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Pour la création d’un atelier de démocratie familiale

POUR LA CRÉATION D’UN
 
 
 
ATELIER DE DEMOCRATIE FAMILIALE
 
 
 
Jean Le Gal
 
introduction
 
Je ne suis pas un expert de la participation démocratique des enfants dans la famille. Par contre, dans mon action pour que soit reconnu le droit de participation des enfants, afin qu’ils soient réellement associés aux décisions quand elles les concernent que ce soit dans la famille, l’école, les centres de loisirs, la ville, j’ai beaucoup appris, en dix années, avec les parents qui ont créé, à Nantes, des groupes de parole pour échanger sur leurs pratiques familiales dans ce domaine.
 
Mieux que moi, ils peuvent répondre, et de façon vivante, à la question : comment mettre en place, au sein de la famille, une participation démocratique des enfants, qui enrichisse les relations familiales, favorise un mieux vivre ensemble, et permette aux enfants d’apprendre à exercer des droits et des libertés en respectant les limites et les obligations qui s’imposent à tous ?
 
C’est pourquoi, l’expérience nous a montré qu’il était très important qu’après un apport théorique, qui justifie la mise en œuvre d’une participation démocratique des enfants, les parents puissent échanger avec d’autres parents qui ont déjà une expérience dans ce domaine.
 
Ceux-ci peuvent, en petits groupes, partager leur expérience avec ses tâtonnements, ses réussites, ses difficultés, répondre aux interrogations et montrer ce que leur apporte le groupe de parole que nous avons appelé « atelier de démocratie familiale ».
 
Ensuite, il est possible d’envisager la création d’un nouveau groupe de parole, avec ses modalités de fonctionnement, avec les parents qui ont été convaincus qu’il est important de s’engager dans cette aventure humaine et éducative.
 
I – le droit de participation démocratique des enfants
 
Les deux premiers ateliers de démocratie familiale ont été créés à Nantes par des parents de l’école Freinet « Ange Guépin » de Malakoff.
 
Dans cette école, les enfants peuvent donner leur avis et participer aux décisions avec les adultes, dans chaque classe et au niveau de l’école, sur l’organisation démocratique mise en place, sur les projets collectifs, les apprentissages et les activités diverses d’une collectivité active d’enfants.
 
Ils y exercent les droits qui leur sont reconnus par la Convention internationale des droits de l’enfant et d’autres droits inscrits dans la Charte de l’école.   
 
C’est un choix éducatif pour accompagner chaque enfant progressivement vers son autonomie sociale et l’exercice d’une citoyenneté participative. Ce choix repose sur la reconnaissance de l’enfant comme étant capable de participer à la gestion des affaires qui le concernent et d’assumer des responsabilités au sein des collectivités où il vit.
 
Freinet, en juin 1939, dans un article L’école au service de l’idéal démocratique[1], écrivait « Nous disons, nous, l’enfant – et l’homme – sont capables d’organiser eux-mêmes leur vie et leur travail pour l’avantage maximum de tous ». C’est sur ce principe fondamental que se sont appuyés, dès le début du 20 e siècle, les pionniers de l’Ecole nouvelle, de l’Ecole socialiste et d’une Education populaire qui ont créé des communautés d’enfants organisées démocratiquement.
 
Pour eux, comme pour nous, reconnaître la capacité de participation des enfants aux décisions qui les concernent ne veut pas dire les laisser se débrouiller seuls.
 
Nous sommes bien conscients que les enfants ne peuvent aller que progressivement vers le plein exercice de leurs droits, en étant accompagnés par des adultes attentifs au développement de leurs capacités[2].
 
Cet accompagnement revient d’abord à la famille, comme le précise la Convention internationale des droits de l’enfant dans son article 5 :
 
« Les Etats parties respectent la responsabilité, le droit et le devoir qu’ont les parents ou, le cas échéant, les membres de la famille élargie ou de la communauté, comme prévu par la coutume locale, les tuteurs ou autres personnes légalement responsables de l’enfant, de donner à celui-ci, d’une manière qui corresponde au développement de ses capacités, l’orientation et les conseils appropriés à l’exercice des droits que lui reconnaît la présente Convention».
 
La participation démocratique implique un apprentissage par la pratique. Mais, comme le souligne le Conseil de l’Europe,
 
« Les adultes ont le devoir de ne pas mettre en péril les enfants et de ne pas les charger de responsabilités qu’ils ne sont pas en mesure d’assumer ».
 
Comment alors accompagner les enfants vers leur autonomie, les aider à grandir, en leur permettant d’exercer des droits, des libertés et des responsabilités, tout en garantissant leur protection ? est une question que nous continuons à nous poser, dans tous les lieux qui accueillent les enfants, et à laquelle nous recherchons des réponses pertinentes par une approche multidimensionnelle.
 
C’est ainsi, que le 16 novembre 2012, au Salon national de la pédagogie Freinet à Nantes, nous avons fait appel à Mireille Cifali, [3]psychanalyste et professeur en sciences de l’éducation à Genève. Dans sa conférence, elle nous a développé les «  conditions institutionnelles, enjeux psychiques et dimensions relationnelles » de « Grandir dans l’école ».
 
1 – La création des ateliers de démocratie familiale
 
Nous sommes en octobre 2002 à l’école Ange Guépin. Une dizaine de parents, avec une animatrice de l’école, Barbara Durot, me demandent de m’associer à leur projet : créer un lieu où ils pourraient partager et analyser ensemble leurs tentatives pour mettre en place dans la famille, avec leurs enfants, une organisation démocratique. Pour certains, ce sont leurs enfants qui ont proposé «  Et pourquoi, on ne ferait pas un conseil comme à l’école ! ».
 
Ni eux, ni moi, ne connaissons d’étude sur les pratiques de participation démocratique dans la famille. Nous décidons donc de partir des expériences menées dans des classes coopératives. Je viens alors de publier un livre[4] Les droits de l’enfant à l’école. Pour une éducation à la citoyenneté, dans lequel, je présente la Convention internationale des droits de l’enfant, l’exercice d’une démocratie participative à l’école, avec ses conseils, ses projets participatifs, l’exercice des droits et libertés, une discipline éducative. Ce seront donc nos points d’appui pour aller, ensemble, vers «  une démocratie familiale ».
 
2. De la Convention internationale des droits de l’enfant À la participation démocratique dans la famille
 
La Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, a été adoptée par les Nations Unies le 20 novembre 1989 et ratifiée par la France en juillet 1990.
 
Une Convention est un texte juridique contraignant. En la ratifiant, l’Etat s’est engagé à respecter les droits énoncés et à les garantir à tous les enfants relevant de sa juridiction, qu’ils soient français ou étrangers.
 
Tous les cinq ans, il doit faire un rapport au Comité des Nations Unies pour les droits de l’enfant et se fait rappeler les obligations à respecter. Ce rappel aux pouvoirs publics des obligations liées à la Convention internationale est aussi une action constante de toutes les associations qui défendent les droits des enfants qui, souvent, ne sont pas respectés. C’est aussi un droit que les enfants eux-mêmes peuvent mettre en œuvre. Pour la Convention internationale, « enfant » est entendu comme être humain jusqu’à 18 ans.
 
