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Edito Créations n° 87

Juin 1999
 

CréAtions n° 87 - Traces - publié en mai-juin 1999

Edito

 

Du gribouillis comme trace

   Qui n’a pas, en téléphonant ou en suivant un cours à l’école, gribouillé des dessins, traces de moment de vacance de l’esprit, qui présentent autant d’emboîtement de formes géométriques et/ou de schémas figuratifs que l’on s’emploie à remodeler encore et encore ?

Téléphoner ou suivre des cours magistraux font partie de ces déclencheurs qui peuvent favoriser le départ d’une œuvre.

Il faut attacher la plus grande importance à ces « états d’indétermination » car la forme y est « à venir ». Agissant sur le ça, ces actions sont de l’ordre de la provocation d’une « dissociation schizoïde », première phase du processus créateur selon Didier Anzieu ; d’autres préfèrent parler d’inspiration, d’élan…
 
En dehors de l’action intentionnelle qu’est l’acte graphique (souvent induite par l’enseignant), ces états d’indétermination existent aussi potentiellement dans la nature : c’est par exemple l’amoncellement de pierres qui peuvent devenir trace d’une ancienne maison suivant un raisonnement phénoménologique ou métaphore de la guerre suivant un raisonnement symbolique.
 
Car l’indétermination est toujours codifiée par la suite : elle devient « interprétation ».
 
Ainsi Isabelle Palissier, après avoir laissé sa main errer au hasard, tente ensuite de ramener les traits à des formes plus nettes. Elle pourrait aussi bien, en levant les yeux à l’extérieur de la salle de classe, « voir » dans les lézardes du mur d’en face les traces de « personnages aux attitudes étranges », comme nous y invitait déjà Léonard de Vinci à la fin du XVe siècle.
 
Il faut que nous, pédagogues, rendions les enfants capables d’être attentifs aux indéterminations, les amenions à en dégager les « traces » qui renferment le(s) sens, sur des supports traditionnels ou à partir de l’observation de la nature.
 
Ainsi le carnet de croquis peut être un déclencheur de cette sorte, car il permet de laisser son esprit vacant, sans crainte de jugement (sans crainte de la censure aussi qui jugule la création), puis de gribouiller en observant soit le monde extérieur soit son imagination. Il permet peut-être surtout « d’oublier » son dessin, de garder la possibilité de pouvoir le reprendre plus tard, à tête reposée, et de s’apercevoir que la lisibilité première du gribouillis a laissé place à une autre forme , sa « trace », qui émerge maintenant et qu’ils suffit de compléter.
 

Hervé Nùňez

  

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