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Novembre 2003

 

CréAtions n° 110 - Art et sciences se rencontrent -

publié en janvier-février 2004 (Editions PEMF)

Edito

 

 

Art et Science

 

“ La finalité, pour la science comme pour les arts, ce n’est pas l’efficacité… c’est l’émerveillement ” A. Jacquard

Aborder cette thématique revient à délimiter le territoire, à la fois commun et spécifique, des sciences et des arts dans l’éducation des enfants en particulier et dans l’éducation du regard sur le monde en général.

Les artistes et les scientifiques ont en commun la démarche de travail, celle qui fait d’eux des chercheurs : la dimension de création repose sur la capacité de questionnement du réel, de l’ici et maintenant. L’imagination créatrice ne serait-elle que le fruit d’une pensée qui se décentre et recherche le déséquilibre, le désordre … Un désordre qui s’organise et se donne à voir, autrement.

Artistes et scientifiques ont en commun l’expérience sensible de “ la résistance du réel ”, l’imprévisible et le non-décidable : pas de déterminisme et pas de logique fondée sur le couple vrai/faux ! Donc, dans un monde imprévisible, j’ai le droit d’estimer que je peux agir… les arts et les sciences, nous parlent de liberté…

Ce que les artistes et les scientifiques ont encore en commun et en partage avec l’humanité entière, c’est l’appréhension du monde par les sens : ces outils d’exploration du monde, dans les deux cas, sont extrêmement affinés. Pour les artistes, les sensations produites deviennent matière de travail, sujet en soi, pour les scientifiques, les informations produites sont objectivées afin de produire des faits. Premier clivage… pas si sûr, la finalité se situe sur le versant de la découverte, de toutes les découvertes… En témoigne le travail de l’école de Neuville en poitou avec “ le totem des cinq sens ”.

Si maintenant, à l’art et à la science, on choisit de mêler l’enfance, le point de convergence se déplace alors au-delà de ces trois entités et trouve sa résolution dans la nature. De tout temps, la nature a été considérée comme source de questionnement, modèle, l’art comme “ mimésis ” ou comme matériau, la science comme représentation modélisante, jusqu’aux plus stricts rudiments de l’abstraction géométrique. C’est ce que nous pouvons entrevoir dans les créations mathématiques des classes de CP et de CM : de la matérialité des chiffres au concept de symétrie, des lignes de fuite à la perspective.

Parmi les travaux présentés dans ce numéro, certains sont liés aux opérations manuelles de la technologie (les cabanes au collège, les maquettes à l’école élémentaire, la boîte à idée), d’autres manipulent plutôt des concepts associés à des repères culturels (l’exposition de l’IUT “homme-oiseau et dirigeable”, le jeu des 7 familles historique de l’école d’Hérouville Saint Clair, les créations mathématiques). Si les deux approches partagent la démarche d’investigation et de tâtonnement, la deuxième, par sa dimension historique qui lui donne un cadre de référence théorique et culturel, semble approcher une coloration plus scientifique. Or, la part du maître dans le cas des cabanes, comme des maquettes, apporte le fondement culturel qui alimente “ l’imagination créatrice ”. Apports culturels et tâtonnements empiriques sont intimement liés qu’il s’agisse d’art ou de sciences.

Où se niche donc ce qui a si souvent opposé les arts et les sciences ? On attribue généralement à la production artistique un mode de pensée qu’on rapproche de la pensée enfantine ou de celle des sociétés primitives : la pensée magique fondée sur une participation mystique à l’ordre des choses . La science se développe sur le socle de la pensée rationnelle et produit des connaissances relatives à l’explication du monde.

Sur la page de couverture, vous avez découvert une forme : certains verront l’algue “ mise en scène ” par l’enfant, d’autres verront l’oiseau qu’elle peut représenter. L’énigmatique dépend de la perception que l’individu a de la différence entre les deux points de vue, un dans lequel on se trouve placé d’emblée, et qui rend l’autre point de vue “ étrange ” (qui parle et d’où). Comme le dirait à peu près Michaux, dans “ misérables miracles ”, l'émancipation réside dans le travail qu’il nous faut faire pour nous rendre capable, et les enfants que nous accompagnons d’autant plus, de naviguer sur ces différents niveaux de la connaissance car le monde est changeant, comme constitué de reflets moirés. Il nous importe de les appréhender tous pour avoir une perception et un discernement plus complet de notre statut d’être humain...

Nous ne pourrions conclure cet édito, sans noter l’actualité de la problématique de ce numéro : dans quelques jours, se tiendra à Marseille, à l’Agora une exposition sur les “ écoulements laminaires ”. Elle s’appelle… Sables émouvants …           

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