La Convention leur reconnaît le droit à l’éducation, à la santé, à la satisfaction de leurs besoins vitaux, aux loisirs, à la protection contre toutes les atteintes à leur personne…, mais aussi, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, les libertés et les droits fondamentaux d’expression, d’information, d’association, de réunion, de conscience, de pensée, de religion, qu’ils pourront exercer en fonction du développement de leurs capacités.
 
L’article 12 constitue le fondement du droit de participation démocratique des enfants au processus décisionnel.
 
Il stipule que :
 
1) Les États parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité.
 
2) À cette fin, on donnera notamment à l’enfant la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’une organisation approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale.
 
En 1990, dans le rapport présenté à l'Assemblée nationale pour la ratification de la Convention, les parlementaires ont été informés que :
 
« Ce droit d'expression peut être décomposé en trois points :
 
– le droit de s'exprimer, de parler, de donner son avis ;
 
– le droit d'être écouté, d'être cru ;
 
– le droit de participer au processus de décision et même de prendre seul des décisions. »
 
  • Les enfants ont le droit d’exprimer librement leurs opinions : il revient aux adultes, parents, élus, animateurs, enseignants, de leur fournir la possibilité de donner leur avis sur tous les sujets, actions et décisions qui les concernent. Leur expression s’applique à la fois aux questions qui les concernent individuellement, mais aussi aux questions concernant l’ensemble des enfants, les politiques publiques et la législation qui ont un impact sur leur vie : les transports, le logement, l’environnement, l’éducation, l’aide à l’enfance, la santé publique.

 

  • Ils ont le droit d’être pris au sérieux : leur expérience, leurs connaissances et leurs contributions doivent être prises en considération et peser sur les décisions. Ce qui ne veut pas dire que l’on soit dans l’obligation de dire oui à toutes leurs propositions. Il sera tenu compte évidemment de la pertinence de leurs propositions au regard de deux principes : l’intérêt supérieur de l’enfant et l’intérêt collectif.

 

  • Ils doivent pouvoir participer au processus décisionnel non seulement en donnant des avis mais en participant aux décisions elles-mêmes.
 
Or nous pouvons constater, dans les expériences de démocratie participative engagées par des villes, que la participation des habitants se situe à des niveaux divers : consultation, concertation, co-construction des projets, co-décision avec les élus. Pour la mise en œuvre de la participation des enfants au processus décisionnel, j’ai été donc amené à tirer des enseignements de cette diversité. [5]
 
Il est évident que ce droit nouveau remet en cause notre conception de la place de l’enfant dans la société, la famille, les institutions et de la relation adultes/enfants. Il nous oblige à revoir notre regard sur l’enfance et nos comportements. Pour l’UNICEF, « la participation des enfants  passe par un changement radical des modes de réflexion et de comportement des adultes ».
 
Les oppositions et les incompréhensions sont donc nombreuses.
 
Cette situation nous a mis dans l’obligation d’appuyer notre action éducative et institutionnelle sur des points d’appui solides, dont je ne donnerai ici que quelques éléments qui marquent la légitimité d’une nouvelle approche de la place de l’enfant dans la famille et la société.
 
En 1996,[6] le Conseil de l’Europe a indiqué à tous les Etats européens que
 
« L'enfant doit être considéré comme un membre actif de la société ou comme un citoyen à tous les niveaux (famille, école, quartier, sport)... La formation à la participation, qu'elle ait lieu dans un cadre familial, à l’école, au niveau des quartiers, au sein d’association d’enfants ou dans des institutions pour l’enfance, est essentielle pour doter l’enfant d’une expérience réelle de citoyenneté. »
 
En 2004, le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies a rappelé à l’État français qu’il doit
 
« continuer à promouvoir le respect des opinions de l’enfant au sein de la famille, à l’école, dans les institutions ainsi que dans le cadre des procédures disciplinaires administratives, et à faciliter la participation des enfants pour toutes questions l’intéressant, conformément à l’article 12 de la Convention, en tant que droit dont l’enfant est informé et non à titre de simple possibilité ». 
 
Et pour cela l’État doit
 
« donner aux parents, aux enseignants, aux fonctionnaires, aux membres du corps judiciaire, aux enfants eux-mêmes et à la société dans son ensemble des informations à caractère pédagogique sur cette question en vue de créer et d’entretenir un environnement dans lequel les enfants puissent librement exprimer leurs opinions, et où ces opinions soient dûment prises en considération ».
 
La participation démocratique des enfants concerne donc tous les lieux qui les accueillent : la famille, l’école, les espaces d’accueil périscolaire et de loisirs, les associations et la ville dans ses expériences de démocratie participative.
 

En novembre 2011, une Charte-agenda mondiale des droits de l’Homme dans la cité[7] a été adoptée par le congrès mondial des « Cités et Gouvernements Locaux Unis ». Elle affirme, pour la première fois dans un texte international, le « Droit à la démocratie participative ».

 
 
 
Elle stipule que
 
1) Tous les habitants de la Cité ont le droit de participer aux processus politiques et de gestion de leur Cité…
 
2) La Cité encourage une participation de qualité de ses habitants dans les affaires locales, leur assure un accès à l’information publique, et reconnaît leur capacité à influer sur les décisions politiques. Elle encourage en particulier la participation des femmes dans le plein respect de l’égalité de leurs droits. Elle favorise également la participation des groupes minoritaires. Elle promeut la participation des enfants dans les affaires les concernant ».
 

En 2009, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, dans une Recommandation « Promouvoir la participation des enfants aux décisions qui les concernent » [8]avait déjà considéré que « le processus de partage des décisions qui concernent la vie de l’individu et celle de la collectivité dans laquelle il vit est un des moyens de construire et de mesurer la démocratie dans un pays : la participation est un droit fondamental du citoyen et les enfants sont des citoyens. »

 
La participation démocratique des enfants n’a donc pas seulement une dimension éducative et institutionnelle, réservée aux temps et aux espaces qui les accueillent, elle a une dimension sociale et politique. Elle s’inscrit dans la longue histoire de la citoyenneté et de la démocratie et donc dans l’émergence de la démocratie participative et la définition d’une nouvelle citoyenneté :
 
Un citoyen actif et responsable exprime son avis, propose des projets et des solutions aux problèmes, s’associe aux débats et aux prises de décision, assume des responsabilités dans leur mise en œuvre et continue à se former pour construire les compétences qui lui sont nécessaires.
 
Elle s’inscrit aussi dans la longue histoire de l’enfance. La réalité sociale de l’enfant aujourd’hui, sa place dans la société, la famille, l’école et les institutions éducatives, ses droits et leur mise en œuvre, les finalités et les valeurs sur lesquelles se fondent l’action éducative, sont l’aboutissement de la longue histoire de l’humanité et des droits de l’Homme. Il a fallu des siècles pour passer de l’enfant soumis à l’enfant citoyen.[9]
 
Il a fallu aussi des siècles pour passer de la puissance paternelle à la loi du 4 juin 1970 qui a institué l’autorité parentale conjointe. La revue L’École des Parents avait alors publié un article de Simone Comte [10], « De la toute puissance paternelle à la démocratie familiale ». Elle y témoignait de l’évolution du fonctionnement familial vers une organisation plus démocratique qui préserve la liberté de chacun.
 
