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Mars 1966

L'un des thèmes du Congrès de Perpignan

Les examens

par C. Freinet

Nous avions, dès le début, délimité la portée de notre thème en précisant que nous nous occuperions exclusivement de la technique des examens.

Nous sommes persuadés en effet que de ce point de vue la critique des examens n’est plus à faire. La cause est entendue. Encore faut-il trouver une technique de remplacement de la technique habituelle.

La technique traditionnelle des examens est simple et générale : on dicte un devoir à faire, des réponses sont à donner à des questions, on corrige et on note.

Il en résulte qu'il est aujourd’hui facile de formuler des critiques contre cette forme d’examen.

— les épreuves en sont mal standardisées ;

— elles ne tiennent aucun compte du travail de l'élève au cours de la scolarité ;

— le niveau des épreuves varie d’un lieu à l'autre, d'une année à l'autre ;

— ces épreuves constituent un appel presque constant à la mémoire et ne mesurent qu’accessoirement l’intelligence et la culture ;

— la correction enfin, n’offre que bien peu de garanties, de justice et d’impartialité.

Sans définir prématurément la forme préconisée pour les divers examens, nous allons essayer de rechercher, en vue du Congrès, les diverses techniques qui seraient susceptibles de nous servir.

1°, Les examens actuels ne comportent qu'un nombre réduit de questions : 2, 3, 4. De ce fait la chance — ou hasard -— jouent un trop grand rôle. Le candidat ne peut pas se rattraper. On a tendance aujourd'hui à donner aux enfants des questionnaires polycopiés qui comportent un grand nombre de questions : 30, 50, 80. L'enfant qui a répondu juste à 75% des questions est admis,

2°. Que sont ces questions?

a) La question pure et simple à laquelle l’enfant doit répondre dans une colonne spéciale :

« Ecrivez en chiffres le nombre trente mille sept cent six unités quinze millièmes

760,8 X 70,5 =

b) Les exercices à trous, qui sont si courants dans tous les manuels et qui sont peut-être les exercices les plus désagréables pour les enfants.

« Il fut blessé dans un...

Ce garçon a une mauvaise vue; il est...

c) Les exercices à trous mais où l’on doit choisir le mot convenable dans une liste donnée de trois ou quatre mots.

« Si on ajoute le reste d'une division au produit du diviseur par le quotient on retrouve le :

(total, dividende, quotient, diviseur, reste)

d) C'est sous cette même forme, mais qui, à mon avis fait bien mieux appel à l'intelligence que le Laboratoire de Pédagogie expérimentale de Genève, a établi des questions de géographie :

« La ville la plus industrielle :

Zurich, Bâle, Genève, Berne,

ou bien le même laboratoire a présenté un choix plus important :

« Comment les habitants de l’Oberland bernois vivent-ils ? (souligne les réponses qui conviennent)

a) de l’élevage du bétail

b) de l’horlogerie

c) de la sculpture sur bois, etc...

ou bien on demande au candidat de remettre en ordre certaines notions :

« Voici des noms de lieux, de régions et de cantons qui ne correspondent pas. Remets en ordre les colonnes région et canton

lieu région canton

Porrentruy Oberland Grisons

St-Moritz Gros de Vaud Berne, etc…

Le même procédé pourrait être employé en histoire et en sciences.

3°. La dictée reste-t-elle une épreuve à recommander ? (Il n’est pas question bien entendu de lui maintenir la note éliminatoire).

a) Contrôle de l'orthographe

Les Belges emploient les questions avec choix de mots :

« La mère serrait le bébé sur son... (sain, saint, sein, ceint, seing)

ou bien les questions ordinaires de grammaire.

b) Après lecture d’un texte, au lieu de poser des questions comme on le fait en France, les feuilles d’examen comportent une douzaine de questions du genre de celle-ci :

« Où habitait le chasseur ? (à la campagne, près d'une mare, dans une ferme, à la ville, on ne le dit pas).

. La rédaction est-elle à maintenir ? Ou ne pourrait-elle pas être remplacée par un mémoire à établir sur la base d'un certain nombre de livres {BT par exemple) qu’on aurait le droit de consulter.

5°. Pour le 1er et le 2e degré : Ne pourrait-on pas laisser les enfants se servir d’un dictionnaire pour l'orthographe des mots?

6°. La pratique d’un travail à construire en partant de livres qu’on soumettrait au candidat serait révélateur de culture, surtout au second degré.

7°. Pourquoi au second degré notamment, ne pas imaginer des travaux constructifs au lieu de faire seulement appel à la mémoire ?

8°. Mais l’organisation de ces épreuves doit se faire aussi en fonction des possibilités de correction.

Malheureusement, peuvent seules être corrigées automatiquement, en partie même mécaniquement, des questions de connaissances et de techniques formelles — celles justement que nous voudrions rendre moins décisives. Comment en atténuer la rigueur?

Le dossier scolaire et les brevets seraient peut-être en définitive la seule solution souhaitable.

Continuez à nous communiquer les systèmes que vous connaissez, qui sont en usage dans divers pays, ou que vous pourriez imaginer. L’ensemble que nous pourrons présenter après notre congrès pourrait alors servir de base pour des conceptions plus rationnelles et plus justes des examens.

C. F.

 

Suppression immédiate de la note éliminatoire en dictée au CEP

Je croyais que cette suppression allait de soi, et que nous ne pouvions guère rencontrer comme opposition que celle d'une certaine bureaucratie.

On me dit que nous aurons à faire face à tous ceux qui mènent une campagne contre la mauvaise orthographe des jeunes.

Il serait peut-être bon, pour l’efficacité de l’action que nous allons mener, de « démystifier » l'orthographe, de lui redonner sa vraie place dans le complexe éducatif contemporain. Qu’on le veuille ou non, l’orthographe ne garde plus sa valeur qu’à l’Ecole. Ce sont de plus en plus les mathématiques et les sciences qui deviennent des disciplines majeures, bien plus importantes que l’orthographe.

Nous devrions, pour la présentation motivée de cette revendication, rechercher des opinions officieuses ou officielles sur la valeur relative des diverses disciplines ; savoir aussi ce que pensent les secondaires qui se plaignent parfois de la mauvaise orthographe des enfants qui leur viennent du primaire, de façon à pouvoir établir notre revendication motivée.

Plus de note éliminatoire en dictée au CEP !

Ecrivez-nous.

C. F.