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Pour le parrainage des écoles des pays en voie de développement

Octobre 1963

Notre devoir d’hommes

J’ai voulu attendre, pour vous parler de cette entreprise grave, que les camarades aient liquidé leurs difficultés de rentrée pour penser aux projets qui ouvrent davantage nos esprits, notre horizon et notre cœur.

L'UNESCO a lancé cette année une grande campagne contre la faim. Bien sûr tout ce qui peut adoucir la misère de ceux qui souffrent est en l’occurrence souhaitable. Mais une telle campagne ne sera humainement profitable que si, dépassant les combinaisons politiques ou commerciales, elle peut entraîner les hommes à une autre compréhension de leurs devoirs d'hommes.

Les éducateurs devraient être les premiers à participer à cette campagne. Nous n'y aiderions pas s'il s'agissait de faire verser à jour fixe une petite aumône dont le produit se diffusera dans les mécanismes de la bureaucratie officielle, et qui ne sera que le geste autrefois classique du bourgeois qui faisait l'aumône d'une centième partie de son superflu pour libérer sa conscience et assurer son propre standing de vie.

Nous voudrions faire plus et éduquer nos enfants à la conscience qu'existent de par le monde des enfants comme eux qui souffrent de la faim et de l'ignorance et qu’il faudrait contribuer à sauver.

Pendant la guerre d'Algérie, les éducateurs ont été souvent à l'avant-garde de ceux qui réclamaient pour les Algériens le droit de disposer d'eux-mêmes et de vivre librement. Nous devons être encore à l'avant-garde de ceux qui aident les petits Algériens à s'instruire pour devenir des hommes dignes d'un avenir de bien-être et de liberté pour leur pays. 

Or, il est un fait, hélas ! que nous ont longuement révélé les Maghrébins présents au stage de Vence de cet été : les écoles surtout en Algérie, fonctionnent dans des conditions de détresse incroyables : manque de locaux, manque et mauvaise préparation des instituteurs — mais nous n’y pouvons pas grand-chose, directement. Les enfants eux-mêmes sont mal habillés et ont faim. Nous y pouvons peut-être quelque chose. Mais ils n’ont pas même de livres en classe, pas toujours des cahiers parfois même pas de porte-plumes.

Et cela reste malgré tout notre humble rayon.

Nous avons beaucoup parlé à Vence de l’aide que nous pouvons apporter aux écoles et aux enfants des régions si totalement déshéritées. Et, contrairement à notre attente, nous nous sommes heurtés à une résistance de dignité de la part des Algériens. Ils ne veulent pas l’aumône, et ils ne veulent pas que, dès l’Ecole, nous habituions les enfants à l’aumône, à cette aumône qui est le reliquat le plus humiliant du colonialisme.

Et nous les comprenons.

Mais ce qu’on ne reçoit pas sans une certaine gêne de la part d’un inconnu qui vous aide simplement parce qu’il vous sait dans la misère, on l’accueille d’une toute autre façon venant d’hommes ou d’écoles qu’on connaît et qu’on aime.

Et c’est pourquoi nous n’avons pas voulu organiser des collectes anonymes, à remettre aux organismes, anonymes eux aussi, de quelques services officiels internationaux. Notre service ne s’occupera que de parrainage. Les parrains, dans la tradition, ce sont ceux qui, à la naissance s'engagent à aider moralement, humainement plus encore que pécuniairement les filleuls.

Nous serons ces parrains.

Nous vous désignerons des écoles du Maghreb ou d'Afrique Noire qui souhaitent le parrainage d'écoles françaises. Nous avons déjà quelques adresses. Nous vous mettrons en relation avec l’école et les enfants que nous vous indiquerons. Vous leur écrirez et vous ferez écrire vos élèves, non pas, au début, dans l’espoir d’en retirer un quelconque bénéfice pédagogique, mais simplement pour les aider.

Et nous pouvons tous aider beaucoup dans ce domaine.

Chacune de nos écoles pourrait s'engager à procurer à l'école parrainée, l'essentiel des fournitures scolaires indispensables : des manuels et des livres, des revues, des cahiers, des crayons, des porte-plumes et des stylos billes.

Par la suite, quand vous vous connaîtrez mieux, mais pas tout de suite, quand vous serez mieux en confiance, pour n'offenser personne, vous pourrez envoyer des habits, des conserves et des gâteries. 

Tout est possible. Nous ne vous fixons aucun programme. Vous laisserez parler votre cœur. Vous éduquerez vos enfants à la générosité et à l'humanité. Vous les aiderez à sortir d'eux- mêmes, à sortir de leur milieu pour prendre déjà une certaine attitude militante.

On regrette beaucoup, et nous le regrettons aussi, qu'il n'y ait plus de formation morale et civique à l'école.

Faites-vous inscrire Immédiatement pour le parrainage d'une école déshéritée. Vos enfants seront les premiers à en bénéficier, Et parce que vous serez nombreux, très nombreux à vous inscrire à ce service, vous signifierez que se continue la noble tradition de l'Ecole Moderne qui, à travers les dramatiques épreuves qu’elle a traversées depuis trente-cinq ans, a toujours su montrer que l'éducation de la dignité et du cœur était en tête de son programme.

Un courrier régulier de l'Educateur fera connaître les demandes et les affectations.

Béruti et le groupe de la Loire prennent la responsabilité de ce service. Mais écrivez pour toute demande et Inscription à CEL, BP 282 Cannes (A.-M.) «Service du parrainage».

C.F.

• Si vous utilisez les interlignes plastiques, prenez garde que l'essence à la longue les dissout. Avant de nettoyer, dégagez-les et ne laissez que les composteurs.

• Cours coopératif et gratuit d'ESPERANTO :

Renseignements : s'adresser à Lentaigne, 3, avenue de la Gaillarde, Montpellier, contre enveloppe timbrée à votre adresse

• Gonnaud informe ses correspondants qu'il n'exerce plus à Montfarville (Manche), mais à Tourlaville. école Emile-Zola dans un CE 2.

Madame Gonnaud exerce à Cherbourg, école de filles, rue Cachin, où elle a un CFE.

• Par suite de mutation au CEG d'Avranches (Manche) le journal scolaire ESPOIR de notre camarade Drieu ne paraît plus et dit au revoir à tous ses anciens correspondants.

NDLR : Nous citons ici, et Drieu nous le pardonnera, les lignes qui accompagnaient ce communiqué : « J'ai quitté Guilberville non sans déchirement puisque j'y étais depuis ma sortie de l'Ecole Normale, c'est-à-dire depuis 22 ans, et que l'expérience pédagogique que j'y menais dans le cadre des Techniques Freinet depuis 1947 m'apportait de grandes satisfactions et la joie de vivre. »