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Résister pour agir

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Résister pour agir

Construire une autre Ecole, se réapproprier son métier

Face aux réformes de nos anciens ministres qui ont accéléré le démantèlement de l’Ecole publique, une nouvelle année de résistance s’achève. Contrairement aux années passées, les pressions, sanctions et autres outils de l’arsenal administratif se font plus rares. En revanche, dans la continuité avec les années passées, elle a été forte en propositions et actions.

A l'initiative de l'IDEM 44-pédagogie Freinet et du réseau Résistance pédagogique, elle a vu l’instauration d’un « programme » inédit de contre-animations pédagogiques. Cette initiative est née du fait que les animations pédagogiques officielles ne servent, en grande partie, qu’à accompagner les réformes actuelles de l'Education Nationale ; que la parole des enseignant-es eux-mêmes n’est pas entendue ; et que ces « animations » sont très fréquemment subies, soi-disant obligatoires et ne répondant pas aux questionnements des enseignant-es.

Des enseignant-es ont décidé de prendre en main leur propre formation sur des problématiques professionnelles essentielles à leurs pratiques et à leurs valeurs. Ouvertes à tous, basées sur les échanges entre participants, elles se sont organisées autour des principes
de confiance et de co-formation. Ces rencontres ont permis d'aborder notamment la gestion de l'hétérogénéité, la difficulté scolaire, la motivation et le rapport au travail des élèves, la construction d’une autorité dans la classe ; autant de points essentiels des pratiques
enseignantes malheureusement rarement abordés dans les « animations pédagogiques » officielles.

Elles ont connu un réel succès et permis la constitution d'un "collectif" original, chaleureux, composé d'enseignant-es travaillant dans tout le département de Loire-Atlantique, de tous âges, engagés - ou non - sur le plan syndical et pédagogique (150 personnes concernées sur l’année, avec une moyenne de 70 à chaque rencontre).

Le questionnement sur le "collectif" était précisément au coeur de la dernière contre animation de l'année : " La souffrance au travail, la Résistance aux réformes : pourquoi, comment résister et agir face aux pressions institutionnelles, comment transformer les souffrances actuelles du monde enseignant en action de résistance collective".

Le premier bilan de ces actions fait apparaître des orientations claires pour l’avenir. Les acteurs de l’Ecole, loin de l’individualisme rampant, repensent le rapport au collectif et donc recréent ce collectif qui manque tant actuellement. Les enseignant-es doivent à nouveau s’autoriser, devenir auteurs de leur métier sur les bases d’une éthique professionnelle lucide et responsable…bien loin de l’obéissance aveugle aux réformes absconses de ces dernières années.

Six grandes orientations nous paraissent aujourd’hui essentielles :

1) Se réapproprier le temps, pour travailler collectivement à des projets pédagogiques dont l’objectif premier sera l’apprentissage des élèves… en refusant que ce temps collectif serve à répondre aux demandes institutionnelles, elles-mêmes liées au pilotage par les chiffres.
 

2) Se réapproprier les mots, poser la question de leur sens par rapport à notre métier et réinstaurer les conditions de la réflexion sur ce sujet afin d’en finir avec la novlangue néolibérale.

3) Revendiquer une éthique professionnelle basée sur les valeurs fondatrices de l’Ecole, sur la responsabilité, la lucidité et la coopération. Les enseignants ne peuvent rester de simples exécutants et doivent retrouver toute autorité sur leur métier. Ils doivent exiger la suppression des primes, outils de management, contraires au fonctionnement en équipe et cautionnant la non-revalorisation des salaires. Egalité et éducabilité de tous, co-éducation, refus de la compétition, créativité pour tous, travail en équipe, évaluations au service des progrès des élèves... autant de facteurs essentiels pour une Ecole de l’émancipation, de la citoyenneté, de l’accès à la culture pour tous.

4) Se réapproprier notre formation et revendiquer du temps de formation initiale et continue répondant aux réels besoins des enseignant-es et aux problématiques actuelles de l’Ecole.


5) Réinstaurer le débat,
porter le discours du changement, et recréer des lieux d’expérimentation et de mise à l’épreuve de ce changement, par l’analyse collective des pratiques notamment.

6) Continuer et amplifier la campagne contre les réformes qui ont accéléré le démantèlement de l’Ecole publique : évaluations nationales, fichiers numériques (Base-Elèves, etc...), et Livret Personnel de Compétences qui permet de les interconnecter, semaine de 4
jours, aide personnalisée, démantèlement des Réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED), stages de remise à niveau etc...

Tant que l’éducation n’aura pas retrouvé une vraie place dans notre pays, les enseignant-es en résistance poursuivront leur co-formation et refuseront les mesures qui ne correspondent pas à leurs missions. Changer la vie pour changer l'école, changer l'école pour changer la vie... plus que jamais, résister est un verbe qui se conjugue au présent !

Collectif d’enseignants de Loire-Atlantique, IDEM 44 Pédagogie Freinet, Résistance pédagogique 44