Le poids des images
Au début était l'image. Dans les grottes préhistoriques, les rochers du désert, les images laissées par les premiers hommes nous interrogent encore. Dans les édifices religieux, les fresques, les vitraux, les sculptures et les bas reliefs enseignaient au peuple l'histoire sacrée ; ne sont-ils pas les premières bandes dessinées ? De tout temps, les enseignes aux portes des échoppes, indiquent avec plus ou moins de poésie la nature du commerce pratiqué en ces lieux.
On pourrait citer de nombreux autres exemples d'images-textes qui ont ainsi traversé l'espace et le temps.
Puis vint l'empire du mot. Grâce à l'alphabétisation du plus grand nombre, le mot a pris la place de l’icône. Il a conquis une place prépondérante dans la communication entre les humains, la transmission des idées, des connaissances, l’ouverture aux autres cultures.
On assiste aujourd'hui cependant à un véritable retour en force de l'image. Les logos, symboles divers, remplacent de plus en plus les mots comme dans le code de la route où les pictogrammes ne tolèrent qu'une seule et unique lecture qu’il est nécessaire d’apprendre.
Qu'elle soit fixe ou mobile, multidimensionnelle ou pas, elle est un langage qui nous envahit. Les techniques de communication permettent la diffusion des images au plus grand nombre, et parmi elles, celles de la publicité dont l’objectif est de faire consommer par tous les moyens.
Mais percevoir n'est pas seulement une affaire de regard, c’est une opération mentale complexe liée à notre activité psychique toute entière. Il est indispensable, sous peine d'aliénation et de soumission à une « élite » intellectuelle ou aux marchands, d'en connaître les codes. Comme on enseigne la structure du langage des mots, nous avons le devoir de mettre en place pour les jeunes un apprentissage du langage des images bien trop superficiel aujourd’hui encore.
Il est indispensable de développer l'esprit critique sur l’image. Car si, en tant que langage figuratif, l’image semble plus largement accessible que le mot dont le code s'arrête souvent aux frontières politiques et culturelles, il ne faut pas se tromper, la polysémie qu’elle génère exige un effort de lecture plus grand que pour le texte, il faut traquer l’analogie de formes et l'implicite pour appréhender les éléments signifiants.
Vaste chantier ! Mais libérateur.
Quand mots et images s'en mêlent, des enseignants expérimentent tous les « langages » avec leurs élèves. CréAtions présente dans ce numéro l'expression des enfants et des artistes qui utilisent les résonances entre mots et images jusqu'aux mots-images : caricatures, affiches, roman photo, gestes des corps, marionnettes, textes de lois. Dans ce numéro, mots et images résonnent, se confrontent, se complètent, s'entrechoquent, ils s'emmêlent, se mêlent, se magnifient mutuellement et se livrent à l'esprit, au-delà du plaisir des yeux.
Nicole Bizieau, Décembre 2004
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