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L'étape expérimentale de la pédagogie Freinet est aujourd'hui franchie

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Septembre 1963

L'étape expérimentale de la pédagogie Freinet est aujourd'hui franchie

Nos techniques doivent maintenant s’implanter dans la masse des classes

 

Nous ne sommes pas seuls à le constater. L'administration elle-même reconnaît que toutes les créations nouvelles doivent être imprégnées de la pédagogie de l’Ecole Moderne, en attendant que l'école elle-même accepte de reconsidérer ses fondements, ses techniques de travail et son esprit.

Nous demandons à nos lecteurs de se reporter à notre dernier numéro (n° 20) de L’Educateur, qui donne un résumé de la circulaire ministérielle du 18 juillet 1963 recommandant notre pédagogie dans les classes de transition en cours d'expérimentation. Les circulaires pour les classes terminales et, plus avant, celles sur les Travaux Scientifiques Expérimentaux avaient constitué d'ailleurs une première ouverture officielle sur nos techniques et sur notre pédagogie.

Nous avons longuement examiné la situation qui en découle pour essayer d'y adapter nos travaux, nos réalisations, et la conception même de nos efforts. Il le faut si nous voulons progresser. Sinon, d'autres prendront notre place dans un processus d'évolution que nous avons rendu irréversible. Et ils nous trahiront pour mieux exploiter notre œuvre généreuse.

L'officialisation de nos techniques est en cours. Nous connaissons les dangers de cette opération. Nous savons à quel point on peut vider notre œuvre de son contenu comme on l’a fait pour l'œuvre de Decroly. Mais nous pensons aussi avec confiance au vaste mouvement de recherche que nous avons créé, aux milliers d'éducateurs dont nous sommes assurés du total dévouement pour l'œuvre commune. Et comme cette officialisation est en somme notre but, nous l'envisageons avec hardiesse.

Non pas que nous comptions tirer de cette officialisation des avantages et des appuis qui nous ont toujours été refusés. Mais, nous avons pendant quarante ans poursuivi nos expériences en étant persuadé que, si elles avaient vraiment les vertus que nous leur savions, nos techniques seraient inévitablement un jour employées dans la grande masse des écoles, avec ou sans notre label, et qu’elles constitueraient alors un des éléments décisifs du progrès pédagogique national et international.

Cela sera, certainement, car notre pédagogie a désormais fait ses preuves. Mais son succès peut s’étaler sur plusieurs générations comme il pourrait, si nous savons profiter des courants favorables, animer sous peu — ou ranimer — tous les processus d'éducation et de culture contemporains.

L’ère d’expérimentation de base est d’ailleurs terminée. Notre pédagogie a pris forme, définitivement. Elle a ses fondements psychologiques, pédagogiques et sociaux que reconnaissent éducateurs et administration. Son matériel et ses techniques sont rodées. Elle a déjà ses traditions, ses classes-témoins et ses stages, ses productions convaincantes, ses défenseurs et ses fidèles.

Il nous faut affronter l’épreuve

Ce n’est d’ailleurs pas pour nous un fait nouveau, mais tout simplement une forme différente de la longue lutte que nous avons entreprise contre cette forteresse médiévale : la scolastique. C'est à même nos classes difficiles, handicapées par la tradition, soumises aux inspections et aux examens, que nous avons oeuvré, jetant témérairement nos idées explosives dans un milieu hostile où elles germaient très capricieusement.

On nous dira que pour pénétrer dans la masse des écoles, nous serons contraints à bien des accommodements, qu’il nous faudra aménager nos techniques au point de les rendre parfois méconnaissables, et nous plier à bien des exigences administratives. Nous le savons, mais nous savons aussi que la victoire de notre pédagogie est à ce prix et que, si notre effort vaut aux générations d’enfants et d'éducateurs qui sont aujourd'hui dans l'impasse un peu plus d’efficience, une plus grande joie au travail et une nouvelle confiance en la vie, nous n’aurons pas perdu notre temps.

Voilà, pour ceux qui jugeraient imprudentes nos décisions, notre justification majeure, que nous avons tenu à vous donner avant de vous présenter quelques-uns de nos projets essentiels. D’autres suivront dans les prochains numéros.

Notre revue L’Educateur

Nous avons beaucoup tâtonné, depuis de longues années, pour savoir quelle figure définitive nous allions donner à notre revue.

Après de multiples essais pour toucher les jeunes, nous sommes aujourd'hui devant un état de fait :

L'Educateur est l’organe de liaison et de travail des 4 à 5 000 camarades délibérément engagés dans nos techniques. Et c'est sur leurs intérêts et leurs besoins qu'il est plus particulièrement axé, à une sorte de deuxième degré difficilement accessible, nous le savons, aux débutants. Mais il ne nous est pas actuellement possible d’éditer une revue spéciale pour les nouveaux venus, que nous toucherions d’ailleurs difficilement. Il leur faut, à eux, des rencontres départementales ou régionales, des visites d’école, des stages et, peut-être les cours par correspondance dont nous allons parler.

