Raccourci vers le contenu principal de la page
Octobre 1933

Malgré le désir que nous aurions de ne plus parler ici de celte affaire, nous croyons qu'il est de notre devoir d'apporter les derniers éléments qui jettent un jour nouveau sur ceux qui, au lieu d’être aux côtés de Freinet comme ils le devaient, se sont ingéniés à le trahir.

Le déplacement d'office, dont nous connaissons les raisons véritables, est motivé notamment par l’« agitation que, postérieurement aux événements d'avril, j'aurais tenté de maintenir dans le village ».

Les preuves ? Nous savions qu’il ne pouvait pas y en avoir. L'administration s'est servie pour parvenir à ses buts, d’accusations calomnieuses portées contre nous par le jeune suppléant, M. Causse.

Mais comment, pourquoi, ce M. Causse que nous nous étions appliqués à recevoir fraternellement à son arrivée à Saint-Paul a-l-il rempli ce triste rôle de calomniateur et de mouchard ?

Fin juillet, j’ai demandé aux deux Syndicats de l’Enseignement de venir faire à Saint-Paul une enquête commune pour faire justice de ces accusations. Une commission comprenant trois camarades de chaque syndicat s’est rendue à Saint-Paul, le 23 juillet dernier, a entendu les jeunes suppléants, Mme Freinet et moi-même.

Une révélation importante devait lui être faite. Je cite le compte-rendu de l’enquête :

« Par lettre, l’inspecteur primaire avait demandé à Causse de lui fournir chaque samedi un rapport détaillé sur :

La fréquentation scolaire ;

Les difficultés rencontrées :

La discipline ;

Les leçons particulières données par qui ? Où ? Comment ? Et quand ? »

Causse s’exécute et, approuvé par la directrice de l'école de filles qui est chargée, au 2° degré, de cette surveillance, il nous accuse formellement :

D’avoir poussé les élèves contre lui pour lui rendre impossible toute discipline ;

D'avoir excité les parents qui sont allés le prendre à partie :

D'avoir poussé les parents il faire faire grève à leurs enfants.

Aucune de ces accusations n'est fondée sur un semblant de preuve car elles sont de vulgaires calomnies. Je demande à l’Académie de venir enquêter sur ces faits. L’Académie refuse.

En attendant, voici, sous forme de motion adressée à l'I.A., au Préfet et au Ministre, les conclusions de la commission d'enquête :

« La Commission d'enquête comprenant des délégués des deux syndicats de l’Enseignement, après s'être rendue à Saint-Paul et avoir étudié impartialement les raisons invoquées par l’Administration pour motiver le déplacement d'office de Freinet, les juge non fondées et demande aux pouvoirs publics de revenir sur leur décision.

Elle déplore les procédés utilisés par l'Administration pour dresser des instituteurs les uns contre les autres pour le plus grand profit des adversaires de l’Ecole ».

Après cela nos camarades jugeront. Quand l'administration n’a pas d'arguments pour donner satisfaction aux réactionnaires ennemis de l’école, elle organise le mouchardage et, des renseignements obtenus elle se sert, sans en vérifier la valeur pour condamner un instituteur contre lequel elle n'avait pris aucune accusation sérieuse.

Si nous ne pouvons faire rendre justice, crions au moins notre dégoût en face de procédés qui déshonorent l'administration de l'Enseignement.

C. F.

P.S. — Je suis effectivement nommé à Bar-sur-Loup où j’ai fait classe un jour, le 29 juillet (mes anciens élèves, aujourd’hui dans la grande classe, ont, spontanément, cherché au fond des placards, notre vieux matériel d’imprimerie, reclassé les caractères et travaillé tout le jour à 4 ou 5 pour imprimer un texte que chaque élève emportait le soir. Triomphe normal et spontané de l’imprimerie à l’Ecole !)

A l’heure où j’écris ces lignes, je ne sais pas encore le sort exact qui me sera réservé, les déclarations ministérielles contredisant les actes de l’inspecteur d’Académie.

Quoi qu'il en soit la Coopérative continue à fonctionner normalement à Saint-Paul où doit être adressée toute la correspondance.