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Connaissance de l'enfant

Dans :  Formation et recherche › 
Septembre 1964

L'enfant et l'homme restent encore un mystère

pour l'homme.


Connaissance de l'enfant

Les parents ne connaissent pas leurs enfants, et c’est pourquoi ils commettent de si graves erreurs dans leur éducation. Les maîtres ne savent de leurs élèves que ce qu'ils en ont appris à l’Ecole Normale. Disons à leur décharge que la pédagogie traditionnelle, avec son enseignement extérieur à l’enfant, avec ses règles et ses lois, prévues et fixées dans les manuels ne suppose pas forcément la connaissance de l’enfant. S’y appliquent plus particulièrement les éducateurs de classes de Perfectionnement ou de cours pour déficients et inadaptés pour lesquels l’enseignement traditionnel a fait radicalement faillite.

Comment vous orienter pour mieux connaître l'enfant ?

— Lire les livres publiés sur ce thème de la connaissance de l'enfant et dont le nombre ne fait que croître.

Je ne dis pas que cette lecture soit inutile. Il est des auteurs qui scrutent avec maîtrise certains recoins des individus, mais rares sont ceux qui nous apportent une vue générale susceptible de nous aider à mieux comprendre l’être humain dans ses réactions diverses et profondes.

C’est ce qui explique que, dans les réalités de la vie, les auteurs de livres de psychologie ne comprennent pas mieux les enfants que le vulgaire des vivants. Je crains même que, au nom de principes erronés, ils ne commettent souvent plus d’erreurs que les parents qui réagissent tout simplement avec bon sens et amour.

A notre sens, les études psychologiques ne sauraient être des travaux de dilettantes. Il ne s'agit pas d’étudier l’intelligence en soi, la mémoire ou l’imagination, comme on étudierait une roche par simple curiosité, sans but, sans se demander si la roche, selon ses qualités, peut avoir quelque utilité et si une meilleure connaissance de l’intelligence ou de la mémoire peut aider les processus d’éducation.

Ce sont là les mêmes erreurs scolastiques qui sont en cause : on étudie chaque science séparément sans l'intégrer obligatoirement dans le complexe de vie. D’où de fausses conceptions des rapports réciproques des divers éléments.

Dans mon livre : Essai de Psychologie sensible, j’ai fait suivre chaque chapitre d'une application pédagogique. C'est en effet dans le comportement des enfants dans le milieu familial, social ou scolaire, qu’on peut vérifier le bien-fondé ou l’erreur d’une explication psychologique, si apparemment scientifique qu’elle soit. Et c’est encore à cette application pédagogique que nous mesurerons la valeur des recherches dont les livres nous apportent la relation.

Si l’auteur n’a pas fait lui-même cette opération d’application pédagogique, nous vous conseillons de l'essayer vous- mêmes. Si le livre vous aide pour un meilleur comportement et un meilleur travail des enfants, il est à recommander. Dans le cas contraire le livre n'est qu’un mur branlant auquel vous ne pouvez faire confiance.

— Employer les tests : Si les tests de connaissances peuvent avoir leurs vertus et rendre des services dans le rôle qui leur est propre, il n’en est pas de même pour les tests psychologiques et de comportement sur lesquels noirs faisons les plus expresses réserves.

Il est des tests qui permettent effectivement de sonder les individus, mais la technique en est excessivement longue et délicate et ne peut être opérée que par des spécialistes. Il y a danger à laisser manœuvrer ces outils par des amateurs ou par des professionnels mal informés, ou pressés d'aboutir.

Il n’est pas anormal d’ailleurs que quiconque s'occupe individuellement des enfants, s’intéresse à eux, les interroge, les écoute, les suit, les regarde travailler et jouer, parvienne à mieux les connaître, quelle que soit la méthode de mesure employée.

Nous chercherons d’autres voies.

— La psychanalyse : Elle nous a apporté un progrès considérable qui consiste à admettre et à comprendre que les causes les plus difficiles du comportement ne sont pas forcément celles qui sont les mieux définies et apparemment les plus scientifiques.

Il y a toute une science de l’imprécis, de l'informulé, du subconscient, de toute cette vie profonde dont une partie seulement, et pas la plus efficace, affleure à la compréhension et à la conscience.

Mais cette science en est encore à son balbutiement. Certains auteurs l'ont systématisée trop tôt en créant des notions et des vocables dont nous ne sommes pas assurés qu'ils expriment toujours quelque réalité.

La question vaut d'être étudiée attentivement par nous, en relation notamment avec les enseignements de l'expression libre et de la création personnelle, que nous avons mis à l’honneur. Les psychanalystes, comme les testeurs, se prévalent de certaines cures. Mais jouent là exactement les mêmes incidences que nous avons signalées pour les tests : le seul fait de se lier intimement à des individus qui, d’ordinaire, souffrent justement de l'abandon moral et de l’isolement où les confine le milieu, peut à lui seul contribuer à dénouer certains complexes.

Vous prenez ces individus, vous les suivez dans les méandres complexes de la vie, vous les aider à dépasser leurs problèmes. Quelle que soit ici la méthode employée, comme pour les tests, les résultats en seront toujours marquants.

Que la psychanalyse nous apporte une méthode efficace de prospection, cela ne fait pas de doute. Vous pouvez vivre de très près avec un ami sans le connaître vraiment, car vous n'avez été confronté qu’à ses réactions superficielles, Et c'est pourquoi aussi vous ne comprenez qu'imparfaitement vos enfants avec lesquels vous vivez pourtant des journées et des ans. Mais un jour, quand les cheminements profonds, refoulés par votre autoritarisme ressurgissent au grand jour par des voies inconnues, vous en êtes, trop tard, douloureusement surpris,

Mais cette méthode psychanalytique suppose qu'une personne compétente s’occupe spécialement, à longueur de journée, du même malade, ce qui n’est possible que pour les privilégiés de la fortune qui disposent de temps et d'argent.

Et c'est pour la grande masse que nous prétendons travailler.

Dans L'Educateur

Nous aurons donc une rubrique sur les Techniques Freinet thérapeutiques, pour laquelle nous vous demandons dès maintenant votre contribution.

— Nous avons la prétention d'ouvrir une voie nouvelle pour la connaissance de l’enfant par notre théorie psychologique du Tâtonnement expérimental,

— Nous en discuterons ici tout au long de l'année. Nous ne nous contenterons pas d’en discuter. Nous vous mobiliserons nombreux pour vérifier, à grande échelle s'il est vrai que, dans la vie, tous les processus sont à base de Tâtonnement expérimental. Examinez un jeune chien, un jeune chat, un petit enfant. Notez leurs réactions. Photographiez si possible.

Nous commencerons dans notre prochain numéro la publication des documents.

— La commission d'études du bégaiement vous donnera toutes instructions,

— Et enfin nous vous signalons que nous recevrons toujours avec plaisir les dessins libres pour :

- La Genèse des fleurs ;

- des vaches ;

- des soleils.

Du papier pour dessin sera adressé à nos collaborateurs.

— Pour notre documentation nous ouvrons une enquête permanente sur la Vie des enfants.

Nous recevrons avec plaisir toutes les diapositives qui vous paraissent à quelque titre significatives : scènes diverses de Tâtonnement expérimental ; enfants travaillant en classes ; chefs d’œuvres divers, etc...

Nous paierons le prix des diapositives.

C.F.