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La réunion de coopérative. Comment améliorer sa pratique ?

Dans :  Congrès › Principes pédagogiques › 

Maria Pagoni (Lille III)

Marcel Thorel (ICEM)

Sebastien Fermen (ICEM)
 
Plan
1.Emergence du questionnement : quel est le travail de l’enseignant et de l’élève au sein du Conseil de coopérative ?
2.Dispositif d’une recherche collaborative entre enseignants et chercheur
3.Enjeux du conseil, place de la problématisation
4.Cadres de référence utilisés pour analyser le travail de l’élève au sein du conseil de coopérative
5.Discussion autour de quelques tensions observées
 
1.Emergence du questionnement
La place du conseil de coopérative au sein de la pédagogie Freinet : si la pédagogie Freinet est une pédagogie de l’émancipation par le travail, quel est le travail de l’élève pendant ces moments ?
Deux aspects de ce travail pour l’élève:
- Prendre des décisions sur des projets de classe et des règles qui structurent ces projets et le fonctionnement collectif plus généralement.
- Prendre du recul par rapport à ce fonctionnement et apprendre à le questionner, à construire un point de vue qui va permettre à l’élève d’avoir un regard critique à son environnement social.
 
Questionnements qui en découlent
Comment l’enseignant arrive-t-il à gérer ces deux formes de travail, qui sont liées entre elles ? En effet, des observations antérieures nous ont permis d’identifier quatre grandes activités des élèves au sein du conseil:
- Identifier un problème
- Proposer une sanction, un projet, une solution, une règle
- Voter, faire un choix
Comment l’enseignant va-t-il favoriser l’identification du problème pour en extraire une notion et la rendre un objet d’apprentissage et de réflexion, une préoccupation de la classe ?
Comment construire des liens entre ces moments, comment les inscrire dans l’histoire de la classe, les conceptualiser ?
De quels outils l’enseignant dispose-t-il pour le faire ? A-t-il besoin d’une formation à ce propos ? En quoi consiste le développement de l’enseignant à ce propos ?
 
Deux objectifs
-Un objectif de recherche
-Un objectif de formation : confrontation d’un enseignant-formateur et d’un enseignant novice autour des mêmes séquences de classe : comment se transmet l’expérience ? Quels éléments de formation se construisent dans cette interaction ?
 
2. Dispositif d’une recherche collaborative entre enseignants et chercheur
La recherche s’appuie sur une analyse collaborative des séances de classe. Le dispositif est le suivant :
-Mise en place de la séance qui est filmée. Huit séances de conseils de coopérative ont été filmées dans une classe de double niveau CM1/CM2 pendant deux années consécutives (2008-2009 et 2009-2010).
-Reproduction du film en trois copies, une pour chaque membre de l’équipe, qui le visualisent individuellement.
-Visualisation collective du film une à trois semaines après la réalisation de la séance.
 
Consignes et fonctionnement
La consigne donnée est la suivante : repérez des moments qui vous semblent importants à signaler pour le travail de l’élève au sein des conseils de coopérative.
-Chacun des membres du groupe intervient de la façon suivante :
-L’enseignant qui a fait la séance commente le premier son activité et l’activité des élèves selon la consigne.
-L’enseignant-formateur fait ses commentaires par la suite, en apportant des éléments supplémentaires à la problématisation de la séance.
-Le chercheur intervient surtout pour clarifier ou approfondir les propos exprimés, reformuler ou demander des précisions selon la méthodologie d’un questionnement clinique.
 
3. Enjeux du conseil, place de la problématisation
Deux enjeux observés dans l’identification d’un problème apporté par les élèves:
-Pour passer du problème à sa solution on a besoin d’une réflexion, un débat, une analyse.
-Pour comprendre la signification de ce problème, on a besoin de se détacher du contexte précis de la situation et construire des liens avec d’autres situations en classe ou à l’extérieur de la classe, conceptualiser.
 
1ère situation : La constitution des équipes de football
Analyse de la situation concernant la constitution des équipes de football. Les élèves rencontrent un problème réel dans la constitution des équipes pendant la recréation, c’est pourquoi dans le conseil d’école une proposition a été faite pour faire un tableau où les élèves vont s’inscrire le matin dès leur arrivée. Mais il y a des élèves qui trouvent que la réalisation de cette idée sera difficile (voir extraits).
 
