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Le plat dans l'assiette

Dans :  Pour les élèves › Arts › 
Novembre 1998
détournement

 

 



 

La comparaison de ces deux assiettes a été l’occasion de beaucoup discuter : de sémiologie, de sociologie, d’archéologie. Et si tout cela ne semble pas très sérieux aux scientifiques, les enfants, à travers ce "concentré" de signifiants apprennent à "voir " autour d’eux et à mieux comprendre la société dans laquelle ils vivent.
La couleur jaune n’a pas toujours été comprise comme du métal (ce que l’élève aurait voulu réussir), le papier qu’il a choisi pour écrire l’addition n’est peut-être pas en rapport avec la « qualité » du restaurant qu’il désigne (au moins trois étoiles) ; tout cela nous perturbe pour bien apprécier ce qu’il a voulu mettre en évidence.

Lorsqu’on met un élève en présence d’une assiette dans une cuisine, il attend le repas puis il mange (et moi aussi la plupart du temps).
Lorsqu’on met un élève en présence d’une assiette dans une séquence d’arts plastiques, celle-ci reçoit un autre genre de nourriture, une nourriture symbolique.
Et quel est notre bonheur lorsque chacun apporte sa propre vision "transfiguratrice" qui, bien au-delà du simple exercice ou de la simple gymnastique nous interpelle, nous étonne, enrichit notre perception puis notre réflexion, jusqu’à la jubilation esthétique !

Il y a des élèves qui ont confiance en la technique, il y en a qui l’ont en horreur, préférant papillonner et produire au dernier moment un travail fulgurant. Il ne faut pas encenser les uns et honnir les autres (ou le contraire), le pédagogue doit rechercher "l’ouverture" que le travail procure pour mettre en évidence sa valeur (intelligence de l’expression).
La "poupée" a demandé un investissement technique (pâte à sel, peinture) dont cet élève a toujours aimé faire preuve et jusqu’à présent, cela lui suffisait. Cette œuvre a quelque chose de plus parce qu’elle dépasse la simple technique pour atteindre la poésie par différentes analogies (indépendantes de la technique).

La deuxième assiette est beaucoup plus cohérente. Les enfants peuvent "raconter" sur elle.
Ce qui pourrait paraître gênant, c’est que l’élève s’est inspiré de l’œuvre de Daniel Spoerri. Mais il ne l’a pas caché : c’est son désir de mener à bien son idée qui a présidé à ce choix et son emprunt devient donc une appropriation. Grâce à lui, les autres ont pu connaître l’œuvre de cet artiste et j’en ai profité pour parler des préoccupations des artistes de sa génération.

" Comment elle tient la fourchette ? " (un élève de 6e)

 

L’élève qui a fait l’autre assiette n’est pas un grand travailleur, pendant les deux séances de réalisation, on peut dire qu’il a "regardé" les autres travailler. C’est au dernier moment qu’il a produit son assiette.
Cette œuvre "minimaliste" est une œuvre "ouverte", car les simples actions (conscientes ou inconscientes) que cet élève a produites témoignent de la vivacité de son esprit :
- un pin’s, cela s’accroche sur un support vertical (maillot, etc.), celui-là s’accroche sur un support horizontal, (opposition des situations dans l’espace).
- "trouer" l’assiette pour accrocher le pin’s. L’assiette dont la fonction est justement d’être étanche devient "passoire" (opposition des fonctions),
- il ne reste que la trace de 10 autres pin’s.
Cela crée un rapport entre ce qui "est"et ce qui "a été"..
Cela met en valeur la différence entre le nombre et l’unité.
"Est-ce que le petit visage stylisé qui rit sur le pin’s "se fout de nous" ? ont dit certains.
Est-ce que ça ne serait pas aussi l’élève qui se fout de nous ? De toute façon, comme il nous le fait savoir de manière détournée et plutôt humoristique, on a plus envie de l’accepter que s’il nous le faisait dire directement.

 


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