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Mission acccomplie!

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Novembre 2001
  CréAtions n° 99 - Paysages - en novembre-décembre 2001 (Editions PEMF)
Classe de CM de Botmeur (Finistère) -
Enseignant : Pierre-Yves Philippot

 

Mission accomplie!

 

Premier vote

Premier septembre 1999, arrivée en poste à Botmeur, Finistère. Il s'agit du RPI Botmeuer-La Feillée. A Botmeur, il n'y a qu'une seule classe, les CM.

On sent chez les enfants une très forte identité culturelle: nous sommes au coeur du Parc naturel régional de Bretagne, en plein Monts d'Arrée, sur la rive Nord du "Teun Ellez", marais (transformé en lac par les bons soins d'EDF) où de tout temps se sont situées les Portes de l'enfer froid.

Je pratiquais la pédagogie Freinet dans l'école où j'exerçais précédemment. Mes nouveaux élèves aussi seront initiés à la pédagogie moderne. Comme entrée en matière, ils doivent choisir un domaine dans un grand projet, la création de l'année scolaire. Ce sera les arts plastiques, décident-ils lors d'un premier vote. Leur premier vote de classe coopérative. Justement, au mois d'août se tiendra à Rennes le congrès de l'Icem. Nous pourrions y exposer nos oeuvres... Reste à trouver le sujet.

Il est vite assez évident: nous sommes la plus petite des plus hautes écoles de Bretagne et nous vivons dans un paysage magnifique. C'est ce paysage que nous décidons de peindre. Très vite (en quelques semaines), cela va même devenir plus précis : ce sera le "MSMB", et nous le peindrons de différentes manières.

Le MSMB? Le Mont Saint-Michel-de-Brasparts, bien sûr. Haut de 383 mètres, c'est un des points culminants de Bretagne. Il est situé juste en face de l'école. On l'aperçoit, avec sa chapelle, entre les branches du grand chêne.

 

 

 

et premiers tâtonnements

Tou en improvisant, nous entamons notre projet dans des deux directions simultanées.

Nous profitons des beaux jours de l'automne pour partir à pied sur les petites routes de Botmeur et faire quelques croquis que nous exploiterons plus tard en classe.

C'est le moment de discuter du paysage, de la forme des champs, de la taille et de la forme des arbres, de la ligne d'horizon, des couleurs, etc.

En classe, nous observons quelques oeuvres de grands maîtres, nous nous essayons à en lire les émotions, à comprendre comment le peintre s'y est pris...

C'est un travail sur la maîtrise de la langue, apprendre à exprimer des choses. C'est aussi de l'histoire de l'art, bien sûr!

Et avec tout ça, nous peignons.

Nous peignons autour de notre sujet, en se donnant des techniques qui dépendant surtout de notre envie d'utiliser tel ou tel matériel de la classe: les crayons gras, le fusain, l'encre, etc.

Et avec nos dessins?

Au bout de quelques temps, nous avons une grande quantité de dessins. Régulièrement, nous les accrochons et nous les commentons. C'est ainsi que, petit à petit, nous nous sommes forgé une grille de lecture d'oeuvres plastiques.

Les couleurs

Gaies ou tristes?

Vives ou douces?

Chaudes ou froides?

Claires ou sombres?

Les formes

Géométriques ou irrégulières?

Grandes ou petites?

Simples ou détaillées?

Arrondies, douces ou dures, angulaires?

Que font les lignes principales?

Matériaux

Quels sont-ils?

Conclusion générale

Quelle histoire cette oeuvre raconte-t-elle?

Quelle émotion ressent-on?

Cette oeuvre nous parle-t-elle de son auteur?

D'un univers à l'autre

Au début, peu de peintures étaient entièrement intéressantes. Nous tâtonnions, nous apprenions les arts plastiques ... Mais au-delà de cela, nous apprenions surtout lentement à mener un projet ensemble.

En fait, notre travail reflétait l'ambiance de la classe: un maître un peu seul face à une bande d'enfants beaucoup plus intéressés par des bavardages tous azimuts que par un investissement passionné dans un travail de création. Le passage à un univers de type "Freinet" ne se fait pas en un clin d'oeil.

