort et articuler). Tous les élèves passent, même ceux qui étaient absents la semaine précédente. Des remarques de mise en scène sont faites par les élèves en français. Certains suggèrent des gags. Nous donnons donc cinq minutes pour qu'ils se mettent en groupe, et jouent leurs idées ; peu de problèmes de groupe : seul un élève reste à l'écart, et est très vite intégré dès qu'on en a fait la remarque. Nous sommes frappés par le sérieux, et la décontraction des élèves. Il y a de très bons gags (This is an egg : œuf cassé sur la tête de l'autre - silence - et l'autre renvoie un œuf : and that's egg too !), qui nous permettent de travailler sur le regard, sur le temps (bien laisser l'œuf dégouliner..) trois groupes seulement sur sept ont le temps de passer...
 
Ces sketches sont si “visuels” que je suggère de dessiner ce qui a été joué. Enthousiasme délirant quand la cloche sonne (deux B.D. me sont apportées dans les jours suivants).
 
Ces enfants ont une très bonne qualité d'écoute des autres. Et je sens bien en cours que certains répètent des trucs qui ne les passionnent pas parce que cela va leur resservir en théâtre. Et d'autre part, ils ont commencé aussi à jouer en français, ce qui les aide beaucoup dans les problèmes de jeu.
 
27.10 : Nous reprenons bien sûr les sketches à gags. Et nous faisons cette fois-ci beaucoup plus de remarques sur le jeu : éviter les brutalités (on ne se bat jamais vraiment au théâtre !), travailler avec les autres, et leur laisser leur part de jeu, prendre son temps, utiliser les remarques faites aux autres.
 
Des modifications de scénario sont proposées par les spectateurs : l'imagination travaille dur, mais les malheureux acteurs ne savent plus à quel saint se vouer. Nous laissons donc les scénarios comme ils sont, mais nous essayons d'avoir plus d'exigences sur le jeu, il faut recommencer, affiner le jeu, et, Ô, surprise, cela ne lasse personne.
 
Les cinq dernières minutes sont consacrées à un travail sur l'articulation.
Seule revendication des élèves après ces quatre séances : avoir une heure de plus par semaine avec Robert. Refus... Il travaille avec d'autres classes, et moi, il faut bien que j'avance...
Christiane CAILLOT
Robert KECHICHIAN