Développement de la situation par la problématisation
L’intervention de l’enseignant-formateur propose au groupe de percevoir le travail que l’élève doit effectuer pour comprendre la signification de cette situation, et la place de cette compréhension dans son développement (voir extrait). Trois dimensions de ce travail conceptuel sont abordées :
-Le saut de décentration dont a besoin l’élève pour transformer ses schèmes opératoires (son fonctionnement) concernant le fonctionnement d’une équipe.
-L’utilité de la conceptualisation de la notion d’équité pour que l’élève analyse d’autres situations tout en soulignant au passage que cette conceptualisation est d’autant plus difficile qu’elle se trouve en rupture par rapport à la réalité sociale.
-L’importance, pour l’élève, d’intégrer ce principe pour agir en autonomie sans avoir besoin de l’arbitrage de l’adulte.
 
2ème situation : Le respect du matériel collectif
Analyse de la discussion effectuée en classe autour d’une action critiquée par un élève : il a vu quelqu’un de la classe jeter le rouleau de papier de toilette par la fenêtre. Le discours des élèves est plutôt normatif et se situe dans le jugement et la justification. Il n’y a pas de traces d’explication (pourquoi peut-on avoir tendance à faire cela ?) ni d’analyse conceptuelle (qu’est-ce que cela veut dire « respect du matériel collectif » ?). Le problème est analysé selon ses conséquences (« il n’y aura plus de papier de toilette ») tandis que le concept du matériel collectif vient clore la discussion : ce n’est pas bien de détruire le matériel collectif parce qu’il appartient à tout le monde (voir extraits).
 
Développement de la situation par la problématisation : insister sur le point de vue de l’acteur
L’intervention de l’enseignant-formateur situe le problème dans un autre registre de réflexion : au lieu d’insister sur les conséquences, en adoptant un discours normatif qui intéresse peu les élèves en réalité, on peut situer le problème du point de vue de l’acteur pour l’aider à réfléchir sur son action et sur les valeurs qui la mobilisent. Deux questions surgissent à ce propos :
-Qu’est-ce qui fait que je ne le fais pas ?
-Qu’est-ce qui fait que dans d’autres situations cela peut se faire (en prenant l’exemple des arts plastiques) ?
Ces deux questions contribuent en même temps à la construction de la notion du « collectif », concept central de la situation. Ainsi, le statut de la notion du « matériel collectif » se transforme : d’un outil de prescription, intégré dans une règle (il faut respecter le matériel collectif) devient un objet de réflexion, un objet didactique, aussi bien pour les élèves que pour l’enseignant.
 
3. Quelques cadres de référence pour mieux analyser le travail au sein du conseil
La distinction entre activité productive et activité constructive initiée par Marx et reprise par Rabardel et Samurçay (2004) et Pastré (2007). L’activité productive consiste à transformer le réel, que ce réel soit de nature matérielle, sociale ou symbolique ; l’activité constructive consiste à se transformer soi-même, en transformant le réel, en construisant des compétences et de l’expérience. Deux points à souligner.
-Premièrement, dans l’activité productive, l’activité s’arrête avec la fin de l’action, qu’il s’agisse d’une réussite ou d’un échec. Mais l’activité constructive peut se prolonger au delà de l’action elle-même et elle peut être facilitée par des analyses réflexives et rétrospectives portant sur l’activité, comme celui que nous avons mis en place dans cette recherche.
-Deuxièmement, c’est grâce à l’activité constructive que l’activité ne se réduit pas à traiter la singularité d’une situation : par un mouvement de désingularisation, le sujet va pouvoir inscrire l’activité productive dans un champ plus large de concepts et de situations, pour en repérer les régularités, les structures, les transformations possibles par rapport à d’autres situations vécues.
La problématisation. Dans le cadre de l’activité constructive, l’opération de problématisation joue un rôle important, définie par Orange comme la construction explicite d’un problème (Orange 2007). Problématiser une situation implique donc de construire un questionnement qui inscrit cette situation dans un cadre de référence donné. Cette problématisation est importante à deux temps. Elle est importante en classe puisque c’est à partir de son questionnement que le maître va orienter la réflexion des élèves. Elle est importante dans un deuxième temps pour la formation de l’enseignant, pour analyser ce qui s’est passé en situation de classe.
La distinction entre les sphères morale, juridique et politique :
-La sphère morale concerne la relation entre individuel / collectif ou public / privé par l’intermédiaire du travail : à partir de quel moment une préoccupation personnelle intéresse le collectif de la classe ? Pourquoi j’obéis à une règle fixée collectivement même si je ne suis pas d’accord avec elle ? Comment je deviens un observateur critique de mon environnement en favorisant, dans mes actions et mes choix, la valeur de la coopération ?
-La sphère juridique concerne la contextualisation et la généralisation des droits et des devoirs :
Droits / devoirs : Est-ce que pour autoriser une action à quelqu’un (p.ex. changer de place) il faut fixer une règle ? Dans quelle mesure une règle a des exceptions ? Quelles sont les limites de ces exceptions ?
Justice : qu’est-ce qu’une sanction juste ? Comment passer d’un délit personnel à un dysfonctionnement? Pourquoi il ne faut pas juger quelqu’un quand il est absent ?
-La sphère politique concerne la permanence et/ou le changement des institutions en classe :
-Exercice d’une responsabilité : Comment protéger les responsables de l’abus du pouvoir ?
-Vote : à quoi sert le vote et dans quelles conditions une décision de vote est légitime ? Comment passer d’un conseil à l’autre (de celui de classe à celui de l’école etc)?
 
