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Dossier : Comment démarrer en Pédagogie Freinet : en français

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Avril 1980
Les dossiers de LA BRÈCHE
COMMENT DEMARRER AU SECOND DEGRE
 
SOMMAIRE
En français:
Josette BEL, Claude CHARBONNIER, Roger FAVRY, Colette HOURTOLLE, Geneviève LE BESNERAIS, Janine LE HOUX, Janou LEMERY, Michel MELLAN, Mauricette RAYMOND, Michel VIBERT.
En musique:
Silence: on joue ! Anne-Marie REYJAL
Education physique et correspondance :
Alain DUQUENNE
Correspondance internationale :
“ Enfin sur la Hollande quelque chose qui n'est pas plat! ” Simone BERTON
En mathématique :
Dossier préparé par Jean-Claude REGNIER
En biologie :
Marie SAUVAGEOT
En physique au second cycle
Michel DAGOIS
Des chercheurs-trouveurs en L.E.P :
Apprendre la physique ou faire de la physique ?
Odile PUCHOIS
En audiovisuel
Georges BELLOT Gabriel BARRIER
En dessin et arts plastiques :
Janine POILLOT Mme GADIOU
 
FRANCAIS

Démarrer quoi, pourquoi et comment ?
Au cours de nos rencontres, stages, congrès, ces questions se posent de plus en plus. En effet, pratiquer la pédagogie Freinet au second degré n'est plus une nouveauté, l'apanage de quelques isolés. De plus en plus de camarades du second degré se réclament du mouvement, utilisent les outils C.E.L. Cela peut sembler un paradoxe dans l'enseignement morcelé, programmé, dévitalisé du second degré. Ce dossier a pour but d'aider tous ceux qui le souhaitent à pratiquer des méthodes modernes qui se veulent distinctes de la Rénovation Pédagogique, dans la mesure où elles ne sont pas seulement un apport de techniques différentes, mais où elles visent à modifier en profondeur les fondements de l'éducation. Ce dossier se voudrait en particulier une aide à tous ceux qui souhaitent changer le fonctionnement de leur classe et inverser la démarche habituelle de l'enseignement (du professeur vers les élèves) pour promouvoir une autre relation dans laquelle les adolescents sont associés à l'organisation du travail, à la définition du savoir, et où l'enseignant, présent et vigilant, essaie d'être à la fois celui qui écoute, propose, aide à se construire et à se dépasser.
Ce dossier a également pour but de démystifier l'image auréolée du pédago Freinet voué à sa pédagogie 24 h sur 24, et de montrer maintes faces, maints degrés d'implication, dans la pédagogie Freinet. De montrer aussi parfois que la pédagogie Freinet peut permettre en plus, de vivre l'acte éducatif avec un certain plaisir. Plus accessible que l'équipe pédagogique qu'il n'est jamais aisé de constituer, le groupe d'enseignants Freinet (groupe géographique ou chantier) auquel on appartient permet les échanges, le partage de l'insécurité et les interrogations, la formulation du début de ses propres réponses.
 
PRATIQUER LA PEDAGOGIE FREINET, C'EST QUOI ?
I) Quelle que soit la discipline enseignée, travailler en pédagogie Freinet, c'est d'abord établir une autre relation avec les élèves. Une évidence ? Oui, mais pas si simple. On peut pratiquer toutes les techniques Freinet sans creuser de brèche véritable si la relation pédagogique n'évolue pas ; inversement, un enseignant aux techniques traditionnelles peut faire évoluer profondément les élèves s'il établit une autre relation pédagogique[1]. Il s'agit en fait de secouer un schéma qui est le fondement de l'enseignement officiel : celui du POUVOIR du maître. Si les élèves ont un réel droit de parole et de critique en ce qui concerne l'organisation, le contenu et l'évaluation du travail, si l'enseignant n'est pas le seul à décider, alors, la vie de la classe peut évoluer d'elle-même, et les techniques proposées viennent simplement aider cette évolution interne. Il ne suffit pas, et on ne le répétera jamais assez, d'instituer autoritairement une structure différente de travail pour que la vie de la classe évolue, car la structure ne suffit pas à faire évoluer les mentalités.
 
Remettre en question son pouvoir d'enseignant sous-entend un changement de mentalité de renseignant qui accepte de reconnaître devant les élèves que, non seulement il ne détient pas le pouvoir à lui seul, mais qu'eux peuvent lui apporter des points de vue intéressants, des enrichissements.
Cependant les premières difficultés en démarrant la pédagogie Freinet c'est de faire naître un climat de confiance, d'amener les élèves progressivement à ne plus subir, position bien confortable pour certains, à ne pas toujours douter de leurs possibilités, à partager avec les autres leurs richesses. C'est une démarche lente qui ne doit pas être insécurisante pour les élèves, et c'est difficile au début car elle peut apparaître à certains comme une démission de la part de l'enseignant.
 
Mais remettre en question le pouvoir de l'enseignant ne signifie pas adopter une attitude démagogique qui consisterait à “donner le pouvoir aux enfants”. L'enseignant est un membre à part entière du groupe et son statut institutionnel lui confère un rôle privilégié. A lui de maintenir à ce rôle son aspect “aidant” et de le dépouiller de son pouvoir répressif (cf. Dossier Part du maître, La Brèche n° 33-34).
 
De plus, l'enseignant dispose d'une expérience et d'une somme d'informations que ne possèdent pas les élèves. Les “leurrer” sur le “pouvoir” qu'on leur donne alors qu'on sait que soi-même, on n'est pas totalement libre (horaires/programmes, poids de la hiérarchie, des collègues, des parents) et qu'eux aussi auront à subir un certain nombre de contraintes (examens, passage dans la classe supérieure, etc.) s'apparente à une certaine forme de malhonnêteté.
Tout commence peut-être par cette prise de conscience qu'il faut les amener à faire : nous avons un horaire, des programmes, un environnement, mais il nous reste une marge de liberté suffisante pour faire en sorte que le temps passé ensemble soit un temps où on ne s'ennuie pas, où on peut même prendre plaisir à travailler en commun. “C'est relax, mais on bosse quand même”, selon les mots d'une élève de seconde. Et la discipline, direz-vous ? Si on ne punit pas, “ils” n'obéissent plus, “ils” chahutent. Non : le chahut est une forme de provocation contre l'ordre. Si les élèves prennent collectivement les décisions, ils les appliqueront. Et le dialogue est souvent une réponse plus positive que la sanction...
 
II) Pratiquer la pédagogie Freinet, c'est aussi évoluer vers une organisation coopérative de la classe, c'est-à-dire une prise en charge collective du travail et de son évaluation. Cette organisation repose sur des outils la concrétisant : plans de travail individuels, collectifs, etc. Tous les projets de travaux doivent être inclus dans une grille horaire, dans un contrat de travail. A un certain moment, il faut bien arriver à planifier quand, par qui se font les travaux, pour quelle date. Planifier, organiser, c'est aussi aider les élèves qui, surtout au début, ont besoin de cadres pour se repérer, et vivent très mal l'incertitude.
Supprimer les heures traditionnelles ne veut pas dire improviser à chaque heure, mais structurer ces heures l'avance, en tenant compte des élèves et du professeur.
 
III) Pratiquer la pédagogie Freinet c'est enfin avoir recours à des techniques permettant la libre recherche expérimentale, l'expression libre, le respect des rythmes individuels d'acquisition.
 
Ces a priori énoncés, la pédagogie Freinet au second degré peut être appliquée avec bien des degrés d'implication, selon les conditions matérielles, l'environnement, la position de l'administration, l'individu lui-même, avec ses propres limites selon qu'on est seul ou qu'on peut travailler en équipe Pédagogie de rupture, la pédagogie Freinet ne se définit pas par référence à des canons absolus et immuables : elle se définit en chaque lieu où elle est mise en œuvre, par référence à ce qu'il est objectivement possible de faire en lieu et ce qui y a été fait.
 
DEMARRER EN FRANÇAIS...
Partons d'un horaire de cinq heures, morcelé traditionnellement en : dictée-grammaire-rédaction-lecture expliquée etc.
La première amélioration peut se faire au niveau des “vœux” concernant le service d'enseignement à venir.
- Demander au moins deux heures consécutives dans semaine.
- Essayer d'obtenir que les élèves aient leur salle ou aient cours avec vous toujours dans la même salle.
 
Ne pas se lâcher des deux mains en même temps est le seul conseil qu'on peut se permettre de donner ici... (A moins d'avoir une solide résistance, de bonnes conditions matérielles et plein d'outils...).
 
On peut d'abord prélever une heure hebdomadaire, puis deux et ainsi de suite, pour l'une ou plusieurs des activités suivantes : lecture et travail sur documentation : la classe choisit un ou deux thèmes généraux l'intéressant (exemple : condition de la femme - choisir un métier - l'argent - recherche scientifique etc.).
Autour de ce thème, on cherche des titres de livres, de la documentation. Il est préférable de choisir au début des documents assez simples (pour que les élèves ne perdent pas trop de temps à dépouiller les documents) et pas trop nombreux ; les premiers travaux doivent être “réussis” pour ne pas décourager les élèves.
 
Les élèves travaillent en groupe (quatre maximum) sur divers aspects du sujet. Il est souhaitable d'aider chaque groupe lui donnant une fiche de travail qui lui permettra de répartir son travail dans le temps, de le cerner. Chaque groupe choisira son mode de communication à la classe (panneau - dossier - montage audiovisuel - sketch - graphe - court exposé oral - réponses aux questions (interview) etc.). Cette mise en commun est essentielle pour des raisons que nous exprimerons plus loin. Les travaux peuvent être le support d'un travail plus individualisé - en fonction des lacunes de chacun - sur l'orthographe, l'expression écrite, le classement des idées, etc. La pédagogie Freinet n'est pas incompatible avec les exigences d'acquisitions définies par le programme, mais elle permet de les faire autrement (voir fiche 3 = démarche originale à partir de textes classiques).
 
Un écueil à éviter cependant dans cette démarche vers l'expression à partir d'une documentation, c'est l'exploitation thématique trop systématique qui enfante un monstre qu'on ne peut plus maîtriser. Il ne s'agit pas en effet de rejoindreles anciens “centres d'intérêts”, prétextes à toutes les extrapolations rentables pour “ récupérer” la créativité. Ces thèmes, choisis par les adolescents, ne doivent être qu'un éveil, des brèches qui donneront un jour envie d'aller plus loin, plutôt que d'engranger tout, tout de suite, pour boucher des heures et créer du travail.
Evolution et extension de ce travail de groupes : les élèves aiment généralement cette forme de travail. Les thèmes se multiplient rapidement. On en arrive assez vite au travail en ateliers proprement dit, c'est-à-dire que chaque groupe (quatre maximum) choisit un travail différent (un livre, une enquête, une recherche, .etc.). Ce serait en gros ce que la rénovation pédagogique appellerait le travail autonome ou indépendant, si nous n'insistions pas sur la communication des travaux à la classe, et sur le brassage des élèves de différents niveaux - qui se fait naturellement par le libre choix des groupes - pour éviter le creusement de l'écart entre les “bons” et les “mauvais”.
 