Nos « ateliers de démocratie familiale » s’inscrivent dans cette évolution novatrice.
 
3. La participation démocratique des enfants à la vie familiale[11]
 

Pour le Conseil de l’Europe, la famille est « la plus petite cellule de démocratie », une cellule où les enfants « doivent grandir dans un climat de bonheur, d’amour, de compréhension…pour l’épanouissement de leur personnalité » mais où ils doivent aussi être « préparés à devenir des citoyens autonomes, responsables et solidaires, grâce à la prise en compte de leurs droits et besoins »

 
Le 4 mars 2002, le parlement français est allé dans ce sens en modifiant la loi relative à l’autorité parentale.[12] Elle stipule dans son article 371-1, qui est lu lors des mariages mais qui n’est pas toujours communiqué ensuite aux parents venant déclarer la naissance d’une enfant :
 
« L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant. Elle appartient aux père et mère jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement dans le respect de sa personne. Les parents associent l'enfant aux décisions qui le concernent selon son âge et son degré de maturité ».
 
Les parents en associant leurs enfants aux décisions qui les concernent, en les accompagnant dans l’exercice de libertés et de responsabilités, participent à l’éducation à une citoyenneté active et responsable. Mais pour que cette transformation progressive de la vie familiale puisse se faire, il est important :
 
  • que les parents soient informés sur l’évolution de la conception de l’enfant, de ses droits, de sa place dans la société, la famille, l’école…

 

  • qu’ils soient rassurés : l’exercice des droits et des libertés[13] n’est pas la reconnaissance d’une toute puissance de l’enfant car l’exercice d’une liberté, au sein d’une collectivité, implique des obligations et des limites et le rappel des règles lorsqu’elles sont transgressées. Au sein de la famille tous les membres ont des droits et des obligations, et tous doivent être respectés ;

 

  • qu’ils voient, par des témoignages de pratiques, qu’il est possible de faire participer les enfants à un processus décisionnel démocratique sans pour autant que l’adulte soit confronté à des situations qu’il n’est plus capable de maîtriser, perde son autorité ;

 

  • qu’ils soient accompagnés, s’ils le désirent, dans le changement progressif qu’ils vont mettre en œuvre, en créant de petits groupes de parents où chacun pourra présenter ses tentatives, ses réussites et ses difficultés.
 
Les questions sont nombreuses.
 
Évidemment les questions sont nombreuses. Au cours de nos ateliers, à Nantes, j’en ai recueilli une centaine. Nos réflexions et nos expérimentations ont pour objectif d’y apporter des réponses qui vont éclairer nos pratiques.
 
En voici simplement quelques unes :
 
 Généralités
 
  • Quelle place, quelle parole, quelles responsabilités des enfants au sein de la famille ?
 
  •  Quelles valeurs dans une famille organisée démocratiquement ?
 
  •  Que devient l’autorité parentale ? Comment peut-elle s’exercer ?
 
  •  Quel est le pouvoir des parents dans la famille ?
 
Vers une démocratie familiale
 
  • Par quoi est-il préférable de commencer ?
 
  • Comment organiser la participation avec une fratrie ayant de grands décalages d’âge ?
 
  • Quels obstacles bloquent ou freinent la participation de l’enfant ?
 
Le processus décisionnel
 
  •  Quels sont les éléments de la vie familiale auxquels il est important de faire participer les enfants dans un processus démocratique : définition des droits et libertés ? activités quotidiennes ? projets collectifs ? budget familial ? règles de vie ? procédures disciplinaires et sanctions ?
 
  •  Quelles sont, dans la vie familiale, les décisions qui reviennent à chacun des membres de la famille, à titre personnel ?
 
  •  Quelles décisions l’enfant a-t-il la possibilité de prendre seul, au fur et à mesure qu’il grandit : initiatives d’activités? vêtements ? achats ? sorties ? …
 
  •  Quelles sont celles qui ne reviennent qu’aux parents et qui ne sont pas négociables ?
 
  •  Quelles décisions sont prises ensemble adultes et enfants ?
 
  •  Qu’est-ce qui est négociable ? Qui en décide ? Comment ?
 
 La mémoire des décisions prises
 
  •  Faut-il écrire les décisions ? Comment ?
 
  •  Qui est garant du respect des décisions ?
 
  •  Qui les rappelle ?
 
 Les projets communs
 
  •  À quels projets faire participer les enfants et comment ?
 
  •  Comment élaborer et appliquer un projet participatif ?
 
  •  Tous les membres de la famille ont-ils l’obligation d’y participer lorsqu’ils l’ont décidé ensemble ?
 
 Les droits et les libertés
 
  •  Quels sont les droits et libertés dans la famille ?
 
  •  Faut-il en établir la liste et l’écrire ?
 
  •  Faut-il demander à chacun d’exprimer les droits qu’il aimerait pouvoir exercer ?
 
  •  Qu’en est-il du droit au respect ?
 
  •  Que veut dire, pour chacun, être respecté dans la famille ?
 
 L’exercice des droits et des libertés
 
  •  organiser l’exercice d’un droit avec ses modalités d’exercice, ses limites, ses obligations… ?
 
  •  Que se passe-t-il si des limites et des obligations ne sont pas respectées ?
 
 Le respect des règles communes
 
  •  Quelles règles peuvent être imposées par les parents ?
 
  •  Quelles règles peuvent être négociées et décidées avec les enfants ?
 
  •  Les parents doivent-il respecter les mêmes règles que les enfants ?
 
  •  Celui qui détient l’autorité ne doit-il pas faire preuve d’exemplarité ?
 
  •  Qui intervient en cas de non respect des règles ?
 
  •  Quelles sont les sanctions qui peuvent être appliquées ?
 
  •  Qu’en est-il des châtiments corporels dans la famille ?
 
  •  Le droit de correction existe-t-il encore ?
 
 Le partage des tâches
 
  •  Faut-il s’orienter vers un plus grand partage des tâches au sein de la famille ?
 
  •  Quelles responsabilités est-il légitime de demander aux enfants de partager en fonction du développement de leurs capacités ?

 

 
II – l’exercice des droits et des libertés
 
Les analyses que j’ai menées sur le fonctionnement de diverses structures éducatives, familles, classes, écoles, centres de loisirs, activités périscolaires… montrent que les enfants y exercent des droits qui ne sont pas souvent reconnus comme tels. Ce sont des possibilités qui leur sont accordées de manière implicite et qui sont donc soumises à l’arbitraire des adultes.
 