Discussion autour de quelques tensions
-Alterner temps d’action et temps de réflexion. Prendre le temps pour analyser les problèmes posés, ne pas être pressé de trouver des solutions. Ne pas sous-estimer le contenu conceptuel du conseil et la complexité des notions abordées.
-S’appuyer sur la parole et l’expérience de l’élève pour avancer, éviter la moralisation. Encourager le question-nement et le regard critique envers son milieu.
-Conceptualiser les enjeux du conseil dans les domaines morale / juridique / politique, sa place dans l’éducation à la coopération et à la démocratie. Interroger ces concepts et leur donner une place dans sa propre pratique.
-Construire un « patrimoine culturel de proximité » concernant les situations et les notions abordées pendant le conseil. Tension entre permanence et évolution du conseil et des institutions.
-Prendre le temps d’analyser sa pratique, avec les pairs ou avec les chercheurs. Alterner, comme l’élève, temps d’action et temps de réflexion.
 
 
Extraits des séances observées et commentées
 
1ère situation : la constitution des équipes de football
 
    Extrait de la séance de classe (CM1/CM2)
 
Les élèves rencontrent un problème réel dans la constitution des équipes pendant la recréation, c’est pourquoi dans le conseil d’école une proposition a été faite (qui est maintenant discutée dans les classes) à savoir de faire un tableau où les élèves vont s’inscrire le matin dès leur arrivée. Mais il y a des élèves qui trouvent que la réalisation de cette idée sera difficile comme le montre l’extrait suivant :
132. R : Moi je trouve que ça va pas être une bonne idée parce que déjà M il voudra pas tenir avec les autres parce que il veut tenir obligé avec S et H / Je crois que ça va pas être une bonne idée
133. M :Ben et alors ils jouent entre amis ils vont pas jouer avec des gens qui vont se disputer à chaque fois et tout
134. A : V
135. V :Ben moi je dis que ça va être encore presque euh ça va encore faire des catastrophes parce que en fait quand ils vont s'inscrire et ben ils vont se mettre d'accord mais après y'en a un autre qui va dire ben non je voulais ça / Ça va encore faire des histoires de XXX / Alors que dans le jour-même on peut tout de suite changer
136. M : Comme euh celui sait qui qu'il l'avait dit le premier inscrit eh ben il est dans l'équipe et si le dernier qui arrive et puis qui est pas dans la première équipe et ben il s'inscrit dans la deuxième équipe / Y'a qu'une seule façon de faire
137. A : D
138. D : Moi je dis oui mais euh qu'est-ce qui dit euh la proposition de R je dis euh parce que à chaque fois qu'on arrive au plateau et que ça soit avec Ar ben y'en a euh par exemple nous on est que cinq et eux par exemple huit / Au lieu qu'ils nous passent un ou deux joueurs ben ils commencent à dire ben non on vous les passera pas / Ils commencent à nous traiter et tout / Donc euh autant qu'on fait les équipes à 8 heure 20 - 8 heure et demi comme ça on arrive sur le plateau les équipes elles sont déjà faites et on peut jouer un petit peu plus longtemps euh un petit peu plus longtemps
139. A : XXX
140. Maître : Il prend la parole c'est pour ça que ça a été proposé / Il a très bien résumé la situation / On est arrivé à cette conclusion là / Y'a une proposition qui est sortie parce que y'a tout le temps des soucis au niveau des matchs de football pendant la récréation / Donc y'a un Val qui a proposé cette histoire de tableau mais bon ça n'a jamais été fait / Faut peut-être essayer pour voir si ça marche ou pas / D'accord!
 