Ce furent donc de nombreux allers-retours entre une pédagogie dirigiste mais génératrice d'ordre et une pédagogie plus libre et créatrice mais qui dérapait vers une sorte de bazar généralisé.

Avant que les enfants ne soient capables de gérer avec sérieux leur propre travail, il a fallu du temps, beaucoup de temps. De quoi craquer!

Petit à petit, les dessins se sont améliorés et les créations devenaient de plus en plus libres.

 

La "chapelle tordue" nous raconte un peu de Glenn qui a passé des heures à la réaliser. Glenn est un garçon très sensible, plutôt secret sous des dehors charmeurs et empreints d'humour... un peu comme cette chapelle que l'on ne distingue pas bien, dissimulée dans ce paysage aux lignes complexes.

 

A l'aide, les pros!

Et puis, nous avons lancé des appels à l'aide auprès des artistes dans ces montagnes bretonnes!

Appel à l'extérieur, réflexion commune autour du concept de l'oeuvre, écriture de la lettre et envoi par des responsables volontaires... du classique en pédagogie coopérative: nous devenons citoyen coopérant avec le reste de la société.

Nous sommes d'abord allés voir Catherine Gwen.

Catherine Gwen

Catherine habite à Botmeur et elle est principalement aquarelliste.

Elle nous a accueillis avec une très grande gentillesse et simplicité.

Nous avons vu ses oeuvres et essayé de les analyser. Nous avons également discuté de sa passion pour la peinture.

De retour en classe, de nombreux enfants se sont lancés dans une peinture "à la manière de Catherine". C'est surtout la façon qu'elle a de fragmenter certaines de ses oeuvres qui a été retenue. Cela a donné de forts beaux dessins.

 

                           

Questionnaires pour les artistes

- Peuvent-ils nous donner leur avis sur nos tableaux?

- Leur plaisent-ils?

- Sont-ils assez précis? Trop précis?

- Est-ce qu'il manque des choses? Y a-t-il des choses en trop?

- Que pensent-ils des formes? des couleurs?

- A-t-on la bonne technique?

- Trouvent-ils que nous y avons mis notre coeur?

- Est-on obligé d'utiliser les bonnes couleurs (celles que l'on voit en vrai?)

- Doit-on dessiner exactement ce que l'on voit?

- Peuvent-ils nous présenter leurs oeuvres?

- Peuvent-ils nous présenter leur technique?

- Pourrait-on s'en inspirer?

Mission accomplie!

Ensuite, c'est un pastelliste, Erryl Logier, qui est venu nous faire une démonstration de son art.

Quel moment moment merveilleux que celui où, sortant ses craies, il s'est mis à dessiner notre paysage tel que nous le concevons: la montagne Saint-Michel avec sa chapelle!

Il a fait même mieux que dessiner, d'ailleurs admirablement: il a expliqué comment il fait.

Et il a fait encore mieux qu'expliquer: en partant, il nous a laissé ... deux splendides boîtes contenant tout un tas de bouts de craies et du papier. De quoi nous lancer dans le pastel!

Ce qui fut fait. Et là, c'est moi qui fut étonné.

Car mes petits bavards, qui avaient bavardé même lorsqu'Erryl dessinait, mes petits bavard avaient tout retenu bien mieux que moi. Ils firent des dessins magnifiques que je scannais tous sans aucune retouche. Ouf!

Ainsi, nous avions gagné le pari de la pédagogie moderne: s'approprier le savoir non pas en attendant que le maître remplisse une tête supposée vide mais en explorant les voies qui s'ouvrent devant nous.

Erryl nous a expliqué comment recréer l'impression de lumière, comment peindre avec ses doigts, etc. Lorsque nous nous y sommes essayés à notre tour, après le passage du pastelliste, les élèves ont largement dépassé le maître (de la classe). Là, au moins, mission accomplie.

 

 

 

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CréAtions n° 99
Tâtonnements pour peindre un paysage
croquis, fusain, encre, peinture, craies grasses.