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logo ressource btn Lavoisier : grand commis de l'État

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Dans :  Histoire-Géo › 
Septembre 2011
Le savant a aussi joué un rôle important dans la vie publique durant les dernières années du règne de Louis XVI et le début de la Révolution.
Lavoisier mène de front vie publique et recherches scientifiques grâce à un emploi du temps rigoureux.
Ses différentes activités s’inscrivent par ailleurs dans une vie sociale très riche :
- Expériences scientifiques, issues souvent de ses fonctions officielles, menées avec de nombreux collaborateurs et présentées publiquement à l’occasion,
- Correspondants dans toute l’Europe,
- Réceptions : son salon regroupe savants français et étrangers en visite, philosophes, économistes, aristocrates.
L’année 1768 voit son entrée dans les deux organismes où se déroulera conjointement sa vie publique : la Ferme Générale et l’Académie des Sciences. 

La Ferme Générale
Il rachète une part de Fermier Général à son propriétaire.

 Cette société aux capitaux privés, comptant soixante actionnaires1 est chargée de recouvrer les impôts indirects2, les revenus du domaine royal, les taxes sur les boissons.
La Ferme contracte avec le Contrôleur Général des Finances un bail de six ans qui fixe le montant annuel versé au Trésor. les Fermiers sont chargés du recouvrement. Leur bénéfice provient de la différence entre l'impôt perçu (une fois déduits frais fixes et salaires) et la somme versée.
Chaque Fermier touche une rémunération fixe, un intérêt sur le capital investi, et une part du bénéfice qui sera calculé à la fin du bail.

1. Chaque charge peut être subdivisée, ainsi, au décès de son propriétaire, Lavoisier achète 1/3 de part.
2. La gabelle, impôt sur le sel, et les traites, douane perçue aux péages et entrées des villes.

 

La Ferme puis Régie des Poudres et Salpêtres
Il y est d’abord « tourneur », soit inspecteur régional chargé de lutter contre les fraudes sur le tabac : «mouillade » (surcharge en eau), adjonction de cendre ou contrebande.
En 1775, Turgot
3 charge 5 personnes, dont Lavoisier, de remplacer la Ferme des Poudres par une Régie directement contrôlée par l’État.
 
Champ de tabac et hangar de séchage
 

 

 La Ferme des Poudres est une Compagnie financière autonome, chargée de fournir l’État en poudres à usage militaire et civil (canons, fusils, feux d’artifice, mines…). Une de ses tâches est donc d’assurer l’approvisionnement en salpêtre (nitrate obtenu à partir des tâches vert noirâtre présentes sur les murs humides et les gravats). Or il faut avoir recours à des importations ruineuses.

Lavoisier limite le droit de fouille chez les particuliers, organise la formation des ouvriers chargés de la transformation du salpêtre, s’occupe de faire créer des nitrières artificielles.
En 1776, il s’installe à l’Arsenal
4. Ses efforts de réorganisation et les recherches pour améliorer la qualité de la poudre portent leurs fruits. Dès 1778, la poudre française est devenue la meilleure d’Europe et une partie est exportée.
À partir de 1774-1775, il devient de plus en plus influent à la Ferme Générale. Il prend une part active à l’administration et ses nombreux déplacements nourrissent sa réflexion sur l’économie.
Influencé aussi par Turgot et son ami Dupont de Nemours
5, il ne croit plus au seul pouvoir de l’argent et est attiré par les thèses des physiocrates modernes.

3. Voir article : Lavoisier et la Révolution
4. Les bâtiment (où l’on ne fabrique plus de poudre) comportent : le grand Arsenal, résidence du ministre d’Argenson et le petit Arsenal où Lavoisier dispose d’un appartement et un vaste espace pour installer son laboratoire.
 5. Pierre-Samuel Dupont (1739-1819), dit de Nemours, fils d’horloger. Il fréquente le salon de Lavoisier dont il devient l’ami. Il est un des fondateurs de la physiocratie. Député à l’Assemblée Nationale jusqu’en 1791, arrêté en 1794, épargné à la fin de la Terreur, il émigre aux Etats-Unis. Son fils Irénée fonde la firme Dupont de Nemours en 1802.

 

Les physiocrates
Quesnay (1694-1774, médecin) publie en 1758 un Tableau économique de la France. Il passe pour l’initiateur de la physiocratie moderne.
La physiocratie (du grec : gouvernement de la nature) prône le libre échange et la libre entreprise.
Par ailleurs la richesse du pays est celle de tous ses habitants et non celle de l’État.
Le pays est divisé en 3 classes :
- la classe productive (l’agriculture) qui seule génère des profits,
- la classe des propriétaires, qui exerce la souveraineté,
- la classe stérile, qui ne crée pas de richesses (industrie, commerce, professions libérales).

 

 

Lavoisier a de nombreuses raisons de s’intéresser à l’agriculture. Au cours de ses voyages en France (dans le cadre des relevés minéralogiques puis dans celui de ses fonctions de Fermier Général), il a pu observer tout ce qui pèse sur la vie des paysans et met régulièrement en danger l’approvisionnement du pays. Par ailleurs des courants de réflexion existent à partir –entre autres- de l’exemple anglais et des physiocrates. Déjà plusieurs nobles ont tenté, sur leurs terres, des réformes.
L’action de Lavoisier se développe sur deux plans :
- Il a acheté à Freschines -en Beauce- une grande propriété (presque 1200 ha). D’après ses observations, le rendement en blé est très insuffisant par manque d’engrais. Il investit donc dans le cheptel (bovins, ovins), impose la création de prairies artificielles, exige l’hygiène dans les étables. Le rendement en blé augmente. De plus les paysans disposent, avec le nombre accru d’animaux, de viande, de laine à transformer.