    Extrait de l’entretien d’auto-confron-tation :
 
Enseignant-formateur : Cette scène m’intéresse parce que tu es en train de demander aux élèves de se répartir dans les équipes alors qu’ils ne le feront jamais normalement parce qu’ils veulent être avec machin pour gagner et donc on est dans une demande morale, éthique, qui est pour l’enfant extrêmement compliquée / nous, il nous semble normal d’équilibrer des équipes tandis qu’eux ils vont déclencher des tas de stratégies pour se mettre avec ceux qu’ils veulent / ça, ça pourrait faire l’objet d’une réflexion tu vois ? Parce que là tu passes du problème à une solution et on n’a pas passé par une réflexion sur l’équité par exemple / alors là il y a un problème le problème est clair 10 joueurs contre 4 ça ne va pas / peut-être que là il y aurait un espace pour la problématisation.
Enseignant : le mieux c’est quand il y a quelqu’un d’autre / un adulte qui fait les équipes et qui fait l’arbitre.
Enseignant –formateur : donc demander à quelqu’un d’autre de faire l’équité à leur place / parce qu’ils n’ont pas de modèle à ce propos / les meilleures équipes du monde sont celles où il y a le plus d’argent / il n’y a pas d’équité / dans la vie c’est celui qui a le plus de fric qui embauche les meilleurs joueurs / donc là il y a quelque chose à faire / entre ce problème qui est clair et la solution qui est de proposer un tableau on peut proposer une phase de réflexion.
[…] Ca serait quand même intéressant que quelques mots soient dits pour repérer cette situation en termes d’équité pour l’avoir après pour analyser d’autres situations par exemple un pays pauvre par rapport un pays riche / La répartition des ressources dans les pays // tu vois ? l’utiliser pour analyser des situations qui auraient à voir avec l’équité / mais il faut le repérer le dire pour que cette idée voyage / moi je vis des choses et quand je vois des choses qui se passent dans la vie à la télé ou dans un journal ça va me parler parce que moi j’ai vecu quelque chose qui ressemble à ça / juste un mot / en fait ta réflexion c’est « de quoi on vient de parler ? » en ce moment-là.
Enseignant : moi ce que je voulais c’est clarifier les choses les aider à trouver une solution je reste vraiment très terre à terre / mais là je me rends compte qu’on aurait pu en parler et faire même le lien avec les équipes de football / ça serait très parlant pour eux.
 
2ère situation : le respect du matériel collectif
 
  1. Extrait de la séance de classe (CM1/CM2)
Discussion effectuée en classe autour d’une action critiquée par un élève : il a vu quelqu’un de la classe jeter le rouleau de papier de toilette par la fenêtre.
  1. O : Moi et J on critique H parce qu’on l’a vu jeter le papier de toilette du deuxième étage et c’est pas bien parce que maintenant si on va aux toilettes au deuxième étage il n’y a plus de papier
  2. J : Et moi je critique I parce qu’elle avait dit que c’était moi, et O qui avons jeté le papier de toilette
  3. V: moi je dis que déjà une fois c’étais D. et après c’était quelqu’un d’autre et je ne sais plus combien il y en a / je crois que ça fait que deux
  4. Lé : moi j’étais avec L et O et on l’avait vu la dernière fois qu’il était à côté de la fenêtre, il commençait à faire ça [elle lève les bras comme si elle touchait quelque chose] et puis dès qu’il nous a vus il a commencé à avancer vers les escaliers et puis après il est resté là longtemps 
  5. L : moi je dis que c’est vrai, il y a plusieurs groupes qui disent que c’est ça / moi et Lé et toi on l’avait vu et puis quand on a voulu le dire au prof et puis quand on est remonté il était encore en haut et je crois qu’il attendait pour le faire
  6. Sa : moi je dis que c’est la vérité parce que au début quand je suis montée il y avait toujours le papier de toilette et après quand j’ai vu H monter, il montait toujours aux toilettes et moi je me suis dit pourquoi il monte toujours aux toilettes il a envie de faire pipi et peut-être c’est vrai c’est lui qui jette le papier de toilettes
  7. Maître : quelle est la conséquence maintenant de ce problème ? Il y a trois gros rouleaux qui ont été jetés par la fenêtre, un rouleau ça coûte plus que 10 euros, qu’est-ce qui arrive maintenant pour ces toilettes ?
  8. Ma : On ne peut plus monter
  9. Maître : Si on peut monter mais il n’y a plus de papier / donc c’est bien ou c’est pas bien qu’il n’y a plus de papier ?
  10. Tous : c’est pas bien.
  11. M : parce que //
  12. Maître : maintenant il n’y a plus de papier / et la seule solution qu’on a trouvée, puisqu’on n’arrive pas à savoir qui a fait ça, en plus il a continué, et s’il y en a plusieurs ce n’est pas très intelligent / la seule solution c’est qu’on a enlevé le papier de toilette
  13. M : Moi je propose que comme il y a plusieurs personnes qui disent que c’est H / on peut le mettre en observation et le surveiller un peu plus
  14. Maître : Il n’y a plus de papier de toilette
  15. O : Moi je l’ai vu et je lui demandais ce qu’il faisait et il a fait ouais
  16. R : moi je dis que Samuel m’a demandé si c’est J et moi je dis que ce n’est pas J parce qu’il arrive même pas à toucher les fenêtres même si il monte sur les toilettes, il est trop petit et puis après Samuel m’a dit ah oui c’est toi et il a été le dire à Monsieur H
  17. Maître : On vient de parler de quoi maintenant ?
  18. V: on vient de parler qu’on jette le papier de toilettes mais aussi ça cause des inondations / une fois quand je suis allé il y avait une marre d’eau et puis la fenêtre était ouverte et j’ai fermé la fenêtre
  19. Maître : Ca concerne quoi le problème de papier de toilette ?
  20. O : moi je trouve que ça fait un peu de gaspillage et puis le papier de toilette ça met du temps pour se dégrader et moi je trouve que ça fait de la pollution et puis c’est pas bien et puis moi aussi je l’ai vu
  21. Maître : on ne parle plus de ce qu’on a vu, on parle de ce qu’on vient de parler ca concerne en général / ça concerne quoi ?
  22. M : de la coopérative parce que l’école elle paye et puis après on manque d’argent
  23. Maître : la coopérative c’est quoi alors ? Ca concerne qui ?
  24. O : ça concerne l’école
  25. Maître : et qui est à l’école ?
  26. Tous : les élèves
  27. Maître : tout le monde / ça concerne tout le monde / c’est le respect de tout le monde, on est sur une question de respect / respect du matériel qui appartient à soi et à tout le monde / le matériel qui appartient à la collectivité O / ok ? Alors, on continu ?
 
