Si la pédagogie est classiquement pensée, agie et vécue comme une méthode à la fois souple et structurée de « conduite » des enfants. Le terme de « pédagogie sociale » laisse surtout entendre qu’il s’agit de porter et de semer, le long du chemin parcouru avec les enfants, les promesses d’un projet de société. Mais un projet qui ne laisse ni à l’école, même idéalisée sous l’étiquette de « républicaine », ni à aucune autre institution éducative, ni aux familles, aujourd’hui sur-sollicitées et parfois surveillées, (...)
N'Autre Ecole n°33, automne 2012
EDITORIAL
Si la pédagogie est classiquement pensée, agie et vécue comme une méthode à la fois souple et rigoureuse de « conduite » des enfants, la qualifier de « sociale » ne suggère ni la redondance d’un pléonasme ni la contradiction d’un oxymore. Le terme de « pédagogie sociale » laisse surtout entendre qu’il s’agit de porter et de semer, le long du chemin parcouru avec les enfants, les promesses d’un projet de société. Mais un projet qui ne laisse ni à l’école, même idéalisée sous l’étiquette de « républicaine », ni à aucune autre institution éducative, ni aux familles, aujourd’hui sur-sollicitées et parfois surveillées, le soin de relever seules le défi complexe et passionnant de toute éducation progressiste : devoir tenir la main de l’enfant, et de tous les enfants, en même temps que - et jusqu’au point de - devoir la leur lâcher. Un projet qui, autrement (et étymologiquement) dit, place les savoirs et les savoir-faire de l’ensemble des adultes au service de ce qui permet de passer de la protection et du maintien (manu tenere) à l’émancipation (ex manu capere) des personnes et des citoyens en construction que sont les enfants.
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Aussi s’agit-il d’inviter chacun à tourner résolument le dos aux modèles de société qui promeuvent et transmettent les « valeurs » sociales, éducatives et scolaires aujourd’hui dominantes de compétition, de réussite individuelle et de soumission à la volonté du plus fort - et, pour ce qui concerne les enfants, à l’autoritarisme institutionnel voire musculaire des adultes. Les militants de la pédagogie sociale font le pari, avec d’autres, de solidariser les acteurs de l’éducation – qu’ils soient parents, enfants, professionnels, bénévoles engagés – autour de l’idée qu’ils peuvent devenir dès aujourd’hui, et rester demain, des protagonistes de l’émancipation collective par le partage réel et éclairé des pouvoirs de décision. Bref, les auteurs des transformations personnelles et sociales qui s’imposent pour ré-enchanter l’art de vivre, d’apprendre et de construire ensemble. Peut-être faut-il envisager en outre que ces militants s’adressent à tous les enfants, et pas seulement à ceux des classes et catégories sociales les plus « défavorisées », pour que le projet de société qu’ils dessinent permette à toutes les jeunes mains certes d’être tenues le temps d’être lâchées, mais lâchées aussi dans l’idée être solidairement tendues.
Frédéric Jésu Militant associatif, médecin de service public
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