Il en résulte que notre Educateur gardera en gros l’allure et l’orientation des années précédentes. Nous ne changerons à peu près rien à la partie générale où nous discuterons au mieux de toutes les questions d'actualité touchant notre pédagogie et où nous continuerons notamment notre rubrique : Comment je travaille dans ma classe, où nous ne négligeons pas le problème de nos techniques dans les écoles de villes.

C’est plus spécialement de la partie pédagogique que nous voudrions dire un mot.

Ces dernières années et l’an passé notamment, nous avons fait un gros effort pour la présentation de fiches-guides dont l'idée est loin d’être dépassée mais peut prendre selon nous une forme nouvelle.

Le temps n’est plus où il nous fallait réaliser au jour le jour notre matériel pédagogique sans lequel nos techniques n’étaient pas applicables. Nous avons aujourd’hui un matériel complet qui permet un bon travail scolaire. C’est de l’usage pédagogique de ce matériel que nous aurons plus particulièrement à discuter.

Nous donnerons donc moins de fiches de sciences, de géographie et d’histoire, mais nous étudierons en détail comment, dans les diverses classes, l’instituteur peut les utiliser avec un maximum de profit.

— Utilisation intensive des BT ;

— Emploi des SBT pour la préparation technique des Plans de travail ;

— Emploi des fichiers auto-correctifs, et, bientôt des bandes enseignantes ;

— Organisation et exploitation pédagogique de la correspondance interscolaire.

De ce fait les plans de travail que nous présenterons pour les diverses disciplines comporteront surtout des références à nos diverses réalisations. Ce n'est que lorsqu’il y aura un trou grave dans la documentation que nous rechercherons BT ou fiches pour y parer.

Nous continuerons cependant la production de fiches-guides et — nouveauté — nous entreprendrons immédiatement la réalisation coopérative de nos bandes enseignantes dont nous parlons d’autre part.

Les camarades qui veulent aller plus avant dans la connaissance psychologique et philosophique de notre pédagogie sont invités à s’abonner à Techniques de Vie, complément nécessaire de L'Educateur, qui contribuera à leur donner l’indispensable culture Ecole Moderne.

Cours par correspondance Ecole Moderne

Comment entraîner les jeunes à nos techniques?

L'Educateur, nous l’avons dit, ne saurait y pourvoir. La propagande-propagande s’avère impuissante. Nos stages sont certes décisifs mais, même avec l'extraordinaire éclosion de cette année, ils ne touchent qu’une partie infime du personnel enseignant. Et pourtant les récentes circulaires ministérielles se référant à nos techniques engagent les éducateurs à se renseigner, à s'initier, à expérimenter.

Ne comptons pas sur l'administration pour nous aider à pourvoir à cette nécessaire information de base. On va, paraît-il, en charger les CEMEA qui ne sont évidemment nullement préparés à une telle tâche.

Nous avons pensé qu’un Cours par correspondance répondrait au désir croissant et de plus en plus manifeste de s'initier à la pédagogie moderne.

Ce cours, que nous allons débuter incessamment, comprendra une partie théorique et une partie pratique et technique conçue sur la base de l’expérimentation en classe.

Nous avons prévu :

— Un cours élémentaire qui répondra aux besoins des débutants et des éducateurs désireux de mieux connaître les Techniques Freinet.

— Un cours supérieur qui s’appliquera à perfectionner les camarades qui, après s’être essayés aux Techniques Freinet, sentent la nécessité d’aller plus avant, et surtout plus profond dans la connaissance de cette pédagogie.

Ces cours comporteront chacun 10 leçons (une leçon mensuelle) pour le prix de 25 francs destinés à couvrir les frais de fonctionnement.

Faites-vous donc inscrire sans délai.

Pour la mise au point technique d'une pédagogie valable pour les écoles de ville :

Que nous le voulions ou non, et quelles que soient les difficultés à surmonter, il nous faut affronter cette tâche à bref délai, ou démissionner.

La proportion des classes rurales, qui étaient les plus favorables à la pratique de notre pédagogie, va s’amenuisant. Les ramassages s’ajoutent à la dépopulation des campagnes pour entraîner la fermeture des petites écoles. Et là où restent encore ouvertes de nombreuses classes, elles fonctionnent souvent dans des conditions très peu favorables, avec un personnel nouveau qui n’a pas le temps de penser à une impossible modernisation.

Et en contrepartie s’enflent les écoles de villes dont nous avons bien dit souvent les tares : surcharge des classes et exiguïté des locaux, impossibilité pour les maîtres de suivre leurs élèves, isolément des camarades Ecole moderne dans les écoles-casernes.

Il nous faut nous attaquer à ce problème, expérimenter les techniques possibles dans ce contexte difficile, compte tenu de l’inexpérience des maîtres et du médiocre équipement des classes.

