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Revue en ligne Créations n°190 "L'eau"
annoncée dans le Nouvel Educateur n°190 - Publication : décembre 2008

Classes du Collège Kl. Thoueilles, Monsempron-Libos (Tarn-et-Garonne) - Enseignant: Hervé Nunez

 

 

Le collège envahi !
Résidence d'artiste

 

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Julia Pallone est une jeune diplômée de l’école des Beaux-Arts de Nantes. Elle pratique le dessin, la peinture à l’aquarelle, l’installation et l’illustration pour révéler ses mondes parallèles, sous la forme de grands formats oniriques.

Pendant toute une semaine d’avril 2004, Julia était en “ résidence ” au collège K.Thoueilles dans le cadre du projet pédagogique soutenu par la DRAC, en partenariat avec l’association Pollen de Monflanquin.
La visite de Julia s’inscrit dans un projet plus vaste impliquant tout le collège à travers un IDD (Itinéraire de découvertes), des productions transversales et disciplinaires (SVT, Français…) et des productions dans tous les niveaux d’enseignements en arts plastiques.
Grâce à La Principale, Me Andrieu, qui a compris depuis 6 ans l’intérêt socialisant de la démarche, l’établissement avait mis à sa disposition une salle située au cœur du collège. Celle-ci a attiré la curiosité des élèves interpellés par les dessins et les volumes originaux exposés ou présentés dans des brochures. Cette salle était aussi une invitation à la pratique (aquarelle, moulage à “ l’argilate ”, la pâte durcis-sante utilisée par les prothé-sistes dentaires…).
Julia dont l’enthousiasme et la disponibilité ont été remarquables, a en même temps rythmé les journées par des propositions d’actions dans le collège.
Ainsi, aux interclasses tous les élèves pouvaient participer à des “ performances ” en répondant à des appels lancés depuis le micro de la vie scolaire : faire les plongeurs ; patauger ; tanguer comme sur un bateau… ; Avec une quinzaine d’élèves libérés de cours pour deux jours, elle a aussi travaillé autour de l’idée d’envahissement…
Ainsi, par l’effort de tous, le hall s’est peu à peu transformé en aquarium, la cour intérieure en mer. Des surprises attendaient le passant dans les couloirs.
Ces actions allaient dans le sens du travail de Julia qui aime organiser des dispositifs de “ rencontre ” et de communication.
Mais Julia n’était pas là pour remplacer les professeurs d’arts plastiques, elle n’a animé aucun cours, elle a tantôt travaillé sur ses propres projets, tantôt reçu les élèves qui venaient la voir de leur propre initiative. Elle a produit, écouté, fait partager son expérience et sa sensibilité.

Un premier courrier des élèves

1/ Julia envoie un press book
2/ Les élèves lui répondent :

