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Les arts plastiques contre la barbarie

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Juin 2000

 

 


"L'autre" (classe de 4e-3e)

"Etre-paraitre" ; je me cherche, je te trouve".
Voici la phrase d'introduction au dossier pédagogique rédigé pour la biennale d'art contemporain de Lyon en 1997, biennale ayant pour thème "l'autre". Gérard y emmène régulièrement ses élèves, composant avec les thèmes qui y sont proposés.

Le thème proposé cette année-là correspondait bien aux préoccupations du professeur d'arts plastiques du collège de Belley, désireux de créer des situations où l'enfant est amené à s'ouvrir, à sortir des idées "toutes faites".

Gérard dit : "Depuis la maternelle, l'enfant circule dans ce labyrinthe inextricable qu'est la relation à l'autre et aux autres pour la construction de soi-même.
Sur ce chemin, des joies et des déceptions sont innombrables, les certitudes toujours incertaines. La multitude des rencontres avec l'autre
constituent l'expérience de chacun. Il en résulte ce que nous sommes au moment d'une nouvelle rencontre. Mais celle-ci a lieu la plupart du temps sans que l'on ait réfléchi à cela. L'autre est une donnée inévitable pour l'enfant et pour l'adolescent.
Sur ce thème de l'autre, à la fois essentiel et tellement familier, les adolescents ont beaucoup à dire. Ils s'inquiètent de leur image soumise aux yeux de l'autre. Les occasions sont rares de s'arrêter et d'en parler à plusieurs. Pourtant, si l'école est le lieu des apprentissages et de l'enseignement, elle est tout autant le lieu de la socialisation."

Les collégiens ont exprimé de nombreuses réactions sur les œuvres de l'exposition pendant la visite et après.
Parfois rassurés par l'esthétique séduisante de certaines œuvres, ils trouvaient cela "bien".
Mais ils eurent surtout des questionnements par rapport à l"image d'eux-mêmes :
"Comment je suis pour l'autre ?" Ou par comparaison à l'artiste au travers de l'œuvre présentée : "celui-là, il n'est pas bien dans sa tête !".

En cours, dans le cadre d'une recherche d'expression personnelle sur l'autre, chacun a fait un projet, influencé ou non par la visite de la biennale.

 

La réalisation plastique va demander plusieurs séances en atelier.

Enfin, chacun a pu titrer, résumer ou expliciter son choix en une phrase.

Réactions en 105 phrases :
- 20 parlent de différences,
- 9 de communication,
- 7 d'affrontement, de peur,
- 7 de télévision,
- 6 abordent l'autre, mystérieux, inconnu.

 

Aucune des autres approches n'est reprise par plus de trois élèves :

- l'autre venant d'ailleurs,
- l'amitié,
- à la vie, à la mort

- fille-garçon,
- solidarité-complémentarité,
- inaccessible,
- enfermement,
- calme sérénité,
- perdu,
- bonheur-amour-joie,
- lui plaire,
- besoin de l'autre,
- respect de,
- double facette de,
- ensemble,
- apparence,
- prostitution,
- le mot "l'autre".

Plus quelques propositions plus confuses dans l'intitulé, qu'on pourrait rapprocher de thèmes comme la pollution, l'artistique, la société, l'imagination, l'anthropomorphisme, nulle part, partout, le déplacement.

 

Quelques exemples :

Le message de l'autre - Jean-François

L'autre qui rit ou qui pleure - Angélique.  

Il ne s'aime pas jeune,
il se bombarde le visage
- Damien

Un autre Skined  - Léonard

L'autre est un monstre. C'est un être bizarre. Il a une forme bizarre : pas de corps, des pieds de travers. Il a l'air agressif car il montre ses dents. - Delphine

 

Gérard conclut : "Il ressort de cette exploration plus ou moins consciente du sens et des sentiments à travers la rencontre d'œuvres contemporaines, qu'une grande potentialité existe chez les jeunes pour réagir si l'occasion leur en est donnée. Une exposition de cette envergure et de cette diversité pour faire réfléchir des élèves de collège et lycée reste une chance, même si cela demande beaucoup d'énergie jusqu'à la conclusion. Les jeunes n'étant pas les plus difficiles à bouger.
Ce fut une occasion originale d'aborder la question de soi, des autres, mais aussi d'affronter l'ignorance, l'indifférence, la peur ou le mépris.
Aucune de ces phrases ne fait état de l'autre comme étant par exemple l'étranger indésirable.
Enfin, une telle expérience a permis de comprendre autrement le sens que peuvent avoir les thèmes abordés, les travaux engagés dans le cours d'arts plastiques. La complexité est source de création. Car la pensée, la sensibilité, la technicité sont compatibles et complémentaires pour aller plus loin dans la connaissance de soi et de l'autre."

Perspective 

Ainsi donc, Gérard, ton action pédagogique n'est pas moins importante que ton action politique. Ne pourrait-on pas dire que l'action politique investit le court terme et que l'action éducative reste le premier vecteur de la lutte contre la barbarie pour le moyen et pour le long terme ?

Pour que la barbarie ne puisse pas revenir, "alertons donc les bébés !". Bien sûr, il faut s'y mettre tout de suite et pour ma part je regrette que la gauche au pouvoir depuis 1981 ne s'y soit pas mise vraiment, Jospin en 1986, alors ministre de l'éducation nationale, ne disait-il pas :"L'école, dont le but est d'apprendre aux enfants à penser par eux-mêmes" ? Et que penser du projet de collèges-lycées Freinet DECLIC en Seine Saint Denis qui s'embourbe dans le manque de décision politique ?

On laisse se développer le hiérarchique au détriment de la collégialité, la compétition au lieu de la coopération, le bachotage comme technique d'apprentissage. Il n'y a pas lieu de s'étonner, dès lors, de l'annihilation de l'expression individuelle, venant se fondre dans des paroles stéréotypées, paroles de "marques", dans des discours préfabriqués.Le travail que tu mènes à ton niveau est remarquable bien que perdu dans un océan de scolastique.
Et je suis sûr que les enfants auront plus tard l'occasion de se rappeler la différence de "l'autre" et qu'ils réfléchiront avant de s'engager dans ces cohortes prêtes, comme dans les années 30 en Allemagne, à suivre la première sirène qui passe.

Hervé Nunez


                   

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