Blog perso de Catherine Chabrun le 28/12/12 - 11:03
Billet d'humeur
Ou comment en trois mois, un grand débat devient un petit décret !
Tout l’été une grande concertation. Le 19 octobre un rapport est remis au Président de la République à la Sorbonne qui confirme une réforme des rythmes.
Le 24 octobre, l’annonce par Vincent Peillon d’une semaine de 25 heures (23 heures d’enseignement et 2 heures d’aide aux devoirs) devant tous les élèves provoque force remous, nombre d’articles de presse et de communiqués syndicaux…
Le 29 octobre, les syndicats sont reçus par le ministre qui revient sur la 25e heure et ramène le temps d’enseignement devant tous les élèves à 24 heures. Le lendemain, les associations partenaires de l'école publique (CAPE) sont reçues : les deux heures d’aide personnalisée deviendraient 1 h 30 de soutien individuel, de travail en petits groupes, mais rien n’est figé et ce temps reste ouvert aux propositions : une grande table ronde est prévue avec les parents, les syndicats, les collectivités locales et les associations partenaires.
Mais ce n’est pas suffisant, en novembre les communiqués fleurissent, c’est la demi-journée du mercredi qui devient inacceptable. La semaine de quatre jours avec la suppression du samedi matin, le remplacement de deux heures devant toute la classe par l’aide personnalisée qui avait pourtant soulevé indignation et résistance en 2008 semblerait satisfaire un certain nombre d’enseignants et quelques-uns de leurs représentants.
En décembre, la grande table ronde n’a pas lieu et à sa place, les négociations se succèdent et grignotent petit à petit les espoirs d’un véritable projet de temps éducatifs dans l’intérêt de l’enfant.
Juste après Noël, un projet de décret est publié, il est appelé : « projet d’organisation pédagogique de la semaine scolaire ». Les rythmes éducatifs sont enterrés, c’est la semaine scolaire qui est au coeur.
Le projet de décret en résumé :
– 24 heures d’enseignement par semaine sur 4 jours et demi (dont le mercredi matin).
– La durée maximale de la journée est de 5 h 30 et de 3 h 30 par demi-journée.
– Les deux heures d’aides personnalisées (AP) sont supprimées et remplacées par des activités complémentaires pédagogiques (APC) en groupes restreints d’élèves. La ressemblance d’acronyme avec AP, l’aide personnalisée est troublante, est-ce pour ne pas bousculer les habitudes et limiter les propositions ? Ces activités pourraient être utilisées comme :
– soutien aux élèves rencontrant des difficultés d’apprentissage
– soutien au travail personnel (tiens… on utilise plus le terme « devoirs »)
– ou une activité prévue par le projet d’école, en lien (ou non ?) avec le PEL
Les deux heures d’activités complémentaires auraient pu être une opportunité d’offrir aux enfants un accès à la culture, de permettre aux enseignants de travailler avec d’autres acteurs de l’éducation. De donner un peu plus de cohérence au temps de l’enfant. Ce n’était qu’une amorce, certes, mais l’on pouvait imaginer une suite… L’ouverture aux activités culturelles pour tous les enfants se réduit comme peau de chagrin au profit des activités purement scolaires.
– Le Conseil d’école, s’il est intéressé peut transmettre une proposition ou le Maire (ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale), sinon c’est le DASEN qui fixera la semaine scolaire, de toute façon ce sera lui, car il peut refuser les propositions qu’il juge « incohérentes » avec le décret.
– Le Conseil des maîtres ne sera entendu que sur les propositions d’organisation des activités pédagogiques complémentaires (APC).
Qui soutiendra ce projet ?
Ce projet ne décret ne satisfera pas les syndicats qui attendent toujours une compensation au mercredi matin, au moins dans les temps de service ou au plus dans les salaires.
Ce projet de décret ne satisfera pas les enseignants, qui ne veulent pas d’AP et pas plus d’APC.
Ce projet de décret ne satisfera pas les enfants, entre l'aide au travail personnel et les remédiations, un grand nombre d'entre eux devront entamer une seconde journée scolaire... et alors adieu aux activités culturelles.
Ce projet de décret ne satisfera pas les mouvements pédagogiques qui ne veulent pas de soutien et de travail personnel en dehors des 24 heures d’enseignement et qui demandent une formation pédagogique permettant de les intégrer dans les temps d’apprentissage ainsi que de nouveaux programmes.
Ce projet ne satisfera pas les partenaires de l’école qui veulent donner du sens aux temps éducatifs de l’enfant en traitant le temps dans sa globalité et qui comptent sur une formation commune de tous les acteurs de l’éducation pour y parvenir.
C’est un projet de décret, des amendements sont encore possibles, mais aurons-nous du temps et des espaces pour le faire ?
Catherine Chabrun, le 28 décembre 2012