Enfin, le bilan des travaux, leur évaluation peut permettre l'instauration de réunions de coopérative, qui permettent si le droit à la parole est respecté et la critique acceptée, d'aller plus loin. Notons cependant que le travail en ateliers est souvent l'étape finale, car elle suppose aussi que le groupe ait accepté les différences (pour les classes de 6e ; ce n'est pas toujours aisé de faire comprendre qu'on ne fait pas tous la même chose en même temps). Elle suppose aussi que le groupe ait aboli la notion de “rentable” : ceux qui font des exercices de grammaire travaillent plus que ceux qui préparent un sketch.
 
Quelques remarques sur la pratique de la lecture
Au premier cycle, les programmes sont plus souples, ne sont pas sanctionnés par un examen. Les objectifs concernant la pratique de la lecture peuvent être :
1) Faire aimer lire : c'est pourquoi, au début, il n'est peut-être pas indispensable d'accompagner la lecture d'un travail écrit. On peut envisager simplement une présentation orale du livre aux camarades : résumé court, intérêt que présente le livre. La diversité des livres présentés peut leur permettre de mieux se connaître et de savoir mieux choisir leurs livres.
2) Donner aux adolescents un esprit de synthèse leur permettant d'aborder mieux armés le deuxième cycle et de conserver un esprit critique, quelle que soit l'orientation à l'issue de la 3e.
C'est pourquoi lire un livre entier, et à travers un questionnaire portant sur l'ensemble du livre, est préférable à l'usage de morceaux choisis.
 
Autres pistes possibles
- Une heure de temps à autre où chacun fait le point de ses lectures, parle d'un ouvrage qui l'a intéressé (fiche de lecture - voir dossier pédagogique n° 87.
- En début de trimestre, présentation sommaire (thème, intérêts) de quelques ouvrages en fonction du choix de la classe; on peut étudier plus à fond deux ou trois de ces ouvrages en lecture suivie; les heures en classe étant l'occasion de débats, d'échanges (voir dossier pédagogique : Incitation à la lecture au second degré n° 81 ).
La liberté de choix doit être respectée. Partir des goûts, des centres d'intérêts des adolescents est le meilleur moyen de donner le plaisir de la lecture, de respecter leur culture. Et quand ils lisent Guy des Cars ou Barbara Cartland ? La première étape est sans doute de les aider à mieux lire ces romans, à acquérir un esprit critique, avant de leur donner envie de lire autre chose (et pas forcément du Stendhal ou autre classique “culturel”).
Mais on peut assez rapidement, comme palier transitoire, leur proposer un roman que l'on sent fait pour eux, en fonction d'observations psychologiques quotidiennes, même s'il offre quelques difficultés. Il suffit de les aider un peu plus dans les fiches-guides, de faire des pauses et de réfléchir avec eux sur telle ou telle situation, tel ou tel mécanisme psychologique. Les collections “Chemins de l'amitié”, “Travelling” sont suffisamment riches et motivantes pour permettre au maître d'aiguiller vers une direction enthousiasmante. Les premiers choix des élèves, si on les abandonne à eux-mêmes, ne sont que le reflet de leurs conditionnements dont nous devons les aider à se défaire le plus rapidement possible pour qu'ils gagnent en liberté de choisir .
 
S'APPRIVOISER ET SE METTRE EN CHEMIN ENSEMBLE
ou COMMENT J'AI DEMARRE EN 6e CETTE ANNEE
(Français- histoire - Géo 20 élèves)
Je ne suis pas tout à fait une débutante en pédagogie Freinet. Depuis trois, quatre ans j'ai pratiqué le journal scolaire, la correspondance, la classe en atelier, mais toujours avec beaucoup d'insatisfaction, d'amertume, surtout en ce qui me paraît le plus important dans la classe : que chacun réussisse quelque part, qu'il soit accepté et reconnu différent afin qu'on coopère au lieu de vivre ensemble dans la hargne de la réussite individuelle.
 
Pour cela, je ruminais une phrase de Michel Vibert à Caen : “Je regarde, j'attends, j'écoute, je suis à l'affût du moindre intérêt... en attendant, je fais la classe, quoi ! et si ça ne vient pas... tant pis ; il y a des classes avec lesquelles ça ne passe pas”.
 
Il fallait donc d'abord s'apprivoiser mais aussi rompre avec le passé scolaire.
 
1. S'apprivoiser fut facile cette année : se dire un peu, pas trop, sur des événements des vacances, sur ce qu'était le français pour eux. Mais surtout, nous avons lu ensemble une histoire. Ils étaient assez homogènes et apparemment encore dans l'âge du conte : je leur apportais un très beau livre, Pipo, le cheval (P. Gripari) que je commençais à lire dès le lendemain de la rentrée. Chaque jour, l'un ou l'autre “qui voulait bien lire demain” emportait le livre et préparait dix ou vingt lignes de lecture à haute voix. Nous nous retrouvions pour l'histoire. Je finissais de lire le chapitre. Après avoir ensemble éprouvé peur ou tristesse ; on pouvait imaginer que l'épreuve se termine autrement, que le dragon n'existe pas, que... que... Enfin, on rêvait ensemble. Certains parlaient beaucoup, d'autres approuvaient sans rien dire. Tous ont lu intelligiblement : il suffisait de lire peu et de bien s'entraîner. C'était le début de l'année : on voulait bien.
 
2. Les ruptures
Après quinze jours de classe ordinaire (on a appris un poème, fait de l'orthographe, un peu de grammaire, écrit à une classe à Tarbes sur le thème : “Le collège c'est... le collège ce n'est pas...”), je proposai
2.1. “Pour mercredi vous écrivez un texte” sans plus d'explication. C'était noté sur le cahier de textes.
Mercredi matin
Moi - On se lit les textes ?
- A toute la classe ?
Moi - Pourquoi pas ? Autant que tout le monde en profite. Moi j'aime bien lire vos textes... Qui commence ?
Pas de réponse ; on a donc fait tourner un crayon pour que le hasard désigne. Chacun a lu. Sans commentaire si ce n'est de ma part : “Je comprends mal ce que tu dis, parle plus fort. Ditez-le lui, vous aussi, si vous ne l'entendez pas”. Ils le lui dirent !
Les textes étaient courts : d'anciens sujets de rédaction, des anecdotes de vacances, des histoires d'animaux. Il y avait même, recopié par Stéphanie, une lettre de V. Hugo à sa fille ! Heureusement Agnès nous disait : “ Maintenant ma mère est assistante maternelle et chez moi, il y a des enfants qui ne sont pas de la famille etc. ”.
Fin de lecture. ON se regarde. Silence.
Moi - On s'est bien écouté! Pourquoi ? C'était intéressant ?
- Oui... Pas tout...
- Qu'est-ce qui était le plus intéressant ?
- Le texte d'Agnès.
- Pourquoi ?
- Elle parle de ce qui se passe chez elle.
- Et encore ? Quel autre texte vous a intéressé ?
- Celui de Chantal : elle a inventé une histoire.
 
Cette séance se renouvelle actuellement tous les quinze jours. Je dis simplement : “On pense à s'écrire des textes pour mercredi ?”. Bien sûr trois ou quatre n'écrivent pas mais ils le font le lendemain. Les textes sont plus intéressants, plus “ utilitaires” aussi : ils sont jugés en fonction de leur intérêt pour “les autres”, l'extérieur de la classe, car on a commencé le journal (en janvier seulement !). C'est Bruno qui en a parlé le premier car l'an dernier, on en faisait dans sa classe... Et puis, c'était intéressant de s'écouter, de passer un bon moment ensemble le mercredi matin mais je voulais faire améliorer les textes et pas seulement au niveau de l'orthographe !
 
2-2 Autre proposition de rupture : la notation
A la mi-octobre : pas encore de notes. J'avais mis des verts “Tu as compris, continue”, orange “à revoir”, rouges “Viens me voir”.
Ma proposition : “On va mettre la note de diction”. Ils avaient appris trois poèmes - choisis par moi ! - “Vous choisissez un poème et vous inventez une façon bien à vous de le dire, en contrefaisant des voix, des accents, des rythmes différents”. On avait déjà essayé cela ensemble en classe.
 
Mercredi
- Qui a trouvé des voix ?
- Moi !
Il vient réciter en prenant l'accent du midi, l'accent anglais et chante pour finir. C'est drôle. Nous rions tous.
- Ecoutez-moi, je ne peux pas noter toute seule ! Vous allez aussi donner votre avis.
Eux - Il savait bien. Il nous a fait rire. On a bien compris ce qu'il disait.
 
De la discussion naît ce barême : les 20 points se partageront en :
5 : tu savais.
5 : Tu as bien articulé. On a compris.
5 : Tu ne, nous a pas ennuyés.
5 : Tu nous as fait rire.
Ils ont tous récité, chanté, désarticulé leur poème, les plus timorés attendant le lendemain pour reprendre un peu les idées des autres...
Actuellement nous en sommes aux gestes, à l'utilisation de masques, du tam-tam, du métallophone et notre notation est passée à :
5 : Tu sais.
5 : On a tout compris.
10 : Tu as fait une bonne mise en scène.
Les poèmes sont choisis dans le fichier pendant l'atelier poésie que j'ai proposé en janvier.
 
2-3. Vous avez le libre choix du livre que nous allons étudier. Le lendemain, j'apporte plusieurs contes ; j'avais l'idée de leur faire écrire des contes donc voulu en rechercher la structure.
Présentation, discussion, vote.
Parmi ces livres, “la fameuse invasion de la Sicile par les ours”, que je trouvais naïf et peu adapté à l'étude de la structure. Or, plus de la moitié de la classe choisit celui-là. “ Pourquoi ? Madame, c'est une grande histoire ! Il y a beaucoup de dessins !...”.
Finalement, je ne “manipule pas”, j'avais dit qu'ils choisiraient : c'est leur premier choix. Je laisse faire, mais je suis déçue et ne sais plus bien comment procéder avec ce livre. J'avais tort :
a) Nous avons vécu un mois et demi avec ce livre, nous avons écrit les dialogues et abouti à un spectacle d'ombres assez étonnant.
b) Ce fut l'amorce d'un vrai travail de groupe : deux élèves, trois au plus prenaient en charge un chapitre (personnages, manipulation, décors, bruitages) et ce fut à peu près fini à Noël, il y eut bien quelques disputes mais je pouvais être là, car tous n'avaient pas besoin de moi.
c) Nous avons encore fait un pas dans la critique mutuelle positive car au spectacle d'ombres, il faut des regards pour conseiller, critiquer, pour que les manipulations s'améliorent. Ils étaient l'un pour l'autre ce regard.
 
