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De la dynamique de groupe au travail createur

Dans :  Techniques pédagogiques › 
Janvier 1967

C'est, pensons-nous, avec un retard de quelque quarante années que la psychologie de groupe tente aujourd'hui d’influencer la pratique psychopédagogique mondiale. Dès ses premières expériences de Bar-sur-Loup, Freinet laissait ses élèves s’organiser en équipes de travail et, quelques années plus tard, Cousinet basait exclusivement sa pédagogie sur le travail par équipes.

D’où vient la nouveauté d'aujourd'hui dans l'action du groupe? C'est, semble-t-il, que la notion de travail créateur n'y joue qu’un rôle secondaire, accessoire, voire inexistant, s'effaçant au profit de techniques de communications entre éléments du groupe : se connaître d’abord, en dehors de toute activité commune, se connaître, pourrait-on dire, par les moyens du bord, par une sorte d’improvisation démocratique.

Dans un monde capitaliste où les grandes entreprises ne vivent que de l’exploitation des masses laborieuses, il ne faut pas s'étonner de voir la notion de travail être escamotée par le grand patronat au profit d'une fausse démocratie de la compréhension dans laquelle l'opprimé est inévitablement appelé à faire les frais de l’oppresseur. Il ne faut pas s'étonner davantage d’assister à une tentative d'effacement du moteur politique né dans les masses travailleuses, en vue des changements de leur condition sociale.

« Il est partout visible, écrit Sartre, que le patronat, lorsqu’il tente de moderniser ses méthodes, favorise la constitution de groupes de freinage extra-politiques, dont l'effet en France est très certainement d'éloigner les jeunes de la vie syndicale et politique (...) Mais il ne faudrait pas en prendre prétexte pour adopter aussitôt l'attitude inverse et la repousser sans appel parce que c'est « une arme de classe aux mains des capitalistes ». Si c'est une arme efficace, c'est une raison de plus pour la leur arracher et la tourner contre eux.

Ces considérations générales peuvent paraître très éloignées des techniques de groupe pratiquées dans les milieux universitaires américains, comme nous le laisserait supposer la relation que notre camarade Etienne, détaché au Québec, nous fait d’une expérience de dynamique de groupe. Il ne s’agirait ici, en l’occurrence, que d'un souci d’intercompréhension des individus à l'intérieur du groupe, dans un but primordial d'hygiène mentale.

Mais que fera-t-on ensuite de cette compréhension, pour ainsi dire occasionnelle et accidentelle ? Ne risque-t-on pas de sombrer dans le mythe d’une « compréhension à tout prix », sans but ni raison ? Ou le groupe cèdera-t-il à l’emprise d’un élément plus dynamique, qui l’entraînera dans une action qui risque de n’avoir plus rien de démocratique? Cette action peut-elle déboucher ailleurs que dans les grands recours au travail ? En résumé, peut-on faire de la dynamique de groupe, sans faire intervenir la notion d’efficacité par le travail qui signe la grandeur de l’homme ?