Or, dans l’approche, qui est la nôtre, d’une éducation à une citoyenneté active et responsable au sein d’une collectivité organisée démocratiquement, il est important que les droits individuels de chaque membre de la collectivité, soient affirmés, garantis et défendus. Leur inscription dans un texte de référence, charte et/ou règlement, permet à chacun de les connaître. [14]Il est alors possible, ensemble, de définir les limites et les obligations à respecter, la gestion des transgressions, les recours contre les décisions jugées arbitraires… Chacun doit pouvoir, lorsque ses droits ne sont pas respectés, légitimement protester.
 
Les propositions que je fais ici s’appuient sur les expériences que j’ai menées, avec des groupes d’adultes et des groupes d’enfants, au cours de mes activités d’enseignant et de formateur.
 
1. Respecter les principes du droit
 
Au sein de l'Etat de droit, la liberté est définie, organisée et garantie par la loi. Elle peut faire l'objet d'un aménagement, être limitée, mais nul ne peut la supprimer.
 
On distingue généralement trois régimes différents pour l'exercice des libertés[15]:
 
1 - Le régime répressif, contrairement à ce que suggère sa terminologie, est considéré comme le plus favorable aux libertés. Chaque individu peut exercer librement son activité, sans en informer les autorités administratives. Le contrôle s’exerce a posteriori, en application du principe selon lequel la liberté est la règle et l’interdiction l’exception. Mais les abus de la liberté, le non respect des limites et restrictions prescrites par la loi, peuvent entraîner une répression.
 
2 - Le régime préventif ou d'autorisation préalable confie à l'autorité administrative le soin d'autoriser ou de refuser la possibilité d'exercer une liberté, selon deux modes d’autorisation :
 
– soit l’administration est tenue d’autoriser l’exercice du droit dès lors que la personne remplit les conditions fixées ;
 
– soit elle a le choix, de manière discrétionnaire, d’accorder ou non l’autorisation demandée.
 
Parfois cette autorisation est liée à l'attestation d'une compétence, d'une capacité à exercer un droit : c'est le cas de la conduite d’un véhicule.
 
3 - Le régime déclaratif implique l’obligation d’effectuer une démarche auprès de l’administration mais celle-ci ne dispose pas du pouvoir de refuser la déclaration. Tel est le cas pour l’exercice de la liberté de la presse ( loi du 29 juillet 1881) et du droit d’association (loi du 1er juillet 1901).
 
En application de ce modèle, j’ai créé et expérimenté, avec les élèves de ma classe, puis, en tant qu’enseignant-chercheur, avec des stagiaires de l'IUFM et des éducateurs spécialisés d’un Centre de formation, une grille d'exercice des droits et libertés qui peut être utilisée dans tout groupe.
 
 
 

 

 
 
 
 
2. L’apprentissage de la limite
 
Le premier constat, que j’ai fait lors de l’application de cette grille, est qu’en partant de la liberté et du droit, en définissant les modalités d’exercice ensemble, chacun comprend mieux la réciprocité entre droits et devoirs, entre libertés et obligations, et les limites posées. La nécessité pour chacun de les respecter n’apparaît plus comme une contrainte imposée, mais comme la condition pour que chacun puisse exercer pleinement ses libertés individuelles dans un groupe coopérant pour la réalisation de projets communs.
 
Mes observations montrent aussi que très souvent pour les adultes, soucieux du bon fonctionnement des groupes dont ils sont responsables, ce sont les devoirs et les obligations qui priment, alors que pour les enfants et les jeunes ce sont leurs droits. Deux logiques contradictoires s’affrontent.
 
C’est ainsi que dans les règlements d’école et de classe des obligations, « tu dois » et des interdits « tu ne dois pas » sont souvent posés sans aucune référence aux droits des enfants :
 
« Tu dois lever la main pour parler et attendre d’être interrogé »
 
« Tu ne dois pas parler à ton voisin pendant les exercices »
 
« Il est interdit de courir dans les couloirs »
 
Cette situation peut expliquer pourquoi les adultes qui organisent l’exercice des libertés dans les collectifs dont ils sont responsables sont souvent soupçonnés de laxisme, de laisser tout faire aux enfants, de manquer d’autorité. Or tel n’est pas le cas. Neil lui-même, [16]dont on connaît le respect pour la liberté des enfants, affirmait que
 
« quiconque permet à un enfant de faire tout ce qui lui plaît est sur une voie dangereuse. Personne ne peut avoir une liberté totale, car les droits des autres doivent être respectés...La liberté n'implique pas l'anarchie. »
 
Avant lui, Kerschensteiner[17] écrivait que
 
« sans limites, sans repères et sans lois, il n'y a pas d'interdits, pas de transgressions et pas de structuration possible pour l'individu en éducation qu'est l'enfant »
 
Il est donc essentiel de lui fixer des limites, des repères, de lui indiquer clairement ce qui est possible et ce qui est interdit. Mais il n’est pas toujours facile de savoir où fixer la barrière entre le permis et l’interdit. Les limites ne sont pas identiques dans toutes les cultures, donc dans toutes les familles.
 
Par ailleurs, poser une limite implique d’intervenir lorsqu’elle n’est pas respectée. Ce coup d’arrêt à son action provoque parfois chez l’enfant des réactions hostiles que les adultes, proches affectivement de l’enfant, redoutent. Dire « non » est donc parfois difficile même si c’est un acte éducatif nécessaire.
 
Chacun doit être convaincu que pour être structurantes, les limites impliquent que les adultes soient persévérants et cohérents. Dans la famille, comme à l’école, les enfants remarquent très vite si les adultes n’ont pas la même appréciation, ni la même réaction, lorsque les interdits sont transgressés. Or, pour se construire, l’enfant a besoin d’adultes référents, sur lesquels il puisse s’appuyer, et de repères stables, pour savoir jusqu’où il peut aller.
 
L’apprentissage de la limite est donc un impératif dans la construction sociale de la personne, dans sa compréhension du sens de la liberté.
 
Poser des limites est une nécessité, encore faut-il, puisque nous partons d’une liberté, que les restrictions apportées à son libre exercice soient justifiées
 
Au cours des réflexions que j’ai menées avec des enseignants, nous avons repéré un certain nombre d'exigences liés à des principes, des lois, des obligations et aux finalités et objectifs de l'école :
 
1 - le respect de la loi
 
Chacune des libertés accordées à l’enfant par la Convention internationale est accompagnée des restrictions qui sont prescrites par la loi et nécessaires dans une société démocratique : les droits et les libertés d’autrui, la sauvegarde de la sécurité nationale, de la sûreté publique ou de l’ordre public, la protection de la santé ou de la moralité publiques.
 
2 - le respect du droit des autres à exercer cette même liberté :
 
L’obligation de réciprocité s’impose à tous.
 
3 - le droit à la sécurité de l'enfant et l'obligation de protection faite aux éducateurs.
 
L’enfant doit être protégé contre les agressions et les risques qui peuvent mettre en danger sa personne. Entre liberté et protection, deux impératifs contradictoires, le problème n’est pas simple à résoudre.
 
4 - le droit à l'enfance
 
L'enfant est un être en développement. Ses compétences cognitives et sociales, nécessaires pour exercer une liberté et en comprendre les limites, sont en construction. Il a droit au tâtonnement expérimental social et à l’erreur.
 