2-4. Les ateliers de français
En janvier, première réunion pour s'organiser. Je propose des ateliers d'écriture, de conjugaison, de poésie. Je n'avais pas le temps de préparer l'atelier conjugaison, j'ai donc fait une fiche pour l'autocorrection des exercices du livre. Après deux semaines de fonctionnement : “ Madame, en conjugaison, c'est toujours la même chose - Ce n'est pas intéressant ?
Votre livre n'est pas intéressant ? (certains me demandaient de travailler avec le livre comme les autres classes). Si vous voulez, je vais faire un fichier de conjugaison pour vous”.
 
Le lendemain, j'avais fait deux fiches : l'une était une réunion des noms avec les terminaisons des temps de l'indicatif, l'autre, un jeu de sept familles.
Quel succès ! Je savais pourtant que l'année précédente, alors que je le proposais en début d'année, personne ne s'y était intéressé.
 
2-5. Encore une modeste proposition pour “fédérer” ces vingt individualités : apprentissage, 1 contrôle de vocabulaire :
Sur une affiche, nous écrivons des mots relevés par les élèves comme inconnus - nous les expliquons oralement.
Au bout de 15 jours, chacun choisit un mot et propose une explication à la classe avec exemple ou dessin. Si c'est suffisamment clair, il la recopie sur un stencil, sinon il recommence. Ainsi 20 mots sont expliqués sur les stencils et collés sur leur cahier “ Livre de vie”. Pour le contrôle noté de décembre, chacun a proposé une question sur son mot (20 élèves 20 points), j'ai du quelquefois rendre l'énoncé plus clair, mais cela a fonctionné et ils s'approprient un peu cette “satanée” note, mais je ne me leurre pas, certains s'évaluent encore autant par rapport aux notes que par rapport au projet réussi. Je pourrais encore vous dire ce qu'est leur “livre de vie” et comment il les aide à écrire, à s'organiser, à se prendre en charge...
Nous sommes à la mi-temps scolaire, nous sommes bien ensemble, nous faisons des projets... et surtout il me semble que nous sommes intéressants les uns pour les autres. Je suis un peu moins le centre. C'est vers tout cela que je voulais tendre. Il me semble qu'avant JE BOUGEAIS TOUT TROP VITE. Nous ne pouvions pas être ensemble, eux et moi.
 
 
PRINCIPES... ET EXIGENCES
DES ACTIVITES EN FRANCAIS
 
Les textes ci-dessous constituent l'amorce du dialogue que j'instaure avec les parents.
C'est pour moi aussi un garde-fou qui me permet de voir venir. J'ai essayé d'être précis et clair.
 
Notre travail est basé sur le principe d'expression libre (écrite-orale-gestuelle-manuelle...) et du tâtonnement expérimental. Ces idées définies par Célestin Freinet, permettent à l'enfant ou à l'adolescent à partir de son propre vécu, de sa propre expérience, d'organiser son travail, de construire ses acquisitions culturelles et techniques, selon un rythme personnel. Il est aidé en cela par le maître qui lui propose un ensemble de matériels et d'outils programmés, à usage individuel, par les autres camarades et par une organisation de la classe et du travail, dont il a la maîtrise et qui suppose de sa part un engagement rigoureux et une prise de responsabilité de tous les instants.
 
Le travail est organisé selon un planning de quinze jours, avec établissement d'un contrat établi en commun, ce qui représente un engagement à respecter et permet en même temps de faire le bilan du travail réalisé dans la quinzaine (au niveau collectif et au niveau personnel).
 
ORGANISATION DU TRAVAIL
On est réparti selon trois directions essentielles :
 
- Les activités communes :
Toute la classe travaille en même temps, globalement ou par groupes sur un sujet précis ou sur des sujets différents en fonction du programme ou des besoins (mise au point des textes libres - débats - lecture - orthographe - grammaire - textes d'auteurs...).
- Les activités individuelles techniques :
Elles sont surtout destinées au travail personnel de correction des travaux écrits (textes - style - orthographe...) fiches autocorrectives - conjugaison - lectures - recherches de documents ; c'est dans cette phase qu'interviennent les notions de soutien et d'approfondissement dans la mesure où le travail très individualisé permet au martre des regroupements tactiques, afin de résoudre des difficultés ponctuelles ou de proposer des pistes de travail nouvelles.
 
- Les activités en option :
Elles sont prévues au planning. Elles permettent à un élève ou à plusieurs regroupés de se livrer en fonction de leurs activités globales, à des montages de livres, de poésies (au magnétophone) avec ou sans diapositives, à des montages d'interviews et d'enquêtes réalisées en dehors du collège, à des mises au point de saynètes, de jeux dramatiques, de danses, de chansons, de films d'animation, à des créations de marionnettes, de peintures expressives, d'illustrations pour le journal de la classe... toutes activités élargissant considérablement le cadre du français et apportant à chaque individu et à la vie du groupe (par l'échange et la communication) un élan fondamental et naturellement une belle somme de connaissances.
 
Cette vie de groupe est un apprentissage de la responsabilité tant individuelle que commune.
 



Fiche 1 - recto             Exemple d'une fiche de lecture
Fiche 1 : ELISE OU LA VRAIE VIE - Claire ETCHERELLI Ed. Folio n° 939
 
I. Contexte historique
Chercher une documentation sur la guerre d'Algérie.
Attitudes politiques dans les années 1956-58.
 
Il. Le racisme
a) Part de l'histoire et part du racisme dans la haine envers les Algériens.
b) La violence : physique, verbale, morale.
 
III. Le monde du travail en usine
a) Description du travail : que fait Elise ? Que font ses compagnons ?
b) Une femme dans une usine. Attitude des hommes.
c) Le problème des cadences. Durée du travail.
d) L'atmosphère des ateliers : matérielle (bruit...) et morale. Relations des gens entre eux, hiérarchie.
e) Les effets du travail sur Elise : le premier jour, les jours suivants. Aliénation.
f) Ségrégation entre Français et étrangers dans le monde du travail.
 
IV. Un roman d'amour
a) Comment naît l'amour entre Elise et Arezki ?
b) De quoi est fait cet amour ? Qu'est-ce qui le renforce ?
c) Les réticences d'Elise (p. 105). Sa gêne des incidents au bar.
d) Peur et compréhension réciproque : le langage de l'amour au-delà des langues.
e) Les réactions des autres face à leur amour : les ouvriers, les femmes de l'usine, Lucien. Les chefs : le renvoi d'Arezki.
 
V. Elise à la recherche d'une vraie vie
a) Ce dont Elise ne veut plus.
b) Son cheminement. Les influences qu'elle subit.
c) Sens de la fin.
d) Elise et la définition du bonheur.
 
* Extraits du fichier de lecture (2)
 
Fiche 1 - verso            Exemple d'une fiche de travail sur la presse
PRESSE ( étude de)           UN EVENEMENT VU A TRAVERS LA PRESSE*
 
Choisir UN événement relaté par tous les journaux nationaux du jour, pour un travail comparatif.
 
Sa place dans le journal
Pour chaque journal, indique : s'il fait l'objet d'un titre en première page ou s'il est en page intérieure. Sous quelle rubrique est-il classé ?
 
Son importance
Pour chaque journal : compte le nombre de lignes (ou de mots consacrés à l'événement). Y a-t-il une photo ? Sa grandeur ? S'il y a un titre, sa grandeur ?
 
Que penser de l'événement ?
Y a-t-il des divergences dans les points 1 et 2 ? Des nuances ? Comment se faire une idée “objective” d'un événement ? Qu'est-ce qu'informer ?
 
Le style : des mots qui ne sont pas innocents.
 
Comparaison des titres
- Sens des mots (cf. dico) : quel est le degré d'objectivité des mots employés (prises de position).
Structure de la phrase
Selon les articles, on peut considérer les phrases actives et passives (avec c. d'agent exprimé ou non), les phrases exclamatives et interrogatives, etc.
Importance des modes employés (indicatif, conditionnel).
Présentation du fait
Comparer les diverses descriptions du fait.
Comparer les chiffres, s'il yen a.
Choix des citations, si on rapporte des paroles.
Au-delà du fait
Son interprétation dans, chaque journal.
Les jugements qu'il suscite.
La prospective à partir du fait.
 
* Extrait de la livraison n° 1 du fichier coopératif 2d degré - premier cycle (appelé Grammatica).
 
 



Fiche 2 - recto             TRAVAUX DIVERS AUTOUR DU MONTAGE DE LECTURE
RETORICA - DOSSIER PEDAGOGlQUE SECOND DEGRE 1980
 
( exemple E. Zola : Thérèse RAQUIN)
Phase 1 : Point de départ : thème “ La personnalité du criminel ". Sylvie accepte de lire Thérèse Raquin.
 
Phase 2 : Elle en tire un résumé et relève les passages qui lui paraissent les plus importants. Le professeur revoit l'ensemble et propose des corrections pour éliminer des maladresses. C'est la pièce maîtresse du montage de lecture (voir fiche suivante).
 
Phase 3 : Sylvie enregistre sur cassette ce montage qui dure environ 50 minutes. Le professeur en tire deux copies, l'une pour la magnétothèque, l'autre destinée à un groupement d'aveugles.
 
Phase 4 : Sylvie présente Thérèse Raquin à la classe sous forme d'un compte rendu de lecture oral mettant en valeur les points suivants :
• résumé
• lieux et milieux
• comportements et caractères
• thèmes et thèse
• ton et technique romanesque
Le professeur et la classe aident Sylvie à préciser certains points en lui posant des questions.
 
Phase 5 : Après ce compte rendu oral, la cassette enregistrée circule dans la classe.
 
Le travail de Sylvie peut être repris dans une autre classe et une autre année. Un autre élève peut faire un nouvel enregistrement à partir du montage de lecture. Cet enregistrement peut donner lieu à un nouveau compte rendu oral (bien qu'il vaille mieux faire le compte rendu oral à partir de l'œuvre entière).
 