Gilbert, 3e. J’ai choisi de faire une crypte avec des squelettes filiformes.
J’aime bien la variété de vos œuvres et particulièrement “ s’étendre ” qui peut s’interpréter de plusieurs manières.
- ça pourrait être une personne qui voudrait partir loin
- ça pourrait être quelque chose qui se défait (une relation…).
“ Flower power ” me donne l’idée de faire un projet où la nature reprend le dessus, redevient dominante.
Lydie, 5e. Je voudrais faire un monde avec des formes géométriques, dont les meubles seraient faits à partir de matériaux de récupération. Un monde surprenant que l’on prendrait plaisir à voir sans l’avoir chez soi.
Mettre dans mon monde des objets de pays différents, tous mélangés pour donner une impression de voyage, de rêve.
Le book a des œuvres remarquables. Il traite plusieurs sujets. Toutes les œuvres sont faites à partir d’une image que l’on voit tous les jours mais, à force, on n’y fait plus attention. Le livre nous apprend à les voir différemment.
J’aime bien le plan de Venise qui se promène dans Venise, mais je préfère le pull avec la pelote de laine dans l’eau. J’ai l’impression que cette personne veut partir loin, mais comme elle ne le peut pas, elle veut en donner l’impression.
J’aimerais savoir si vous avez une source d’inspiration et où vous trouvez vos idées.
Morgane, 5e. Comment avez-vous commencé cette carrière et comment avez-vous eu l’inspiration ?
Votre book est spécial car c’est tout sur un même sujet, sur les femmes.
J’aime bien les cocottes en forme de papier.
Pauline, 5e. …/… Je trouve qu’il y a des images vulgaires car des fois on voit le sexe des hommes et des femmes et je n’aime pas l’image des mains qui sortent des yeux.
Pourquoi dessinez-vous des hommes et des femmes nus ?
“ Gerbe de fleurs ” me donne envie de reproduire un jardin de fleurs (avec beaucoup de couleurs).
Jimmy, 5e. …/… Pourquoi découper un tissus et le recoudre ?
Le plan des canaux de Venise me donne l’envie de visiter la ville de Venise.
Florian, 4e. …/… Pourquoi y a t-il un poulpe dans une main ?
En quoi consiste l’œuvre “ fleuve ” ?
J’aime bien le plan de Venise qui dérive sur l’eau.
Samuel, 5e. Pire cochonne, pire obsédée (L’élève a supprimé ces qualificateurs dans sa dernière version).
Je n’ai pas aimé certaines photos. Il y a beaucoup de sexe. La bave est dégoûtante car c’est dégoûtant de se baver dessus.
Jonathan, 4e. Avec un camarade, nous faisons un univers de BD dans lequel il y a des vaisseaux en volume (le vaisseau principal sur lequel on circulera dans des tunnels). Les étoiles seront des trous dans du carton éclairé par derrière.
Pouvez-vous me dire ce qu’est le cheval avec un gros nez et des couleurs bizarres ?
Gaëlle, 4e. Un petit coucou à Julia Pallone +
une question : son book est pas mal. Elle a de bonnes idées. C’est un bon début, elle devrait continuer ainsi. Aimez-vous les feuilles ? Moi, j’aime beaucoup les feuilles et leurs joyeuses couleurs d’automne.
J’aime particulièrement la rose qui sort de la marguerite de la femme car c’est pour moi une fleur qui se développe en sortant d’une autre.
Rachel, 4e. J’aime bien vos pliages en feuille et leur disposition dans des objets de la vie quotidienne.
Notre projet ressemble un peu à ce que vous faites. Je fais un univers de feuilles mais en très grand format. Je veux que la vie sorte des feuilles.
Léthilie, 5e. Je fais un monde rose car c’est la couleur des gens heureux. Ca représente la joie et je voulais que l’on se sente bien dedans.
L'oeuvre que j’aime bien c’est celle où une femme “ gerbe ” des fleurs car cela sort de l’ordinaire.
Sonia, 5e. L’oeuvre qui ne me plaît pas est celle où une fleur pousse sur le sexe de la fille. Je trouve que c’est bizarre et vulgaire.
J’aime bien l’œuvre avec le pull qui se défait avec le bateau.
Stessy, 5e. C’est assez choquant des fois (les femmes nues) surtout celle où il y a du sang qui coule de son vagin.

Julia aux élèves

Tout d’abord je tiens à vous remercier pour votre courrier, qui m’a plu, parfois étonnée, et m’a aussi permis une autre lecture de mon travail.
Voila les réponses aux questions qui m’ont été posées :
Lydie, je cherche et trouve mes idées dans la vie de tous les jours ou dans des moments de ma vie passée, dans le quotidien, dans les rêves ou les contes, ou dans des livres… parfois quand je lis ou voyage, ça me donne envie de faire des images, de retranscrire des impressions ou des sentiments que j'ai eus, même si ça ne marche pas toujours !! J’aime regarder autour de moi et parfois de petits détails peuvent me donner de nouvelles idées…
Morgane, depuis toute petite j’aime dessiner, faire des histoires. Par contre, au collège, je détestais les cours d’arts plastiques !! Mais chez moi je ne faisais que bricoler ou faire des photos. Plus tard, en finissant le lycée, je ne me voyais pas faire autre chose, c’est pourquoi j’ai choisi de faire des études artistiques. Après mes études, j’ai choisi de garder du temps pour moi, pour avoir le temps de faire de l’art et d’essayer de trouver des endroits pour exposer… Cela demande beaucoup de temps et ce n’est pas toujours facile au début, d’autant plus qu’il y a peu d’artistes qui gagnent vraiment leur vie grâce à leur travail.

