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Juin 2000
 

CréAtions n° 92 - Engagements - mai-juin 2000

Ecole maternelle Jean Moulin, Pernes-les-Fontaines (Vaucluse) – Enseignantes : Eliane Sayou (classe des grands), Marie Martinez (classe des petits-moyens)

 

 


                    Petits cadres

                                                       Une exposition « comme en vrai »

 

Les réactions


Dans l’école, même si l’éducation artistique représente une occasion privilégiée d’accéder à la culture, elle se réduit bien souvent à des activités ludiques ou contraignantes dans lesquelles l’instituteur s’investit de façon très personnelle dans la reproduction d’œuvres d’artistes, l’ exploration de matériaux et de possibilités graphiques ou techniques.

Dans notre école, le jour où de vrais tableaux ont été accrochés au mur avec des titres comme au musée (il ne manquait que la signature), ce fut la stupéfaction générale ! Des gribouillis… art moderne… art abstrait… « une fiesta dans la nuit »… « un chien perdu »…
J’ai retrouvé à ce moment-là exactement les mêmes réactions que dans une exposition d’art conceptuel, quand le discours dépasse l’image qui parfois peut être réduite à des traces très floues sur le papier.
Là non, c’était indiscutablement de l’abstrait et non du conceptuel. Les questions portaient sur le rapport entre le titre et ce que l’on voyait sur le tableau. Comment « l’artiste » avait-il pu imaginer tel titre ? Où était le chien ?...
Aucune tache ne permettait de dire : il est là. J’entendais des rires et des échanges sous cape, j’observais les mêmes attitudes que devant n’importe quelle exposition déroutante. Les spectateurs n’avaient plus aucune compassion pour la collègue qui avait dirigé l’activité et réalisé cet accrochage. C’était devenu un discours d’adultes devant un « travail artistique », même si l’on savait tous que « les artistes » n’avaient que cinq ans. C’était une vraie situation de discours et d’échanges discordants sur l’art contemporain avec toujours la même question : cela valait-il la peine d’être encadré ?

Sculpture d’Ousmane Sow, Dakar.

En voyant le musée entrer dans l’école, j’étais confronté au produit artistique tel que nous le concevons aujourd’hui en Occident (commercialisé et consacré par le musée). Je revenais d’Afrique et je vivais des idées contradictoires entre la reconnaissance de l’art qui implique parfois la vénération et des sommes d’argent exorbitantes et l’art comme création toujours en marche ou chaque réalisation n’est qu’une étape dans la démarche « artistique, « le work in progress ».
La création institutionnalisée tue en quelque sorte la créativité en l’enfermant. Devant la muséologie, face à l’ordre, à la consécration désignée par le cadre, le discours, le titre, j’ai eu pour la première fois envie de riposter sur le plan artistique. Je décidais de présenter des travaux de mes élèves sur des matériaux de récupération. Ce ne serait pas de l’art consacré mais de l’art encore en chantier. De mon voyage au Sénégal me revenaient des images belles, simples comme les statues d’Ousmane Sow étalées au bord de la mer, un mur peint par un artiste à peine connu (Papisto Boy) dans un quartier pauvre de Dakar et les tableaux accumulés sur les murs des galeries tenues par des Africains.
Alors j’ai pris le temps de présenter à mes élèves l’exposition de la classe des grands. J’ai montré chaque tableau, lu chaque titre, donné des explications… puis je les ai engagés dans une production faite de traces et de graphismes sur de la matière brute (sable, ocres).

Fresque de Papisto Bey

Sculpture d’Ousmane Sow, Dakar.

Photographies de Marie Martinez.

                   

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