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L’amicale des directeurs et directrices d’école qui pataugent sans assistants

Quatrième billet hébergé ici de Véronique Decker, directrice d'école à Bobigny. Où l'on voit que ses tribulations ne relèvent pas de l'exception. L.C.

Les directeurs et directrices d'école de Bobigny appartiennent à différents courants de pensée, différents syndicats professionnels, mais se retrouvent presque tous ensemble aux réunions de « l'amicale laïque des directeurs et directrices d'école de Bobigny ».

Cette association, créée depuis des temps presque immémoriaux, permet de gérer nos relations avec la mairie et l'Inspection de manière plus collégiale, d'autant que parfois les divergences et les accords ne recoupent pas toujours les étiquettes pré-établies.

L'adhésion est modique : quelques euros, destinés à renouveler l'apéritif, car les réunions ayant lieu le soir après l'étude, donc vers 18h30, c'est juste l'heure pour boire un coup, juste un, car tous nous tenons à conserver notre permis de conduire....

Réunion de ce soir : on parle d'abord et avant tout des assistants. Tous les directeurs et directrices pataugent sans aide, et il n'est pas question pour nous de poursuivre dans ces conditions. Donc, étant donné que des appels syndicaux sont également lancés en ce sens, l'amicale organise la prochaine « grève des directeurs ». Nous l'avions déjà faite il ya quelques années, (en tout cas, nous, les anciens), justement pour avoir de l'aide dans toutes les écoles.

Eh bien, c'est reparti…

Nous sommes tous désolés pour la nouvelle inspectrice, qui vient juste d'arriver. Mais nous n'irons plus aux réunions, nous ne rendrons plus de courrier, nous ne communiquerons plus que sur le plan pédagogique, pour ne pas pénaliser les élèves ni les collègues. Et du coup, ceux qui remplissaient Base élèves ne le rempliront plus.

Nous avons besoin de nos assistants.

Aujourd'hui, dans mon école, pendant la moitié de la journée, il n'y avait plus personne au bureau, personne pour répondre au téléphone, quand on sait que la majorité des familles ont des difficultés à mettre un mot dans les cahiers de correspondance...

J'ai dû aller déposer des courriers pour le médecin scolaire. Lui-même est au bord du gouffre, car c'est l'unique médecin scolaire de la ville : nous avons trois postes, mais deux ne sont pas pourvus, alors que la ville compte 27 écoles, 4 collèges et 3 lycées, le tout contenant quelques soucis médicaux et sociaux qui occuperaient facilement 5 médecins à temps plein.

Le médecin m'a demandé d'appeler les services sociaux de la ville au sujet du dossier déposé… mais lesdits services ne répondaient pas (ils ont besoin de temps pour traiter les dossiers et n'ont pas quatre bras).

Dans toutes les écoles, des problèmes insolubles

Bref, dans toutes les écoles, l'absence des assistants pose des problèmes insolubles. L'an passé, j'aurais envoyé un assistant porter le courrier d'un coup de vélo au médecin, et j'aurais eu quelqu'un au bureau pour répondre au téléphone pendant que j'étais partie au bureau des assistantes sociales.

Partout, on nous dit que c'est la faute à la LOLF, ou la faute à la RGPP. Mais derrière ces sigles à 4 lettres dont je ne maîtrise pas bien les contenus, il y a des décisions qui ruinent notre action et notre moral.

L'amicale nous permet de nous remonter le moral. Qui a reçu la livraison de papier ? Pas toi, ni toi non plus ? Ouf, donc mon école n'a pas été oubliée… Et pourquoi les livres ne sont-ils pas arrivés ? Un camion aurait été attaqué (pauvres voleurs mal renseignés : seulement des manuels scolaires, quelle poisse!), et la livraison serait en cours pour la semaine prochaine, mais cette fois avec un vigile pour accompagner le chauffeur.

Et les couches ? Une directrice de maternelle a reçu des parents pour refuser un enfant qui défèque sur lui et qu’ils envoyaient à l'école avec des couches. Les parents se plaignent à l'Inspection. Quelle décision sera prise ? Qui connaît les textes ? Rien n'est bien précis. Il faut sans doute s'adapter lorsque les enfants sont handicapés, mais un enfant « ordinaire »? Comment faire, surtout lorsque les absences des ATSEM (agent territorial spécialisé d'école maternelle) ne sont pas remplacées?

Les jeunes directeurs et directrices, nouvellement nommés, sont déjà écrasés sous le poids des difficultés et l'amicale est particulièrement amicale avec eux. Nous ne sommes pas un syndicat, nous ne sommes pas un « lobby » qui défend des intérêts propres. L'amicale n'intervient pas pour obtenir davantage pour les directeurs ou les directrices. Ce que nous réclamons, c'est pour les écoles, c'est pour les enfants, c'est pour défendre une qualité de vie et de travail pour les équipes enseignantes. Lorsque nous revendiquons pour nous, nous le faisons dans le cadre syndical.

Véronique Decker