Ses différentes activités s’inscrivent par ailleurs dans une vie sociale très riche :
- Expériences scientifiques, issues souvent de ses fonctions officielles, menées avec de nombreux collaborateurs et présentées publiquement à l’occasion,
- Correspondants dans toute l’Europe,
- Réceptions : son salon regroupe savants français et étrangers en visite, philosophes, économistes, aristocrates.
L’année 1768 voit son entrée dans les deux organismes où se déroulera conjointement sa vie publique : la Ferme Générale et l’Académie des Sciences.
La Ferme Générale
Il rachète une part de Fermier Général à son propriétaire.
La Ferme contracte avec le Contrôleur Général des Finances un bail de six ans qui fixe le montant annuel versé au Trésor. les Fermiers sont chargés du recouvrement. Leur bénéfice provient de la différence entre l'impôt perçu (une fois déduits frais fixes et salaires) et la somme versée.
1. Chaque charge peut être subdivisée, ainsi, au décès de son propriétaire, Lavoisier achète 1/3 de part.
2. La gabelle, impôt sur le sel, et les traites, douane perçue aux péages et entrées des villes.
En 1775, Turgot3 charge 5 personnes, dont Lavoisier, de remplacer la Ferme des Poudres par une Régie directement contrôlée par l’État.
La Ferme des Poudres est une Compagnie financière autonome, chargée de fournir l’État en poudres à usage militaire et civil (canons, fusils, feux d’artifice, mines…). Une de ses tâches est donc d’assurer l’approvisionnement en salpêtre (nitrate obtenu à partir des tâches vert noirâtre présentes sur les murs humides et les gravats). Or il faut avoir recours à des importations ruineuses.
Lavoisier limite le droit de fouille chez les particuliers, organise la formation des ouvriers chargés de la transformation du salpêtre, s’occupe de faire créer des nitrières artificielles.
En 1776, il s’installe à l’Arsenal4. Ses efforts de réorganisation et les recherches pour améliorer la qualité de la poudre portent leurs fruits. Dès 1778, la poudre française est devenue la meilleure d’Europe et une partie est exportée.
À partir de 1774-1775, il devient de plus en plus influent à la Ferme Générale. Il prend une part active à l’administration et ses nombreux déplacements nourrissent sa réflexion sur l’économie.
Influencé aussi par Turgot et son ami Dupont de Nemours5, il ne croit plus au seul pouvoir de l’argent et est attiré par les thèses des physiocrates modernes.
3. Voir article : Lavoisier et la Révolution
4. Les bâtiment (où l’on ne fabrique plus de poudre) comportent : le grand Arsenal, résidence du ministre d’Argenson et le petit Arsenal où Lavoisier dispose d’un appartement et un vaste espace pour installer son laboratoire.
5. Pierre-Samuel Dupont (1739-1819), dit de Nemours, fils d’horloger. Il fréquente le salon de Lavoisier dont il devient l’ami. Il est un des fondateurs de la physiocratie. Député à l’Assemblée Nationale jusqu’en 1791, arrêté en 1794, épargné à la fin de la Terreur, il émigre aux Etats-Unis. Son fils Irénée fonde la firme Dupont de Nemours en 1802.
Quesnay (1694-1774, médecin) publie en 1758 un Tableau économique de la France. Il passe pour l’initiateur de la physiocratie moderne.
La physiocratie (du grec : gouvernement de la nature) prône le libre échange et la libre entreprise.
Par ailleurs la richesse du pays est celle de tous ses habitants et non celle de l’État.
Le pays est divisé en 3 classes :
- la classe productive (l’agriculture) qui seule génère des profits,
- la classe des propriétaires, qui exerce la souveraineté,
- la classe stérile, qui ne crée pas de richesses (industrie, commerce, professions libérales).