Cette technique est évidemment utilisable à partir de tous les montages de lecture qui sont publiés (La Brèche, B. T.2 n° 95; "Incitation à la lecture" etc.).
 
* Extraits du fichier coopératif 2d degré - deuxième cycle (appelé RETORICA).
 
 
Fiche 2 - verso
E. ZOLA ( 1840-1902) Thérèse RAQUIN ( 1867)
Le passage du Pont Neuf vers 1866. On y trouve la mercerie humide et sale où vivent Madame Raquin, son fils Camille, jeune homme chétif, et sa nièce Thérèse, énergique et fougueuse (22-23-24). Madame Raquin a marié Camille et Thérèse.
 
Chaque jeudi soir, on organise des réunions mornes et silencieuses avec des familiers de la maison (39-40-41). Bientôt Camille y introduit un ancien camarade, Laurent, employé de gare, peintre sans talent et vulgaire amateur de femmes (47). Laurent devient un familier de la famille et l'amant de Thérèse (70).
 
Mais Camille est un obstacle. Un jeudi soir, la discussion roule sur les crimes restés impunis. Lors d'une partie de canotage, Laurent et Thérèse tuent Camille (103-104). Le crime passe pour un accident. Laurent reconnaît le cadavre de Camille à la morgue (124).
 
Bientôt Laurent et Thérèse ont des cauchemars (151). Ils amènent Madame Raquin à les marier (171 ). Mais ceci ne calme pas leurs terreurs (197-198-199). Tout le monde les croit heureux.
 
Laurent qui s'est remis à la peinture a maintenant du talent, mais il ne peut peindre que Camille noyé (238). Madame Raquin devient impotente et muette. Laurent et Thérèse s'abandonnent devant elle à leurs obsessions (250-251-252-253). Le jeudi suivant, elle essaie, en vain, de les dénoncer aux familiers (258-259-260).
 
Thérèse voudrait obtenir le pardon de l'infirme (277). Le couple a des querelles épouvantables. Laurent perd tout contrôle (294-295). Il craint que Thérèse le dénonce, tandis que la mercerie qui a perdu sa clientèle amène Thérèse à se prostituer. Un jeudi soir, après le départ des familiers, ils sont prêts à s'entretuer. Ils s'empoisonnent sous les yeux de Madame Raquin (317-318).
Edition Livre de Poche.
D'après un montage de Sylvie C. 2d A 1 B - nov. 79.
 
Extraits du fichier coopératif 2d degré - 2ème cycle (appelé RETORICA).
 



Fiche 3
CORRESPONDANCES
Platon pense que le monde que nous connaissons n'est que le reflet d'un autre monde, plus vrai, ( Banquet, République Livre VII, mythe de la caverne). L'idée que tous les éléments de la nature sont en correspondance les uns avec les autres est très répandue dans l'Antiquité (voir le Nombre d'Or de Pythagore).
 
Dans l'Epître aux Romains, Saint Paul christianise cette idée: “Ce que l'on peut connaître de Dieu est devenu évident pour les hommes, Dieu lui-même l'a rendu tel, puisque ses perfections invisibles se voient comme à l'œil depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages”,
 
Le Moyen Age n'oublie pas cette idée quand il pratique le symbolisme (Roman de la Rose), mais elle prend une vigueur nouvelle à la Renaissance quand le Platonisme trouve sa traduction poétique: le Pétrarquisme, L'amour de la femme aimée mène à l'amour de Dieu (Du Bellay : sonnet L'ldée).
 
Puis Swedenborg (1688-1772) fonde une secte sur l'illuminisme, c'est-à-dire la connaissance des réalités supra-sensibles. De son côté, lisant Platon, Joseph de Maistre pense que l'analogie permet de retrouver l'unité du monde. Balzac, de son côté, s'inspire directement de Swedenborg (dans Louis Lambert, Seraphita) : “ Les effets terrestres étant liés à leurs causes célestes, font que tout y est correspondant et signifiant” (...). “ Savoir les correspondances de la parole avec les cieux, savoir les correspondances qui existent entre les choses visibles et pondérables du monde terrestre et les choses invisibles et impondérables du monde spirituel, c'est avoir les cieux dans son entendement”.
 
Baudelaire en tire sa théorie des correspondances. E. Poe (qu'il traduit en français) pense que la poésie permet de participer à l'immortalité par le culte du beau, Il rejette la nature primitive, brute et rudimentaire (celle de Rousseau), au profit d'une nature harmonieuse, dont tous les éléments sont en correspondance,
 
Ces idées vont jouer un rôle fondamental chez Hugo ( Les Contemplations - 1856) ; elles vont marquer tout le courant symboliste. Elles expliquent les plus belles réussites de la peinture, notamment romantique et impressionniste.
 
Fiche 3 - verso
 
VERS DORES
 
Homme, libre penseur ! te crois-tu seul pensant
Dans ce monde où la vie éclate en toute chose ?
Des forces que tu tiens ta liberté dispose,
Mais de tous tes conseils l'univers est absent.
 
Respecte dans la bête un esprit agissant ;
Chaque fleur est une âme à la nature éclose ;
Un mystère d'amour dans le métal repose ;
“Tout est sensible! ”. Et tout Sur ton être est puissant.
 
Crains, dans le mur aveugle, un regard qui t'épie :
A la matière même un verbe est attaché...
Ne la fais pas servir à quelque usage impie !
 
Souvent dans l'être obscur habite un Dieu caché ;
Et comme un œil naissant couvert par ses paupières,
Un pur esprit s'accroît sous l'écorce des pierres !
Eh quoi I tout est sensible! (Pythagore)
Gérard de Nerval (1845)
 
CORRESPONDANCES
 
La nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L 'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.
 
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
 
Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,
 
Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin ou l'encens,
qui chantent fes transports de l'esprit et des sens.
C. Baudelaire - Les Fleurs du Mal (1857)
 



Fiche 4
LA PART DU MAITRE DANS LA MISE AU POINT ORALE DU TEXTE LIBRE
 
Freinet, dans les dernières années de sa vie, recommandait la mise au point dictée du texte libre. J'ai repris cette technique au second cycle et nous nous en trouvons bien, élèves et professeur.
 
Il est entendu au départ que les textes ne dépasseront pas trente lignes et qu'ils seront particulièrement soignés en ce qui concerne l'inventio (le contenu), la dispositio (la construction), l'élocutio (le style) et la scriptura (la présentation).
 
Nous distinguons quatre genres: les poèmes, les récits, les essais et les dialogues. Les élèves pratiquent, l'un après l'autre, l'un des genres. Les textes sont lus en ateliers de lecture, chaque groupe de six élèves environ choisissant un ou deux textes. On sélectionne ainsi huit ou dix copies qui sont ensuite lues à la classe, laquelle vote; et on retient ainsi deux ou trois textes pour la mise au point dictée.
 
L'auteur du texte vient au bureau avec le professeur. Il lit une première fois sa copie pour qu'on examine collectivement la dispositio (la construction). Puis il lit à nouveau son texte, phrase par phrase et la classe propose des améliorations sur l'elocutio (le style) avec l'aide du professeur. L'auteur retient les améliorations qu'il juge utiles.
 
Chacun (professeur, auteur, élèves) prend note du nouveau texte, mais il en prend note au crayon pour gommer, rectifier en cours de route. C'est une véritable leçon de style qui dure une heure.
 
Une fois le texte mis au point, on en fait un stencil, on le tire au limographe pour la classe et les correspondants.
 
Fiche 4 - verso
DOSSIER PEDAGOGIQUE 1980
 
RETORICA - LA MISE AU POINT ORALE DU TEXTE LIBRE
Deuxième phase
 
La mise au point orale et collective du texte libre décrite dans une première fiche est très utile pour donner aux élèves une idée des possibilités stylistiques de la correction.
 
Mais elle devient rapidement fastidieuse (au bout de six textes de nature différente: poème, récit, dialogue, essai}, l'essentiel est acquis, c'est-à-dire l'ouverture d'esprit) ; malgré sa rapidité (un texte de vingt lignes est corrigé en une heure), elle est dévoreuse de temps; enfin les élèves souhaitent disposer d'un cadre plus large, donc écrire plus longuement (non plus une, mais deux, trois, quatre pages...). La mise au point orale doit donc se transformer .
 
Les textes sont d'abord lus en atelier pour sortir les plus intéressants. Mais le professeur se fait une petite liste de textes qu'il juge lui intéressants et qui ne sortiront peut-être pas pour des raisons diverses (timidité de l'auteur, goût trop conventionnel du groupe). Ainsi aux six-huit textes qui émergent des groupes pourront être ajoutés deux-trois textes repérés par le professeur .
 
Ces textes sont lus à la classe; on discute sur eux et on vote en retenant ceux qui ont eu le pll!s de voix: on peut ainsi en retenir deux, trois ou quatre.
 
Ces textes sont rendus aux auteurs qui ont pour tâche de les améliorer avec l'aide d'une petite équipe de camarades et avec éventuellement les conseils du professeur. Quand ce travail d'amélioration est fait, le texte est relu à la classe, on en discute et alors seulement est prise la décision de publication.
 
Les textes sont alors tapés à la machine sur stencils et tirés au limographe dans le cas de l'équipement le plus élémentaire en appareils de reproduction.
 



FICHE-GUIDE POUR L'ORGANISATION DE TON TRAVAIL
 
I) Le planning
Tu participes activement à la préparation en commun de ce plan de travail, tu proposes tes avis, acceptes une décision coopérative et prévois tes activités en options. Chaque soir, tu remplis ton bilan et tu remets ce bilan chaque quinzaine, bien rempli, sans avoir oublié de noter tes avis, tes remarques, et ce que tu penses de ton travail. Je vois régulièrement chaque quinzaine ton bilan, j'y réponds et propose une évaluation. Ce bilan sera ensuite classé dans ton classeur personnel.
 