 

Pauline, la présence des corps nus semble vous avoir, pour la plupart d’entre vous, beaucoup marqués. Pour ma part, je ne m’étais pas forcément rendu compte qu’ils étaient aussi présents, peut-être est-ce parce que vous n’avez vu qu’une partie de mon book. Si les corps sont dénudés, c’est aussi parce que cela exprime autre chose, et pas uniquement de la provocation. Ce n’est pas choquer qui m’intéresse, mais essayer de dire que les vêtements ne représentent pas toujours quelque chose, et que sans, les personnages sont plus “ mis à découvert ”, sans caches. Il y a des images où je parle du corps comme dans ” le puits à ciel ouvert", ou dans le dessin avec les poils pubiens qui poussent trop, et cela me semble plus juste qu’ils soient nus, mais dans d’autres images, comme dans “ Flower power ”, il ne me semble pas nécessaire qu’ils le soient, car je ne veux pas parler de la même chose, ou je veux en parler autrement.
Samuel, je suis d’accord que ce n’est pas appétissant de se baver dessus ! Ta réaction est tout à fait normale et c’est ce que je cherchais à éveiller chez les gens qui regardent. Mais pas uniquement : le travail de ces vidéos est aussi basé sur des expressions de langage, ici “ ravaler sa salive ”. Connais-tu cette expression ? C’est une expression qui, quand tu y réfléchis, contient beaucoup de violence, et c’est aussi cela qui est perturbant, violent, l’écart entre les mots et l’action.
Jimmy, ce travail d’une machine qui coupe et recoud était pour moi, en quelque sorte, une métaphore de la vie : je voulais dire que vivre c’était être blessé mais réussir à vivre avec ses blessures, c'est-à-dire faire en sorte de les cicatriser ou les réparer ; sinon, tu meurs. Ce travail est donc une sculpture qui compte le temps qui passe… C’est une sculpture en mouvement, qui fonctionne toute seule jusqu'à ce que quelque chose ne fonctionne plus. Je l’ai intitulée fleuve car “ l’eau coule et on se baigne jamais deux fois dans la même eau ” (c’est Héraclite qui l’a dit!).

 

 

Florian, c’est vrai qu’on ne tient pas souvent un poulpe dans une main… si j’avais mis un revolver ou une fleur certainement que tu ne m’aurais pas posé la question, car ce sont des images que l’on n'a plus l’habitude de voir, dans les films ou les BD… Ce dessin fait partie d’une série de dessins de mains (je vous les montrerais à ma venue), qui tiennent souvent des objets incongrus ou décalés. L’écart qui se forme me plait, entre la main avec qui l’on est tous les jours, et d’autres choses ; ça vacille entre le rêve et le cauchemar. Mis à part ça, j’ai dessiné un poulpe car une fois je me suis retrouvée à nager avec un poulpe, et celui-ci s’accroche à ta main parce qu’il croit que c’est un autre poulpe… c’est une sensation étrange, car ça fait à la fois peur et plaisir… voila pour la petite histoire du pourquoi !! Mais y a-t-il vraiment besoin de savoir ?
Jonathan, à toi d’imaginer ! Cela pourrait être un cheval champignon ; ou un cheval martien qui rêve à d’autres galaxies et sa tête se transforme ; ou montrer que dans le crâne il y a l’infini ; ou des nouveaux critères de chirurgie esthétique chez les animaux… je ne sais pas trop moi-même !!
Gaelle, ta question est rigolote, on ne me l’avait jamais posée !! oui j’aime bien les feuilles mais je n’en ai pas toute une collection chez moi !! Par contre, j’ai plein de feuilles pour dessiner, des petites et des grandes… et toi ? tu en gardes ? En as-tu une préférée? Dessines-tu dessus? Ce que j’aime bien dans les feuilles, c’est leurs nervures et leurs façons de s’envoler.
Voila. J’espère que mes réponses n’auront pas été trop confuses. Sinon vous m’en poserez d’autres !!
J’ai hâte de voir vos projets réellement.


Julia


Le dispositif de résidence mis en place au collège est explicité dans le N° 114 de CréAtions.

 


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