Aventure balkanique ou Le récit d’un travail à vingt-huit mains
“ Qu’est-ce que vous cherchez exactement ? Vous avez bien une idée derrière la tête ? ”
À ces questions-là, je n’ai toujours pas de réponse prête.
D’ailleurs, si j’en avais une, je crois que je cesserais de voyager. ”
(François Maspero, Balkans-Transit)
Et pourquoi pas ?
Vendredi 13 avril 2001, onze élèves du lycée expérimental de Saint-Nazaire, deux enseignants et un photographe ont rendez-vous sur le quai de la gare de Saint-Nazaire. Destination Sarajevo.
Ils en rêvent depuis plusieurs mois. L’idée a germé dans la tête d’un élève en juin 1998, a mûrie lors d’un premier voyage en 1999 et prend tout son sens à la rentrée suivante où un groupe d’un quinzaine d’élèves se forme et prépare le voyage. Les démarches s’enchaînent (comment s’y rendre, à quels prix, où dormir, pour y faire quoi). Personne ne connaît la ville, on n’y connaît personne. Il va donc falloir tisser des liens avant de partir, écrire, contacter des associations françaises … les rencontrer. Les élèves ont une part majeure dans tout ce travail préparatoire. C’est eux qui ont trouvé les premiers contacts téléphoniques. Plusieurs soirs au lycée, nous mangerons avec Pascal qui s’est rendu en Bosnie pendant la guerre. Nous irons à Nantes, participer à une réunion de l’Assemblée européenne des citoyens pour présenter notre projet et chercher une aide logistique. |
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Pour découvrir la Bosnie, la guerre, nous avons travaillé ensemble deux ateliers, c’est-à-dire pendant toutes les matinées de deux quinzaines. En plus, nous avions une réunion une fois par quinzaine puis une par semaine ; nous avons mangé ensemble plusieurs soirs ; nous avons animé des soirées cinéma au lycée autour des films Chat noir chat blanc d’Emir Kusturica, Warriors, Le cercle parfait d’Ademir Kenovic.
Nous avons regardé ensemble des documentaires : Chronique d’une ville assiégée, qui, au delà du siège, s’interroge sur le regard du caméraman, le rôle des médias … My Private Sarajevo, court métrage retraçant le travail plastique d’un artiste sarajévien sur sa ville, sa famille et la guerre. Il y a des choses qui ne se commentent pas. Et nous sommes sortis en silence bien des fois de ces projections. Nous n’avons pas cherché à faire un retour sur les racines historiques du conflit en Bosnie, ce qui nous intéresse, c’est la situation actuelle. |
Aller à Sarajevo ? Mais pour faire quoi ?
Cette question nous a souvent été posée et nous nous la posons nous-mêmes souvent pendant notre voyage.
“ Qu’est-ce qu’on fout-là ? Curiosité, voyeurisme inconscient, pitié, honte ? … ” (Simon).
Nous définissons plusieurs projets : un livre, une exposition, une vidéo. C’est ambitieux tout ça et ces idées posent de nombreux problèmes, soulèvent des questions, des interrogations sur notre capacité à mener à bien ce travail, effrayent certains élèves qui se voient face à une montagne indépassable. Comment écrit-on un livre ? C’est quoi une exposition photos ? Comment construit-on un reportage vidéo? |
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Un livre ?
D’accord mais quel genre ? Une analyse, historique ? Un recueil de nouvelles ? Il en existe des dizaines des livres sur Sarajevo, historique, politique, … L’année dernière, nous avions réalisé une exposition sur les héritages culturels des Balkans et la situation politique actuelle. Cette année, le groupe veut se démarquer et cherche à définir un autre projet, moins politique, tourné davantage sur la vie quotidienne à Sarajevo. Finalement, nous choisissons de réaliser un abécédaire. Il reste à définir les thèmes avant de partir, imaginer ce qu’est la vie quotidienne à Sarajevo. Mais c’est quoi la vie quotidienne en France ? Qu’est-ce qui vous intéresse ? Quelles questions poseriez-vous pour découvrir et comprendre le quotidien ? De quoi va-t-on parler ? que va-t-on demander aux gens ? … |
Dans un premier temps, chacun d’entre nous associe des mots à chaque lettre de l’alphabet. Nous comparons nos trouvailles respectives, tous les mots sont recensés au tableau. Certaines idées se croisent, On se confronte, on justifie, on choisit de conserver un ou deux thèmes par lettre. Cette démarche nous oblige à préciser le contenu de chaque rubrique, notre façon de les concevoir. C’est une véritable construction collective. Nous décidons que la forme de chaque thème est libre : récits, interviews, mais aussi photos, dessins. Chaque élève choisit au minimum quatre thèmes qu’il s’engage à réaliser sur place.
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