2) L'expression écrite
Pour communiquer une idée tu peux écrire; tu le fais quand tu le ressens et sous la forme que tu penses être la meilleure. Tu me communiques tes textes afin que je puisse t'indiquer les retouches nécessaires à une meilleure compréhension (je te propose des idées pour corriger ou approfondir, je t'indique des travaux à faire pour t'aider à surmonter des difficultés de style ou d'orthographe... quand cela est nécessaire. Tu travailles seul, ou avec un camarade, ou avec moi, à la mise au point de ton texte. Ensuite tu peux chercher des prolongements (texte d'auteurs-poésies-musique...) que tu notes, recopies ou gardes pour toi, mais que tu peux aussi proposer à tes camarades. Tu peux lire tes textes (avant ou après mise au point selon l'urgence) à tes camarades, les envoyer aux correspondants ou les proposer pour le journal (je transcris toutes les étapes de ton travail sur mon classeur que tu peux consulter librement quand tu veux faire le point).
La plus grande partie de ce travail peut être réalisée en classe (textes et mises au point - fiches de lecture - fiches d'orthographe etc.), pendant les heures de travail personnel, avec mon aide ou celle d'un camarade, mais tu dois aussi travailler chez toi et ne pas te laisser submerger par les corrections (fais-les régulièrement !).
3) Les autres formes d'expression
- La poésie : Tu disposes en classe de nombreux recueils dans lesquels tu peux puiser comme tu le veux.
Choisis et recopie des poésies dans ton classeur, et apprends-Ies pour les dire à tes camarades, avec, pour accompagner, un peu de musique que tu créeras toi-même.
- La lecture est une forme d'enrichissement et il est indispensable de lire le plus possible. Chaque quinzaine sont organisées des séances de lecture personnelle et, en option, tu peux lire quand tu le veux. Nous travaillons aussi sur des livres que nous choisissons et à partir desquels nous organisons tout un travail de recherche et de réflexion. Chaque lecture donne lieu à une fiche qui permet l'échange et peut donner lieu à un montage. Il faut te réserver au moins quinze minutes chaque jour de lecture chez toi et fréquenter 1e plus possible la salle de lecture.
- Les montages au magnétophone, les saynètes, les chansons, les marionnettes, le cinéma, le dessin. etc.
Toutes ces activités en options sont issues le plus souvent de travaux écrits, mais elles peuvent être abordées pour elles-mêmes. Toutes les créations sont proposées au groupe classe qui n'a pas seulement un rôle de spectateur, mais qui peut, par ses remarques aidantes, faire progresser et permettre un dépassement de ce qui est proposé. Toutes ces activités te permettront d'acquérir une plus grande facilité d'expression, une plus grande assurance, et, si tu t'y livres avec passion, elles te permettront un large épanouissement. Ton classeur personnel devra être tenu proprement et je le verrai régulièrement.
En conclusion, tu peux vivre ainsi, dans un climat d'amitié et de respect mutuel, en faisant ta part, en échangeant, en respectant tes engagements, et tu pourras acquérir en même temps une grande somme de connaissances.
MAIS, cette liberté d'expression et de choix, n'implique surtout pas le laisser-aller et le laisser-faire, au contraire, mais permet la vie et la fantaisie. Elle est faite d'exigences personnelles, de rigueur dans l'organisation, qui, je le pense t'aideront à mieux vivre ta vie d ' adolescent et plus tard ta vie d'adulte et les graves et riches responsabilités qu'elle demande.
Bon courage.
Michel VlBERT
 
Cette présentation doit permettre de mieux comprendre notre façon de travailler et sera une base de discussion dans les rencontres avec les parents. Pour approfondir, on peut lire de Freinet, chez Oelachaux et Nièstlé :
Essai de psychologie sensible; L'éducation du travail , Les dits de Mathieu.
 
 
 
LE PLAN DE TRAVAIL
 
 
Il épouse les heures de cours attribuées par l'administration. Valable pour une quinzaine, il planifie nos projets dans les heures officielles. Quand il ne sert pas à prévoir, car tout n'est pas prévisible, il permet d'inscrire, après, ce qu'on a fait et il devient alors bilan.
Chaque jour, une petite case sert à faire le point du travail libre personnel que chacun se donne à la maison. C'est une invitation à ... pas un moyen policier de contrôler.
Au verso, chaque quinzaine, les adolescents font le point de leur travail, de leurs problèmes, proposent des chantiers, des remises en question.
Je relève tous les plans de travail, les annote selon les besoins exprimés, reverse, en réunion de coopérative, critiques et suggestions d'organisation du travail.
Je prépare sur les mêmes plans mon travail personnel. Pour chaque classe, j'ai les mêmes outils que les élèves. Ça me permet de mesurer leur simplicité, leur efficacité.
 
 
Un exemple de plan de travail possible et très simple
 

Classe de 3D. Planning du .... au .... N°....
                 1
Lundi         2
14h
14h
Travail libre
(contenu, durée)
                 1
Mardi         2
10h30
10h30
 
id
                 1
Jeudi         2
14h
14h
16h
16h
 
Id
                 1
Vendredi   2
14h
14h
16h
16h
 
id

 
Verso :

Mes difficultés
Mes réussites
Suggestions pour le travail
 
 
 
 
Suggestions pour l'ambiance de la classe
 
 
 

 
 
Un autre exemple de plan de travail
 

PLAN DE TRAVAIL 6e       
Période du            au                                    Nom......................... Prénom...........................      
Contrat collectif :
- grammaire =    
- lecture = au moins un livre           
- rédaction =        
- ...
Je me propose : 
- d'apprendre (poème)     
- de lire :               
- de présenter :   
- de préparer :     
- de ...    
 
Bilan de mon travail :        
Ai-je rempli mon contrat ?                               oui             non                     
J'ai lu :                  
J'ai écrit :                             
J'ai présenté :                     
J'ai ...     
Je pense
Je critique
Je propose          
(écrire au dos)    
le professeur      
note de travail individuel
Résultats aux travaux collectifs



Recto de la fiche
 

NOM
Quinzaine
Classe

 

Jours             Projets de travail Gr CL
Réalisation horaire GR et IND
év.
Cette partie est établie en commun
durant la réunion de coopérative
Cette partie permet de prévoir
le travail individuel et de faire
le bilan de chaque heure
évaluation
qualitative
du travail
fourni

 

Travail écrit réalisé. Titres.
Travail oral ou manuel réalisé
détail du travail écrit réalisé.
Idem pour l'oral
Travail technique. Fiches orth. gram.
Livres lus. Fiches réalisées
idem pour l'aspect technique
I dem pour la lecture
Ateliers
Indication de l'atelier choisi
dans I'organisation du collège
 
Ce que je pense de mon travail.
 
ici le gamin analyse sa quinzaine
évaluation
ce que je pense de ton travail
 
Je réponds par mon analyse
évaluation

 
 
Bilan à rendre le . . .

 
TL
Corr. TL
lec.
fiche lec.
fiche orth
fiche gram
poés.
oral
rec.
corr.
divers
 
év. . . . . . .                      N° . . . . . .
nb
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Cette partie est un compte rendu rapide de la quinzaine que je colle sur la fiche individuelle dans mon classeur de travail.

 
 
 
 
Verso de la fiche : contrat de travail.
 

Pour la quinzaine, je me propose le contrat de travail suivant :
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
J'ai rempli mon contrat.
Je n'ai pas réussi à remplir mon contrat : explications.
 
 
 
 
Ces explications doivent permettre à l'enfant
de trouver la raison de sa non-réussite,
donc d'essayer de les gommer par la suite.
Il n'y a pas de sanction, naturellement.

 

PRATIQUE DE LA CORRESPONDANCE
 
Ce peut être également un point de départ à maintes activités modifiant la vie de la classe. Mais il est alors préférable d'avoir plusieurs antennes car entre l'envoi èt le retour s'écoulent souvent plusieurs semaines. Si l'on choisit deux antennes par classe, et cela semble suffisant au départ, penser à retenir deux niveaux différent s: une classe de même niveau et d'âge voisin, une classe primaire, même un C.P. par exemple, ou une classe plus âgée afin d'avoir à écrire dans un registre différent - on peut aussi correspondre ponctuellement avec des adultes, à propos d'une enquête par exemple. Pour ne pas être dépassé par l'organisation, prévoir un planning de synthèses des envois reçus, des envois expédiés.
Une feuille double 21 X 29,7 fait l'affaire.
Sur cette feuille, vous faites figurer toutes vos adresses précises afin de ne pas avoir à les rechercher chaque fois.
L'envoi d'une autre classe est toujours une surprise : des textes libres peuvent inciter des élèves à écrire, susciter des débats ; des questions des correspondants sur la région peuvent entraîner des enquêtes, la réalisation de dossiers, de montages, etc. Là encore, la classe peut éclater en travaux de groupes pour répondre aux correspondants (Dès les premiers envois, évitez l'aspect brouillon, baclé, peu alléchant. Un petit effort de soin, d'attrait, satisfait le récepteur et soutient l'intérêt).
 
3 classes. Par ex : DOCUMENTS REçUS

6e
4e
3e
8-10-79    Le contenu
6-11-79    Le contenu
22-11-79    Le contenu
9-11-79    Le contenu
8-12-79    Le contenu
...
23-11-79    Le contenu
...
...
...
...
...

Même planning pour ce qu'on envoie
 
a) Pour plus de détails, pour des exemples concrets, etc. voir dossier correspondance...
 
b) Pour trouver des correspondants, on peut lancer un appel dans le bulletin de Second degré Liaison (contacter : [Catherine Cortesi-Mzurie] ) ou encore en contacter directement au cours des stages, rencontres, congrès I.C.E.M...
Et puis... on peut aussi correspondre avec la classe voisine.
 
PRATIQUE DE L'EXPRESSION LIBRE
 
C'est sans doute le point de départ le plus intéressant pour faire évoluer l'organisation et la vie de la classe. Mais, comme pour la correspondance d'ailleurs, elle sous-entend qu'on privilégie d'abord la communication : c'est ce qu'exprime le témoignage suivant :
Je base tout mon travail et tout le démarrage dans mes classes de 6e sur cette idée que je veux mener plus loin que l'aspect technique présenté pour arriver à une véritable technique de vie. En début d'année, quand j'accueille mes nouveaux gamins, je m'efforce surtout d'engager le dialogue pour qu'ils prennent l'habitude de parler et de s'écouter. A l'aide des gerbes, des journaux etc. je leur montre que d'autres qu'eux-mêmes ont voulu dire ce qu'eux pouvaient avoir à dire et, rapidement, tout s'enchaîne, sans vouloir privilégier l'expression écrite au départ. Et par conséquent les différents aspects techniques de la pédagogie Freinet apparaissent vite. Dire et écrire pour nous, oui, mais si on pouvait avoir d'autres échos... et c'est la correspondance. Et tout de suite naissent les exigences propres au dialogue quand on veut dire à l'autre, se dire. Il faut donc faire des efforts, des recherches et le travail individuel arrive, la mise au point de son écrit vient vite et le tâtonnement est respecté. On se cherche et on se donne rapidement les moyens dont on a besoin pour réaliser avec richesse tous les aspects de l'échange et viennent donc les plannings, l'organisation. Voilà un peu ma démarche. Je prends le temps de laisser venir. J'informe les parents. Je participe à l'échange et la relation se différencie. Le groupe dont je fais partie s'organise, devient autonome, crée, agit, non plus en fonction de moi mais en fonction de ses besoins propres, dans le respect, l'accueil des idées de tous.
Et, si l'on choisit de privilégier la communication, c'est, entre autres, parce qu'elle favorise l'épanouissement de la personnalité.
 
