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CréAtions n° 106 - Images animées - Edito

Avril 2003

 

CréAtions n° 106 - Images animées -

publié en mars-avril 2003 (Editions PEMF)

Edito

 

 

  Images animées, avez-vous donc une âme ?

Il est difficile d’adopter une posture critique devant un film, car en plus de la difficulté à se dégager de l’adhérence au contenu, il y a la difficulté à en embrasser tous les tenants, ceux de la perception (vitesse de défilement), ceux des relations (syntagmes, paradigmes). Roland Barthes dans “ Barthes par lui-même ” avoue préférer l’image fixe, parce qu’elle est instantanée, parce qu’elle est un condensé.

Car l’image fixe a la valeur de l’icône, de la suspension du temps. Elle est acquise à la méditation alors que l’image animée induit l’action, la narration, le mouvement. Elle suggère quelque part le tourbillon difficilement descriptible de la vie.

Mais l’image animée est largement répandue dans notre société, telle l’image télévisuelle, entrée dans l’intimité familiale, dans la sphère privée tout doucement, sans effort. Mais lorsqu’elle est support de communication des publicistes, elle tend à nous conduire à la consommation ; lorsqu’elle est outil d’information, elle court toujours le risque de devenir outil de propagande comme nous en avertit Guy Debord.

Seule lorsqu’elle est fabriquée par les artistes, elle est une invitation à mieux l’interroger.

L’image animée (souvent utilisée comme seconde nounou, dès le réveil des enfants) ne doit donc pas rester une simple gesticulation distractive, devant laquelle le spectateur “ inéduqué ” serait consommateur passif.

Le virtuel, qui installe un important répertoire d’images mentales, ne peut se substituer au réel. La confrontation entre les deux doit avoir lieu. Le pouvoir de l’image animée est trop grand pour le laisser imprégner les jeunes esprits sans le garde fou de la culture.
L éthique véhiculée, les références sociales, le temps, l’espace et les modes d’approche de la réalité proposée, font que l’on passe de la segmentation des images à la segmentation des savoirs, le zapping aidant.

Quel est donc le niveau d’implication de l’école dans le domaine de l’éducation à l’image animée ?

Les articles présentés ici font le pari que c’est en produisant qu’on apprend. Par l’expérience tâtonnée, par la création et l’implication individuelle dans le groupe…

Il faut se donner les moyens de la création d’images animées de tous genres afin de mieux en comprendre le sens, les mécanismes, la relation avec le réel, l’impact sur les spectateurs, et, en particulier sur les enfants eux-mêmes. Réfléchir aux intentions qui président à la production ; qu’est-ce qu’on veut dire, exprimer, en direction de qui et pourquoi ? Le comment n’est qu’au service, mais tout au service de l’idée qu’on veut développer. Et le passage par la technique inclus dans la production d’un dessin animé oblige l’apprentissage de multiples compétences pour faire aboutir le projet. De même que la production d’écrit permet à l’enfant d’accéder aussi à la lecture, la production d’images leur permet de mieux les lire, d’en maîtriser les contenus et les intentions : ainsi on accède à la signification, loin de l’imprégnation ou du magique.
Mais aux supports qui véhiculent traditionnellement la séquence comme le dessin animé ou le film, nous voulons rattacher ceux des arts vivants comme vecteurs eux aussi du mouvement et de l’action..

Animer pour servir l’imaginaire collectif de la classe grâce au conte ; animer pour servir d’écho à l’apprentissage du langage verbal ou comme globalisation des apprentissages alliant inventivité et concrétisation ; animer pour métamorphoser les idées et des choses, pour accéder aux mythes ; animer en créant une image sur l’image, celle qui déguise, celle du maquillage qui révèle le décalage, le déplacement.

Faisons le pari que comme les artistes, lorsqu’elle est fabriquée par les enfants, l’image est une invitation à mieux l’interroger. Et comme nous prétendons former des enfants lecteurs experts, formons des spectateurs critiques avertis !


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