Raccourci vers le contenu principal de la page

La méthode naturelle - Nicolas Go

Dans :  Région Grand Ouest › Formation et recherche › Principes pédagogiques › 

 
La méthode naturelle (Nicolas Go) revoir les citations de Freinet

 

 

 

Introduction par François Perdrial : La méthode naturelle est construite.

 

Nicolas Go est philosophe. Il est chargé du laboratoire de recherche au sein de l’ICEM, afin de faire évoluer les pratiques.

Il propose une lecture de Freinet, afin de réexpliciter les fondements de la pédagogie Freinet, et montrer que ces fondements restent nouveaux.
Ces techniques sont aussi expérimentées dans le social, on peut transporter la méthode naturelle dans d’autres champs que celui de l’école.

Méthode naturelle : qu’est-ce que cela veut dire ? Méthode ou naturelle ? Normalement, ils s’agit d’éléments contradictoires.

 

Analyse de la méthode naturelle pour approcher ce qu’elle est dans son essence.

 

 

 


Pourquoi la méthode naturelle ?
Parce qu’elle est l’entreprise fondamentale de la pédagogie Freinet. Elle enveloppe toutes les découvertes de l’école moderne. C’est le milieu favorable au tâtonnement expérimental.
Freinet a développé cette notion dans « Essai de psychologie sensible ».

Que fait-elle ?
Elle organise la rencontre des processus individuels dans le contexte social et politique de la coopération.
Elle concrétise des principes de philosophie de l’éducation : éducation à la sagesse notamment (« L’éducation du travail » par Freinet : livre initiatique par un paysan auprès d’enseignants).

Méthode naturelle de quoi ?
Méthode naturelle d’apprentissage. Education au travail et par le travail. Elle déborde le domaine des savoirs scolaires.
C’est une méthode de vie (apprentissage naturel de la lecture).
On travaille beaucoup dans les classes Freinet. Notion de jubilation, de joie, de puissance de vie…

 

Principes de la méthode naturelle :

 

 

 

Freinet est parti de l’ennui des enfants. S’ils s’ennuient, ils ne peuvent pas apprendre. D’où problèmes d’autorité, de sanction… et par voie de conséquence, l’échec scolaire et les inégalités. Donc, pourquoi les élèves rechignent tant ? Ils ne s’ennuient pas parce qu’ils ne veulent pas travailler mais parce qu’ils n’ont pas assez de travail. Il faut donc libérer le travail de la scolastique. La classe traditionnelle ne met pas au travail, elle prive l’enfant des ressources créatives du désir. Freinet s’inscrit dans une visée politique révolutionnaire. Il était pragmatique et animateur d’un mouvement populaire. Il voulait « un projet de sagesse révolutionnaire ».La méthode naturelle est la forme concrète que prend ce projet.
En ce qui concerne la notion de puissance de vie (Freinet), de primat du désir : c’est une considération matérialiste de bon sens, et qui plonge ses racines dans les physiciens… « L’être humain est dans tous les domaines animés par un principe de vie, qui le pousse à croître à se perfectionner… afin d’acquérir un maximum de puissance sur ce qui l’entoure » (Freinet).
Dans la réalisation de ce processus vital, pour la montée normale de l’être, on mobilise de la puissance. L’éducateur doit voir des puissances de vie dans les élèves. Chaque enfant est une puissance de vie singulière. Chacun cherche son propre mode d’évolution, pour grandir. Elle a une histoire personnelle. Elle varie en fonction des diminutions et des accroissements.
Quand un enfant présente un texte devant les autres, il ressent un sentiment de puissance, d’où une jubilation. C’est le signe que la vie a réussi.
Quand après plusieurs tâtonnements, un enfant redécouvre seul la méthode de Gauss, il éprouve dans sa solitude et devant le groupe un sentiment de puissance. C’est une expérience cruciale intellectuelle, affective et sociale.
Freinet est en accord avec Aristote : «  Il n’y a qu’un seul principe moteur : la faculté désirante ».
Spinoza : «  Le désir est l’essence de l’homme » ( In L’éthique).

Cette méthode crée un milieu favorisant les accroissements de puissance. Elle organise leur rencontre et leur amplification mutuelle dans un contexte coopératif.

Inconscient : usine à fabriquer du désir (Deleuze). C’est donc différent de chez Freud. La conquête d’une connaissance est comme la conquête d’un être aimé (on part d’un principe de désir).