Dans cette recherche de la communication, de l'échange, on va vite arriver à une démarche individuelle, au sein de la démarche collective, qui impose ses règles, ses engagements. L'individu donc va être rapidement amené à vouloir pour lui-même des objectifs les plus hauts possibles, soit que son intérêt le pousse à dépasser ce qu'il a entamé, soit que le maître propose une nouvelle piste, soit que le groupe, par son attitude aidante et sa critique constructive, appelle à un dépassement, soit que le correspondant, par sa prise en charge de l'envoi, demande un approfondissement. C'est alors que le groupe, dont le maître fait partie, stimule chacun afin qu'il développe toutes ses possibilités, qu'il aille au bout de lui-même. J'insiste sur le fait que le groupe ne doit pas occulter l'individu, mais en même temps sur la réalité que l'individu ne doit pas désagréger le groupe. C'est une technique de vie plus qu'une vie à partir de techniques.
Il était nécessaire de préciser d'abord, en préambule, nos objectifs sous-tendant l'expression libre, à laquelle nous attachons tant d'importance dans nos classes.
 
Mais pratiquement, comment démarrer ?
 
- Certains essayent de “débloquer” l'écriture par des jeux poétiques (cf. dossier pédagogique: Incitation à l'écriture au second degré).
- En fait, bien souvent, l'expression libre arrive par un chemin moins artificiel, qui est celui de la lecture de Gerbes, Magazines, B.T., B.T.2, journaux scolaires, quand on en a à portée de main, venus d'ailleurs ou faits par les classes des années précédentes, livres de poèmes d'enfants et d'adolescents édités chez Casterman, derniers numéros [de Créations], etc.
- Une autre piste peut être une discussion sur ce qu'est le “français”, la “rédaction” : pour écrire, a-t-on toujours besoin d'un sujet ? Certains montreront sans doute que non.
- On peut aussi donner des sujets incitateurs “Comme tous les matins depuis 25 ans, à la même heure, M. Durand se préparait à franchir la porte de l'immeuble où il travaillait... Tout à coup...”).
- La montée de l'expression libre des élèves est également liée à la part accordée, dans notre enseignement “littéraire”, à la poésie. Si l'on crée une imprégnation poétique, en apportant soi-même des poèmes que l'on aime, en les lisant, pour le plaisir de les communiquer - et pas forcément pour les décortiquer, les expliquer -, si l'on apporte parfois une flopée de livres de poésie (anthologies, mais aussi poésie vivante d'aujourd'hui, revues de poésie. Numéros de poésie 1 par exemple. Numéros de B.T.2 sur la poésie - 29-36-44-58-64-74-78-94-98-100 etc. - qu'on laisse les élèves feuilleter, lire, recopier, se communiquer les textes aimés, si l'apport d'un magnétophone, de diapositives, permet de déboucher sur un montage, alors, la classe, plus réceptive au langage poétique, aura peut-être plus envie de s'exprimer aussi (n'oublions pas que la plupart des élèves ne connaissent la poésie qu'à travers La Fontaine et l'exercice de récitation ! ). (Dossier pédagogique Poésie).
... Quand les premiers textes arrivent...
 
Il est important de les valoriser... même s'ils déçoivent (affichage, envoi à des correspondants etc.) et de ne pas les récupérer pour faire des travaux d'orthographe et de grammaire, qui ennuient et peuvent tuer l'expression libre.
 
Un moyen dynamique pour la vie de la classe de valoriser l'expression libre est d'en faire le point de départ d'autres activités: débats, enquêtes, apport de textes d'auteurs etc.
 
Il est bien rare que dans les cinq ou dix premiers textes lus, la classe ne trouve pas un sujet de débat futur, une enquête possible. Il faut que ces premiers travaux réussissent, c'est-à-dire qu'ils créent du dynamisme, qu'ils laissent des traces. Faire peu de choses, mais bien les préparer, bien les programmer, afin que le contrat coopératif puisse être respecté.
 
Exemple : Eviter au début les débats informels qui risquent de tourner au brouhaha, à la pagaille intellectuelle. Quand un sujet de texte libre offre une piste, prévoir ensemble deux ou trois questions qui serviront de support à la réflexion écrite individuelle, programmer une date, prévoir l'animation, laisser une trace à la fin... {voir exemples détaillés dans la Part du maître, La Brèche n° 33-34).
 
La reprise des textes, si elle n'est pas un prétexte à faire passer le programme de grammaire, doit permettre par contre un travail de réflexion sur la langue - moyen de communication et également sur les stéréotypes que le travail de groupe casse rapidement (exemple: démanteler certains champs sémantiques du type : automne = tristesse, feuilles mortes, larmes, etc. / Nuit = mal, peur...). Par contre, on peut aider à enrichir les textes par la recherche d'autres corrélats.
 
La reprise des textes peut se faire en groupe (une dizaine maximum) pendant que le reste de la classe est occupé de façon autonome (à un travail d'atelier par exemple).
 
La fiche 4 “La part du maître dans la mise au point orale du texte libre” décrit une démarche d'un enseignant du deuxième cycle.
 
LE JOURNAL
Les textes libres, les résultats d'enquête, les comptes rendus de livres, permettent rapidement, comme moyen de valorisation, mais aussi comme véhicule de la parole des jeunes vers l'extérieur, de tirer un journal.
 
Comment démarrer un journal ?
- On a intérêt à le déclarer pour avoir un numéro de presse, permettant la vente licite (écrire à la C.E.L.).
(...)
 
Si on ne parvient pas à faire payer la facture par l'établissement, la première fois, on peut toujours faire l'avance pécuniaire des premiers achats et le produit de la vente, géré coopérativement, comme le budget, permet de récupérer l'investissement provisoire. Les classes concernées ont ainsi, entre leurs mains, tout le processus de l'édition à gérer et ce savoir-faire acquis peut être important pour leur indépendance à venir .
- On peut aussi se dire que 100 F, c'est peut-être un investissement à faire pour commencer à changer quelque chose.
 
Le journal peut être tiré par tous les moyens de duplication de l'établissement et/ou au limographe (c'est plus long).
Celui-ci est surtout intéressant pour la décoration. L'imprimerie est plus difficilement employable au second degré (trop long).
Le journal peut être celui d'une classe, ou, mieux encore, celui des trois ou quatre classes d'un enseignant: des liens sont ainsi créés à l'intérieur de l'établissement. Les textes à faire paraître peuvent être choisis collectivement. Il est important, toutefois, que tous ceux qui ont écrit aient au moins un texte de publié, en tout cas au début. Toutefois, le choix des textes à publier qui se fait collectivement, passe nécessairement par une réflexion sur le journal en tant que véhicule de la parole des jeunes vers l'extérieur.
Le maître se doit de les faire réfléchir sur cet extérieur auquel ils vont donner en pâture le meilleur d'eux-mêmes souvent.
On ne peut pas assurer chacun de la parution obligatoire de son texte. C'est au groupe d'analyser s'il sera reçu avec compréhension, ouverture d'esprit ou si, au contraire, c'est une provocation inutile qui n'attirera que des blessures. La rue n'est pas tellement attentive et accueillante à la jeunesse et il est nécessaire d'analyser le milieu dans lequel on vit, ainsi que les forces de répression qui peuvent se manifester, pour donner, homéopathiquement, à la masse inconnue, ce qu'elle peut recevoir, sans être agressée, pour lui permettre d'avancer dans sa capacité d'écoute.
 
 
ET LA GRAMMAIRE ? ET LA DICTEE ?
Pour la dictée, si les enfants, si les parents, si vous-même y tenez, il est un moyen simple de maintenir cet exercice en le dépouillant du sadisme qui le sous-tend (pouvoir du maître qui dicte des textes à pièges et compte ensuite les FAUTES) : on peut enregistrer des dictées sur cassettes. Les élèves souhaitant faire une dictée peuvent se mettre à trois autour d'une minicassette avec des écouteurs (achat pas très cher, à prendre sur crédits de français ou même d'équipement). Ils font ensuite eux-mêmes la correction et demandent au professeur ce qu'ils n'ont pas compris. On peut aussi dicter (ou faire dicter) un texte à un groupe seulement. On peut aussi conserver cet exercice en expliquant que les contraintes institutionnelles et l'environnement pèsent très lourd ; et faire :
- des dictées à trous (sur une série de règles, de mots, etc.), il n'ya qu'à remplir les trous ; sur 20, il yen a bien un de juste - on n'a jamais zéro ;
- une dictée d'un texte déjà connu (lecture suivie...) ;
- une dictée d'un très beau texte (ouverture vers autre chose qu'une finalité orthographique).
Cela dit, ceux qui ont supprimé la dictée de leur enseignement n'ont pas eu, pour l'instant d'ennui administratif pour cela...
 
Quant à la grammaire, pour ceux qui ne souhaitent pas en abandonner l'étude théorique, il y a la possibilité de sélectionner, sur les nombreux spécimens qu'on nous envoie, une série d'exercices couvrant les lacunes les plus fréquentes des élèves ; il est aisé de les rendre autocorrectifs en se constituant un fichier du style des fichiers C.E.-C.M. de [PEMF ](qui peuvent d'ailleurs être utilisés en 6e et 5e), c'est-à-dire en collant sur une fiche bristol et en renvoyant à une fiche correction, le tout rangé dans une boîte où les élèves vont puiser en fonction de leurs lacunes individuelles.
 
On peut aussi remplacer la grammaire par une étude sur la langue, à partir de recherches (individuelles, en groupes, ou collectives), tâtonnées, sur des phrases d'élèves (orales ou écrites). Un travail de logique (sur et/ou, si... alors, etc.) est souvent plus éducatif qu'une leçon de grammaire. Il s'agit alors d'une grammaire centrée sur l'expression.
 
En partant d'une technique, en modifiant les aspects les plus scolastiques du reste de l'enseignement, on voit donc comment on peut démarrer et comment une autre pédagogie s'instaure peu à peu.
 
Elle fait rapidement éclater, en ce qui concerne le contenu de l'enseignement, les limites traditionnelles du cours de français : enquêtes sur le milieu, moyens de création autres que l'écriture etc. Très vite se fait sentir le désir de ne pas travailler seul.
 
