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Billet d'humeur

Que cachent toutes les mesures gouvernementales ?

 
D'un côté, on affaiblit l’enseignement public…
La suppression de postes d’enseignants déstabilise l’école : moins de postes de RASED, moins de remplaçants, suppression de la formation continue et donc des stages en responsabilité pour les futurs enseignants. Si le gouvernement persiste, il faudra encore modifier le système éducatif et les méthodes d’enseignement. Ce qui se traduira par moins d’heures d’enseignement, plus d’élèves par classe, la suppression des cours dédoublés, moins (ou plus du tout) de pratiques artistiques, de sorties culturelles, de classes transplantées, moins de formation professionnelle, plus d’emplois précaires et une seule pédagogie reconnue : la transmission verticale. C’est simple, c’est du bon sens populaire : le professeur parle, les élèves écoutent et écrivent, emportent des devoirs à la maison avec un bon manuel pour impliquer les parents. Les suppressions peuvent encore continuer ! La formation professionnelle des futurs enseignants peut être réduite a minima, les bonnes attitudes et intentions sont bien suffisantes !
Pour flatter l’opinion publique, on sème quelques réformes démagogiques comme l’aide personnalisée, les stages de vacances : les enfants pauvres doivent avoir aussi leurs heures de soutien ! Des mesures en toute charité, qui serait contre ?
On séduit les parents des couches moyennes avec la suppression de l’école du samedi matin. Sans oublier l’assouplissement de la carte scolaire, ce fameux trompe-l’œil qui laisse croire qu’on renforce ainsi la mixité sociale. Les constats et rapports montrent déjà l’inverse : les collèges se vident de leurs meilleurs élèves, certains établissements «Ambition réussite » sont en position de fermeture (celui d’Avignon a fermé ses portes en septembre 2009). Si des lycées d’élite comme Henri IV peuvent se glorifier d’avoir augmenté le nombre de boursiers (de 3 à 6 %), il n’y a même pas 1 % d’enfants des écoles de centre-ville qui rejoignent les établissements situés en zone prioritaire… Le « busing » peu pratiqué ne se fait d’ailleurs que dans un sens ! Qui prendrait le bus pour rejoindre la périphérie ?
 
… de l’autre, on renforce l’enseignement privé
Assez discrètement, il faut le dire, le 12 décembre 2009, Le Monde a révélé que l’État comptait passer contrat avec 58 établissements supérieurs privés dont les cinq instituts catholiques (Angers, Lille, Lyon, Paris et Toulouse) et des écoles de commerce comme l’ESSEC, avec en bonus l’augmentation des subventions. Déjà en 2008, les diplômes ecclésiastiques et profanes décernés par les établissements catholiques supérieurs ont été reconnus lors d’un accord entre le Vatican et la France. Depuis avril 2009, par un décret et sans consultation du Parlement, les universités publiques n’ont donc plus le monopole de l’attribution des titres universitaires.
Pour l’enseignement primaire, la loi Carle oblige les maires à participer, dans certaines situations, au coût de scolarisation des enfants inscrits dans une école privée d’une autre commune. Ce qui pourrait amplifier les conséquences de l’assouplissement de la carte scolaire.
De plus, un fonds spécial a été débloqué pour favoriser la création de 50 nouvelles classes de l’enseignement privé dans les banlieues. Projet renouvelé dans le budget 2010 qui précise que l’enseignement privéest associé au volet éducatif de la dynamique « Espoir banlieues »[1] depuis la rentrée scolaire 2008.
Dans l’enseignement agricole, le privé représente désormais 63 % des élèves, voire 80 % dans certaines régions.
 
Et l’avenir de l’école publique ?
Elle sera réservée au « peuple », mais comme l’entend le président Sarkozy, mot qui dans sa bouche devient méprisant et misérabiliste : le pauvre peuple souffrant, qu’il faut guider, protéger de ses penchants irrationnels et dangereux.
Voici révélées les véritables bases de la nouvelle renaissance que Nicolas Sarkozy déclarait dans sa Lettre aux éducateurs de septembre 2007. On est loin de son grand discours mobilisateur sur le dessein républicain de l’école : des enseignants qui sont le creuset de la nation, les gardiens de la citoyenneté ou les passeurs de la culture.
Et si ce qui reste de l’école publique ne permet pas aux enfants d’apprendre, c’est la faute aux pédagogues. Si les enfants parlent verlan, mettent des capuches et des casquettes à l’envers, c’est la faute aux droits de l’enfant et à l’héritage de Mai 68 !
Mais nous, les pédagogues, nous sommes les héritiers de l’Éducation nouvelle et nous résisterons à cette mise à mort, nous défendrons une école publique et laïque qui rime avec émancipation, une école populaire qui accueille tous les enfants.
 
décembre 2009
 
 

 


[1] Dynamique interministérielle "Espoir banlieues" lancée en février 2008