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L'imprimerie au Second Degré

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Février 1976

 

POURQUOI JE PRÉCONISE L'IMPRIMERIE
AU SECOND DEGRÉ
Bien des camarades du second degré m'ont fait part de leur étonnement et de leur scepticisme quant à l'utilisation de l'imprimerie au-delà du cours moyen.
Il est vrai qu'elle existe peu.
 
Si j'en crois un bilan dressé par Dubroca et Brunet l'an passé, il existe peut-être deux cent cinquante journaux scolaires édités par le second degré, mais parmi eux, quatre journaux imprimés. Fort peu au regard de la Pédagogie Freinet qui a tout construit à partir de l'imprimerie.
Quelles sont les raisons de cette désaffection pour l'imprimerie ? Je reprends les plus couramment avancées :
- absence de salle personnelle pour installer le matériel,
- absence de crédits de l'établissement pour acheter le matériel indispensable,
- horaires saucissons trop contraignants pour mettre en oeuvre un atelier imprimerie,
- classe surchargée.
 
Il semble que ce sont làdes arguments de poids qui interdisent l'édition d'un journal scolaire imprimé.
Peut-être ne sont-ce pas les seuls ?
Toujours est-il que je me suis trouvé confronté à tous ces problèmes et que j'y suis encore, et que j'édite des journaux imprimés.
 
1. LES PROBLÈMES MATÉRIELS
Acquisition de matériel :
Je n'ai pas attendu que l'administration m'octroie généreusement X francs pour mettre à la disposition des enfants tout le matériel d'imprimerie qui existe dans ma classe. Je n'ai pas non plus attendu d'avoir une salle à moi pour installer ce matériel.
Hé ! Je suis parti de ces simples principes qui disent que les enfants ont besoin de s'exprimer et de communiquer avec l'extérieur, mais surtout que tout ce qui n'est pas interdit est AUTORISÉ.
J'ai donc acheté sur mes deniers et petit à petit les polices et les presses. Je ne l'ai pas fait par philanthropie démesurée, mais surtout par exigence.
Aucune loi n'interdit l'imprimerie à l'école. Donc j'ai installé ce matériel dans la classe où je venais faire cours. Et puis je l'ai partagé et j'en ai mis une partie dans une autre salle, celle d'une classe où j'allais aussi faire cours. Et entre les cours, je me baladais dans les couloirs avec des rouleaux,du papier, des encres et de l'essence. C'était embêtant pour tout le monde. Pour l'administration surtout qui voyait les murs se tacher et les autres profs râler parce que les enfants n'avaient jamais fini de nettoyer.
 
LE RECTANGLE
LE RECTANGLE EST, DANS UN LIVRE, UNE
FIGURE GEOMÉTRIQUE ...
QUE LE PROF UTILISE
POUR MONTRER AUX ENFANTS ÉBAHIS
CE OU'I L EST CAPABLE DE RÉALISER
SUR UN RECTANGLE
COUTIER B.
 
Et de cinq classes que j'avais il y a six ans, je suis passé à deux classes situées au même étage, puis j'ai pu garder mes élèves de la 6e à la 3e. Ainsi ça dérangeait beaucoup moins de monde !
Et moi ça m'arrangeait aussi.
 
Conséquence pratique :
Aujourd'hui, je n'ai pas honte de le dire j'ai trois salles de classe à notre disposition, mais cela m'arrive après huit ans de présence et malgré ma solitude dans l'établissement. Je n'ai cours qu'avec deux classes : une sixième de vingt quatre et une cinquième de trente trois. J'ai donc aujourd'hui des facilités que beaucoup ne connaissent pas. Mais je l'ai fait pour les enfants, pour leur faciliterle travail et les relations.
 
Conséquence pédagogique :
Les élèves savent que le matériel à leur disposition n'est pas la propriété de l'administration, donc qu'ils peuvent le gérer, l'utiliser et l'organiser sans avoir à en référer à elle. C'est important pour amener rapidement des adolescents, individualistes, à prendre conscience du travail coopératif et de la nécessité de s'autogérer. Ils ne se sentent pas obligés de veiller à l’entretien ou au bon déroulement des ateliers, ils y parviennent d'eux-mêmes, le goût de l'effort sur soi-même apparaît alors naturel.
 
L'équipe pédagogique, sa nécessité :
Comme l'imprimerie est installée dans une salle spéciale, les autres élèves peuvent y avoir accès et y travailler s'ils le veulent et leurs profs, réticents parce que bien souvent trop conditionnés, se rendent compte de l'intérêt manifesté et acceptent de les laisser venir chez nous. Et au-delà, apparaît la nécessité de créer une équipe pédagogique motivée par un but commun à atteindre, une alisation commune à obtenir. Elle germe sous les lois du travail volontaire, du travail qui donne duplaisir. Cette année je suis en relation avec un maître de transition, un de SES, un prof certifié defrançais. Nous n'avons pas encore formé d'équipe, mais le travail commun se met en route et ilrisque de chambouler tout le CES, car l'équipe ne se crée pas sur les critères de l'administrationqui veut en tolérant une pluridisciplinarité sur un niveau, or ici nous brisons les carcans des niveaux,nous ne respectons d'abord que les motivations des élèves. Ce qui évite une planification trop rigoureuse qui risque de freiner la spontanéité des enfants.
 
