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Dossier : Démarrer en Pédagogie Freinet : une expérience de correspondance internationale

Dans :  Principes pédagogiques › communication › 
Avril 1980
UNE EXPERIENCE DE CORRESPONDANCE INTERNATIONALE
 
“ Enfin, sur la Hollande, quelque chose qui n'est pas plat” ( *)
Une classe de six élèves de 5e déficients auditifs dans un C.E.S. parisien, un groupe de langue française de six élèves entendants d'un collège néerlandais, de l'enthousiasme et de l'imagination de part et d'autre et voilà un échange de correspondance qui s'établit dans le cadre de la classe de français. En mars, visite des Hollandais à Paris. En novembre, les élèves parisiens parvenus en Je, sont accueillis à Hoogvliet {banlieue de Rotterdam} par l'école et les familles de leurs correspondants.
Au retour, les élèves ont monté une exposition sur la Hollande, comportant dessins, textes, photos, projections commentées, à laquelle ont assisté les parents, plusieurs classes d'entendants et tous les professeurs.
Le récit de ces trois filles et trois garçons - dont le handicap s'échelonne de la perte auditive moyenne: Michel, intégré au groupe en Je, à la surdité profonde : Dominique - laissent supposer ce qu'a pu leur apporter cette expérience : développement des facultés d'observation, de l'aptitude à rassembler une documentation et à l'ordonner, à s'exprimer par le texte et l'image, à parler en public, à réaliser une OEuvre collective.
Ils s'expriment dans un style simple, mais remarquablement clair, lorsqu'on sait qu'ils avaient en moyenne, à leur entrée en 6e, un niveau de langage de C.E.2.
M.D., père de Jean-Claude
 
NAISSANCE DE LA CORRESPONDANCE VUE PAR UN ELEVE
En 6e, notre professeur de français nous avait demandé si nous voulions faire de la correspondance avec une autre classe de 6e, en Normandie, à Douvres-la-Délivrande. Nous nous sommes entendus pour essayer et ça a marché du premier coup ! Nos correspondants sont même venus nous voir à Paris. Nous étions très contents et nous avons promis d'aller chez eux, à Douvres, l'année suivante. Hélas ! On n'a pas pu y aller, car leur professeur de français était en congé de maternité.
Alors, notre professeur nous a demandé si nous voulions refaire de la correspondance, en France, avec un autre collège. Mais moi je n'avais qu'une idée : faire de la correspondance INTERNATIONALE !... Notre professeur était tout à fait d'accord, à condition que ce soit avec un pays étranger francophone. Alors je demandai le Canada. Mes camarades furent d'accord, mais pas le professeur qui trouvait que c'était bien trop loin. On parla de la Belgique, de la Suisse...
Quelque temps après, notre prof vint nous apprendre qu'un groupe d'élèves hollandais apprenant le français, cherchait des correspondants français. “Vous n'aurez pas de correspondants francophones, dit-elle, mais tant pis, on se débrouillera !”.
Jean-Claude
 
NAISSANCE DE LA CORRESPONDANCE VUE PAR LE PROF
FAUX DEPART...
J'avais en effet adressé une demande à Robert Marois, responsable de la correspondance à la F.I.M.E.M. Il m'avait signalé la demande d'un collègue néerlandais (Dave Lusse, à Hoogvliet-Rotterdam) pour quelques-uns de ses élèves de dernière année. Ils avaient deux ans de plus que les miens, mais on démarra tout de même, mais sans aller bien loin, car en avril les Hollandais cessèrent de nous écrire. Nous étions déçus, mais pas trop, car mes élèves n'étaient pas mûrs pour une réception, ni surtout pour un voyage. Jean-Claude, pourtant instigateur de cette correspondance, et Fabrice, étaient très anxieux lorsqu'on abordait ce sujet, parlant de la nécessité d'aviser le corps diplomatique avant notre départ, une guerre pouvant toujours éclater...
Je jugeais donc l'expérience terminée et me voyais pour la deuxième fois, avec ces mêmes élèves, “lâchée” par mes correspondants, lorsque Dave débarqua au mois d'août pour me dire qu'il souhaitait reprendre la correspondance avec mes élèves, mais cette fois avec des plus jeunes, et pour deux ans.
 
... ET VRAI DEMARRAGE
Dès la rentrée de septembre, je fis part de cette demande au Principal, qui me fit deux objections non dénuées de fondement. La première : “L'établissement néerlandais est un collège privé, catholique” (il porte le nom de Charles de Foucauld), n'était qu'une objection de principe, étant donnée la traditionnelle tolérance des Hollandais sur le plan spirituel et idéologique. La deuxième : “Pourquoi ne pas correspondre avec des Allemands, puisque nos élèves étudient cette langue ?” était plus gênante, car moi j'aurais bien voulu... ; mais mon collègue germaniste avait été très clair : son embarras serait grand de présenter des élèves ne parlant pas du tout l'allemand et articuJant si mal leur propre langue. Heureusement, les instructions officielles sur la correspondance internationale sont formelles : la langue maternelle d'une des deux classes peut être adoptée comme langue commune. Les échanges auraient donc lieu en français, et les deux établissements furent appariés par l'I.N.R.D.P. Dave revint en octobre, porteur du premier courrier et accompagné de son directeur et copain, Franz. Deux rendez-vous furent pris par les chefs d'établissements : une visite à Paris des élèves néerlandais fut fixée à mars, et notre voyage à Rotterdam au mois d'octobre suivant, pendant les congés scolaires.
 
LA CORRESPONDANCE
Les lettres individuelles sont rédigées en classe ou à la maison, avec l'autorisation des parents. Elles comportent essentiellement des récits de la vie en famille ou en vacances, l'expression des goûts dans le travail ou les loisirs. Les travaux collectifs sont essentiellement des études de milieu ; nous utilisons le film, la bande magnétique, la photographie ; nous échangeons des livres, des cartes, des plans sur nos régions respectives.
En ce qui concerne la lutte contre l'eau, les élèves ont posé des questions à partir de leur manuel de géographie (programme de 4e). D. Lusse est venu y répondre personnellement et nous a laissé tous les documents nécessaires à la préparation de la visite des moulins, des digues et des écluses. A l'occasion de la saint Nicolas, mes élèves ont reçu de menus cadeaux spécialement réalisés pour eux par leurs correspondants.
De notre côté, afin que les jeunes néerlandais se familiarisent avec la ville qu'ils devaient visiter, nous avons envoyé un dossier sur le musée du Louvre et un autre sur le Palais-Royal, tous deux très proches du collège. Nous avons confectionné un plan des monuments de Paris, que nous avons retrouvé avec plaisir sur le mur de la classe à Hoogvliet. Chaque élève envoya aussi une étude sur son quartier ou sa ville.
Simone BERTON
(*) Commentaire inscrit dans le Livre d'Or de notre exposition par un visiteur, élève de 3e du collège.