|
Édito:L'art au quotidien
Ce mois-ci, Le Nouvel Educateur nous offre l’ensemble des pages de son dossier principal. L’occasion pour nous, Chantier CréAtions, de réaffirmer le rôle central de la « création » dans la Pédagogie Freinet.
Rendre l’élève et le groupe acteurs de leurs apprentissages, c’est d’abord s’appuyer sur leur propre potentiel d’inventivité et d’expression comme bases de progrès individuel et collectif, et ce quelque soit la discipline enseignée. C’est pourquoi CréAtions présente régulièrement des projets à caractère interdisciplinaire (sur le site de l’ICEM). Ce numéro regroupe plusieurs articles sous le thème d’art au quotidien, sans hiérarchie. Pour le chantier CréAtions, l’important demeure la démarche de la création qui engage l’être tout entier. Bien sûr, la place de la production artistique demeure prépondérante, car nous sommes persuadés que toute connaissance commence ou finit par une production artistique. Mais, l’objectif du chantier n’est pas de restaurer la place du beau à l’école. L’enjeu de l’enseignement artistique ne se réduit pas, selon nous, à la production de belles images ou plus généralement à l’éducation au beau. Il s’agit plutôt de permettre à l’élève d’enrichir et de développer son expression par des moyens variés, conscients et assumés, en cohésion avec l’ensemble de ses apprentissages et de lui fournir les outils pour qu’il puisse développer son esprit critique. Créer des images où la sensibilité s’allie à la rationalité, où l’imagination retrouve ses droits, sensibilité et imagination pouvant ainsi proposer d’autres règles.
L’image comme tremplin d’une pensée non tronquée, qui assume la divergence comme source de liberté et de vie. Créer, c’est oser s’exprimer et exister, un moyen d’être présent au monde. Les pratiques artistiques, plus qu’un complément, constituent le socle même qui permet à l’enfant de reprendre confiance en lui, de s’accepter, de s’assumer comme individu dans le groupe, de nourrir son désir d’apprendre et même de panser ses blessures scolaires. Car Créer est une composante vitale de l’individu, elle affirme son identité de sujet unique en mettant en mots, en matériaux, en musiques, ses sensations, ses sentiments, ses besoins porteurs de vie.
Pour encourager ceux qui souhaitent lutter contre l’iconoclasme scolaire dénoncé il y a déjà longtemps par Duborgel dans son ouvrage intitulé « Imaginaire et Pédagogie » (cf.*2), le chantier n’a de cesse de faire partager les expériences menées dans les classes, de la maternelle à l’université. En matière de création, ce qu’il s’agit de permettre à l’élève dans une classe, l’enseignant doit se l’autoriser à son propre niveau. Il s’agit de prendre en charge véritablement l’éducation du regard à bras le corps, de refuser que l’Education artistique ne soit cantonnée au second rang, comme matière annexe et superfétatoire et de réhabiliter sa place comme étant au cœur de toute pédagogie soucieuse du développement respectueux de la personne, à la lumière des recherches effectuées en pédagogie, et en psychologie enfantine et de celles menées sur le statut de l’image dans le monde d’aujourd’hui (par Bernard Darras et Martine Joly par exemple, cf *3). Il s’agit d’éduquer les élèves à l’image, de lui apprendre à lire une image (la sentir et l’analyser- dénotation, connotation), de construire avec lui les clefs pour mieux appréhender un monde dominé par l’image sans en être soi-même l’instrument, pour devenir capable d’un regard critique sur le matraquage sonore et visuel du monde de la consommation.... Il s’agit de leur offrir un univers visuel, sonore et tactile riche et suffisant, de prendre en charge l’aménagement de l’espace et du temps indispensable à l’éducation artistique (*annexe1).
L’image demeure encore parfois camouflée dans les pages d’un manuel et cantonnée à sa seule fonction d’auxiliaire de la langue et de la pensée classificatrice, au service de la seule rationalité.
L’exemple de l’évolution du statut de l’image dans la littérature jeunesse au cours des trente dernières années, ouvrant la voie aux champs des possibles pour l’imaginaire enfantin, peut nous aider à favoriser au sein de la classe un climat de confiance propice à la création, à l’expression de chacun et du groupe. Encore faut-il éduquer simultanément en chacun aussi bien le lecteur d’images que le facteur d’images, et ce non seulement dans le cadre de projets ambitieux, mais également au détour d’événements du quotidien comme les petits moments glanés au cours de l’emploi du temps (« Atelier crabouillage » ou « Créations libres »), le concours d’épouvantail lancé par le supermarché du quartier, la promenade mathématique, etc. Ce sont ces moments-là que nous avons voulu partager avec vous dans ce numéro spécial.
*1 : Nous vous invitons à lire, sur le site de l’Icem, l’article collectif au sujet de la préparation de la rentrée : « Est-ce facile de faire des arts plastiques ? », publié en juin 2008.
*2 : Imaginaire et Pédagogie, De l’iconoclasme scolaire à la culture des songes, Bruno Duborgel, Ed.Privat, 1992),
*3 : Au commencement était l’image, du dessin d’enfant à la communication de l’adulte, Bernard Darras, Ed. E.S.F. 1996. (épuisé), et L’image et les signes, Approche sémiologique de l’image fixe, Martine Joly, Ed. Armand Colin, 2005.
Article au format PDF imprimable
|