L'interdisciplinarité est enrichissante culturellement pour les élèves. Elle ne saurait cependant être confondue avec le travail en équipe, dont le besoin apparaît rapidement, car les élèves apprécient vite la liberté d'organiser le travail, la pratique de l'évaluation, indivuelle et collective, et souhaitent souvent une extension à d'autres cours et, en effet, les conditions optimales de la pratique de la pédagogie Freinet au second degré sont dans l'existence d'une équipe.
 
Quand on parle d'équipe au second degré, cela ne veut pas dire “équipe d'enseignants Freinet” - nous sommes trop peu nombreux. Dans la plupart des cas, cela veut dire que l'on travaille en relation avec deux, si possible trois collègues qui ont les mêmes rapports que nous avec les élèves, ne les méprisant pas, les écoutant, acceptant des travaux sur sujets libres et fournissant documentation et aide pour cela ; qu'ils fassent par ailleurs de longs cours magistraux et des contrôles sévèrement notés importe peu! C'est par exemple le cas d'un collègue d'histoire-géographie avec qui se font exposés, débats (nous allons au cours l'un de l'autre en ce cas), émissions au magnétoscope, voyages-échanges etc. Le voyage-échange permet d'ailleurs d'associer d'autres collègues un peu ouverts à telle ou telle activité...
 
 
ET LA PREPARATION DU BAC ( AU SECOND CYCLE) ?
ET LA DISSERTATION ?
 
On ne la perd pas de vue et les contraintes de l'examen - expliquées par le professeur (forcément) - s'imposent à lui comme aux élèves : c'est très important qu'elles apparaissent ainsi et que l'on puisse ensuite discuter du temps que l'on va consacrer à tel type de travail, à tel auteur etc. Pour les parents comme pour les élèves, il est difficile de se rendre compte de la valeur d'un travail en profondeur qui prépare indirectement à la dissertation ou à l'oral du bac : exposer clairement (sans lire) sa pensée en trois minutes sur une question qui vous intéresse ; préparer, animer un débat, en rédiger le compte rendu, ce sont les modes les plus naturels et les plus motivants d'expression et de communication et, en même temps, les exercices de base de l'oral et de l'écrit (qui ne s'opposent pas! mais se nourrissent l'un l'autre).
 
Le débat est souvent l'activité de démarrage la plus facile : il permet de se connaître rapidement et impose de s'organiser.
Cette année par exemple, les II A m'ont demandé de discuter de l'avortement (question d'actualité). J'ai ajouté la contraception et demandé que deux ou trois élèves préparent un exposé introductif de dix minutes - pour lequel j'ai fourni des documents. Au cours du débat, un garçon s'écrie : “Trouvez-vous normal d'avoir des relations sexuelles à notre âge ?” C'était hors sujet, mais c'était, bien évidemment, la question sous-jacente et essentielle : quelques filles proposent aussitôt d'animer un second débat la semaine suivante sur les relations entre jeunes : la seconde partie en est reproduite ici. Ils ont dit de façon directe ce qu'ils pensaient. Ce n'est qu'à partir d'échanges de ce genre - qui se sont d'ailleurs prolongés par la correspondance - qu'ils pourront traiter, de façon authentique, les sujets de bac sur la jeunesse d'aujourd'hui. Un des écueils du second cycle est en effet l'abus d'une documentation livresque ou journalistique, coupée de l'expérience personnelle des jeunes et conduisant à une réflexion abstraite dépourvue de fondements.
 
DEBAT EN IIe A ( extrait) Novembre 1979
RELA TIONS FILLES-GARÇONS DANS LA SOCIETE
- Une amitié profonde peut-elle exister entre une fille et un garçon ?
- “A l'aise! Je m'entends plus facilement avec des garçons”.
- Oui : entre filles, on parle toujours de sorties avec les garçons... Avec un garçon, on parle de choses sérieuses.
- Entre deux garçons ou deux filles, ce sont seulement des commérages.
- Je ne suis pas d'accord : moi, j'ai un vrai copain, nos relations, c'est pas “pour faire bien”.
- Quand on est deux copains au milieu d'autres, ça ne va plus : il m'est arrivé de parler politique, philosophie avec un copain ; quand les autres arrivaient, “je me retrouvais seul à causer”.
- Dans l'amitié entre un garçon et une fille, ce sont deux caractères différents qui se rencontrent.
- Il y a une espèce de rivalité : on envie l'autre.
- L'amitié idéale, c'est quand cette jalousie disparaît.
- Les filles sont souvent jalouses entre elles.
- Cela dépend quelquefois de la situation sociale : j'ai eu une amie fille de docteur ; moi, je suis fille d'ouvrier ; on s'est perdu de vue ; déjà sur le plan vestimentaire, c'était difficile, elle a creusé le fossé sans le faire exprès... Avec un ami, c'est différent : les différences sociales comptent moins.
- Entre filles, on se jalouse à cause des garçons.
Les garçons, eux, ne font pas de chichis.
- Tu es misogyne ! Tu ne devrais pas laisser tomber une amie, en pensant que ses petits problèmes ne t'intéressent pas. L'amitié est quelque chose de difficile. On a parfois envie de parler, besoin d'être écouté.
- On a été séparés entre garçons et filles au primaire; même ensuite on reste souvent entre fIlles ou entre garçons : à la cantine, à la gym...
- Certains sports sont pour les filles, d'autres pour les garçons : les filles doivent avoir une anatomie gracieuse...
- Et les danseurs (amateurs) sont considérés comme des pédés.
- Si on joue au foot ou au hand ensemble, la supériorité des garçons est trop nette.
- Pourtant en 6e, et même en 3e, les filles qui jouaient bien avaient leur place dans les jeux mixtes.
- Mais elles risquent des coups dans les jeux brutaux.
- Les filles “mal dans leur peau” ne sont pas à l'aise dans les sports mixtes.
 
L'AMOUR
- Les flirts au lycée : qu'en vensez-vous ?
- C'est une expérience profitable, d'entente, une expérience de couple. On voit ses sentiments profonds, on se connaît mieux.
- Cela découle de l'amitié. Oui.
- C'est différent pour chaque couple. Parfois, si le garçon désire flirter, “l'amitié est foutue par terre”. Oui.
- Le flirt, c'est parfois pour s'amuser seulement.
- L'amour, c'est différent du flirt : au bout de quinze jours, on sait à quoi s'en tenir.
- Au bout de quinze jours, tu crois ? Il faut la connaître pour vraiment l'aimer.
- On se connaît au fur et à mesure.
- Il y a des garçons qui pensent : “Je vais me la faire”.
- Des filles aussi pensent parfois cela. Non.
- De toute manière, c'est toujours le garçon qui doit faire le premier pas.
- Le flirt est assez physique; l'amour peut venir après...
- Ou ne pas venir, et c'est triste, car, après quelques flirts pas intéressants, on est dégoûté de l'amour.
- “Tous des profiteurs !”. “Toutes des salopes !”
- Et alors certains garçons veulent prendre leur revanche.
- Sur une autre ? Sans s'occuper des sentiments de la fille ? C'est horrible !
- Il me semble que beaucoup de garçons flirtent rien que pour se vanter ; et les autres (au lycée) disent : “Tiens, il va se la faire” ou “c'est pour quand ?”. Cela n'arrange pas les relations. L'amour c'est autre chose.
- Une différence entre l'amitié et l'amour est que deux amis s'occupent des autres, alors qu'en amour on est égoïste à deux: je suis une fois entré dans une chambre où un couple faisait l'amour, j'ai eu l'impression d'être exclu.
- Est-ce que le flirt apporte beaucoup ?
- Oui, une expérience pour plus tard, pour le mariage ; tu te connais à travers le gars.
- Dans certains magazines, le flirt est commercialisé : on trouve les différentes façons de plaire : la fille n'a qu'à se soumettre : c'est une fille-paillasson. Pourquoi ? Parce qu'on a toujours élevé les filles à cela.
- Mais une fille ne va pas dire à un type : je voudrais sortir avec toi.
- M. M... (prof d'histoire-géographie) : Ce serait peut-être ça la libération de la femme. Oui.
- Mais les filles ne sont-elles pas contentes d'être dépendantes ?
- Moi, je n'oserais pas faire les premiers pas : j'aurais peur de passer pour une... On a toujours dit aux filles : c'est au garçon à prendre l'initiative...
- Mais est-ce peur d'une mauvaise réputation ou manque d'audace ?
- Mme Le B. (prof de lettres) : Comment jugez-vous une fille qui fait les premiers pas ?
- Mal ! (tous).
- En Hollande, c'est différent !
- Oui, j'y ai été en vacances, nous étions trente : tous les soirs, elles changeaient de partenaire, elles faisaient tous les pas !
- On considère qu'une fille qui sort avec plusieurs garçons est bonne pour le trottoir, mais un garçon qui sort avec plusieurs filles est un supermec !
- Et les anglaises... Et les françaises aux yeux des étrangers !
- La femme ale beau rôle: elle peut refuser par caprice.
- Au XIXe siècle, il y avait des femmes qui se refusaient très longtemps.
- M. M... : Vous avez bien des idées préconçues, sur les étrangères, sur les rôles respectifs que doivent tenir le garçon et la fille.
- Mme Le B. : Oui vos idées semblent les mêmes que celles des jeunes d'il y a vingt ans, mais jamais un débat de ce genre n'aurait eu lieu en classe mixte il y a vingt ans.
- Ni entre profs et élèves... Donc les choses changent tout de même.
- Les filles de notre âge préfèrent les hommes mûrs.
- C'est qu'au même âge les filles sont plus mûres que les garçons.
- Les filles de 16 ans sortent avec les garçons de 19.
- Mais elles sont étonnées lorsqu'ils leur demandent de faire l'amour.
- Pour un garçon de 15 ans, cela fait bien.
- Les filles, après s'être fait avoir par les jeunes, cherchent des plus âgés.
- Sans flirter, tu peux discuter.
- Quels sont les rapports entre le flirt et le vrai amour ?
- M. M... : Vous y croyez ?
- Pas à notre âge.
- Le véritable amour ne peut pas être tout de suite; il faut de l'expérience.
- Il y a pourtant des filles qui s'attachent au premier garçon avec lequel elles sont sorties.
- On voit la vie en rose - puis on s'en lasse, ou on y croit.
- Mme Le B. : Un amour unique (pas forcément le premier), relativement durable, cela vous semble-t-il quelque chose d'important dans une vie ?
- Durable, non, à 60 ans, il n'y a plus d'amour. Si !
- Un grand amour, on s'en souvient plus longtemps que de plusieurs.
- Certaines filles ont peur d'un amour profond, peur de s'enchaîner.
- Mme Le B. : On préfère alors l'indépendance à l'amour ; mais si l'amour est vrai, profond, l'indépendance n'a plus de sens ; on conçoit la vie à deux.
Débat animé par Madeleine, Karina, Audrey et Sylvie
 
 
NE PAS OUBLIER LES GARDE-FOUS...
 