Les responsabilités liées à l'exercice d'un droit, et dont il peut avoir à répondre devant le groupe, ne doivent pas être trop pesantes pour lui..
 
5 - les finalités et objectifs de l'école qui engagent la responsabilité pédagogique et éducative de l'enseignant
 
L’enseignant est le garant du droit à l’éducation et du droit à l’instruction de tous les enfants. Le respect de la dignité de la personne, les valeurs qui fondent une relation de dialogue, de coopération, d'entraide, de solidarité ne peuvent pas être remises en cause.
 
6 -  Les exigences propres aux différentes activités dans un milieu donné
 
Pour chaque activité, la même liberté peut s’exercer avec plus ou moins de restrictions.
 
La régulation nécessaire doit donc être adaptée au contexte et aux objectifs de l’activité.
 
 
3. Faire fonctionner notre modèle
 
Le modèle que je propose peut fonctionner à chaque fois que dans un groupe on a défini ensemble quels vont être les droits de chacun :
 
1 - Le choix d’un système d’exercice de la liberté
 
Dans un premier temps, pour chaque droit ou liberté, en tenant compte de différents facteurs ( âge des enfants, maturité sociale, contexte....) il est nécessaire de s’interroger sur le choix d'un système d’exercice de la liberté concernée.
 
Par exemple, concernant les sorties seul hors de la famille :
 
- allons-nous permettre l'exercice de cette liberté, sans contrôle préalable des capacités des enfants à l'exercer ?
 
- si nous lions l'exercice de cette liberté à l'acquisition de la capacité à l'exercer, comment et par qui seront déterminés les critères permettant d’évaluer cette capacité ?
 
- par souci de sécurité et de contrôle, cette liberté ne pourra-t-elle s'exercer qu'avec l'autorisation des parents ?
 
2 - Fixer les obligations et les limites
 
Dans un deuxième temps, nous aurons à déterminer les modalités d’exercice de la liberté, à fixer les obligations et les limites, à bien préciser ce qui sera considéré comme une transgression impliquant une intervention, car les enfants n’en ont pas toujours une conscience claire.
 
3 - Prévoir les modalités d’intervention en cas de transgression
 
Tous les parents sont confrontés à des faits perturbateurs (paroles, déplacements et comportements gênants, non respect des règles de vie communes...) et à des actes de violence (agression contre les personnes et les biens) qui les mettent en situation de devoir intervenir. Ils utilisent alors diverses méthodes d’intervention visant à faire produire à l’enfant un certain comportement, une certaine attitude.
 
Les règles adoptées, en partant des droits reconnus, fixent des limites et des obligations. Elles constituent un contrat entre les différents membres de la famille. Le non-respect d’une règle entraîne généralement le rappel de celle-ci et donc la nécessité de s’y conformer : « je te rappelle que tu dois être à l’heure à table ! ».
 
Parfois une intervention verbale ne suffit pas. Les enquêtes que j’ai menées témoignent que la plupart des parents et des enseignants sont amenés, occasionnellement, à faire usage de la force, et qu’ils considèrent cette action comme nécessaire : « Il est des moments où l’enfant a besoin d’être arrêté ou contenu physiquement parce qu’il franchit des limites inacceptables pour lui ou pour l’entourage ».
 
Cependant, sur le plan éducatif, il peut sembler contradictoire, dans le même temps, d’user de la force pour faire respecter les limites posées, et de tenter de faire naître un groupe fondé sur le respect de la personne, le dialogue, la compréhension, l’entraide et le droit. Mais comment faire ?
 
« Comment agir en totale conformité avec le respect des droits de l’enfant et agir efficacement pour résoudre des cas urgents » ?
 
L’étude[18] de cette question à l’école, m’a permis de faire une distinction entre deux situations différentes :
 
- celle de la procédure d'arrêt d'une transgression qui constitue un acte de police ;
 
- et celle de la sanction, conséquence de cette transgression, qui résulte d'un acte de justice.
 
Un professeur ayant fait l’objet de poursuites pénales pour être intervenu physiquement afin de protéger une élève et de maintenir l’ordre nécessaire aux activités, j’ai fait parvenir une étude à Jack Lang, Ministre de l’Education nationale, avec le « souhait qu’une réflexion soit menée afin de trouver des réponses respectueuses du droit dans le cadre d’une discipline éducative ».
 
Il me semblait nécessaire d’élaborer une déontologie des enseignants en la matière :
 
- l’enseignant doit agir en conformité avec le respect des droits de l’enfant dont l’intérêt supérieur doit être une considération primordiale ;
 
- il doit intervenir pour porter assistance à toute personne en danger, pour prévenir ou faire arrêter tout acte de nature à troubler l’ordre nécessaire aux activités de l’école et protéger les élèves et la collectivité des atteintes aux personnes et aux biens ;
 
- lorsqu’il est autorisé par la loi à utiliser la force, il ne peut en faire qu’un usage raisonnable, strictement nécessaire et proportionné au but à atteindre, les coups demeurant strictement interdits.
 
Dans sa réponse,[19] le Ministre a reconnu qu’ « il s’agit d’une question délicate qui met en évidence les difficultés auxquelles sont confrontés les enseignants dans l’exercice de leurs fonctions, en particulier lorsqu’il s’agit de maîtriser des comportements violent, sans avoir soi-même recours à la violence ». Mais, tout en comprenant l’inquiétude des professeurs, il s’est contenté de rappeler « qu’il appartient au juge pénal d’interpréter et d’appliquer la loi » et qu’il n’est pas « habilité à intervenir de quelque manière que ce soit pour limiter son pouvoir d’appréciation »..
 
Confronté au même problème, un Institut de rééducation et de psychothérapie, accueillant des enfants et des adolescents dans des classes et un internat, a inscrit dans son règlement intérieur que « les châtiments corporels sont interdits mais il convient de ne pas confondre châtiment corporel avec la nécessité d’intervenir exceptionnellement en empêchant physiquement un ou plusieurs enfants ou adolescents de se mettre en danger ou de poursuivre des actes de violence ou de vandalisme ».
 
Une circulaire du 17 juillet 2004 concernant « les risques particuliers à l'EPS et au sport scolaire » a ouvert des perspectives puisqu’elle a précisé en ce qui concerne les « contacts corporels » que
 
« lorsqu'il est confronté aux conflits au sein de la classe, l'enseignant doit intervenir, y compris si nécessaire en s'interposant physiquement afin de préserver l'intégrité physique des élèves. Il doit pouvoir exercer sa responsabilité, en veillant à éviter tous sévices corporels sur les élèves ».
 
C’est là une avancée qui devrait être généralisée.
 
4 - Préciser les procédures disciplinaires et les sanctions
 
Dans une structure qui met en place la participation démocratique des enfants et des jeunes et l’exercice de droits et de libertés, il est important qu’un règlement précise quelles procédures disciplinaires et quelles sanctions pourront être utilisées en cas de transgression.
 
Souvent un « cahier des lois », des affiches, servent de référence en cas de conflit car il n’est pas facile de mémoriser toutes les règles imposées ou élaborées ensemble. Elles peuvent évoluer au fil de l’analyse des incidents perturbateurs et de la mise en place de nouvelles activités.
 