En nous basant sur l’expérience méthodiquement menée et contrôlée de notre ami Vandendriessche, IP à Boulogne et de Simone Vandendriessche, Directrice d’école qui ont introduit dans leurs classes de ville la méthode naturelle, nous allons rechercher expérimentalement quelles techniques pourraient dès maintenant être introduites avec profit dans les écoles de ville :

— Textes libres ;

— Plans de travail ;

— Correspondance ;

— Albums ;

— Conférences.

Sans oublier notre grande nouveauté, le travail par boîtes et bandes enseignantes.

Cette pratique de la boîte enseignante pourrait bien être une initiative décisive pour l'accession des classes de ville à une pédagogie plus efficiente.

Pour un manuel de méthode naturelle CP-CE

Nous avons décidé, de plus, une entreprise qui nécessite quelques explications préalables.

Les classes actuelles, même à la ville pratiquent assez bien le texte libre, mais ne poussent guère plus avant dans la voie nouvelle. La scolastique reprend aussitôt ses droits avec les manuels en usage, leurs exercices et leurs devoirs non rattachés aux intérêts vitaux de l’enfant.

Or, nous savons tous les avantages d’une exploitation pédagogique de ces textes libres, avec lecture de textes d’enfants et d’adultes, recherches de vocabulaire et de grammaire, d’histoire et de géographie.

Nous réalisons plus ou moins régulièrement cette exploitation avec nos fiches documentaires, nos BT, nos Plans de travail, tous matériels et techniques qui ne seront pas avant longtemps à la disposition des maîtres urbains.

Nous voudrions faciliter cette exploitation par l’édition d’un manuel spécial d'une conception toute nouvelle.

Quand le texte libre est voté et écrit au tableau, nous chercherons sur le manuel s’il y a un chapitre correspondant. Le texte parle en automne des châtaignes.

Nous chercherons dans le manuel le chapitre se rapportant aux châtaignes et nous trouverons là :

— un texte d’enfant se rapportant aussi à ce thème ;

— un, deux ou trois textes d’adultes traitant des châtaignes en automne ;

— les exercices de chasse aux mots et de grammaire correspondants ;

— des directives pour une exploitation éventuelle dans les autres disciplines.

Nous aurions en somme un guide précis et une aide précieuse pour ce travail.

Nous n'aurons certes pas toujours dans notre manuel un centre d’intérêts correspondant à notre texte. Mais nous allons, avec une équipe de travailleurs chercher, en compulsant de nombreux journaux scolaires, quels sont les centres d’intérêts les plus fréquents, selon les saisons.

Notre manuel comporte une centaine de centres d'intérêts, permettant dans l'année cent bonnes exploitations, ce qui serait certainement très satisfaisant.

On dira : vous ressuscitez les manuels après les avoir condamnés.

Nous avons condamné les manuels qui, par leur automatisme, n'ont aucune assise dans notre vie et qui contraignent l’enfant à exécuter des travaux qui ne lui sont en aucune manière consubstantiels. Mais si nous évitons cette tare des manuels scolastiques, nous pouvons réaliser un outil de travail de première valeur.

Nous allons donc incessamment :

1°. - Préparer l’enquête qui nous permettra d’établir notre liste de 100 centres d’intérêts.

2°. - Nous chercherons ensuite ensemble :

— les textes d’enfants se rapportant à ces -centres d’intérêts ;

— les textes d’adultes et d’écrivains ;

— les travaux complémentaires à exécuter.

Vous pouvez dès maintenant vous proposer pour ce travail.

***

Nous avons extrait de notre copieux Plan de travail les entreprises qui nous paraissent devoir retenir tout particulièrement notre attention.

— Les Conférences Pédagogiques porteront cette année sur le dessin. Excellente occasion pour faire connaître nos techniques et nos réalisations artistiques. Lisez à ce sujet notre rapport paru en début de mois dans L'Educateur n° 20. Demandez-nous tous documents propagande surtout sur :

le livre d’Elise Freinet : L'Enfant Artiste ;

L’Art Enfantin ;

La Nouvelle Gerbe, etc...

— A l’occasion de la parution de la Nouvelle Gerbe nous remettrons en honneur le dessin enfantin quelque peu négligé au cours de ces dernières années.

— Dans le cadre du fonctionnement de notre Centre International de l’Ecole Moderne à Aoste, nous allons préparer la réalisation d’une exposition artistique circulante internationale.

— Le thème du prochain Congrès sera :

Une pédagogie moderne pour le monde d'aujourd'hui et de demain.

Nous présenterons ce thème dans nos prochains numéros.

— Nous expliquerons dans notre prochain numéro ce que nous pouvons faire pour le Parrainage des écoles des pays en voie de développement.

— Nous allons mettre sur pied, en France, en Italie, en Suisse et en Belgique, une série de Conférences pour lesquelles nous allons contacter les personnalités qui s'intéressent à la modernisation de l’école. C.F.