- Il a acheté à Freschines -en Beauce- une grande propriété (presque 1200 ha). D’après ses observations, le rendement en blé est très insuffisant par manque d’engrais. Il investit donc dans le cheptel (bovins, ovins), impose la création de prairies artificielles, exige l’hygiène dans les étables. Le rendement en blé augmente. De plus les paysans disposent, avec le nombre accru d’animaux, de viande, de laine à transformer.
- Il s’engage activement, à partir de 1785, dans les réformes instituées par Calonne, publie un ouvrage : Sur les encouragements qu’il est nécessaire d’apporter à l’agriculture. Il y analyse les obstacles à son développement dont : les impôts (tels la taille et la corvée), des coutumes archaïques (telles les moulins banaux). Il imagine un grand ministère de l’agriculture, un programme économique et social comprenant l’assèchement des marais, la création d’industries familiales (traitement du lin, de la laine, …), une assurance mutuelle.
La Caisse d’Escompte
Lavoisier entre en 1788 au conseil d’Administration de la Caisse d’Escompte dont il prend ensuite la présidence. Caisse d’Escompte
Banque privée créée en 1776 par Turgot. Ses missions : - escompter les effets de commerce, - recevoir des dépôts, - faire le commerce d’or et d’argent. Elle a le droit d’émettre des billets et elle réserve l’essentiel de son concours à l’État. Necker, durant son deuxième ministère, demande sans cesse des prêts à la Caisse d’Escompte.
Malgré les sommes qu’elle a engagées, elle est sans cesse en butte aux attaques de l’Assemblée. Lavoisier réfute les accusations et prône la création d’une banque nationale. Son projet est refusé, la Caisse reste une banque privée pour être finalement dissoute en 1793.
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La réforme de la Ferme Générale
Lors du renouvellement du bail en 1780, Necker procède à une réforme profonde de la Ferme. Elle ne garde que la gabelle et les traites, le nombre des Fermiers est ramené à 40 et leurs bénéfices sont partagés avec l’État.
Lors de sa liquidation6, en 1791, Lavoisier, nommé parmi les commissaires de la nouvelle Trésorerie Nationale, ne fait pas partie de ses liquidateurs. 6. voir article : Lavoisier et la Révolution.
Le mur des Fermiers Généraux
Les fraudes à l’octroi sont nombreuses. Lavoisier propose, dès 1779, la construction d’un mur autour de Paris. Celui-ci est finalement réalisé à partir de 1787. La muraille entoure totalement la ville ; 45 pavillons, tous différents, marquent les portes.
L’impopularité du mur rejaillira sur Lavoisier. |
L’Académie des Sciences
Elle est divisée en six classes : géométrie, astronomie, mécanique, botanique, chimie, anatomie.
Elle remplit diverses missions :
- vis-à-vis de l’État : fournir des avis techniques sur des sujets d’intérêt général (urbanisme, équipement, marine, guerre, …)
- vis-à-vis du public : aider les savants et les artisans à faire reconnaître leurs inventions et les protéger.
- des analyses des eaux minérales et potables.
Comme il est jeune, actif, on lui confie la rédaction de nombreux mémoires sur des sujets variés. Sa jeunesse par contre, ainsi que ses absences dues aux déplacements pour ses inspections, l’écartent alors des débats sur la recherche fondamentale.
Ainsi Magellan7 envoie en 1772 à l’Académie un mémoire de Priestley8 sur les propriétés de « l’air fixe » encore inconnu à Paris. Lavoisier est chargé de traduire les articles et poursuivre les recherches.
8. voir article Lavoisier : la chimie pneumatique (chimie des gaz)
1792 et 93 marquent une activité intense des savants. L’Académie donne son avis sur de multiples sujets et on assiste à la création de nombreuses commissions.
Le travail le plus important est l’unification des poids et mesures qui aboutira à l’élaboration du système métrique. Le rapport définitif paraît en 1793.
Mais de nombreuses attaques viennent de la Convention. Lavoisier, trésorier, obtient difficilement les subventions nécessaires à la poursuite des travaux. Août 1793 voit finalement la suppression de toutes les Académies
La réflexion sur l’agriculture