Les adultes en sont les garants mais une question est souvent posée : les enfants doivent-ils participer au respect des obligations et limites, à l’analyse des transgressions et aux décisions éventuelles de sanction ?
 
Dans les classes coopératives, des enfants choisis par leurs camarades ont la responsabilité de certaines activités et interviennent en cas de transgression : rappel de la règle et rapport au conseil si la transgression recommence. D’autres assument la fonction de médiateur. Au conseil, chacun, y compris l’adulte, doit répondre de ses actes. Le conseil a le pouvoir de décider d’une sanction qui ne soit pas une punition.
 
Pour cela, Eirick Prairat,[20]propose quelques orientations générales pour qu’une sanction soit éducative :
 
- la sanction s'adresse à un sujet. Dans un espace éducatif, il n’y a de responsabilité qu’individuelle.
 
elle porte sur des actes : on sanctionne un coupable pour son acte et non la personne par le biais d'une infraction.
 
elle est privation de l'exercice d'un droit : privation d'usage, interdiction d'activité, mise à l'écart temporaire. Mais cette sanction ne peut avoir de réalité que « dans un espace marqué au sceau de la loi, espace politique ou les droits et les obligations sont publiquement énoncés ». Il est important de rappeler qu’un droit ne peut pas être supprimé, mais il est possible de prononcer des restrictions à son exercice : « tu as le droit à la parole, mais durant cette activité tu ne pourras plus l’exercer ».
 
- elle ne doit pas être une pure passivité, elle doit comporter une part d'activité, être accompagnée d'une mesure de réparation. « Celui qui manifeste le désir de réparer est en position de responsabilité par rapport à ses actes. Il les reconnaît et les assume au point de vouloir les annuler ».
 
Dans la famille, il me semble important, qu’un règlement élaboré avec la participation de tous, adultes et enfants, fixe comment seront traitées les transgressions, avec ou sans la participation des enfants, et quelles seront les sanctions possibles. L’enfant étant une personne dont la dignité doit être respectée, toutes les formes de violence physique ou verbale, toutes les attitudes humiliantes, vexatoires doivent être proscrites.
 
Le champ est ouvert pour organiser une discipline éducative, respectueuse de la dignité de l’enfant et de ses droits, avec sa participation active.
 
 
III – le conseil de famille
 
Introduction
 
            Le Conseil de famille est un des thèmes importants que nous avons étudiés au cours des groupes de parole de parents. Il prend tout son sens et son importance dans le cadre global de la participation active et responsable des enfants au sein d’une famille, dans laquelle chaque membre se voit reconnaître des droits et la possibilité de les exercer dans le respect des droits des autres et des exigences de la vie communautaire.
 
1. Qu’est-ce qu’un conseil ?
 
Dans un groupe où chacun participe à la gestion de la vie, des relations, des activités, il est nécessaire d’instituer un moment où chacun pourra se retrouver avec tous les autres. Ce moment peut prendre des appellations diverses. Souvent, dans les structures éducatives, c’est le terme « conseil » qui est retenu.
 
Le conseil occupe une place essentielle. Il est le lieu d’échange où, ensemble, les membres du groupe peuvent analyser les différents aspects de la vie commune, leurs relations, les activités quotidiennes, les projets collectifs et individuels, l’utilisation des espaces et des objets communs. Ils prennent des décisions et mettent en place les moyens humains et matériels pour les réaliser. L’organisation du conseil est donc fondamentale.
 
2. Comment démarrer le conseil de famille ?
 
« Pour commencer, il faut commencer et l’on n’apprend pas à commencer.
 
Pour commencer, il faut simplement du courage »
 
Vladimir Jankélévitch
 
S’engager avec des enfants, dans la famille comme à l’école, dans un processus de changement institutionnel et éducatif, c’est choisir une voie dynamisante mais parfois difficile à vivre. L’évolution des enfants et du groupe vers l’autonomie est faite de tâtonnements, de réussites et de régressions.
 
Être à l’écoute des enfants, respecter leurs droits et les règles de la vie collective, partager son pouvoir mais rester le garant vigilant des décisions, mettre en place une nouvelle organisation des activités… impliquent parfois une véritable mutation. Il y faut donc de la persévérance et de la patience.
 
L’enquête menée par Ghislaine Rodriguez, en mai 2011, auprès des parents qui ont fréquenté nos ateliers, de 2002 à 2011, montre que les conseils se sont mis en place, en général, à l’initiative du parent qui participe à l’atelier. Il arrive aussi que ce soit un enfant qui participe à des conseils à l’école qui le propose.
 
Se réunir doit avoir du sens pour tous. C’est donc souvent un projet collectif motivant, dont la réussite nécessite l’échange, la solidarité, la coopération et la participation de tous, qui peut être l’occasion de proposer une première réunion. La joie de réussir ensemble une action importante peut constituer un vécu collectif stimulant qui ouvre la voie à des réunions ultérieures qui vont peu à peu se structurer.
 
L’enquête montre que les réunions peuvent demeurer occasionnelles et n’avoir lieu que lorsque cela est nécessaire pour parler ensemble d’une situation et/ou pour décider ensemble. Elles demeurent alors une possibilité de la vie familiale. Dans une des familles, il a été décidé, d’un commun accord, que chacun aurait le droit de demander la réunion de la famille. C’est là une première étape institutionnelle. D’autres familles ont décidé que la réunion de la famille serait régulière et s’appellerait « conseil ».
 
Les conseils réguliers peuvent avoir lieu à un moment donné : mardi soir, dimanche après-midi... Ils ont des fréquences diverses : toutes les semaines, tous les quinze jours, une fois par mois, par trimestre... Ils ont une organisation plus ou moins structurée avec des rôles pour chacun, un temps limité (30 mn) ou non (jusqu'à 1h30 parfois), une préparation collective de l'ordre du jour ou plus libre avec des thèmes pouvant être présentés au moment du conseil. Ils peuvent être plus ou moins festif, jus de fruit en fin de conseil, organisé autour d'un repas au restaurant pour que tous soient plus disponibles et plus présents.
 
Chaque famille organise ce moment en fonction de la disponibilité et des capacités de participation de ses membres (motivation, âges, etc) et des questions que les parents décident de placer dans le cadre de la concertation familiale et de la co-décision parents-enfants. La créativité institutionnelle peut s’exercer dans la famille comme elle s’exerce dans les classes coopératives. Il n’existe pas de modèle qu’il faudrait reproduire.
 
3. Quels ont été les objectifs des conseils ?
 
1 - des objectifs communs :
 
  • la résolution des problèmes : trouver des solutions à un problème qui oppose des membres de la famille : par exemple, l'utilisation des écrans (ordi, tv, portable...), les repas, le respect entre personnes ;
 
  •  les projets collectifs : organiser un temps de vie collectif : les loisirs de la famille, les vacances (déterminer au début des vacances ce que veut chacun et ce qui est indispensable à chacun).
 
