Rendre le journal scolaire aux enfants
De nombreuses productions voient aujourd'hui le jour, plus ou moins proches des journaux d'adultes. Au détriment de l'expression enfantine, on a quelquefois tendance à vouloir imiter les professionnels de la presse, grâce à la vulgarisation des moyens techniques.
Former des enfants producteurs d'écrits n'est possible que si les écrits demandés ont un sens pour eux (de la même façon que nous savons aujourd'hui qu'une vraie lecture ne peut être que celle d'un document qui présente un sens).
Or quel sens peut avoir pour l'enfant l'exercice qui consiste à lui demander d'écrire une rédaction à sujet imposé pour tous (et imaginé par le maître), voire une lettre, un compte-rendu d'activité, une recette ou une fiche technique, si le destinataire reste fictif et l'écrit consigné dans un cahier quelconque ?
On n'écrit que pour être lu (hormis sous la contrainte). Cette socialisation est indispensable, car elle est l'un des moteurs de la production, mais aussi parce qu'elle seule peut justifier pour l'enfant les exigences à venir quant au fond et à la forme de son écrit : logique du récit, syntaxe, orthographe, mise en page...
Les correspondances scolaires (écrites, informatique, fax...), les publications issues des classes (romans, recueils de poèmes, albums...) sont autant de techniques qui permettent l'ouverture de l'école sur l'extérieur. Le journal scolaire en est une, privilégiée, qui permet aux multiples formes d'écrits de trouver un destinataire, donc un sens... à condition qu'il soit bien l’œuvre et la propriété des enfants, et non celle de l'enseignant.
Au début, il préconisait le simple échange quotidien des imprimés (un par enfant) de chaque classe.
A l'origine était donc la page de vie, texte libre d'un enfant, choisi par le groupe, mis au point et imprimé, parfois manuscrit. Ces pages, échangées presque quotidiennement, et qui servaient de part et d'autre de support privilégié de lecture, avaient une charge affective très forte.
Les échanges se firent plus larges, et se posèrent les problèmes d'affranchissement : le tarif "Périodiques", accordé souvent par les receveurs des campagnes, fut refusé par ceux des villes.
Mon choix était si caractéristique que j'étais honteux de payer mon achat. Nous avons préparé un dossier significatif où figuraient aussi des extraits de journaux scolaires, qui fut distribué aux parlementaires.
Il fallut pourtant des années pour obtenir, à condition de centraliser les demandes à l'ICEM, que les journaux des enfants soient considérés comme de vrais périodiques."
Les années 80, virent la stagnation, voire le recul de la production de journaux scolaires. On peut poser comme hypothèse l'augmentation de la production écrite qui rend plus difficile son édition (lenteur de la composition à l'imprimerie en plomb).
Il fallut attendre 1982 pour qu'Alain Savary consacre la valeur éducative du journal scolaire.