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Pour une pédagogie efficiente

Novembre 1967

Nous avons été longtemps les originaux, les hurluberlus, les rêveurs « la poursuite de la petite fleur bleue, puis les praticiens iconoclastes empêcheurs de scolastiser en rond. On nous a fait autrefois une chasse ouverte; puis on nous a ignorés et boycottés. Mais malgré tout, notre pédagogie a sans cesse gagné du terrain, en pénétrant et influençant l’école, jusqu'à s'inscrire maintenant en recommandations officielles dans les Instructions Ministérielles.

Une première manche est gagnée. Face à l’immobilisme décadent et retardataire de la vieille pédagogie, nous apportons une solution que nous savons plus efficiente et qui pourrait bien être l’amorce d'une reconsidération totale des processus de travail scolaire, d'acquisition et de culture.

Nous en sommes aujourd'hui à cette sorte de seuil de rupture d'où pourrait dévaler un jour prochain une marée irrésistible qui, à une vitesse accélérée, gagnerait les vastes masses. A tous les degrés, on nous observe, on suppute, on pèse avantages et inconvénients.

La compétition commence.

D'un côté, l’ancienne pédagogie avec les avantages que lui valent le passé et les traditions. De l’autre, les solutions modernes qui prétendent apporter un résultat plus positif et plus valable.

C'est parce que nous sommes surs de ce résultat que nous affrontons la compétition.

Ne nous illusionnons pas : la scolastique ne garde une certaine autorité que parce qu'elle a pouvoir de préparer et contrôler les examens, et que ces examens, par un incroyable anachronisme, tiennent encore les portes d'entrée des administrations et des services les plus enviés. Mais si demain étaient supprimés ces examens retardataires, si intervenaient dans les compétitions d'autres formes de sélection et de contrôle, nul enfant ne suivrait plus la voie scolastique, Si l’on parvenait à susciter une sorte de « deuxième chaîne » moderne, la scolastique serait définitivement condamnée.

Nous ne garantissons pas que les instituteurs adoptant nos techniques travailleront moins que leurs collègues imbriqués dans une quelconque chaîne de production en série. Nous pouvons certifier qu'ils travailleront avec un intérêt et des satisfactions qui leur redonneront le goût du métier. Ils se fatigueront moins, nerveusement surtout. Ils cesseront d’être des hommes et des femmes en proie aux enfants pour redevenir des éducateurs conscients et heureux.

C. FREINET

Techniques de Vie n° 24 octobre 1963.