2 - des objectifs particuliers :
 
  •  pouvoir libérer la parole au sein de la famille ;
 
  •  mieux prendre en compte les besoins de chacun ;
 
  •  expliciter les droits des enfants et les droits et devoirs des parents ;
 
  •  permettre à chacun de garder le lien malgré les circonstances : la séparation des parents ;
 
  •  perfectionner le fonctionnement du conseil afin de le rendre plus opérationnel.
 
4. Quelles ont été les thématiques des conseils ?
 
Le conseil traite de thématiques choisies par la famille. L’enquête a permis d’en montrer la diversité :
 
1 - la répartition des tâches quotidiennes :
 
  •  le tableau des tâches ménagères et la demande des parents pour avoir de l'aide dans les tâches ménagères ;
 
  •  l’organisation de la vie familiale : les tours de rôle pour la douche ou le ménage et l’aménagement des chambres.
 
2 -  les règles de vie et de comportement pour gérer les relations entre membres de la famille :
 
  •  l’inventaire des règles implicites et explicites au sein de la famille ;
 
  •  les problèmes concernant, notamment l'utilisation des écrans (ordi, tv, portable...)
 
  •  les repas, les menus ;
 
  •  le passage d'une activité (lecture, jeu...) à une « tâche obligatoire » (se laver, passer à table, sortir...) ;
 
  •  les relations entre les membres de la famille : réflexion sur ce qu’est « être respecté » pour chaque membre de la famille et l’application du respect mutuel.
 
3 - les envies pour (et l'organisation) des activités familiales et des vacances :
 
  •  l’organisation du contenu des vacances ;
 
  •  le choix des sorties et des loisirs ;
 
  •  la préparation des activités pour les vacances scolaires ;
 
  •  l’expression des envies de sortie, de loisir des uns et des autres...
 
4 - les revendications des enfants :
 
  •  la place de chacun au sein de la famille ;
 
  •  les loisirs : liberté d'accès à l'ordinateur ;
 
  •  la question de la place « attitrée » de chacun à table ou dans la chambre ;
 
  •  l’expression des envies (camping-car, animal de compagnie, argent de poche, jus de fruit le matin, sorties, invitations, cablage internet...) et étude de leur réalisation (recherches sur internet, arguments à défendre au conseil...)
 
5 - la question du conseil lui-même :
 
  •  l’évaluation de l'intérêt du conseil pour chacun et pour la vie familiale ;
 
  •  les règles de fonctionnement du conseil ;
 
  •  la transformation de la forme ou la décision d'arrêter le conseil...
 
5. Quels ont été les effets du conseil ?
 
1 - Les effets immédiats
 
L’enquête a mis en évidence des effets immédiats :
 
  •  les moments de réunion de la famille ont permis à chacun de se sentir écouté, entendu, et de mettre ses soucis sur la table ;
 
  •  la possibilité pour chacun de pouvoir s'exprimer, en disant aussi bien ce qui allait que ce qui n'allait pas, le tout dans un minimum de respect de l'autre, a permis de réguler des moments de tension, dont ceux au sein de la fratrie ;
 
  •  le conseil a aidé les enfants à trouver eux-mêmes des solutions aux problèmes les concernant, notamment l'utilisation des écrans (ordi, tv, portable...)
 
  •  une famille a observé que l'ambiance dans la maison, dès le premier conseil, a changé vers plus de calme, de tranquillité, d’écoute ;
 
  •  le fait de savoir qu'un moment de parole existe où les problèmes pourront être dits, permet de différer une résolution violente des conflits, tant de la part des enfants que de celle des parents.
 
  •  la possibilité d’exprimer des propositions a enrichi les temps de vie collective.
 
2 - Les effets marquants du conseil
 
  •  Le conseil a généré des effets marquants :
 
  •  Il permet de penser les conflits différemment, de tenir compte de chacun, ce qui amène les enfants à réagir également de façon plus sereine aux demandes des parents. Il permet aussi aux enfants de mettre en avant les « incohérences » ou les « injustices » parentales.
 
  •  Il est un lieu d’apprentissage de la parole, de l’écoute des autres, du débat, de la prise de décision et de la responsabilité dans son application, donc une éducation à la démocratie, y compris pour les adultes. L’adulte peut prendre conscience qu’on peut laisser la parole aux enfants et les associer aux décisions sans leur donner tout le pouvoir.
 
  •  Lorsqu’il a lieu de manière régulière, il devient un repère hebdomadaire, avec la possibilité de l’utiliser ou pas comme caisse de résonance des joies et des peines, des enthousiasmes et des envies de partage mutuel des expériences.
 
  •  Il peut permettre la création d’outils, de techniques, de rituels, de « routines » qui viennent s’ajouter à la culture originale familiale : les règles de respect mutuel, le cahier des doléances, la liste de droits et des « TOQ » (tâches obligatoires quotidiennes), le tableau tournant pour les tâches quotidiennes…
 
3 - Ces effets sont venus compléter ceux des différents aspects d’une participation de tous à la vie familiale
 
Plusieurs parents ont témoigné
 
  •  du renforcement de l'expression et de l'écoute du vécu et des besoins de chacun des membres de la famille, parents et enfants. Chacun peut ainsi prendre « sa place, rien que sa place mais toute sa place » dans une famille où les adultes demeurent les garants des valeurs et du respect de tous.
 
  •  de la création d’une meilleure ambiance familiale : estime de soi, compréhension réciproque, baisse de l'agressivité entre les membres de la famille.
 
  •  d’une certaine prise de recul par rapport à l'éducation reçue, chaque parent ayant tendance à reproduire le même schéma relationnel que celui vécu dans l'enfance. La participation amène à une véritable réflexion sur la place de l'adulte dans un système collectif démocratique adulte/enfant.
 
6. Le conseil peut-il aider à désamorcer les conflits ?
 
Convaincues qu’en partant de leurs droits, les enfants comprennent mieux les limites et les obligations qui s’imposent à eux, plusieurs familles ont recherché quels étaient les droits et les obligations de chacun au sein de la communauté familiale. Ensuite, elles ont utilisé le processus que je proposais « de la liberté à la définition des limites et des obligations ».
 
Le constat partagé est que la définition des limites, des obligations et des conséquences de leur non-respect, pour les enfants mais aussi pour les adultes, dans des règles clairement écrites et connues de tous ( affichage) et rappelées lors des transgressions, a suscité plus de calme dans les relations au sein de la famille, une baisse de l'agressivité entre frères et soeurs, et entre parents et enfants. Une famille qui a fait participer les enfants à l’organisation des repas, en application du droit de chacun de manger, a noté que les enfants acceptaient de manger de tout sans discuter et que chacun assumait ses responsabilités dans l’exécution des tâches considérées comme indispensables.
 
Des parents ont aussi noté que la définition en commun des règles nécessaires au bien-être de tous et au bon fonctionnement des activités au sein de la famille leur a permis plus de cohérence dans leurs exigences de parents et dans leurs interventions pour contrôler le comportement de leurs enfants. Garants du respect des décisions prises, ils peuvent intervenir en cas de transgression en se référant aux règles décidées ensemble.
 