LES ROSES
Leur parfum est doux comme sur le chemin du vieux Pérou. EIles ont des pétales de soie que nous acclamons à grande voix ! Vive la rose qui a conquis le monde ! Vive la rose, celle qui a culbuté l'homme assis sur son trône ! On dit qu'elles faneront un jour et qu'on les enterrera sous des abat·jour, mais, elles ne mourront pas dans nos coeurs.
DESCANNEVELLE C.
 
II. L'EXPRESSION LIBRE
Au niveau des enfants les transformations sont importantes.
Relations dans la classe :
L'expression est privilége tout comme la communication. Il s'en suit alors une ambiance particulière.
On se rend compte que tout le monde est responsable en même temps et de tout et qu'aucune responsabilité n'est affichée.
Il n'y a plus de leaders véritables, ceux qui gardent la tête d'affiche toute l'année. La confiance entre tous les membres du groupe s'accroît dans des proportions importantes et les conflits disparaissent rapidement derrière la nécessité du travail commun, parce qu'on sait qu'il n'y a plus compétition et que la réalisation d'un tel est celle de toute la classe.
En plus de cela, l'imprimerie, par les possibilités qu'elle offre, permet à chacun de se rendre compte de ce qu'il est en face des autres et au milieu des autres. Les débats sont renforcés par la présentation de la feuille imprimée qui par sa composition est déjà une approche des problèmes soulevés ou à soulever.
 
Avoir 15 ans ?
On pense .. .
On pense .. .
On pense à ce qu'on va faire à 18 ans ...
Mais, il y en a qui n'y pensent pas, ils aiment mieux admirer Sheila et Ringo à la télévision.
Quand on y pense à ceux-là, on dit qu'ils sont bêtes.
Moi ?
Je pense .. .
Je pense .. .
Je pense à ce que je vais faire à 18 ans ...
mais à ça et un peu aussi aux PINK FLOYD et à
JIMl HENDRIX.
 
Mais cela ne veut pas dire que chacun se dépossède de sa personnalité. Le chahuteur reste le chahuteur.
Mais à ce moment-là il devient beaucoup plus celui qui amène un moment de détente dans le travail , et il est accepté par tous.
 
MON COPAIN !
DEUX ANS DE CLASSE ENSEMBLE
DEUX ANS DE BATAILLES.
LES SINGERIES NOUS LES
CONNAISSONS.
DEVANT LE PROFESSEUR
SINGERIES MOl ? CONNAIS PAS.
 
La part du maître :
Dans une telle ambiance, l'adulte a toute sa place. Il est le travailleur qui accueille tout ce qui est apporté, celui qui va chercher ce que les autres ne peuvent pas trouver, celui qui fait lessynthèses de travaux, celui qui met en évidence les lignes de forces des quelques jours vécus ensemble de façon que chacun sache où il en est et où nous pouvons aller encore après. .
 
III. L'ENSEIGNEMENT DU FRANCAIS
L'imprimerie permet une mise en valeur de la pensée de l'enfant grâce à la recherche typographique.
Par delà cette constatation, on s'aperçoit que l'enseignement du français prend une tournure toute nouvelle. L'apprentissage de la sacro-sainte et vénérée littérature qui est proposée comme modèle indéfectible de la langue ne se fait plus et alors, les ZOTEURS ne sont plus considérés comme des génies intouchables ou enquiquinants. Les débats à partir des textes libres imprimés sont autres choses qu'une "explication de textes". L'auteur est là, on peut dialoguer avec lui. Tandis qu'avec V. Hugo ! ... Et puis les poèmes de Hugo ne sont pas imprimés comme nos textes, alors on a toutes les interprétations possibles sans savoir si celle qu'on garde comme valable n'est pas tout compte fait erronée. Ah ! si Hugo avait fait éditer ses livres dans une typographie semblable à celle des élèves, peut-être ceux-ci prendraient-ils plus d'intérêt à leur lecture !
Ici nous lisons les auteurs mais pour comparer, pour savoir comment vivait une époque, pour sentir une évolution dans la manière de penser. C'est de l'apprentissage de la langue par la comparaison et plus du décorticage pseudo-linguistique. Les textes d'auteurs sont présentés par les élèves qui disent ce qu'ils ont trouvé dans ces textes, et un débat s'engage.
L'avantage de l'imprimerie vient de ce que les enfants perdent leur complexe vis-à-vis des auteurs.
Ils sont auteurs eux-mêmes et mieux encore car ils ont imprimé eux-mêmes leur page dans le journal, comme ils l'ont voulue avec l'accord de leurs camarades.
 
IV. EN GUISE DE CONCLUSION A VÉRIFIER :
Voilà ce que m'apporte l'imprimerie et ce qu'elle permet aux enfants qui sont en classe avec moi.
On n'a pas fini d'en explorer toutes les ressources créatrices bien que les techniques modernes de duplication avancent à grands pas, mais peut-être pas dans le sens d'un respect intégral de l'authenticité de la pensée créatrice de l'enfant.
J'ai voulu témoigner des résultats de sept ans d'imprimerie en second degré. J'ai voulu montrer que l'imprimerie est possible dans des structures apparaissant néfastes, j'ai voulu montrer que cette imprimerie reste l'un des moteurs révolutionnaires de notre travail. Peut-être me suis-je trompé,mais je ne le pense pas et j'attends avec impatience vos réactions.
R. BARCIK
13 rue J. Jaurès
08330 Vrigne-aux-Bois
Tél : (24) 35-53-46
 

 

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