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Février 2000

 


CréAtions 90 - Identité - Altérité - publié en janvier-février 2000

Classes de CE2 et CM1, Ecole Dominique Antoniotti, Borgo (Corse) – Enseignants : Marie Lopez, Pascale Landolfini – Artiste intervenant : Ilan Wolff - Avec le concours du Centre méditerranéen de la photographie de Bastia.

 

Camera obscura

Camera obscura…
La plus ancienne forme scientifique de création d’image décrite par l’Arabe Scheler Alhazen au Xe siècle, puis par Léonard de Vinci cinq siècles plus tard.
Camera obscura signifie « chambre noire » en latin et renvoie à une technique simple qui permet d’observer, de copier ou de photographier l’image renversée que la lumière réfléchit, du monde extérieur sur les murs intérieurs d’une pièce sombre.
En fait, la lumière peut s’infiltrer et se projeter à travers une pièce grâce à une petite ouverture percée sur un des côtés de la pièce. Depuis la découverte du procédé photographique, la camera obscura est devenue le sténopé.
Différents matériaux, sensibles à la lumière, comme du verre spécialement traité, du papier ou du film, sont placés dan une boîte opaque pour imprimer l’image photographique du monde extérieur, sans lentille, ni mise au point.
La Camera Obscura peut être considérée comme la base de la photographie moderne.

Au départ de ce projet, il y a une rencontre avec Ilan Wolff, un artiste photographe qui exploite depuis 1982 les techniques de la camera obscura. A la suite de cela, nous organisons dans l’école une classe artistique d’une semaine.
Dans un premier temps, il s’agit de transformer une salle de l’établissement en camera obscura, en obstruant toutes les fenêtres avec du plastique noir. Dans l’un de ces plastiques, on perce un petit trou de 5 mm, que l’on masque avec de l’adhésif noir. Pendant qu’un groupe installe un grand écran à l’intérieur, l’autre se prépare à l’extérieur.

Tous assis dans l’obscurité totale, nous enlevons l’adhésif noir et attendons fébriles… mais rien ne se passe ! Bien sûr, la télévision nous a habitués à obtenir des images en mouvement, très vite, simplement en appuyant sur un bouton. Mais peu à peu, nos yeux s’habituent et nos camarades du dehors apparaissent, la tête en bas et déformés quand ils s’approchent de la fenêtre, car l’écran est courbe.

A ce moment-là, les enfants prennent conscience de deux choses :
- le rapport au temps change, il faudra faire preuve de patience pour obtenir les résultats escomptés ;
- on peut agir sur ce que l’on voit et le faire apparaitre tel qu’on le veut, en manipulant le papier, support de l’image.

A partir de là, nous voulons réaliser une photo de classe immense. Pendant qu’une classe pose à l’extérieur, l’autre prépare le papier photographique de 3 m sur 1 m, sur l’écran. Alors que le premier groupe n’a posé que dix minutes, car il a bénéficié d’un temps ensoleillé, notre classe doit poser pendant dix-sept minutes car entre temps le ciel s’est couvert.

C’est à ce moment-là que les enfants expérimentent «physiquement» (être immobile dix-sept minutes est très pénible!) l’importance de la lumière : plus la lumière est intense, plus le temps de pose est court !

« Parce que la camera obscura est si simple, n’emploie ni objectifs, ni systèmes mécaniques, elle est la forme photographique la plus pure, et pour cela elle est un outil idéal pour l’éducation. Elle encourage les étudiants de tout âge et de tout niveau, du plus jeune au plu mature, à expérimenter avec la lumière et l’image, sans que vienne s’interposer connaissance technique ou expérience de la photographie. » Ilan Wolff

  

 

 

Tout de suite après, on développe le négatif à l’aide d’éponges imbibées de révélateurs, on le passe au bain d’arrêt puis on le fixe.
Reste à tirer les positifs en mettant sous le négatif un nouveau papier photographique que l’on expose une seconde à la lumière blanche, qui passe à travers l’image négative et impressionne ainsi le nouveau papier photographique : c’est le développement par contact.

A partir de cet instant, les enfants s’approprient la technique et se sentent prêts à expérimenter toutes les possibilités des boîtes cylindriques qu’ils ont construites avec Ilan.

Par groupes de deux donc (celui qui photographie et celui qui est photographié), nous commençons à faire des portraits individuels. Alors qu’avec la grande photo de classe, les enfants ont aisément pris une pose personnelle, prenant en compte le groupe («Je suis une partie, parmi les autres de l’entité groupe»), avec les portraits, différents comportements se mettent en place. En effet, certains enfants deviennent très vite des partenaires, tandis que d’autres sont en désaccord : qui décide de la pose ? Le photographe ou le modèle ?

En fait, le modèle n’accepte pas l’image que l’autre lui renvoie mais veut imposer son choix, son image à lui.

Dans cette situation, deux identités s’affirment jusqu’à s’opposer, s’affronter. J’entame alors une discussion d’où émerge le fait que le portrait engage les deux enfants et non un seul. Cependant quelques enfants se séparent et changent de partenaire tant le désaccord est important. Chaque moment de prises de vue est suivi du développement des négatifs puis des positifs. Puis vient le stade où, muni de sa boîte, chaque enfant va choisir seul une vue de l’école ou de la cour, s’installe, vérifie que son sujet est bien face au soleil et sa boîte dos au soleil, soulève l’adhésif pour laisser entrer la lumière, compte jusqu’à trois, puis replace la languette. Ça y est, la photo est dans la boîte !


Lors du développement, surprise ! Jean-Noël a créé une image unique : ses pieds apparaissent au premier plan de sa photo ; il devient ainsi partie intégrante du paysage qu’il désirait photographier. Ici, le hasard relance la créativité des enfants qui perçoivent d’autres pistes pour les prochaines prises.

 

    sommaire n° 90 Identité, Altérité  

 

 

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