Des camarades s'étonnaient que le gérant de cette revue ait choisi comme titre L'Educateur Prolétarien.
Peut-être pensaient-ils à l'atmosphère de calme et d'austérité que d'aucuns rêvent autour de l'éducation populaire.
Hélas ! Nul plus que nous ne s'est donné à une tâche pédagogique qui l'accapare totalement et le met dans l'impossibilité regrettable de faire le moindre militantisme politique. Mais nul aussi n'aura réclamé avec plus de vigueur pour arracher à une municipalité ennemie de l'école, le respect de la loi avec un minimum de sollicitude pour la santé et l'éducation des enfants.
Résultat ! Parce que le Maire a dit: Nous en avons assez ! après avoir juré qu'il préférait « qu'on ferme toutes les classes du village », une abominable campagne de diffamation a brusquement vu le jour. Des affiches ont garni les murs de St-Paul, affirmant, dans les lieux mêmes où deux-cents éducateurs de tous pays étaient venus naguère glorifier et admirer notre ouvre, que Freinet est un mauvais éducateur de la jeunesse, alors que les trois quarts des parents ont tenu à nous donner des attestations élogieuses qui sont notre meilleur réconfort.
Nous avons même vu le dimanche 4 décembre, le Maire de St-Paul envahir la cour de l'école au mépris de la loi, emmenant derrière lui, et excitant contre nous une clique calotine et réactionnaire qui, au sortir des vêpres, venait protester contre mon enseignement. Et dans cette clique d'une quinzaine de personnes, seuls deux parents d'élèves avaient osé prendre place. L'une des protestataires est une bourgeoise du lieu qui envoie ses deux enfants à l'école catholique du bourg voisin ; un autre père de famille envoie son fils dans un couvent : un troisième a son enfant dans une école ecclésiastique. Tous les autres étaient célibataires ou sans enfants.
Ce n'est pas ici que nous protesterons contre semblables procédés que nous ne laisserons pas sans réaction. Nous avons seulement voulu noter que notre pédagogie est forcément marquée par cette lutte incessante contre la pourriture capitaliste. Et c'est dans ce sens que nous avons bien raison de demander l'étude et la mise au point de l'éducation de notre classe populaire.