Si l'on bouscule un tant soit peu les habitudes, on court très vite des risques = inquiétudes des parents, de l'administration, voire des collègues. Il est donc indispensable d'avoir des garde-fous.
 
1) Il est plutôt conseillé d'informer largement les parents de nos objectifs et de ce qui se passe dans la classe, par lettres, réunions. Si on se sent dans un milieu hostile, l'aide de quelques copains plus anciens du département peut être utile (cf. dossier relations avec les parents).
 
2) Les plans de travail sont un garde-fou autant qu'un outil d'évaluation et un moyen de communication avec les parents (cf. annexe 2-3-4).
 
3) Il faut penser à toute personne étrangère pouvant entrer dans la classe (administration - collègue - inspecteur - parents etc.). Pour qu'elle comprenne rapidement l'organisation et le contenu du travail, un planning collectif est utile.
Chaque élève peut également avoir une fiche sur laquelle figureront ses activités: très utile pour une vue globale de fin de trimestre ou d'année.
 
4) Le cahier de textes. Il est important de le remplir consciencieusement. On n'est pas obligé de se plier aux normes officielles (orthographe - grammaire - rédaction etc.). Une rubrique FRANÇAIS peut se présenter comme un livre de vie de la classe. Ou encore, on peut réserver une page aux travaux collectifs, une page aux travaux du groupe.
 
5) S'assurer que les élèves aient une assurance extra-scolaire avant de les emmener en sortie, de les envoyer en enquête.

6) On peut tenir un classeur (une page par élève) où on note systématiquement tous les travaux réalisés par chaque élève.
Travail parfois fastidieux, mais qui peut avoir une influence capitale en cas de difficultés. Il prouve que l'on sait à tout moment où en sont les élèves...
... et que l'on ne se moque pas complètement de son boulot...
 

dates
Travail collectif
Travail collectif
Débat...
...
...
...

 

dates
Travaux de groupes
G1
G2
G3
.........................
.........................
.........................
G4
G5
G6
.........................
.........................
.........................

Exemple : Travail de novembre
 
QUELQUES REFLEXIONS EN GUISE DE CONCLUSION...
 
Introduire le texte libre, le débat, le travail sur documentation à partir des goûts des adolescents, la correspondance, voilà quatre techniques de travail à la portée de tous, quelles que soient les conditions de l'environnement. Cela n'implique que beaucoup d'exigence, de rigueur, dans l'écoute des jeunes, dans l'organisation du travail. Quand on fait du texte libre, naissent des sujets de débats, naissent des contenus possibles d'échanges, naissent des prolongements possibles en poésie, roman, théâtre. On peut déjà transformer ses classes, bouleverser les routines, régénérer le travail. En gagnant en expérience, en résultats persuasifs vis-à-vis des parents, de l'administration, on pourra introduire petit à petit le journal, puis des bilans périodiques auquels il faut s'astreindre, des réunions départementales avec les camarades qui ont les mêmes problèmes, les revues de l'I.C.E.M. aideront chacun à faire un pas de plus. On n'en finit pas de marcher. Mais la rupture avec ce que les élèves ont connu auparavant peut être source d'interrogations, d'inquiétude pour les élèves qui ne font pas forcément confiance au professeur. Il est bon que les plans de travail soient respectés et que le professeur respecte lui aussi ses engagements (fiches d'aide pour les enquêtes, les lectures...).
Un des facteurs de réussite, c'est aussi notre crédibilité aux yeux des élèves. Ne pas apparaître comme un farfelu, faire sentir qu'on ne détient pas le pouvoir tout seul, mais qu'on reste maître de la situation, qu'on ne les embarque pas dans une aventure incontrôlée.
Lorsqu'on débute en pédagogie Freinet, avec des gosses qui ne sont pas habitués à cela, et en étant isolé dans son établissement, le plus gros obstacle à surmonter est bien la panique. Panique des élèves qui ne se sentent pas en sécurité dès lors qu'on ne leur mâche pas tout leur travail (et cela va de “de quelle couleur je souligne ?”, “combien de carreaux faut-il laisser en marge ?” à “à quelle page je peux trouver la réponse ?”, lorsque la question demande un effort de synthèse sur une lecture). Ceci surtout en 4e et 3e. Panique aussi concernant l'évaluation: “c'est noté ?” ponctue chaque suggestion de recherche libre. Des élèves qui se sentent mal sécurisés auront, presque à coup sûr, recours au
chahut pour retrouver un univers familier ; ils ne sont pas face à un “bon prof” qui fait “bien travailler”, donc tout est permis. Et là c'est le prof débutant en pédagogie Freinet qui panique à son tour. Ce qui me semble essentiel, c'est la rigueur de l'organisation, les plannings, les fiches-guide. Non seulement j'explique longuement, oralement, l'organisation du travail, mais je polycopie les consignes concernant le travail en ateliers, les propositions concernant les supports de l'évaluation, le contrat minimum de travail du mois. Cela sert aussi à informer les parents. Les plans de travail individuels sont également nécessaires (j'utilise le type simplifié paru dans grammatica pour les 4e ; et un type plus précis en 6e).
 
Cette année j'ai en 4e une classe de “bons élèves”, tellement à l'aise dans le système traditionnel qu'ils ont manifesté méfiance et rejet à l'égard de ce qui les dérangeait. Je me suis donc contentée d'instaurer deux heures d'ateliers par semaine pour le premier trimestre. Il y a eu rejet de l'idée de journal, de correspondance, boycott des premières discussions de coopérative. Je n'ai pas insisté et n'en ai plus proposé. Mais, en fin de trimestre, une partie de la classe a réclamé une discussion coopérative et peu à peu l'atmosphère change. Le travail en ateliers libres et la communication des travaux à la classe a joué un rôle important.
Néanmoins l'expression libre ne s'amorce que très timidement et il y a un net refus de s'impliquer chez les élèves les plus brillants. Ils ont véhémentement réclamé le maintien des dictées. J'ai alors instauré une “dictée-feuilleton” ; une fois par semaine, je dicte un paragraphe d'une nouvelle (avec suite à la semaine suivante), les élèves ont ensuite le loisir de corriger leur dictée (en groupe ou individuellement) avec dictionnaire, manuel de conjugaison, grammaire. Par roulement, je relève des feuilles pour vérifier les corrections. J'ai également préparé un fichier d'exercices de grammaire pour ceux qui, lors des heures d'ateliers, préfèrent un “travail” plus sécurisant. Mais je tiens soigneusement à jour un grand planning de la classe où est indiqué à quoi chacun a occupé les heures d'ateliers. Commentaire servant d'élément d'évaluation en fin de mois, confrontation avec les plans individuels.
Deux heures par semaine sont réservées à un travail collectif de lecture expliquée plus ou moins traditionnellement.
Autre point important: la documentation. Le C.D.I. de notre collège est ... en cours de construction. Alors, j'ai fait la chasse aux revues qui traînaient, inemployées, dans les armoires d'anciennes classes de transition : B.T., documents pour la classe... J'ai ajouté des B.T.2, des Record Dossier (Bayard Presse), des journaux scolaires et des travaux de l'année dernière. Après une lutte assez longue, j'ai obtenu une armoire fermant à clef pour conserver le tout à portée de la main (ce qu'on laisse hors armoire disparaît très vite, il y a pas mal de fauche).
 
Parmi les techniques intéressantes, il faudrait peut-être citer les “Trois minutes avec vous” que les 4e préparent très consciencieusement. Cela permet d'aborder les sujets les plus divers. J'utilise aussi cela en 6e (mais deux minutes seulement au début) et ils y tiennent beaucoup.
Mes deux classes de 6e tiennent énormément aussi à la discussion - bilan de fin de quinzaine. Cela nous a permis de moduler et d'organiser le travail avec beaucoup plus d'initiative de leur part que du côté des 4e. Les premières discussions tournaient autour de la nécessité de punir, d'après eux, pour que l'on puisse travailler; puis ils ont peu à peu compris que la question n'était pas là. Ils ont été très capables de voir et de dire que, lorsqu'il y avait eu du bruit et de l'agitation, c'était souvent parce que le travail était mal organisé ou pas à leur portée - ou qu'une cause extérieure (bagarre, racisme etc.) était intervenue, et la discussion a permis de prendre le recul nécessaire, sinon pour régler le problème, du moins pour pouvoir vivre en commun tant bien que mal. Il n'en reste pas moins que les progrès ne sont ni rapides ni continus et qu'il faut s'y attendre pour ne pas être découragé lorsqu'on débute en pédagogie Freinet.
Enfin, il faut dire l'importance d'avoir un groupe de copains avec qui discuter de ce qui se passe dans la classe pour pouvoir l'analyser et éviter de se culpabiliser lorsque cela ne va pas. Si on n'a pas de copain sur place, il y en a toujours avec qui on peut correspondre.
 
Mais il faut insister surtout sur le fait que les techniques se découvrent par tâtonnement et que, si l'on veut qu'elles soient assimilées en techniques de vie, il faut laisser se faire ce tâtonnement, ou alors on arrive vite à l'écueil d'une organisation sans âme. Ce que je réponds toujours aux gens qui viennent me voir et qui s'inquiètent de la complexité de ce qu'ils découvrent, c'est que tout cela ne s'est pas fait en un jour et que le facteur temps est primordial si l'on veut que les individus s'imprègnent de ces techniques de vie, non pas pour une année scolaire, mais pour toute une vie d'adulte.
La “réussite” viendra de notre patience, de notre écoute, de notre volonté de laisser les enfants être vraiment responsables de ce qu'ils créent, de ce qu'ils organisent, sans jamais les abandonner. On n'insistera jamais assez sur la nécessité du rôle du maître, mais jamais assez aussi sur la complexité de l'exercice de ce rôle qui doit être avant tout honnêteté de l'homme, vigilance de l'éducateur, disponibilité du praticien, recours et barrière, présent et discret.
Si l'on veut que l'école change, il faut accepter d'en payer le prix.
 
 




[1] Le type de relations est certes primordial. Il est cependant insuffisant à changer durablement les choses. La pédagogie Freinet est une pédagogie matérialiste, ce qui signifie que c'est par la modification des structures de travail, par l'utilisation de certains outils que les changements seront introduits.