- Il s’engage activement, à partir de 1785, dans les réformes instituées par Calonne, publie un ouvrage : Sur les encouragements qu’il est nécessaire d’apporter à l’agriculture. Il y analyse les obstacles à son développement dont : les impôts (tels la taille et la corvée), des coutumes archaïques (telles les moulins banaux). Il imagine un grand ministère de l’agriculture, un programme économique et social comprenant l’assèchement des marais, la création d’industries familiales (traitement du lin, de la laine, …), une assurance mutuelle.

La Caisse d’Escompte
Lavoisier entre en 1788 au conseil d’Administration de la Caisse d’Escompte dont il prend ensuite la présidence. 
 
Caisse d’Escompte
Banque privée créée en 1776 par Turgot.
Ses missions :
- escompter les effets de commerce,
- recevoir des dépôts,
- faire le commerce d’or et d’argent.
Elle a le droit d’émettre des billets et elle réserve l’essentiel de son concours à l’État.
 
 Necker, durant son deuxième ministère, demande sans cesse des prêts à la Caisse d’Escompte.
Malgré les sommes qu’elle a engagées, elle est sans cesse en butte aux attaques de l’Assemblée. Lavoisier réfute les accusations et prône la création d’une banque nationale. Son projet est refusé, la Caisse reste une banque privée pour être finalement dissoute en 1793.
La réforme de la Ferme Générale
Lors du renouvellement du bail en 1780, Necker procède à une réforme profonde de la Ferme. Elle ne garde que la gabelle et les traites, le nombre des Fermiers est ramené à 40 et leurs bénéfices sont partagés avec l’État.
Lors de sa liquidation6, en 1791, Lavoisier, nommé parmi les commissaires de la nouvelle Trésorerie Nationale, ne fait pas partie de ses liquidateurs.
 
 6. voir article : Lavoisier et la Révolution.
 
Le mur des Fermiers Généraux
Les fraudes à l’octroi sont nombreuses. Lavoisier propose, dès 1779, la construction d’un mur autour de Paris. Celui-ci est finalement réalisé à partir de 1787. La muraille entoure totalement la ville ; 45 pavillons, tous différents, marquent les portes.
L’impopularité du mur rejaillira sur Lavoisier.

 L’Académie des Sciences

 Le décès de son titulaire libère, à l'Académie, une place de chimiste adjoint, laquelle est offerte à Lavoisier.
 
Fondée par Colbert, elle compte 12 membres honoraires (des grands seigneurs), 18 pensionnaires, 12 membres associés, 12 membres adjoints, un secrétaire perpétuel et un trésorier.
Elle est divisée en six classes : géométrie, astronomie, mécanique, botanique, chimie, anatomie.
Elle remplit diverses missions :
- vis-à-vis de l’État : fournir des avis techniques sur des sujets d’intérêt général (urbanisme, équipement, marine, guerre, …)
- vis-à-vis du public : aider les savants et les artisans à faire reconnaître leurs inventions et les protéger.
 
 Il travaille dans un premier temps sur l’eau :
- une étude pour amener l’eau de l’Yvette à Paris (abandonnée faute de finances),
- des analyses des eaux minérales et potables.
Comme il est jeune, actif, on lui confie la rédaction de nombreux mémoires sur des sujets variés. Sa jeunesse par contre, ainsi que ses absences dues aux déplacements pour ses inspections, l’écartent alors des débats sur la recherche fondamentale.
Il entame certains de ses travaux les plus importants, non par intérêt personnel, mais pour répondre à une demande de l’Académie.
Ainsi Magellan
7 envoie en 1772 à l’Académie un mémoire de Priestley8 sur les propriétés de « l’air fixe » encore inconnu à Paris. Lavoisier est chargé de traduire les articles et poursuivre les recherches.
 
 7. moine portugais, descendant du navigateur, il pratique l’espionnage scientifique.
8. voir article Lavoisier : la chimie pneumatique (chimie des gaz)

La direction de l’Académie
L’année 1785 est fertile en débats, dont un projet de réforme. Lavoisier, nouveau directeur pour un an, fait accepter son projet qui permet de créer deux nouvelles classes (physique générale et histoire naturelle-minéralogie) sans augmenter le nombre d’académiciens. Il participe activement à la commission des hôpitaux9 mais le projet se heurte à la résistance de l’Église et le projet est abandonné.
 

 

Il prévoit aussi le programme scientifique confié à l’expédition de La Pérouse10, met au point pour celle-ci un appareil de dessalement de l’eau de mer (à partir d’un appareil anglais).

 

 

9. L’Hôtel-Dieu accueille 3 à 4000 malades/jour en disposant de 1219 lits, sans séparation des malades contagieux. La commission proposait 4 hôpitaux plus spécialisés, avec des salles bien aérées
10. La Pérouse, 1741-1788. Navigateur français chargé par Louis XVI d’une mission d’exploration des rivages américains et asiatiques. Il disparaît avec ses deux bateaux lors de ce voyage.

 

La période révolutionnaire

1792 et 93 marquent une activité intense des savants. L’Académie donne son avis sur de multiples sujets et on assiste à la création de nombreuses commissions.
Le travail le plus important est l’unification des poids et mesures qui aboutira à l’élaboration du système métrique. Le rapport définitif paraît en 1793.
Mais de nombreuses attaques viennent de la Convention. Lavoisier, trésorier, obtient difficilement les subventions nécessaires à la poursuite des travaux. Août 1793 voit finalement la suppression de toutes les Académies

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La réflexion sur l’agriculture

 

 

Crédit iconographique : 
photos : S.Connac, A.Dhénin