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Février 1976

Le texte collectif
Comment pratiquez-vous le texte collectif ? me demande Jacques Brunet, à réception de notre premier texte collectif envoyé à nos correspondants de 5e.
C'est vrai que je n'ai jamais songé à faire part de cette piste de déblocage très féconde que nous utilisons fréquemment en 5e et en 3e quand nous voulons nous sortir de la création individuelle et faire un peu la fête entre nous.

Voici quelques points de départ et les productions résultantes.
• - Souvent une phrase de texte libre suffit à elle-même à déclencher l'écriture. Emmanuel dit en 5e "Je pense, je pense toujours, je ne peux pas m'arrêter de penser." Et le groupe-classe s'approprie ce pouvoir.
- Un titre d'un poème d'Eluard "Raisons d'être" nous a valu la première création collective en 4e.
- Un titre de table de matières d'un livre de poésies "Les yeux fermés ... Les yeux ouverts", déclenche toute une cascade de trouvailles en 6e.
- Un texte libre de 6e lu en 4e : "Si seulement ... " nous offre une piste de création ...
Voyez c'est très ponctuel et apparemment très superficiel. Détrompez-vous, on vit ainsi des moments très forts, très excitants qui cristallisent bien la conscience de groupe.

Notre méthodologie ?
Dès que le point de départ est trouvé et nous séduit, on écrit tous pendant une dizaine de minutes ... On a droit à toutes les invraisemblances, toutes les audaces.
Tout de suite après chacun dévide ses paroles. On coche tout ce qui paraît le plus neuf, le plus drôle, le plus profond, le plus étrange. L'heure est passée ...
Je ramasse toutes les feuilles et met sur stencil tout ce qui est retenu.
Après à une autre heure, on organise, on contracte, on affine l'image, mais rarement, car ce n'est jamais banal, on joue un peu sur les mots, sur les structures de phrases et on commence à se dire notre création en choeur parlé.
En 4e, 3e avec un groupe entraîné, pas d'étape sur stencils. On organise directement au tableau, à partir des recherches individuelles. C'est à la fois dynamique et épuisant.
Je crois beaucoup à cette présence sonore de la création collective dite en choeur parlé.
En ce moment la maman d'un garçon de 5e nous a prêté un petit carillon, un métallophone, un xylophone ...
Alors les enfants créent un accompagnement. Deux audacieuses ont même chanté les paroles que nous avons créées ensemble. "J'ai l'âge de ... ". Si nous avions toujours ce matériel, que de pistes à explorer !
Ajoutez à ces textes l'illustration créée pour l'imprimer dans "Joie de vivre ... " et la boucle se referme. Ces travaux sont un fond commun qui les marque profondément. Il nous est arrivé, il y a deux ans d'en présenter à un public de parents en choeur parlé. La salle était recueillie.
Si vous essayez, vous trouverez d'autres pistes que je n'ai pas citées. Vous avez juste de quoi démarrer ... car il faut toujours passer par « le faire » pour échanger efficacement. Nous pourrons discuter de cette technique après.
 

Janou LEMERY

J'ai l'âge de ...
J'ai l'âge de l'aube,
            des étoiles,
            du rêve.
J'ai l'âge du soleil qui éblouit les passants,
             de l'ange qui survole dans l'obscurité la terre bleue,
.     l'âge des océans qui engloutissent les bateaux de guerre.
J'ai l'âge qui fleurit,
     l'âge de la première saison,
     l'âge tout fou.
J'ai aussi l'âge de l'hiver mais c'est un vrai été,
Je suis encore dans le froid et pourtant j'ai chaud, •
J'ai chaud parce que j'ai l'âge des frissons imaginaires.
À mon âge, la vie coule comme une source qui cascade joyeusement,
et je lui tends les bras parce que
J'ai l'âge de courir sur les vagues,
             d'attraper le reflet de la lune sur l'eau la nuit,
             de prendre les étoiles de mer pour les accrocher dans le ciel.
J'ai l'âge de découvrir une forêt de songes au-delà du réel.
J'ai l'âge du vagabond qui se repose près du champ de blé,
     l'âge de préférer les animaux aux hommes,
            de dire bonjour à l'écureuil et de graver son portrait dans mon coeur
     l'âge de chatouiller les grillons,
            d'aider les oisillons dans leur premier vol,
Et j'ai l'âge de me préparer à voler en battant des ailes.
J'ai l'âge d'inventer des choses irréelles, de les interroger et, si elles me plaisent, de les garder en moi pour les enrichir.
J'ai l'âge, j'aurai toujours l'âge de m'évader pendant les cours, de m'accrocherà un nuage qui m'emmènera loin des fumées d'usines, loin des
grands immeubles et loin de la fourmilière.
J'ai l'âge de sourire à la vie de la prendre par la main,
            de chanter, danser

            de faire ce qui me plaît,
            d'être libre comme un oiseau sauvage,
            de rire, de pleurer.
J'ai l'âge de comprendre bien des malheurs,
            et d'accepter bien des bonheurs.
J'ai l'âge de savoir et de garder un secret,
      l'âge de transformer le monde en joie,
      l'âge d'ouvrir les vannes et de donner de l'eau à tout le monde.
J'ai l'âge de monter sur les toits pour voir toujours plus haut,
             de m'envoler sur la lune à cheval sur une étoile filante.
J'ai l'âge de me battre pour préserver la nature,
     l'âge de gommer les immeubles,
     l'âge de révolution quand je regarde la ville.
J'ai l'âge de construire,
             de respirer,
             de voir,
             de sentir,
             de penser,
             de créer ...
J'ai l'âge d'aimer la liberté, la solitude,
     l'âge d'aimer la vie comme un enfant,
J'ai l'âge de l'avenir.
Si moi, j'ai l'âge, les autres aussi.

Création collective en 5e D