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Appel aux enseignants à construire collectivement une éthique professionnelle pour l'école d'aujourd'hui

Dans :  Région Grand Ouest › 

Il s'agissait en ce beau mercredi de janvier 2012 en Loire-Atlantique de se soumettre au bon vouloir de l'administration qui convoquait à nouveau les enseignants « récalcitrants » aux évaluations nationales CEI (18 enseignants concernés). Cette convocation collective faisait suite à une audience du même genre quelques mois auparavant et qui concernait les enseignants dits « récidivistes » de non remontée des évaluations nationales CM2. Après des menaces sérieuses auprès de ces enseignants, le « non-lieu » était déclaré pour tous. Nous ne doutons pas qu'il en sera de même dans le cas présent.

Quels enseignements tirer d'une telle audience ?
Un apport culturel de plus grâce au « PowerPoint » de l'administration démontrant les bienfaits du nouveau pilotage de notre système éducatif par les évaluations nationales et le livret personnel de compétences ? Certainement pas !
Et pourtant, deux points-clés émergent, deux axes sur lesquels chaque enseignant devra bien un jour se positionner.

1-    L'éthique professionnelle des enseignants

Étonnamment, il en a été largement question lors de cette audience !
En effet une question récurrente se pose depuis ces dernières années. Notre administration continue de nous considérer comme de simples exécutants et d'exiger que nous nous conduisions comme tels, obéissants et serviles, au nom d'une éthique professionnelle qui serait liée à notre statut de fonctionnaires. A ce titre, nombre d'enseignants aujourd'hui, malgré moult réticences et souffrances d'ordre éthique, se dépêtrent tant bien que mal des réformes actuelles : application des programmes, de l'aide personnalisée, des évaluations nationales, du fichage et de la traçabilité des élèves (puis des citoyens)... ...
Malgré tout, nombre d'autres enseignants continuent à exercer leur métier, au nom d'une éthique professionnelle non plus liée à cette obéissance servile, mais à une éthique responsable et lucide appuyée sur les valeurs fondamentales de l'Ecole de la République. Evidemment, ce chemin est semé de quelques embûches (pressions, menaces, sanctions financières, convocations...), mais il est parallèlement empreint de cohérence et d'autorité retrouvée sur son métier. Comment avons-nous pu nous laisser déposséder à ce point de l'autorité que nous n'aurions jamais dû perdre sur notre métier d'enseignant ?
Notre administration, lors de cette même audience, nous affirme partager nos valeurs de l'école. Non, nous ne partageons pas les mêmes valeurs ! Et nous l'avons réaffirmé... car nous ne travaillons pas pour une école du chiffre, du pourcentage, de la comparaison, de la compétition larvée, de la traçabilité... mais bien pour une école appuyée sur des valeurs de liberté, d'égalité, de solidarité, d'émancipation par le savoir et la culture.

Le second point-clé abordé, et dont il est largement question aujourd'hui grâce à la mise en oeuvre des contre-animations, nous rappelle à quelques bons souvenirs :

2-    La    formation des enseignants

Comment supporter aujourd'hui le démantèlement de la formation (et par voie de conséquence de l'Ecole) ? Comment avons-nous pu perdre à ce point, nous enseignants, toute autorité sur notre propre formation ? Les stages de formation continue sont réduits à la portion congrue et ne servent qu'à faire de la place pour les quelques stages des étudiants masterisés qu'il faut bien caser quelque part. Comment peut-on encore accepter cette pseudo formation au nom des valeurs éthiques d'une
formation enseignante ? Comment peut-on accepter l'organisation d'animations pédagogiques sans que nous ayons un mot à dire, à part aux marges ?
Non, nous ne partageons pas les mêmes valeurs d'une formation construite autour d'un conformisme à toute épreuve et du « formatage programmatique » abandonnant l'apprenant dans les méandres du savoir !
Il est donc temps là aussi de reprendre, de retrouver toute l'autorité sur notre métier et sur notre formation qui en est un élément incontournable. Il est temps d'exiger ce que nous voulons de celle- ci, d'exprimer nos besoins, de travailler ensemble les problématiques professionnelles qui nous accaparent aujourd'hui.
C'est ce que certains enseignants ont décidé de mener : dans un premier temps impulsées par le mouvement « Résistance pédagogique », deux contre animations autour de l'évaluation et du livret de compétences ont été organisées. Il ne s'agissait pas d'apporter la bonne parole du ministère, mais bien, dans une dynamique de co-formation, de se reposer les questions fondamentales de notre métier. Initiative reprise à son compte cette année par le mouvement Freinet grâce à la mise en œuvre de formations ciblées autour des problématiques professionnelles actuelles des enseignants : difficulté scolaire et gestion de l'hétérogénéité, autorité et discipline, sens du travail et motivation. Il est possible aujourd'hui de travailler sur ses besoins de formation en s'autorisant simplement à se réapproprier sa propre formation.
 
Approprions-nous ce que nous affirment actuellement les résistants d'hier : « Résister c'est créer.
Créer c'est résister » Notre institution nous a dépossédés de notre formation, de l'éthique première de notre métier. Aujourd'hui, plus que jamais, un choix éthique s'offre à nous. Sommes-nous de simples exécutants ou voulons-nous devenir de véritables acteurs de l'Ecole ?
Nous devons exiger de participer à la définition des finalités, des objectifs et des programmes de l'école. Il est temps, collègues enseignants, de nous autoriser à nouveau à exercer ce métier empreint de valeurs et d'humanité de manière pleine et entière dans un seul but : permettre à notre jeunesse de vivre pleinement le savoir, la culture, la citoyenneté et l'émancipation.
Je vous invite donc à contribuer à la construction coopérative de cette éthique professionnelle, celle dont l'Ecole (et évidemment les jeunes) ont besoin pour le présent et l'avenir. Ce travail commun sera envoyé à qui de droit.

François Le Ménahèze, enseignant, directeur d'école http://resistance-lemenaheze.org
Toute contribution peut être envoyée à l'adresse mel suivante : lemenaheze[arobase]wanadoo.fr