 

Deuxième aspect de la méthode naturelle : La fécondité du milieu, la rencontre des puissances

 

 

 


Les enfants se rencontrent par leur désir de vivre.
C’est grâce aux autres que la liberté existe.
Avant d’être un principe politique, la méthode naturelle est un principe éthique. Il est le prolongement social de phénomènes biologiques.
La coopération enrichit les puissances de vie, sans aucun effet de pouvoir. Ce n’est pas un partage des pouvoirs. Le pouvoir est toujours effectuation d’une puissance au détriment d’une autre.
C’est donc l’inverse qui se produit quand il y a coopération. On partage ses découvertes, et en transmettant, on enrichit les autres. L’enfant partage car c’est plus humain et c’est plus joyeux.
Freinet voyait aussi un apprentissage naturel par l’imitation « La loi de résonance ».
« L’individu éprouve un besoin psychologique et fonctionnel d’accorder ses gestes […] avec les individus qui l’entourent. Tout désaccord est senti comme une désintégration.  Il est donc naturel que l’enfant accorde ses gestes et ses cris à l’unisson […] ».
La méthode naturelle prend en compte la totalité de l’être. Paul Ricoeur appelle la complexité de l’être « l’expérience totale ». On n’est pas juste des sujets épistémiques mais des êtres sensibles avec des satisfactions, des angoisses…
Gilles Deleuze : « On ne désire jamais un objet isolé, séparé, on désire toujours dans un ensemble ». « Un milieu est fait de qualités, de substances, d’évènements ».On met des affects dans nos expériences. Ce sont ces affects qui font l’identité de l’individu.
En pédagogie Freinet, on assiste à une prolifération d’évènements dans l’incertitude, ce n’est pas prévu à l’avance.

La méthode naturelle organise le tâtonnement expérimental. L’enfant est auteur. Elle favorise les intentions, permet à l’enfant de développer sa puissance créatrice, en coopération avec les autres.

« En méconnaissant ce besoin de l’être de monter […], l’école s’est privée du plus puissant des moteurs humains » (Freinet).

 

DISCUSSION :

 


François pose la question de la mise en pratique de la méthode naturelle.

 

Pourquoi ne pratique-t-on pas la méthode naturelle ?

 

 

 


C’est un problème sociologique. Depuis la Grèce antique, la scolastique fonctionne.
C’est aussi un problème politique, il vaut mieux former des individus pouvant être assujettis à une autorité. C’est du cynisme de la part de ceux qui sont aux commandes, notamment actuellement.
Il y a un véritable enjeu des postures face à ce système : on créé une société avec rapport de domination…
Mais il ne faut pas être fataliste face à cela. Il y a toujours la possibilité de mettre en œuvre un acte libre.

 

Comment se fait-il aujourd’hui, si l’on prend en compte l’état des recherches en sciences sociales et en ayant conscience des mécanismes, que la machine soit plus puissante que les acteurs eux-mêmes  ?

 

 

 


Les sciences de l’éducation est un champ où se joue du pouvoir. On est dans une logique de rapport de pouvoir. Il faut être en conflit de résistance, mais il faut être aussi créatif. Il faut montrer que l’on peut travailler autrement dans nos classes afin de viser le mieux.

Les décisions se prolongent dans le lien social, vers une coopération avec d’autres.

Autre enjeu : essayer d’inventer les voix d’une action autre. Il faut se rendre digne de sa propre existence. C’est de l’égard par rapport au monde.

 

Aristote est le père de la scolastique. Freinet serait plus proche de Socrate.

 

 

 


Nicolas Go conteste.

Rappel historique de François. Freinet a amené un sang neuf, après la première guerre mondiale. Dans la méthode naturelle, il y a l’idée de repartir sur d’autres bases.

N.G : On peut faire la méthode naturelle dans le milieu économique, on peut transférer les principes dans différents champs en les adaptant. Il s’agit juste de prendre en compte les spécificités de ces champs.

 

Interrogation d’un parent d’élève : est-ce que cette méthode est valable pour tous les enfants, est-ce que ce n’est pas trop déstabilisant pour certains enfants ?

 

 

 


NG répond que oui, par essence, c’est valable pour tous les enfants. Il faut mettre nos pratiques à l’épreuve. Ce n’est pas la méthode naturelle qui est à remettre en cause. Théoriquement, il ne peut y avoir d’échec.
Si cela ne fonctionne pas, c’est qu’il y a un dysfonctionnement au niveau des acteurs. Il faut se mettre dans une position critique : qu’est-ce que j’ai raté ?
Responsabilité de l’enseignant qui doit se poser la question de ce qui dysfonctionne.

 

Quelle rôle et place de l’enseignant dans cette méthode ?

 

 

 


L’histoire ne produit pas les conditions de sa réussite. C’est donc à nous d’agir.
Il faut 20 ans de travail pour y arriver.
Il s’agit d’avoir une attitude adéquate à la méthode naturelle.
Cette méthode est fragile, parce qu’elle est de l’ordre des processus singuliers de l’enfant.
Il faut arriver pour chaque enfant à mettre en place sa ligne de vie.