La cohérence des adultes est apparue comme un facteur essentiel. Elle a revêtu plusieurs dimensions :
 
  •  la cohérence des parents dans leur intervention lorsqu’une limite n’est pas respectée est souvent évoquée dans nos ateliers. Si les parents n’ont pas la même exigence quant au respect des limites et des interdits, les enfants n’ont plus de repères, ne savent plus ce qui est permis et ce qui est interdit. Pour être structurantes, les limites impliquent que les adultes soient cohérents mais aussi persévérants, car les enfants, pour se construire, ont besoin de repères stables.
 
  •  l’enfant a besoin d’adultes référents qui soient pour eux des modèles. Les parents ne peuvent exiger le respect de principes et de règles qu’eux-mêmes ne respectent pas. Dans la vie collective de la famille, un certain nombre de règles communes s’appliquent à tous. Par exemple, ils ne peuvent pas, demander à leurs enfants de parler à voix basse au cours de certaines activités, ou de les appeler sans crier, si eux-mêmes, dans les mêmes situations, ne donnent pas l’exemple.
 
Les observations des parents sont semblables à celles notées par des équipes d’enseignants ayant reconnu aux élèves de leurs écoles le droit de donner leur avis et de participer collectivement aux décisions concernant les règles de vie à respecter, les sanctions en cas de non-respect des limites et des obligations.
 
En conclusion La création d’un atelier de démocratie familiale
 
Il n’existe pas, dans notre expérience, de modèle à suivre. Chaque groupe de parents est autonome. Lorsqu’un groupe de parents s’est constitué, six au maximum, une première réunion est programmée.
 
En général, chacun se présente, en donnant brièvement la composition de sa famille.
 
Puis le groupe s’auto-organise. Il définit ses modalités de fonctionnement, ses règles de vie, son emploi du temps. La confidentialité est un principe fondamental. Si je participe à l’atelier, mon rôle est défini. En général, je ne suis pas un animateur du groupe. Lors des situations qui sont évoquées concernant la participation démocratique, j’apporte des éléments théoriques et pratiques qui permettent d’élargir nos points de vue.
 
Souvent, il est prévu qu’entre deux rencontres, chacun pourra faire parvenir aux autres le compte-rendu d’une situation vécue, avec ses interrogations, ses hypothèses d’action, mais aussi des extraits de lectures qui peuvent nous éclairer.
 
Ensuite chacun présente comment il voit, dans un premier temps, compte tenu de son contexte familial, la mise en place d’une première expérience. Les échanges commencent. Avant de nous quitter, nous prévoyons le contenu et l’organisation de la réunion suivante, ainsi que les modalités de présentation par chacun de ses tentatives.
 
À la réunion suivante, l’animation et le secrétariat sont assurés par deux membres du groupe. Dans une ambiance conviviale, chacun raconte ses premiers pas. Les questions sont toujours nombreuses. C’est pourquoi, au fil des réunions, il nous arrive de décider d’étudier tous un thème particulier : les valeurs familiales, le partage du pouvoir au sein de la famille, le conseil de famille, l’autorité, l’exercice des droits et libertés et les limites à poser, l’intervention physique, les sanctions…
 
Chaque groupe est singulier tant dans sa composition que dans son organisation, son rythme de rencontres, les contenus abordés et sa durée.
 
Notre expérience, même si elle n’a touché qu’une trentaine de familles, confirme ce que soulignait déjà en 1996 le Conseil de l’Europe :
 
« La participation des enfants à la vie familiale et sociale est essentielle pour leur garantir un développement harmonieux et les préparer à la vie dans une société libre… Elle est une façon d’améliorer la qualité de la vie de la famille, basée sur des valeurs démocratiques et les droits fondamentaux de l’homme, et ce au profit de tous les membres de la cellule familiale… Le fait d’écouter les enfants, de traiter les problèmes avec eux, d’accepter leur avis et aussi de leur expliquer pourquoi leurs idées ne sont pas toujours acceptées, constitue un moyen important pour lancer une participation. Celle-ci devrait commencer tôt ».[21]
 
 


[1] FREINET Célestin, L’Ecole au service de l’idéal démocratique,  L’Educateur prolétarien, n°18, 15 juin 1939.
[2]  LANSDOWN Gerison, Les capacités évolutives de l’enfant, Florence, Editions UNICEF, Centre de recherche Innocenti, 2005. www.unicef-irc.org/publications/pdf/evolving_fr.pdf
[3] Pour plus d’informations sur ses travaux, voir son site http://mireillecifali.ch/
[4] LE GAL Jean, Les droits de l’enfant à l’école. Pour une éducation à la citoyenneté, DE Boeck, 2008, 1ère édition 2002.
 
[5] LE GAL Jean, Pour une démocratie participative : la participation des enfants et des jeunes, 2012,88 pages.
[6] Conseil de l'Europe, La participation des enfants à la vie familiale et sociale, Document CDPS CP (96) 10
[7] La Charte-agenda mondiale des droits de l’Homme dans la Cité, http://www.spidh.org/fileadmin/spidh/Charte_agenda/Charte-Agenda_oct2010_FR.pdf
[8] Conseil de l’Europe, Assemblée parlementaire, Recommandation 1864 « Promouvoir la participation des enfants aux décisions qui les concernent », texte adopté par la Commission permanente agissant au nom de l’Assemblée, le 13 mars 2009.
[9] « De l’enfant soumis à l’enfant citoyen » in LE GAL Jean, Les droits de l’enfant à l’école. Pour une éducation à la citoyenneté, op.cit., pp 30-44.
[10] COMTE Simone, De la toute puissance paternelle à la démocratie familiale, L’Ecole des Parents,  n°2, février 1973.
[11] Pour plus d’informations, voir LE GAL Jean, Vers une démocratie familiale. La participation de l’enfant dans la famille. Arguments et pratiques, 21 pages. www.meirieu.com/ECHANGES/legal_participation.pdf
[12] Loi n°2002-305 d’ 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale.
[13] « L’exercice des libertés » in LE GAL Jean, Les droits de l’enfant à l’école. Pour une éducation à la citoyenneté,  op.cit. pp 91-123.
[14] LE GAL Jean, Les droits reconnus aux enfants dans les structures éducatives, Le Nouvel Educateur, 208, juin 2012.
[15] COLLIARD Claude-Albert, LIBERTES PUBLIQUES, Paris, Dalloz, 2e édition, 1982.
 
[16] NEIL A.S., Libres enfants de Summerhill, La découverte, 1970.
[17] KERSCHENSTEINER, in SCHMID, Le maître camarade et la pédagogie libertaire, Paris, Maspero, 1971.
 
 
[18] LE GAL Jean, Châtiments corporels ou intervention physique, Journal du Droit des Jeunes, 185, mai 1999.
[19] Lettre du 29 juin 2001
[20] PRAIRAT Eirick, La sanction, petites médiations à l'usage des éducateurs, L’Harmattan, 1997.
 
[21] Conseil de l’Europe, La participation des enfants à la vie familiale et sociale,  op.cit.

 

 

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