  1. Extrait de l’entretien d’auto-confrontation :
 
Enseignant –formateur : c’est dit, c’est bien / tu dis « de quoi on vient de parler ? » V parle du gaspillage / on passe juste au-dessus pas très haut mais un petit peu // parce que la prochaine fois que quelqu’un va crever un ballon ou va péter un équipement sportif on sortira hup c’est du matériel collectif ça appartient à tout le monde donc à personne / on peut dire ça / donc ça appartient à personne ou à tout le monde / parce qu’on peut bien dire « ce n’est pas à moi » / donc tu sais dans ma classe on avait interdit le chewing-gum / non parce que c’était impoli mais parce que tout le monde n’en avait pas / donc on était jaloux de celui qui en avait / et là ça pourrait être de demander qui est-ce qui aimerait bien dérouler un papier de toilette du haut de la fenêtre de l’école / ramener l’événement au fait moral c’est-à-dire aux dégradations / oui mais il y a aussi le point de vue de l’acteur cette notion-là « moi j’aimerais bien le faire aussi, mais pourquoi je me retiens ? » / et pourquoi tout le monde ne le fait pas ? Et on va punir aussi pourquoi il est nécessaire de punir ? Je m’interroge toujours sur ce truc de moral qu’on donne comme étant évident quasiment alors qu’en fait ce ne l’est pas / et puis un autre jour, en arts plastiques on va tous grimper sur le toit et on va coller des rouleaux hygiéniques on va tapisser l’école pourquoi pas dans le cas d’un projet d’arts plastiques / interroger qu’est-ce qui fait qu’on ne le fait pas tous / c’est l’interdit / tu as un espace de liberté et la question est comment tu gères cet espace de liberté
Enseignant : là, quand tu dis cela c’est intéressant mais après quand tu les vois / j’ai du mal à imaginer une grosse partie des élèves qui aura une abstraction comme ça / aller jusqu’à un raisonnement comme ça sans qu’il y ait un peu de justification de l’acte alors que là / si le maître dit « ça c’est grave » alors que ce n’est pas grave mais en même temps //
Enseignant –formateur : en même temps ce n’est pas grave non plus, demain il y aura du papier de toute façon on va finir par fermer les toilettes et cela ne va pas les déranger / par exemple la première année il y a eu des vols à l’école il s’est passé à l’heure du midi parce qu’au départ on voulait que tout soit ouvert à l’école et qu’on circule en liberté et donc après cet événement on a officiellement fait part aux classes qu’on allait fermer les classes à clé chaque fois qu’on sortirait et on pensait que les gamins seraient tristes mais non, parce qu’ils vivent dans un environnement où tout est fermé à clé / donc cela ne les dérange pas.